Déclaration du gouvernement et débats Assemblée Nationale sur les Rapatriés d'Algérie le 2 décembre 2003 troisième partie séance de nuit , première partie des débats , deuxième partie des débats
   
Assemblée nationale Compte rendu 3ème séance
Session ordinaire de 2003-2004 - 33ème jour de séance, 84ème séance3ème
SÉANCE DU MARDI 2 DÉCEMBRE 2003
PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT vice-président
Sommaire
DÉCLARATION DU GOUVERNEMENTET DÉBAT SUR LES RAPATRIÉS (suite)
PARTIE 3

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.*

DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT ET DÉBAT SUR LES RAPATRIÉS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite du débat sur les rapatriés.
M. Georges Colombier
- J'ai été le témoin direct d'une guerre qui n'a pas dit son nom. J'ai été l'acteur parfois mal compris des efforts parlementaires pour reconnaître cette guerre, puis pour lui donner une date officielle de commémoration. Mon engagement n'avait pour but que de permettre à la nation d'exercer son devoir de mémoire à l'égard des victimes du conflit et de l'exil. Je ne peux donc que me réjouir que le Gouvernement offre à la représentation nationale une nouvelle opportunité de débattre de la politique en faveur des rapatriés. Mais si ce débat fait naître les plus grands espoirs, il suscite en même temps la crainte de perdre une fois de plus l'occasion de clore un passé qui ne passe pas. Il faut reconnaître au Président de la République, au Gouvernement et spécialement à vous, Monsieur le ministre, la volonté de garantir la solidarité nationale envers les rapatriés. La création de la mission interministérielle aux rapatriés en fut le premier exemple. De nombreux efforts visent à approfondir le devoir de mémoire, avec la journée nationale d'hommage aux harkis, le 25 septembre, le mémorial national pour la guerre d'Algérie, quai Branly et le mémorial de l'oeuvre française d'outre-mer à Marseille. D'autres expriment une reconnaissance matérielle, avec les allocations de reconnaissance pour les harkis et leurs veuves, le plan harki et le délai supplémentaire accordé aux salariés pour leur retraite complémentaire. D'autres enfin visent à poursuivre le dialogue avec les rapatriés et à préparer l'avenir, avec l'installation du Haut conseil des rapatriés, la mission de bilan et de prospective confiée à Michel Diefenbacher et le débat parlementaire. Toutes ces actions méritent d'être saluées comme un effort sans précédent du Gouvernement, dans le droit fil des engagements du Président de la République, pour améliorer la situation des rapatriés en général et de la communauté harkie en particulier, trop souvent touchée par l'exclusion. Les harkis et leurs descendants ne doivent pas être déçus par le pays dont ils sont amoureux et pour lequel ils ont pris les armes et seraient prêts à recommencer, ainsi qu'ils me l'ont dit. C'est vers eux que la solidarité nationale doit converger, alors que 68 % de la population estime que la France s'est mal comportée à leur égard. Une attention toute particulière doit être portée aux propositions 13 à 17 du rapport Diefenbacher, relatives à l'accompagnement matériel des familles. Il s'agit notamment du choix entre le doublement de l'allocation de reconnaissance et une mesure mixte, combinant une majoration de la rente et l'attribution d'un capital, des mesures en faveur de la première et de la deuxième générations et une discrimination positive en matière d'emploi et de logement, tant que le taux de chômage de la communauté restera anormalement élevé. Ces efforts matériels ne sauraient faire oublier notre devoir de mémoire et de reconnaissance. Le rapport suggère la création d'une fondation d'utilité publique dédiée à la mémoire des harkis et à l'intégration de leurs enfants. La priorité en faveur des familles de harkis n'est pas incompatible avec la prise en compte de nombreuses revendications légitimes des associations de rapatriés, parmi lesquelles la poursuite de la reconstitution des droits à la retraite des salariés ou la restitution des sommes prélevées au titre des lois de 1970 et de 1978. C'est à ce prix que nous pourrons enfin commencer à apaiser cette souffrance de la mémoire collective et faire de l'oeuvre française outre-mer un souvenir assumé. Deux expositions récentes permettent de fonder des espoirs : l'une présentait l'architecture du paysage urbain d'Alger pendant la colonie sous un jour positif et l'autre mêlait les souvenirs d'une communauté heureuse, disparue d'un coup. La France s'est engagée dans un lourd travail de mémoire envers ses enfants victimes de la guerre. Cette déchirure est encore difficile à imaginer pour les jeunes générations. Perpétuer la mémoire est un devoir, et je rends hommage au Gouvernement qui s'y attache. Mais si le souvenir est essentiel, il faut aussi multiplier les efforts de réparation pour le sang versé, les racines perdues et l'intégration forcée sur un sol inconnu mais adoré (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Lionnel Luca.

- Vendredi aura lieu la première célébration officielle de la fin des combats en Afrique du nord. Cette date, choisie par la commission présidée par Jean Favier à l'unanimité moins une voix, est déconnectée de toute signification historique. Traditionnellement, l'armistice ou le cessez-le-feu s'imposent comme date d'une célébration nationale, mais les morts, en l'occurrence, ont été plus nombreux après le cessez-le-feu que pendant toute la durée du conflit. C'est si vrai que la représentation nationale a reconnu la guerre en Afrique du nord entre janvier 1952 et le 3 juillet 1962, date de l'indépendance algérienne. Il convient donc, pour l'Etat, de donner toute l'importance qu'elle mérite à cette première célébration. Plus de quarante ans après, il est temps que justice soit rendue à toutes les victimes de la raison d'Etat et de la falsification historique. Les Français d'Algérie n'ont pas été défendus comme ils auraient dû l'être ; la fusillade de la rue d'Isly et le massacre d'Oran en sont de tragiques illustrations. Ceux qui ont été engagés comme supplétifs dans l'armée n'ont pas été protégés comme ils auraient dû l'être, et les survivants ont été mis à l'écart dans un pays inconnu. C'est donc une dette matérielle, mais aussi morale qui doit être réglée. La France a un devoir de mémoire et de reconnaissance envers ceux qui ont bâti son empire. La France doit être fière de son oeuvre civilisatrice, en particulier en Afrique du nord. Sans la France, l'Algérie d'aujourd'hui n'existerait pas. C'est la France qui lui a donné son territoire et son identité, qui l'a organisée et développée. L' oeuvre de la France outre-mer est méconnue et déformée, voire calomniée, sous le vocable de colonialisme. Nous n'avons pas à rougir de la colonisation, engagée par la gauche à la fin du XIXe siècle au nom des grands principes républicains. Elle doit être réhabilitée, car c'est elle qui a donné naissance à la francophonie. Les quelque cinquante Etats qui y participent, sous la houlette bienveillante de la France, sont tous issus de notre empire. Quel plus bel hommage que celui rendu par des pays qui, ayant acquis leur indépendance, acceptent librement de s'engager aux côtés de l'ancien colonisateur pour défendre sa langue, sa culture et les droits de l'homme ? Cet hommage doit se concrétiser à Marseille, avec le mémorial de l'oeuvre française outre-mer, à laquelle le rapport Diefenbacher rend justice de manière exemplaire. Je souhaite simplement que le Gouvernement prolonge sa réflexion sur un certain nombre de points : en terminer avec l'indemnisation des rapatriés, des harkis de la première génération et des supplétifs européens ; favoriser l'accès à l'emploi et au logement des enfants de harkis des deuxième et troisième générations ; obtenir du gouvernement algérien le libre accès de son territoire pour tous ceux qui en sont originaires et l'entretien des cimetières trop souvent abandonnés ou profanés, et obtenir des informations sur les enlevés disparus ; ouvrir les archives françaises et algériennes à une commission mixte qui permette d'écrire une véritable histoire de l'Algérie française ; reconnaître les erreurs, les insuffisances et surtout témoigner l'hommage de la nation aux survivants de ce drame. Malgré les difficultés de l'heure, il est nécessaire d'en terminer avec la réparation matérielle due à ces compatriotes. Il est surtout indispensable que vienne le temps de la réparation morale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Grand - Robert Lecou

S'associe à mon intervention. Je garde toujours en mémoire le souvenir de l'arrivée des familles rapatriées d'Afrique du nord, comme j'ai une pensée pour les maires de ma région qui ont su leur offrir le meilleur accueil possible. Quarante ans plus tard, nous avons le devoir de reconnaître tout ce qu'ils ont apporté aux régions où ils se sont installés. Auparavant, par leur travail, l'amour de leur terre, ils ont contribué pendant un siècle à l'oeuvre de la France outre-mer. Qu'ils en demeurent fiers, comme nous leur en sommes reconnaissants. Je félicite le Gouvernement d'avoir compris que le 19 mars ne pouvait être la journée nationale d'hommage aux morts pour la France pendant la guerre d'Algérie. La guerre n'a pas cessé ce jour-là. Souvenons-nous des 1 736 disparus après cette date, des 145 soldats tués et des 102 autres disparus après le cessez-le-feu. Souvenons-nous de l'assassinat de 2 000 Oranais lors de l'horrible journée du 5 juillet 1962, et de l'exécution, vers le 15 juillet, de milliers de harkis dans les forêts de Tlemcen. Choisir le 19 mars comme journée du souvenir aurait offensé la mémoire de ces victimes et de leurs familles. Le 19 mars n'a pas été un jour de gloire pour notre nation, sachons le reconnaître. Sur le plan matériel, je souhaite des mesures urgentes en faveur des 21 000 rapatriés d'Algérie et des 7 500 rapatriés du Maroc et de Tunisie dont les dossiers entrent dans l'application de l'article 46 de la loi de 1970. Ils ressentent la façon dont on les a traités comme une injustice. On ne la réparera ou on ne l'atténuera qu'en restituant à ces familles les sommes prélevées au titre de cet article 46.De même, j'insiste pour que l'on assure la sécurité matérielle des épouses et veuves de harkis. Majorer la rente leur garantirait un minimum vital. La nation ne peut se soustraire à cette mesure de solidarité et de reconnaissance. Enfin, il faut clôturer les quelques centaines de dossiers d'aménagement des dettes des " réinstallés " actuellement à l'étude. Je félicite encore M. le Premier ministre d'avoir eu le courage d'organiser ce débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Rudy Salles

- Les députés UDF, attachés à la cause de leurs frères pieds noirs et harkis, auxquels l'Etat a tant tardé à accorder sa reconnaissance, saluent la décision du Gouvernement d'organiser ce débat. L'un des nôtres, André Santini, chargé de cette épineuse question en 1986, sut faire avancer les dossiers et pieds noirs et harkis lui en sont reconnaissants. Peu de réformes d'envergure ont été accomplies depuis lors. Nous voulons aujourd'hui témoigner notre reconnaissance aux rapatriés, dont la contribution a été essentielle au développement de notre pays. Il est indispensable d'accomplir le travail de mémoire pour les jeunes générations qui n'ont pas connu les huit années atroces de la guerre civile, ni ne savent les conditions dramatiques de l'exode des pieds noirs et des harkis qui ont pu échapper aux massacres. Les rapatriés attendent que justice leur soit rendue. La nation doit reconnaître leurs sacrifices, comme elle a commencé à le faire timidement pour les harkis. Les rapatriés attendent aussi qu'elle répare les torts qu'elle leur a causés ou qu'elle a laissé leur porter sans les protéger. Si les opinions demeurent partagées sur la nécessité pour la France de renoncer à sa présence en Algérie, il y a consensus pour reconnaître que les conditions de l'indépendance ont gravement lésé les Français d'Algérie de toutes confessions. Après le cessez-le-feu, le sang n'a cessé de couler. Qui n'a été révolté en entendant l'enregistrement de la fusillade de la rue d'Isly ? Aux appels désespérés de " halte au feu " répondit le bruit des armes qui firent cent morts et plus de deux cent blessés parmi les manifestants pacifiques. Faute de réparation, les familles de ces innocentes victimes n'ont encore pu faire leur deuil. La France n'a pas su protéger la population civile contre les enlèvements et les massacres, a restreint les recherches sur les disparus, a rapatrié un million de nationaux dans une totale improvisation. N'a-t-elle pas sacrifié les Français d'Algérie à la raison d'Etat ? La question dérange mais mérite d'être posée. Le rapport de M. Diefenbacher suscite l'espoir dans son introduction, mais la suite a déçu les rapatriés. Sur l'indemnisation, il n'est guère audacieux. Or, elle a été fragmentaire et tardive et les trois premières lois n'auraient couvert que 22 % des préjudices subis. De plus, les régimes d'indemnisation sont multiples et complexes, les procédures longues et ardues, la séparation entre ceux qui y ont droit et ceux qui n'y ont pas droit pas toujours logique. Même si les contraintes budgétaires sont fortes, il faut prendre en compte les attentes des rapatriés. Le groupe UDF veut, comme eux, que la question de l'indemnisation soit réglée une fois pour toutes. Nous ne voulons pas avoir à voter une nouvelle loi dans dix ans et nous ne cautionnerons donc ni les demi-mesures ni les indemnités au rabais.
M. Kléber Mesquida - Très bien !

M. Rudy Salles

- Certes, le rapport propose des mesures positives comme la restitution des sommes prélevées au titre de l'article 46 de la loi de 1970 et de l'article 3 de la loi de 1978 ou la revalorisation des retraites des anciens cadres de l'Algérie française. Mais globalement, il reste insuffisant, qu'il s'agisse de rétablir la vérité historique ou de terminer l'indemnisation. Sur l'après 19 mars, seul le sort des disparus fait l'objet d'une mention assez timide. Si ce rapport est une étape importante, il reste au Gouvernement à prendre les mesures que les rapatriés attendent. Au-delà de la dette matérielle, la République doit s'acquitter de la dette de sang qu'elle a contractée envers les harkis. Nous nous sommes indignés quand le Président Bouteflika, en visite en France, a osé les traiter de " collabos ", injuriant toute la communauté nationale dont ils font partie.
M. Kléber Mesquida - Très bien !

M. Rudy Salles

- Nous espérons que depuis le voyage du Président Chirac en Algérie, il y a eu une évolution sur ce point. Ce n'est qu'en respectant la mémoire de tous que nous pourrons construire une société plus sereine. Le groupe UDF demande qu'un effort financier important soit consacré aux harkis. Leur allouer à chacun un capital de 20 000 €, comme le propose le rapport, ne compensera pas vingt-cinq ans d'errance, de souffrance et d'exclusion. Pour effacer définitivement notre dette, nous demandons que ce capital soit revalorisé. Il faut également prendre en compte le fait que les indemnités allouées tant aux harkis qu'aux rapatriés dans leur ensemble sont versées à des personnes qui ont, pour la plupart d'entre elles, plus de 70 ans. Nous demandons, outre que ces indemnités soient exonérées d'impôt sur le revenu, que la communauté harkie et rapatriée bénéficie de droits de succession à taux préférentiel, voire de leur exonération totale. Il ne faudrait en effet pas reprendre ces indemnités par l'impôt ! Les générations futures doivent pouvoir hériter d'une indemnisation substantielle, et non d'un reliquat d'indemnités amputé des droits de succession. Il est temps de songer à un dispositif efficace qui permette à la deuxième génération de harkis de s'intégrer pleinement dans notre société. Alors que le rapport Diefenbacher évoque de manière abstraite un dispositif de discrimination positive à son profit, nous demandons, nous, des mesures concrètes pour que le taux de chômage anormalement élevé qui sévit dans cette communauté diminue enfin - bourses d'étudiants attribuées de façon prioritaire, emplois réservés dans l'administration...J'évoquerai maintenant un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui des supplétifs de souche européenne auxquels on a refusé le bénéfice de l'allocation de reconnaissance allouée aux harkis depuis 1987, alors même qu'ils ont accompli des missions extrêmement périlleuses au service de la nation dans les formations supplétives et que certaines personnes ont bénéficié, elles, indûment de l'allocation de reconnaissance par le biais de la directive du 30 janvier 1989. Comme leurs frères musulmans, les supplétifs de souche européenne ont, pour beaucoup, payé de leur vie leur engagement aux côtés de l'armée française, été la cible de massacres après-guerre et vécu un exil douloureux, suivi d'une intégration difficile en métropole. Les traiter de manière différente des premiers serait enfreindre le principe constitutionnel d'égalité devant les citoyens. Aujourd'hui, la communauté harkie, d'une seule voix, réclame l'attribution de l'allocation de reconnaissance aux supplétifs de souche européenne. Je demande donc au Gouvernement de rendre justice à cette communauté, qui ne dépasse d'ailleurs pas trois cents personnes. Elle a besoin de la reconnaissance de la nation, non de son indifférence, pis de son ingratitude. Je ne peux, enfin, passer sous silence la controverse suscitée par le choix de la date du 5 décembre pour rendre hommage aux morts pour la France lors de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie. Ce choix a suscité des réactions diverses parmi les anciens combattants et dans leurs associations, de l'approbation à l'opposition la plus nette. Il était indispensable de perpétuer l'hommage rendu à la troisième génération du feu, tout spécialement à ceux tombés en Afrique du Nord. Nous regrettons donc profondément que le Gouvernement ait choisi une date qui a contribué à relancer le débat. Nous avions refusé la date du 19 mars pour plusieurs raisons. D'une part, parce que les morts et les souffrances n'ont pas cessé à cette date : nous avons tous en mémoire le drame du 26 mars à Alger ou encore du 5 juillet à Oran, et la période terrible, couleur de sang, qui s'est alors ouverte pour la communauté harkie, massacrée. Le 19 mars restera dans l'histoire comme la date d'un accord de paix non respecté, c'est-à-dire d'une défaite. Or, que je sache, les défaites ne sont célébrées dans aucun pays. D'autre part, la date du 19 mars ne concerne pas tous les rapatriés, puisqu'elle laisse à l'écart ceux du Maroc et de Tunisie. Lors du débat organisé à ce sujet par le précédent gouvernement, nous avions exprimé le souhait que la date retenue soit le plus consensuelle possible, car les monuments aux morts doivent être des lieux où la communauté nationale se rassemble, et non se divise. Le Gouvernement a pensé que la date du 5 décembre serait neutre. Elle n'a, hélas, aucune signification ni sur le plan historique ni sur le plan de la mémoire et risque bien d'alimenter la polémique. Il faut trouver le moyen de commémorer dignement cette page douloureuse de notre histoire.
Une question mérite encore d'être évoquée, celle de la situation des cimetières en Algérie. Faute de la présence des familles, beaucoup sont à l'état d'abandon, mais certains, les cimetières juifs en particulier, ont été profanés. Qu'a fait l'Etat français auprès de son homologue algérien sur le sujet ?En conclusion, je me félicite de l'organisation de ce débat ici aujourd'hui, qui a permis de faire le point sur la situation, mais nos amis rapatriés attendent des pouvoirs publics d'abord des mesures concrètes. Nous espérons donc que le Gouvernement annoncera un calendrier précis. Les rapatriés ne peuvent attendre davantage, eux qui n'ont pas attendu, dès leur retour en métropole, pour mettre leur amour de la France et leurs talents au service de notre pays. Leur installation sur le territoire métropolitain s'est traduite par des progrès significatifs pour l'ensemble de la collectivité nationale. Au nom de la reconnaissance due et de la justice, nous vous demandons solennellement de répondre à ces demandes en souffrance, afin de clore définitivement ce dossier douloureux et laisser enfin l'Histoire faire son oeuvre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste).

M. Daniel Spagnou

- Voilà quarante et un ans que l'une des pages les plus difficiles de notre histoire s'écrivait en Algérie. Personne n'a oublié le lourd tribut payé au lendemain des accords d'Evian par les pieds-noirs et les harkis. Il ne faut pas oublier ces patriotes combatifs qui ont fait partie de la belle et renommée Armée d'Afrique, non plus que les sacrifices des milliers de Français d'Afrique du Nord qui, après cent trente années de dur labeur, et parfois de sang versé, ont été déracinés de leur terre natale. Le traumatisme et les souffrances qu'ils ont subis suscitent encore leur douleur et expliquent leur forte demande de reconnaissance et de réparation. L'histoire de la France en Algérie, c'est aussi, et avant tout, celle de milliers de familles européennes, qui ont fait la grandeur de notre nation outre-mer. Ce n'est que justice de rouvrir ici aujourd'hui le débat sur les rapatriés. Au nom de tous nos concitoyens, des rapatriés et de leurs descendants, je rends hommage à ce Gouvernement qui en a pris l'initiative, répondant ainsi à la volonté du Président de la République d'aborder ce sujet avec courage et responsabilité. Nous pouvons être fiers de l'action menée depuis dix-huit mois par ce Gouvernement, qui a permis de renouer le dialogue avec l'ensemble des rapatriés, dans le prolongement de ce qui a été fait par notre famille politique depuis quarante ans. Je me réjouis que ce Gouvernement ne se contente pas de saupoudrer des aides mais s'attaque véritablement aux problèmes fondamentaux, comme le Président de la République lui-même s'y était engagé. Une première étape a été l'instauration de la journée d'hommage national aux harkis, le 25 septembre. Devoir de mémoire, devoir de vérité et devoir de reconnaissance, voilà la triple dette d'honneur que le Président Chirac s'est engagé à honorer. Et le Gouvernement a déjà beaucoup avancé dans cette voie. Contrairement à notre collègue Salles, je trouve remarquable le rapport de Michel Diefenbacher. Le travail de fourmi réalisé par la mission interministérielle aux rapatriés a permis d'établir un bilan objectif et précis des actions menées par le passé, d'écouter les demandes des associations représentatives et de formuler des propositions destinées à parachever l'effort de reconnaissance de la nation. Il est grand temps, après tant d'années de refus, de regarder la tête haute cette page d'histoire, afin de pouvoir la refermer. Nous avons le devoir historique de saisir l'occasion qui nous en est donnée. Je souhaite, pour ma part, que soit présentée une grande loi de programmation qui irait plus loin que les propositions du rapport Diefenbacher, et se rapprocherait de la proposition de loi Soisson que j'ai cosignée. A la logique d'assistance, substituons celle de la responsabilité et de l'initiative. Cette loi devra être généreuse, quitte à être étalée dans le temps. Il nous faut aussi, par souci d'équité, prendre en compte la situation des harkis arrivés individuellement en France, lesquels n'ont perçu à ce jour aucune indemnité, effacer les disparités de traitement entre régions pour l'accession à la propriété, et élargir l'aide à la réinstallation.
Patriotisme, nationalité et liberté, les harkis et les pieds-noirs en connaissent tout particulièrement le prix. Ils ont dû travailler dur pour s'en sortir, élever leurs enfants et leur donner une situation meilleure que la leur. Plus que jamais, notre pays doit faire face à son histoire, dans le triomphe comme dans les blessures, et regarder l'avenir, réconcilié avec lui-même. D'où l'importance de ne pas manquer le prochain rendez-vous législatif. Saint-Exupéry faisait dire au Petit Prince : " Il y a des choses qu'on ne voit bien qu'avec le coeur ". Alors, une fois pour toutes, mettons du coeur à cet ouvrage et ne laissons pas seulement entrevoir la lueur d'un espoir. Montrons-nous courageux pour apurer notre passé, affirmer notre présent et construire notre avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Fenech

- A l'heure de ce débat historique, je regrette que les bancs de la gauche soient si dégarnis. Si la majorité n'était pas aussi bien représentée, nous débattrions à la sauvette, avec plus de public dans les tribunes que de députés dans l'hémicycle. Mais cela n'a rien d'étonnant quand on sait que la gauche n'a jamais rien fait de tangible, lorsqu'elle était au pouvoir, pour les pieds-noirs et les harkis rapatriés.

M. Kléber Mesquida
- Un peu de dignité, je vous prie. Pas de polémique !

M. Georges Fenech.

- Je ne polémique pas. Je réponds à M. Bacquet, que j'ai applaudi tout à l'heure. Pourquoi avez-vous voulu faire adopter la date du 19 mars, à laquelle le Président Mitterrand lui-même était opposé ? Pourquoi le précédent gouvernement a-t-il fait charger les CRS lors d'une manifestation de harkis devant l'Assemblée nationale ? (Protestations de M. Mesquida et de Mme Mignon)
C'est seulement un constat. Et, pour ma part, je suis fier d'appartenir à une majorité qui, quarante ans après, va enfin reconnaître les injustices subies par les rapatriés. Nous débattons ce soir par la volonté du Président de la République, attaché à ce que la République " assume son devoir de mémoire " (Interruptions de Mme Mignon). Laissez-moi parler, je vous prie. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez aujourd'hui l'occasion, historique, de prendre les mesures voulues par le chef de l'Etat et attendues par le pays. Malheureusement, à entendre certaines répliques, j'ai le sentiment que rien n'est encore réglé. J'ai entendu, y compris dans ma circonscription, certains maires socialistes et communistes annoncer qu'ils ne pavoiseraient pas le 5 décembre. Tout a été dit déjà sur l'injustice subie par les pieds-noirs, dont l'oeuvre n'a pas été reconnue, et sur l'injustice dont ont été également victimes nos amis harkis, abandonnés à leur triste sort. Il nous faut ouvrir les archives, afin d'établir la vérité. Je voudrais en terminant rappeler la mémoire de ce capitaine harki qui nous a quittés il y a peu, qui fut le seul à désobéir aux ordres du général Katz et sauva des centaines de pieds-noirs. Monsieur le ministre, attachez votre nom à une loi historique, que la France attend pour se réconcilier avec elle-même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Giran

- Voilà un peu plus de quarante ans, des hommes et des femmes attachés à une terre où ils étaient nés et qu'ils avaient su faire prospérer durent la quitter sans délai. Depuis, avec leurs enfants, ils attendent de l'Etat que soit enfin assumé pleinement par la communauté nationale le traumatisme sans précédent qu'ils durent subir. La communauté harkie attend légitimement une reconnaissance de ses sacrifices, elle qui paya de plusieurs dizaines de milliers de morts le choix de la France. Notre dette est immense. Les harkis et leurs enfants ont eu parfois l'impression que l'ajournement des décisions tenait lieu de politique. Seuls les gouvernements issus de la même majorité que la nôtre ont pris des décisions positives, en particulier en 1987, en 1994 et en 2001.C'est l'honneur du Président de la République et du Gouvernement de vouloir honorer la communauté harkie et célébrer le devoir de mémoire le 25 septembre et le 5 décembre. C'est leur honneur de s'engager dans la réalisation d'un mémorial de l'œuvre de la France outre-mer. Mais la reconnaissance morale ne suffit pas. Il est de notre devoir de passer des symboles aux actes et, dans le cadre d'un véritable plan Marshall pour les harkis, de leur permettre enfin de se sentir Français à part entière.
Tout d'abord, un nouveau capital doit être attribué aux harkis. Le rapport de notre collègue Diefenbacker propose soit un doublement du montant de l'allocation de reconnaissance, soit l'attribution d'un capital de 20 000 € joint à une augmentation de 30 % de l'allocation. Ce serait déjà un progrès important, mais pour solder définitivement la situation, je propose l'attribution d'un capital un peu plus important, afin de répondre aux besoins des familles, toutes générations confondues, d'autant que si on leur avait attribué un capital plus vite, son montant actualisé serait beaucoup plus important que ce dont nous parlons aujourd'hui. En deuxième lieu, il convient de faciliter le logement des harkis. Une discrimination positive, qui ne ferait que compenser la discrimination négative dont ils ont longtemps été victimes, doit favoriser leur accession à la propriété. On peut aussi leur attribuer des quotas minimaux de logements sociaux. Enfin, il faut favoriser l'accès à l'emploi, notamment pour les jeunes. C'est d'autant plus légitime que les conditions de vie auxquelles ils ont été soumis ne leur ont pas toujours permis une scolarité normale. Il serait bon de s'appuyer sur les lois de décentralisation pour imposer aux communes et aux conseils généraux de réserver des emplois aux membres de la communauté harkie. L'administration d'Etat devrait s'imposer la même obligation. Une décision législative en cette matière nous éviterait de devoir sans cesse intervenir en faveur de personnes dont il faudrait simplement reconnaître les droits. On pourrait également envisager de rendre les membres de cette communauté éligibles à des prêts à taux zéro pour créer leur entreprise. Jamais nous ne pourrons solder les dégâts psychologiques et humains de cet épisode de notre histoire. Faisons notre possible pour réparer au mieux les dégâts économiques et sociaux. Permettez-nous, Monsieur le ministre, d'être fiers de la France, cette France que les harkis portent au fond de leur coeur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Roland Chassain .

- Je suis particulièrement ému d'évoquer la mémoire des harkis et supplétifs de l'armée française en Algérie. J'ai en effet la fierté et l'honneur d'être le député de Mas-Thibert, petit village situé sur la commune d'Arles qui a accueilli au lendemain des accords d'Evian le Bachaga Saïd Boualem, accompagné de membres de sa harka et de leurs familles. Je veux dire à tous ses descendants, et en particulier à son fils Lacèhne Boualem, combien la France est fière des hommes qui se sont battus comme lui avec un tel amour pour le drapeau tricolore. Les députés lui avaient rendu hommage à leur manière en l'élisant à l'unanimité à quatre reprises à la vice-présidence de l'Assemblée nationale. Je suis aussi maire des Saintes-Maries-de-la-Mer, où repose l'un des trois généraux qui avaient refusé d'obéir. La nation a une responsabilité dans les terribles drames qui ont touché les harkis et leurs familles, et la France se doit de leur apporter réparation. Mais j'ai été choqué par une récente opération que je serais tenté de qualifier de révisionniste, puisqu'elle essayait de faire passer le général de Gaulle pour un monstre sanguinaire, alors que c'est le FLN qui porte la responsabilité des massacres de harkis et supplétifs (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Ceux dont les familles de pensée ont pendant tant d'années manifesté leur amitié pour le FLN feraient mieux de balayer devant leur porte. M. Chirac a été le premier à prendre avec détermination d'importantes mesures en faveur des harkis en 1987. La loi Romani de 1994 a poursuivi cet effort. Plus récemment, l'instauration de la journée du 25 septembre, à la demande du Président de la République permet à la nation d'affirmer sa reconnaissance envers des hommes qui l'ont servie avec fierté, au péril de leur vie. Nous devons maintenant achever notre action par des mesures fortes et définitives. La mission confiée à notre collègue Michel Diefenbacher était difficile. Cosignataire de la proposition de loi de Jean-Pierre Soisson, je souhaiterais que le Parlement soit appelé à légiférer à partir de ce texte ambitieux et profondément juste. Nous pourrons également nous inspirer de la proposition déposée par notre collègue Francis Vercamer en particulier à l'égard des femmes, veuves ou divorcées. Par ailleurs, Monsieur le ministre, j'insiste sur le fait qu'on ne peut fixer de plafond de ressources lorsqu'il s'agit de réparer une faute ou d'indemniser un dommage. Enfin, nous avons collectivement le devoir de prendre des mesures courageuses en faveur des descendants des harkis. Nous ne pourrons estimer avoir rempli notre devoir aussi longtemps que ces jeunes compatriotes compteront deux fois plus de chômeurs que les autres citoyens français du même âge. Une mesure particulière doit en outre être prise en faveur des enfants de harkis, pupilles de la nation. Nos amis attendent que la vérité soit dite sur l'histoire de leur tragédie, mais aussi que leur soit enfin accordée la place qui leur est due au sein de la communauté nationale. Une réponse doit être apportée à tous les harkis que j'ai rencontrés dans ma circonscription et dans mon département, en particulier aux amis avec lesquels nous nous sommes recueillis hier sur la tombe du Bachaga Boualem, en présence de M. Renaud Muselier. J'espère que ce débat sera suivi d'une très bonne loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Flory

- Nous connaissons ici l'engagement et le parcours des harkis qui se sont, eux-mêmes ou leurs parents, mobilisés sous le drapeau français au péril de leur vie. N'oublions pas que ces populations avaient aussi largement contribué au développement de l'Algérie, territoire français, pendant des décennies. Par leur engagement à nos côtés, les harkis ont tout perdu. Outre les pertes matérielles, ils ont subi et portent encore dans leur conscience collective le massacre de proches et d'amis. Pour ceux qui ont pu rejoindre la métropole, a commencé le parcours difficile de l'intégration sur un sol où ils n'étaient pas toujours attendus. Aussi leur devons-nous la reconnaissance et le respect qui, par décision du Président de la République, s'expriment officiellement depuis deux ans chaque 25 septembre. La dette contractée par la nation française doit aussi se solder par le développement d'actions ciblées en faveur de l'insertion des nouvelles générations harkies, dans le droit fil des lois de juillet 1987 et de juin 1994.L'effort de formation, condition de l'ascension sociale, doit ainsi être maintenu et amplifié. En effet, l'échec scolaire, les difficultés d'insertion professionnelle, prévalent trop souvent, en dépit de trop rares cas de réussites sociales exemplaires. La volonté nationale nous commande de relever ensemble le défi de l'insertion sociale des populations harkies, en particulier sur les sites historiques de leur première implantation en métropole, comme la commune de Largentière, dans ma circonscription. Ainsi, le soutien scolaire, organisé d'abord avec l'aide de militaires du contingent, doit bénéficier d'actions mieux coordonnées et financées. Pour pérenniser l'aide au suivi de formations qualifiantes et à la mobilité professionnelle, il appartient à l'Etat, au travers de ses services déconcentrés et en application de la circulaire de février 2003, de définir des programmes d'actions ciblées, en partenariat avec les collectivités locales. La déconcentration des moyens permettra d'agir avec souplesse et réactivité. Les harkis, et en particulier les plus jeunes, veulent vivre comme toutes les familles de France. Notre histoire commune justifie que nous les y aidions.
Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir souhaité ce débat sur les rapatriés. Je vous remercie de prendre en compte les propositions de M. Diefenbacher et celles de la représentation nationale. Je vous remercie de vouloir bien concrétiser les attentes d'une communauté qui nous a tant donné (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Le débat est clos.

M. Hamlaoui Mékachéra,

Secrétaire d'Etat aux anciens combattants - Je remercie chacun des orateurs. La hauteur, la chaleur de vos discours marquent un moment historique pour les rapatriés. Ce moment était très attendu. J'ai éprouvé une intense émotion à l'évocation de " ces pionniers partis les mains nues " décrits par Michel Diefenbacher, qui ont porté au plus haut les valeurs de la France et servi jusqu'au sacrifice suprême le drapeau français. Tous, vous souhaitez apporter des réponses efficaces à leurs attentes matérielles et morales. C'est aussi la volonté du Gouvernement. Nous tiendrons le plus grand compte de vos propositions, de l'esprit de solidarité nationale et de reconnaissance qui les animait. Je vous confirme notre décision de déposer un projet de loi. J'adresse des remerciements particuliers à ceux qui ont salué les mesures déjà prises par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, conformément à la volonté du Président de la République, qui suit avec attention la situation des rapatriés. Evoquant les tragédies qu'ils ont subies, vous avez tous soulevé la question de la vérité historique et des responsabilités, notamment celle de l'Etat français, dans les drames intervenus après le 19 mars 1962.Sur ces sujets encore très présents dans les mémoires, les polémiques ne font pas avancer le débat. Les évènements douloureux qui ont conduit la France et l'Algérie à séparer leur destin soulèvent toujours les passions, des deux côtés de la Méditerranée. Il est vrai que le silence qui entoure cette période devient trop lourd. Certes, l'expression du devoir de mémoire et de reconnaissance a largement été engagée en 1994 et a repris activement avec ce gouvernement. Le travail de vérité doit s'exercer aussi bien sur les évènements dramatiques qui ont suivi en Algérie les accords d'Evian que sur les conditions du rapatriement des harkis dans une métropole qui ne les attendait pas. La guerre d'Algérie fut, comme toute guerre qui engage les populations civiles, le théâtre de haines et d'atrocités. Nombre de familles n'ont jamais pu faire le deuil de leurs proches en raison des circonstances et de l'absence d'explications. Elles demandent aujourd'hui à être éclairées. Le Gouvernement souhaite que l'examen des archives par les historiens y contribue. Déjà le rapport établi par la Croix rouge internationale en 1963 sur le sort des prisonniers et disparus en Algérie a été communiqué à des historiens, et la direction des archives du ministère des affaires étrangères a identifié plus de 3000 dossiers. Ceux-ci n'étant communicables que passé un délai de soixante ans, nous étudions la possibilité de dérogations pour les familles concernées. Le Gouvernement n'a donc pas hésité à ouvrir les archives de la guerre d'Algérie. Il faut encourager les historiens à travailler pour que la prise de conscience collective s'exerce en toute objectivité. Le Président Teissier, M. Merly et M. Salles m'ont interrogé sur les cimetières français en Algérie, thème important de la visite du Président de la République en Algérie en mars 2003.La France et l'Algérie coopèrent déjà activement et des travaux importants ont été réalisés. Un plan de réhabilitation sur cinq ans a été établi. Une commission technique franco-algérienne s'est d'abord attachée à dresser un état précis des 549 cimetières dénombrés. Dès demain, l'ambassade de France va mettre sur internet un recensement qui porte sur près de 200 cimetières. Je vous invite à consulter ce site. Le ministère des affaires étrangères va présenter un calendrier de travaux prioritaires en liaison avec les autorités algériennes, la mission interministérielle aux rapatriés et les associations de rapatriés. Pour répondre aux collectivités territoriales qui ont souhaité participer financièrement au plan de réhabilitation lancé par l'Etat, un fonds de concours sera prochainement ouvert par le ministère des affaires étrangères. Nombre d'entre vous ont souhaité voir mise en valeur l'oeuvre de la France outre-mer. C'est une priorité du Gouvernement. Il est plus que temps de veiller à conserver et à transmettre le patrimoine historique et les richesses culturelles léguées par les rapatriés. Le Premier ministre a annoncé en août dernier que l'Etat participerait au projet de mémorial lancé à l'initiative de Jean-Claude Gaudin et apporterait 5 millions d'euros en crédits d'investissement. Monsieur Teissier, je vous assure que le maire de Marseille et moi-même serons attentifs à y associer les rapatriés. Nous disposerons ainsi d'un outil de valorisation de l'engagement français outre-mer. Monsieur Roubaud, cette période de notre histoire doit être mieux traitée dans les manuels scolaires, je vous l'accorde. En liaison avec mon collègue de l'éducation nationale, nous nous y employons. Un groupe de travail a d'ailleurs été constitué, auquel participent des rapatriés. MM. Kert, Fenech, Roubaud, Lachaud, Douste-Blazy et Diefenbacher ont évoqué les mesures de réparation encore nécessaires à l'égard des harkis et de leurs familles. Le Gouvernement partage cette approche. C'était déjà l'esprit de la loi Romani de 1994.Il s'agit pour nous d'améliorer la vie quotidienne des harkis ou de leurs veuves en revalorisant significativement l'allocation de reconnaissance, qui, dès le 1er janvier prochain, sera portée à 453 € par trimestre. Nous connaissons par ailleurs les difficultés éprouvées par les harkis pour justifier de titres de propriété qui leur auraient permis d'être indemnisés. C'est pour y remédier que les lois de 1987 et 1994 avaient prévu des allocations forfaitaires de 60 000 puis de 110 000 F. Le Gouvernement sera attentif à votre souhait de voir compléter les efforts déjà accomplis. MM. Flory, Kert, Vercamer et Douste-Blazy m'ont interrogé sur les jeunes issus de familles harkies. L'accès à l'emploi est essentiel pour eux, d'autant qu'ils souffrent plus que d'autres du chômage. Il s'agit de les accompagner dans les dispositifs d'accès à l'emploi et à la formation jusqu'à leur insertion professionnelle. Il s'agit aussi, je l'ai dit, de mobiliser les grands employeurs publics. Les premières actions sont actuellement conduites sous le contrôle des préfets. Elles seront suivies, dès 2004, d'opérations ciblées sur les départements les plus concernés. M. Fenech l'a souligné, les cas de réussite professionnelle des enfants de harkis sont nombreux. Pour qu'ils le soient encore plus, il convient de se battre contre le fléau de la discrimination. Afin de prendre en compte les revendications légitimes des anciens supplétifs et de leurs familles, le Gouvernement a décidé de prolonger en 2004 les mesures d'accession à la propriété, le désendettement immobilier, et de réactiver également les mesures d'aide à l'amélioration de l'habitat. Plus de 50 % des familles harkies sont propriétaires de leur logement grâce à l'action conduite dans le cadre de la loi Romani. M. Lachaud m'a posé la question de la réintégration dans la nationalité française. Essentiellement des veuves, souvent mal informées, ont en effet conservé la nationalité algérienne faute de maîtriser les démarches administratives. Elles ne peuvent bénéficier des mesures législatives prises en leur faveur puisqu'il faut pour ce faire avoir été réintégré dans la nationalité française avant le 10 janvier 1973. Le Gouvernement étudie dans quelles conditions des mesures dérogatoires pourraient être mises en place pour leur permettre de recouvrer la plénitude de leurs droits. MM. Teissier et Salles m'ont interrogé sur la situation des harkis de souche européenne. Le législateur veut témoigner de la reconnaissance de la nation à l'égard de ceux qui, ayant choisi de lier leur destin à la France, ont été contraints de quitter leurs racines et ont éprouvé des difficultés très spécifiques d'insertion en métropole. Les harkis de souche européenne n'ayant pas connu les mêmes difficultés, la reconnaissance de la nation ne peut s'exprimer de manière identique. Cette question reste à l'étude. L'idée d'une fondation harkie évoquée par MM. Kert, Vanneste et Colombier est portée par plusieurs associations qui souhaiteraient favoriser ainsi l'intégration des enfants de harkis et valoriser le travail de mémoire et de vérité sur leur histoire. Le Gouvernement n'est pas défavorable, bien au contraire, à une telle initiative. Monsieur Colombier, je vous informe qu'une réflexion est engagée à ce sujet en liaison avec le Haut conseil des rapatriés. Concernant les crédits en faveur des rapatriés, je vous rappelle, Monsieur Mesquida, qu'en 1987, Jacques Chirac proposait au Parlement de voter une loi d'indemnisation : 30 milliards de francs avaient été prévus. En 1994, la loi Romani reconnaissait les sacrifices des harkis et mettait en place un plan sur cinq ans pour lequel 2,5 milliards de francs avaient été engagés. Mais comment oublier qu'entre 1997 et 2001, les crédits consacrés aux rapatriés diminuaient de 35 % alors que la France se trouvait dans une période de croissance économique ? Depuis 2002, les crédits ont progressé de 33 %.La question de ce qu'il est convenu d'appeler l'article 46 a été abordée notamment par plusieurs d'entre vous. Le Gouvernement souhaite que la solidarité nationale s'exprime pour réparer l'injustice née de l'application des lois de 1970 et 1978. Ces législations prévoyaient en effet des remboursements anticipés de prêts de réinstallation prélevés sur les certificats d'indemnisation. Or, certains prêts ont été effacés en 1986, d'autres non. MM. Kert et Douste-Blazy ont évoqué les personnes qui, ayant dû s'exiler en raison de leur action politique en Algérie, ont quitté leur entreprise ou leur métier ; elles n'ont pu bénéficier des dispositions prévues dans la loi du 3 décembre 1982 pour la reconstitution des carrières des agents du secteur public. Il me paraîtrait normal que ces rapatriés puissent recevoir aujourd'hui une compensation qui améliorerait leurs retraites. En ce qui concerne les médecins rapatriés, un accord est intervenu entre les pouvoirs publics et la direction de la sécurité sociale pour leur permettre de racheter les cotisations de retraite correspondant aux années d'exercice en Algérie. MM. Grand, Bapt et Liberti m'ont interrogé sur les difficultés liées au fonctionnement de la CNAIR. Je rappelle que ce dispositif a été mis en place en 1999 pour prendre la succession de commissions départementales qui étaient en passe de régler cette question, ce dossier ayant fait l'objet de mesures successives depuis 1969. Sur les 26 000 dossiers de réinstallation ouverts lors du rapatriement, 800 environ exigent encore d'être traités faute d'avoir bénéficié pleinement des dispositifs antérieurs. Force est de constater que les mesures prises par décret il y a maintenant près de quatre ans n'ont pas été efficaces. Jusqu'au troisième trimestre de 2002, le nombre de dossiers traités est resté très faible. Dès son arrivée, le Gouvernement a pris plusieurs mesures, et tout d'abord renforcé le personnel. Ainsi, en un an, près de 1 000 dossiers ont été examinés contre 900 entre 1999 et 2001.Par ailleurs, un audit a été demandé par le Premier ministre à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale de l'administration. Les mesures qu'il suggère pour accélérer de manière équitable le dossier de la réinstallation vont être rapidement étudiées, puis mises en oeuvre. Dès à présent, le Gouvernement a souhaité l'inscription de crédits significatifs en loi de finances rectificative pour permettre une accélération des aides de l'Etat. MM. Vercamer, Chassain, Spagnou, Salles et Giran ont interrogé le Gouvernement sur les suites qui seront données au rapport remis par M. Diefenbacher ainsi qu'aux propositions de lois déposées par leurs collègues. Le rapport de M. Diefenbacher a nourri significativement la réflexion des pouvoirs publics. Les propositions de lois que vous avez déposées ces derniers mois montrent tout l'intérêt que vous portez aux harkis et aux rapatriés. Elles ont assurément contribué au débat et alimenté la réflexion du Gouvernement. Voilà les premières réponses que je voulais vous apporter. S'ouvre maintenant une nouvelle étape de notre action, qui reposera sur vos analyses et vos propositions, que nous allons étudier en profondeur. Nous nous retrouverons ensuite autour d'un projet de loi qui permettra de manifester la reconnaissance et la solidarité de la nation envers nos compatriotes, qui lui ont donné beaucoup, et parfois sans retour (Applaudissements sur tous les bancs).La séance, suspendue à 23 heures.
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