Editorial par Joseph Perez

Entre Histoire et Mémoire la voie est tracée.

Un article de loi qui provoque une violent polémique, une mise en discussion brutale d'uu thème de l'Histoire de France, un retrait peu démocratique d'un texte législatif.
Quelques semaines ont passé. Peut-on aujourd'hui retenir de cet épisode attristant de la vie politique française des éléments positifs ?
L'on y a vu des historiens et enseignants considérer comme « insupportable que la loi leur dise de présenter un bilan positif de la colonisation ». Ils sont indépendants à l'égard du pouvoir et rappellent, avec Marc Bloch, que " la différence entre histoire et mémoire, c'est que la première explique et tâche de faire comprendre, alors que la mémoire juge".
Dans ce débat, la mémoire est décriée, dangereuse subjective, jugeant et déformant les faits, produisant des lois mémorielles donc contestables (mais toutes ne le sont pas !). Or, cette mémoire, quand elle n'est pas instrumentalisée par des historiens, fournit un matériau indispensable pour la connaissance et la compréhension : le témoignage.
Témoignage du vécu, des émotions, des engagements, de ces milliers de faits qui décrivent une réalité humaine, cette déposition des individus acteurs de leur vie, observateurs de leur temps participe à la lente et difficile écriture du chapitre d'Histoire Une déposition pour l'histoire, thème d'action du CDHA.
Aussi faut-il le solliciter, le recueillir quand il est encore temps.
Le CDHA vient de décider d'entreprendre une action d'envergure afin de collecter, dans des formes adaptées à la diversité des situations, le plus grand nombre possible de témoignages des hommes et des femmes, de toutes conditions, qui ont vécu cette Algérie du temps des Français.
La légitimité de leur parole est indiscutable, l'intérêt de leur histoire aussi, tant pour leur propre famille que pour tous ceux, étudiants, journalistes, chercheurs, historiens qui, un jour, s'y intéresseront.
Considérant le caractère prioritaire de cette action, nous voulons agir avec le concours de vous tous, adhérents, donataires, amis du CDHA, pour laisser cette trace que les génération futures chercheront dans nos ouvrages pour comprendre leur propre chemin.
Attentifs à vos suggestions, nous présenterons dans un prochain bulletin, les formes et modalités de cette action.
Permettez-moi une réflexion, en forme de conclusion, tirée des évènements relatés ci-dessus : la juste indignation, stérile quand elle se contente d'exprimer ses motifs de colère, peut être un formidable levier d'action quand elle se met au service d'un projet !
Joseph PEREZ