Algérie en 1842 un tapissier Pierre Averseng découvre au cours d'une promenade à Chéragas près d'Alger, les qualités des fibres des palmiers nains, pour remplacer le crin animal son histoire.

 
 

Pierre Averseng
AVERSENG D'EL AFFROUN

Pierre AVERSENG, né en 1810 à CARAMAN (Hte GARONNE) était tapissier quand il vint pour la première fois en Algérie en 1842. Séduit après son court mais intéressant périple, le gascon y revint 4 ans plus tard.
C'est à l'occasion d'une promenade à Chéragas, à 12 kilomètres à l'Ouest d'Alger, qu'il fit une découverte capitale. Déchiquetant machinalement une feuille de palmier nain qu'il venait de cueillir il fut frappé par la similitude des fibres végétaux restés dans ses mains avec le crin animal utilisé dans sa profession. Averseng remarqua la grande solidité de ce textile et il imagina très vite qu'une fois peignées, cordées et teintes, ces feuilles
Devraient avantageusement remplacer le crin animal devenu, au fil des ans, très coûteux.
LE PALMIER NAIN
" DOUM " des Arabes, le " CHAMOEROPS HUMILIS " croît spontanément tout autour du bassin méditerranéen. Sorte de buisson ramifié, aux souches parfois centenaires en Afrique du nord, il se constitue en fourrés bas et impénétrables.
La partie Ouest du Sahal d'Alger en était couverte et l'antique araire des musulmans ne pouvait que contourner ces amas de tiges et de palmes dressés en faisceaux. Jusqu'à l'arrivée des machines à vapeur, l'extraction du palmier nain aux racines démesurées rendit les défrichements des " colons " extrêmement pénibles et onéreux.
Pour peigner les fibres de la plante en se substituant au travail manuel, Pierre Averseng imagina une machine très simple et dès juillet 1847 il prit un brevet. Ne jugeant pas encore l'Algérie assez sûre il créa une usine à Toulouse. La production, alimentée par les ballots de feuilles récoltés en Algérie, ne fut que de 1950 kilos la première année. Six ans plus tard elle atteignait 320 000 kilos.

CHAMOEROPS HUMILIS
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El Affroun
Au tout début le crin végétal servit à confectionner cordes, paniers et corbeilles. Les musulmans firent un succès aux paniers doubles (chouaris) qu'ils plaçaient sur leurs bêtes de somme. Imputrescible, inattaquable par la vermine, d'un prix modique il remplaça sans tarder le crin animal. Son succès fut complet quand on se mit à l'utiliser intensivement par les matelassier, bourrellerie et tapisserie d'ameublement.
La révolution lancée par Averseng fit des émules et 3 usines s'installèrent dans la Mitidja. Après l'incendie de son usine de Toulouse celui-ci n'hésita plus et s'installa à Chéragas, sur les lieux mêmes de la matière première et au milieu des premiers " colons ", ses pourvoyeurs. Puis, en suivant le recul du palmier nain, " victime " de l'avancée de la colonisation, il transporta son industrie à El Affroun en 1867. Emménageant dans une maisonnette bâtie par la troupe et y achetant, quelques mois après, ses premières terres. Son arrivée dans une région peu épargnée par des épreuves de toutes sortes redonna l'espoir à tous. Peu à peu salaires réguliers, petits profits, améliorèrent la condition générale des familles.
L'emplacement de ce qui deviendra la dynamique petite ville d'El Affroun dominait les antiques voies romaines de Sufazar (Blida) à Cesarée (Cherchell) et à Appidum Novum (Affreville). Ces basses collines, d'une centaine de mètres d'altitude, s'avançaient sur les alluvions de la Mitidja, marais meurtrier et pratiquement inhabité. Depuis des siècles les indigènes avaient préféré la montagne côté sud, pauvre mais salubre, aux basses terres, domaine d'élection de la malaria. Le tronçon de route où sera bâti El Affroun était le seul point de passage qui évitait les marécages entourant le lac Halloula.
Au fil du temps c'était devenu un lieu particulièrement propice aux guet-apens ; les frustes montagnards y attaquaient les caravanes et voyageurs isolés aussi bien que les paysans faibles et miséreux. Il faut y voir là l'origine du terme " El Affroun " signifiant " les combats " qui évoquait meurtres, vols, pillages, tortures, viols et rapts de femmes mais aussi razzias de troupeaux et incendies de gourbis. Par extension " El Affroun " qualifia un bandit redouté, fellagha avant l'heure, qui tapi dans les gorges de (Oued Djer terrorisa la région à l'époque turque.
Ce sont ces crimes, ces atrocités, et cette permanente insécurité que fit cesser l'arrivée de la colonisation synonyme de " civilisation.
La colonie française d'El Affroun fut officiellement fondée en septembre 1848. La ville de PARIS venait d'être durement secouée par de sanglantes émeutes de chômeurs. Les députés socialistes obtinrent alors de (assemblée Nationale que les fauteurs de trouble soient expédiés outre Méditerranée pour y dépenser-leur trop plein d'énergie. El Affroun ; fut désigné parmi les 42 villages nouvellement crées pour accueillir 99 " colons " dont 77 peres de famille
. Au total 344 âmes. Ces parisiens embarqués sur le vieux rafiot " Montezuma " arrivèrent à Alger le 9 novembre. Ils furent salués par Monseigneur Pavy et se mirent en route aussitôt, escortés par un bataillon de zouaves. Ils passèrent leur première nuit à Boufarik et furent dès le lendemain à pied d'œuvre. L'administration avait prévu des lots de 2 à 10 hectares à défricher. Les 63 petites maisons promises par le Génie n'étant pas terminées les " colons " s'installèrent sous des tentes puis fusils à l'épaule, certains encore coiffés du gibus, ils partirent à la recherche de leurs concessions. Ce n'était que ravins, maquis, broussailles. Ils réalisèrent alors leur déconvenue.
Il y avait peu d'outils, aucune brouette, se mirent au travail avec ardeur. Quelques hectares purent enfin être défrichés on songea au labour mais les bœufs n'arrivèrent que 3 mois après les charrues... Faute d'étables en nombre suffisant une grande partie du cheptel soit perdu. Certains " colons " dotés de terrains exigus ou stériles n'eurent bientôt plus qu'un troupeau fantomatique.
Fin février 1849, 76 hectares avaient tout de même été défriché et les maisons continuaient à s'élever. L'éprouvant quotidien de ce premier hiver en Algérie fut terrible mais ce n'était rien au regard de ce qui allait suivre. Quand les premières chaleurs, tant invoquées, arrivèrent enfin dans cette contrée fortement impaludée, elles apportèrent d'épuisantes et virulentes fièvres. Le choléra, premier fléau s'abattit sur ces proies affaiblies. Un tiers de l'effectif (31 personnes) succomba. De nouvelles arrivées compensèrent les pertes.
Le premier maire d'El Affroun, Jean-Baptiste Habron, fut désigné en janvier 1852. Le village prenait forme. Cette année là le paludisme élimina 46 pionniers (sur un total de 306 habitants. L'hiver suivant les inondations causèrent d'énormes dégâts. Un court répit suivit qui stoppa la démoralisation des plus courageux. En avril 1866 toute la plaine fut ravagée par les sauterelles qui anéantirent la totalité des récoltes. Alphonse DaudetT qui se trouvait à Crescia en rapporta une description très réaliste.
Le 2 janvier 1867, 4 tremblements de terre survenant après 20 jours d'intenable sirocco allongèrent un peu plus la liste des victimes. Et les malheureux occupés à relever les ruines du cataclysme apprirent alors avec terreur le retour du choléra.
Un dixième des rescapés ne put survivre au retour de ce fléau. Et ce n'était pas fini... le typhus, succédant à une dévastatrice invasion de criquets, se déclara. Détail tragi burlesque de cette sinistre époque: Certains médecins à bout de sciences et de remèdes en vinrent à prescrire d' " intensives danses "supposées "mettre le sang en mouvement. Chaque nuit donc les survivants, en deuil d'êtres chers, harassés après d'éprouvantes journées et entre deux mises en terre, se dépensaient en polkas, valses et autres quadrilles au son grinçant d'un violon de bastringue...
Ces années épouvantables furent bien entendu catastrophiques sur le plan agricole. Accoutumés à tant de malheurs les "colons "eurent encore à subir un tremblement de terre meurtrier qui ravagea El Affroun le 6 janvier 1888.
Jusqu'à la fin du siècle l'histoire du village, à l'image de tant de centres de " colonisation " fut un long palmarès de souffrances, de deuils et d'efforts en tous genres. Une religieuse, Mère Lagarde, qui se dévoua auprès de tous sans compter, fut à cette époque considérée comme une sainte. L'illustre savant Branly avec son épouse, nièce de Mère Lagarde, vint à El Affroun en 1888 recueillir les dernières paroles de la religieuse épuisée. Le docteur CHEYLARD lui aussi paya de sa vie son dévouement à la souffrance d'autrui. Lors du typhus de 1927-1929, il périt au chevet de ses patients musulmans. Qui a connu l'exemplaire et magnifique commune d'El Affroun au milieu du 20ème siècle doit se souvenir aussi de la tragique épopée ayant précédé l'Eden.
Jacques Averseng, Son arrivée à El Affroun permit aux pionniers de tenir bon, de subsister, avant de réussir.
L'exploitation du palmier nain arriva à point nommé. Femmes et enfants de " colons " purent s'employer dans les différentes tâches nécessaires au traitement du " chiendent d'Afrique ". Délaissant les Monts de Mouzaïa et des Soumatas les indigènes vinrent à leur tour profiter des revenus engendrés par l'exploitation du crin végétal. Ils s'installèrent, de plus en plus nombreux, autour du village pour participer à son essor.
Les premiers convois mensuels de chariots transportaient le crin jusqu'au port d'Alger et revenaient avec vivres, ustensiles et vêtements. Ils furent, remplacés par la voie ferrée qui pouvait acheminer des tonnes de crin cardé destinées à toute l'Europe. L'industrie Averseng employa jusqu'à 400 ouvriers musulmans qui disposèrent d'un matériel sans cessé perfectionné pour mener à bien les opérations de peignage, filage, cordage et frisage. Cela pendant plus d'un siècle car l'usine, concurrencée par le Maroc, dut fermer ses portes en 1956. La vigne et le tabac, cultures riches et sociales, s'étaient implantées à la fin du 19ème siècle pour fixer le destin d'El Affroun où chacun put accéder au bien être, à une vie de plus en plus libre. Du moins jusqu'au début du terrorisme, en novembre 54. La lutte engagée par Pierre Averseng contre la routine administrative, l'organisation rudimentaire des transports et des marchés, l'apathie des populations indigènes, fut poursuivie par
Son fils Thomas?Gaston qui lui succéda. Sans jamais se décourager malgré les inévitables déboires qui guettent les novateurs. Apres sa mort, il avait à peine 50 ans, sa femme Lucie poursuivit son oeuvre. Elle était nommée avec humour " la Reine Victoria. A cette époque arbres et cultures diverses, travaux d'irrigation avaient, définitivement assaini El Affroun et sa région. Lucien (l'aîné) et Gaston, leur fils, formèrent la 3ème génération Averseng.
Gaston Averseng
Agé de 15 ans il débuta dans l'entreprise en aidant sa mère désormais veuve. Plus tard, sous sa direction, l'usine et le domaine agricole quintupleront de valeur. Le crin végétal " AVERSENG " s'étant imposé sur le marché mondial, l'Europe se disputera les stocks d'El Affroun. Au retour de la Grande Guerre Gaston fut élu pour diriger la commune. Il restera jusqu'en 1950 le premier édile d'El Affroun. Aussi novateur et audacieux que ses aïeux Gaston était l'action faite homme. Il créa dès 1925 une société d'H.B.M pour loger 101 familles musulmanes et 29 européennes. L'année suivante il transforma en hôpital l'infirmerie de St Vincent de Paul installé par sa mère. Il fondera une cité de 150 logements réservée aux fellahs (paysans) et fera bâtir une élégante mosquée au centre du village. En 1927, après avoir organisé la première colonie de vacances il instaurera une soupe populaire pour indigents et élèves nécessiteux.
Les plus belles réussites de cet homme se situèrent cependant dans son intense action agricole. Après avoir organisé une école professionnelle chargée de former des spécialistes en motoculture il développa la caisse régionale agricole qu'il présidait. Le capital passa de 5475 francs à 7 millions et demi en 25 ans et les réserves de 9000 francs à 14 millions. Il utilisa ces ressources pour fonder divers établissements collectifs en tous points remarquables: Tabacoop, Viticoop, Coopérative des agrumes etc... A propos de ces réalisations Claire Janon pouvait écrire dans " ces maudits colons " : " Nous ne pensons pas qu'il y ait jamais eu ailleurs, dans le monde, des coopératives de planteurs de tabacs (en grande majorité fellahs) ayant l'étendue et l'organisation scientifique, technique et commerciale des Tabacoops d'Algérie. C'est ici qu'il importe d'évoquer une invention au développement de laquelle Messieurs MUNCK, SAULNIER, SERNA et BEN YACOUB à BONE et AVERSENG à EL Affroun, attachèrent leur nom et qui apporta une véritable révolution dans l'industrie des tabacs : la fermentation accélérée des feuilles en piles... à la coopérative d'El Affroun on utilisait un procédé mis au point sur place... qui permettait d'effectuer l'opération en 48 heures.
Vingt ans avant sa mort Gaston Averseng reçut un juste hommage à sa philanthropie, à son oeuvre sociale et de mutualité agricole : le 5 janvier 1930, devant une immense foule rassemblée sur la place d'El Affroun, il reçut la Croix de la Légion d'Honneur. Porte-parole des populations musulmanes de la région Monsieur Abder Amane rappela le respect, la vénération dont était entouré le lauréat, " incarnation de la générosité française. A suivre.

John Franklin C.D.H.A LA SUITE DE L'ARTICLE MEMOIRE VIVE N° 23
 


Gaston Averseng.

Ramassage du tabac pour les Tabacoop.
BIBLIOGRAPHIE (Averseng)
Raymond CARTIER. L'Algérie sans mensonges. HACHETTE PARIS. 1960
Victor DÉMONTES. L'Algérie économique Tome V ? imp.ALGER ? ALGER. 1927
Claire JANON. Ces maudits colons. LA TABLE RONDE ? PARIS. 1966
R. DESCHANEL. Hommage à Gaston Averseng ? La Dépêche Quotidienne d'Algérie 12 avril 1961
A.P RAFFIN. Étude d'une ville en MITIDJA: El Affroun.
Institut d'Urbanisme de l'Université d'Alger. Mémoire de Thèse n° 41 ? 1960
Jean Marcel MOREAU, Paul PONTY, Marcel SURZUR. EL AFFROUN (aspects et réalités de l'Algérie agricole. La TYPO LITHO.ALGER 1956.
Edgar SCOTTI. Le Palmier nain in L'Algérianiste. Bulletin n°82.

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Chamaerops humilis.
Noms communs : Palmier nain, Palmier de Méditerranée

Le Chamaerops humilis ne présente souvent qu’une courte partie aérienne à l’état sauvage, d’où son nom. En culture, ce magnifique palmier ornemental peut atteindre 8 mètres de hauteur avec plusieurs stipes inclinés et la beauté des specimens agés est absolument renversante. Les pépiniéristes du monde entier ne s’y sont pas trompés et le Chamaerops humilis est aujourd’hui l’un des palmiers les plus cultivés. Il est très rustique au froid, à la sècheresse et, fait non négligeable sur la façade atlantique, très résistant aux embruns. Il peut survivre à des températures de -12°C, où les feuilles peuvent être atteintes mais rarement le coeur. La plante sort normalement une nouvelle couronne de palmes après de tels froids, et même si la partie centrale de la plante est détruite, des rejets apparaîtront normalement au printemps suivant. Le Chamaerops humilis est donc relativement indestructible.
Résistance au froid : -12°C
Habitat : Sud de l’Europe (Italie, Sardaigne, Espagne), Algérie et Nord de l’Afrique (Maroc). Il semble également avoir été rencontré à l’état sauvage sur l’île de Malte. Chamaerops humilis est l’une des deux seules espèces de palmiers natifs d’Europe, avec Phoenix theophrastii, endémique de Crète, également répandu en Turquie. Il pousse dans des zones sèches, sur des terrains rocailleux ou sableux, du bord de mer jusqu’à 1200 mètres d’altitude (au Maroc), dans un climat plutôt froid en hiver. Certaines populations naturelles sont régulièrement couvertes de neige.
Utilité : Les segments des palmes séchées servent au tissage de paniers et chapeaux en Sardaigne. On fabrique également des balais et brosses avec ses fibres. Au Maroc, on consomme le chou palmiste de la variété montagnarde.
Stipe : Le stipe est recouvert de plusieurs couches de fibres marron entrelacées et des bases des anciens pétioles qui persistent plusieurs années après la chute des feuilles avant de se décomposer et de laisser apparaître un stipe annelé, relativement fin, de couleur gris-marron.
Couronne : De 30 à 50 feuilles palmées, de largeur très variable suivant les variétés (40cm chez Chamaerops humilis var.cerifera, jusqu’à 70cm chez les variétés à larges feuilles), de couleur vert clair sur le dessus et souvent légèrement laineuses dessous (fibres blanchâtres). Elles sont parfois presque bleues (Chamaerops humilis var.cerifera). L’extrêmité des segments est divisée en deux parties. Le pétiole vert, de 50cm à plus d’un mètre de longueur, est couvert sur sa partie inférieure de fibres laineuses blanchâtres et muni de terribles épines jaune-marron sur les côtés.
Floraison : Les Chamaerops humilis sont habituellement dïoïques, il existe donc des plantes mâles et des plantes femelles. Les inflorescences émergent tous les ans entre les feuilles (interfoliaire). Elles sont très courtes, peu ramifiées et portent parfois des fleurs bisexuées. Les fleurs peu nombreuses sont d’un beau jaune vif. Les sujets femelles produisent une grande quantité de fruits ovoïdes de couleur orange foncé à rouge, contenant chacun une, parfois deux graines ovoïdes marron. La pulpe des fruits a une très mauvaise odeur.
Multiplication : Les graines fraîches germent rapidement, parfois quelques semaines après le semis, le plus souvent 2 à 3 mois plus tard. Les jeunes plantes se développent assez lentement les cinq premières années puis la croissance s’accélère grandement (comme pour la plupart des palmiers) compte tenu bien sûr de la taille finale de l’espèce.