AVERSENG d'EL AFFROUN (suite)

En 1950 la disparition de Gaston AVERSENG, l'une des personnalités les plus marquantes d'ALGERIE n'éprouva pas que la seule agriculture du pays. Cet homme simple et bienveillant avait été toute sa vie durant un être de bien et de progrès. Il avait toujours fait en sorte que les avancées économiques accompagnent l'évolution sociale de tous. Initiateur et inlassable animateur d'œuvres sociales, dont le Secours Catholique, ce Conseiller du Commerce extérieur de la France s'était aussi largement penché sur les problèmes monétaires. Son ouvrage " Le bon chemin " proposait des mesures intelligentes et réalistes. C'est dire si succèder à un tel homme n'était pas tâche facile.

JACK AVERSENG (Né en 1910)

Ce fut à lui de reprendre le flambeau et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il se révéla à la hauteur. L'œuvre paternelle, tant à la tête de l'entreprise qu'à la tête de la mairie d'EL AFFROUN, se trouva placée en de bonnes mains .
Sur les 1000 hectares du Domaine Sainte Lucie, Jack sut prendre des risques en entreprenant toutes sortes de cultures. La variété de géranium, à l'odeur de rose, que son père avait réussi à multiplier après une adroite sélection continua bien sûr à être exploitée. Elle avait fait la conquête des parfumeurs.
Le riz fut cultivé sur 150 hectares, les artichauts sur 50 hectares. Pour la vigne, qui ne devait pas rendre plus de 100 hectos à l'hectare, Jack fit arracher une rangée sur trois et monter les pieds en treille. La production doubla. Entre les rangs il cultiva tomates, poivrons, pastèques….Les orangers " fatigués " étaient aussitôt greffés pour produire des clémentines beaucoup plus lucratives. Une de ses dernières innovations en ALGERIE , fut l'exploitation intensive des strelitzias qui, à la fin des années 50, se vendaient 10 à 15 francs pièce à PARIS au moment des fêtes de Noël.


Jack Averseng et ses fils
Désirant mettre définitivement à l'abri des caprices du climat, tous les agriculteurs d'ALGERIE, Jack fut avec son cousin Pierre un précurseur de la pluie artificielle. Dès 1948, avec Léon DUCELLIER, spécialiste de la pluie provoquée et chargé de cours à l'Institut National de MAISON CARREE, il effectua des essais en MITIDJA à partir d'un avion qui ensemencait le ciel d'iodure de plombs, d'argent et de neige carbonique. L'année suivante des essais, avec générateurs au sol, furent effectués dans la région de SETIF où existait un très actif " Comité de la pluie provoquée " animé par Monsieur CHOLLET. Par la suite, et de même qu'en AUSTRALIE, aux ETATS-UNIS, ou en FRANCE (par l'E.D.F.), des expériences furent poursuivies en ALGERIE jusqu'en 1961 ; par la SODETEP en particulier.

El Affroun
Dans le domaine social Jack continua sur la voie tracée par ses aïeux. El AFFROUN lui devra la construction de modernes HLM et l'agrandissement de l'hôpital qui put recevoir 130 personnes. Pendant l'année 1955, 791 musulmans et 90 européens y furent soignés. En 1961 plusieurs médecins, dont 2 occulistes et un chirurgien étaient prêts à y acceuillir les patients de la région. Pour la détente et le repos de son personnel ( 400 personnes), AVERSENG fit spécialement aménager une plage de BERARD.
En 1955 la Caisse de Crédit Agricole d'EL AFFROUN qu'il présidait accorda pour plus d'un milliard et demi de francs de prêts. Elle comptait 450 sociétaires musulmans et 200 européens. La TABACOOP comptait alors 849 adhérents dont 643 musulmans et servaient 2028 usagers dont 1837 musulmans.
Pour les enfants ,Jack développa les séjours de plein air en montagne. CHREA, à 1500 mètres d'altitude, n'était qu'à 40 kilomètres d'EL AFFROUN.
Fervent sportif, passionné d'aviation comme son frère Georges et son cousin Pierre, Jack fit son premier meeting aérien en 1934 à ORAN. Il devança ce jour là les soixante concurrents. La famille AVERSENG contribua à faire de l'aéro-club d'EL AFFROUN un des centres de vol les plus dynamiques et modernes d'ALGERIE.
Jack fut le mécène de L'U.S.O.M, Union Sportive de l'Ouest MITIDJA , que Pierre puis Georges AVERSENG présidèrent. Ce club omnisports fut crée en 1926 après fusion du Foot club d'EL AFFROUN et de la Jeunesse Sportive de MOUZAÏAVILLE, village distant de 7 kilomètres. Un nouveau stade fut construit, baptisé " Pierre AVERSENG " sur la route d'ATTABA, et les " SOUMATAS ", appellation donnée aux licenciés de l'U.S.O.M et qui reprenait le nom d'une tribu montagnarde voisine, ne cessèrent plus d'évoluer dans des installations sportives sans cesse améliorées.Début 1933, l'U.S.O.M décida la création d'une section d'aviation. A la demande du maire, Gaston AVERSENG, le Gouverneur Général CARDE, natif de BLIDA, accepta la présidence d'honneur de cette activité. Les baptêmes de l'air se succèdèrent et devant cet engouement la Caisse régionale d'EL AFFROUN, sur proposition du maire, accorda 20 bourses de pilotage. Jack obtint son brevet parmi les tous premiers.
Après la guerre de 1945, les associations agricoles se rapprochèrent du club désormais très bien structuré et en 1949 une école de foot-ball pour les jeunes vit le jour. Cette initiative, dûe à Marcel SURZUR, n'avait pas d'équivalent, même en métropole.
Jack était très lié à Paul ROBERT le futur lexicologue. Les deux hommes avaient le même âge et les familles AVERSENG et ROBERT, d'ORLEANSVILLE, entretenaient une amitié de longue date. Jack fut l'un des premiers souscripteurs lorsque Paul lança sa longue et difficile entreprise. Plus tard, en 1964, il entra même au Conseil d'Administration du " Petit ROBERT ". En décembre 1968, à la FARLEDE, dans le Var, Jack sera, avec le Docteur Gilbert GERSTLE, l'un des témoins au second mariage de son vieil ami.
Pierre AVERSENG

Cousin germain de Jack, Pierre né en 1906, fut d'abord un viticulteur d'avant garde. Dans la ferme de sa mère, Madame Lucien AVERSENG, qu'il dirigeait à EL AFFROUN, il fut le premier à utiliser une cuve auto-thermostatique. Cet appareil révolutionnaire, mis au point par les ingénieurs algérois DUCELLIER et ISMAN, supprimait les pressoirs à maies roulantes, les pertes de vin à l'ouverture des cuves, les tuyauteries et raccords mobiles et toutes les manipulations de main d'œuvre . Cet " autovinificateur-surlevurage-décuvage hydraulique " était un dispositif conçu pour de grandes caves pouvant traiter au moins 40 000 quintaux de vendange par jour.


Pierre Averseng au centre

Pierre AVERSENG se distingua aussi dans le domaine aéronautique . Suivant l'exemple de son cousin Georges, pilote déjà chevronné, qui volait sur un appareil acheté au Colonel VUILLEMIN, Pierre commença ses leçons à l'Aéro-club d'ALGERIE.
Après s'être initié à la voltige il devint rapidement un excellent pilote. Il survola le Sud algérien en 1932 puis, l'année suivante, sillonna l'EUROPE dans un " CAUDRON " qu'il venait d'acquérir. A cette époque Georges acheta un " COMPER SWIFT " qui venait de remporter la grande course LONDRES-MELBOURNE.
Pierre avait su entrevoir dans ses différents voyages toutes les possiblités de l'archéologie aérienne. Cet homme cultivé et d'esprit curieux entama alors d'importantes recherches sur les vestiges romains d'ALGERIE. Il s'intéressa aussi, comme son cousin Jack au déclenchement de la pluie artificielle par avion. En étroite collaboration avec Louis LESCHI, directeur des Antiquités au G.G., et le professeur Maurice REYGASSE, qui avait déjà utilisé l'avion pour ses recherches sur la préhistoire au SAHARA, Pierre AVERSENG rassembla une très importante collection de documents photographiques. Il photographiera le " FOSSATUM AFRICAE " avec un " Potez " en 1934. Vivement intéressée par ce travail la Direction des Antiquités sollicita l'aviation militaire qui préta son concours. Le détail de ces missions fut exposé en 1937 à l'Académie des Belles-Lettres et le Congrès international du CAIRE sur les fouilles donna une place à l'ALGERIE dans son rapport sur les recherches aériennes. La guerre suspendit ces investigations qui ne furent reprises qu'en 1946 par le Colonel-aviateur Jean BARADEZ.
Les hostilités eurent sans doute un effet prémonitoire sur Pierre qui, en 1941, fit l'acquisition de terrains en DORDOGNE. Son idée était d'en faire de modernes vergers mais le débarquement " allié " survint en AFRIQUE DU NORD. Il regagna l'ALGERIE pour s'engager et participa aux combats jusqu'à la fin du conflit. A nouveau civil, il rejoignit le PERIGORD pour se consacrer à ses poiriers et pommiers. Pierre, qui présidait l'Aéro-club de BLIDA, revint souvent en ALGERIE. Il y retrouvait sa famille et ses nombreux amis. Comme sa mère et son cousin Jack, il fut un précieux soutien pour Paul ROBERT dans son entreprise osée de lancement d'un nouveau dictionnaire. A LIMEUIL, (Dordogne), où il s'était installé, Pierre exploita jusqu'à sa mort subite, en 1961, une usine de jus de fruits. Il avait pris à sa charge la réfection quasi complète de la chapelle Saint Martin. C'est là qu'arriva quelques mois plus tard la Vierge dorée d'EL AFFROUN….

Insigne
Union Sportive Ouest Mitidja

Vierge dorée d'El Affroun
Les familles AVERSENG expulsées d'ALGERIE sans compensation après l' " indépendance " octroyée en 1962 n'avaient pu récupérer quelques effets personnels que grâce à l'intervention d'un ami : Monsieur FAIZAN. De sa propre initiative celui-ci parvint à introduire dans une caisse la statue dorée de l'Eglise Sainte Marcienne d'EL AFFROUN. La surprise fut grande lors du déballage !. D'abord confiée au Curé de LIMEUIL, la Vierge fut ensuite installée dans l'Eglise de LALINDE. Le 26 mars 2000, elle reçut la visite d'un groupe de 150 personnes originaires d'ALGERIE, dont de nombreux " Soumatas ".

John Franklin.

Bibliographie :
S'ajoutant à celle de Mémoire VIVE n° 22. :
MERCURE AFRICAIN. - Numéro 258 juillet 1929, et n°267 novembre 1929.-ALGER.
AVERSENG Gaston. - Le bon chemin.- BRUXELLES : A. JACOBS, 1934.
TERRE ALGERIENNE. - " La Voix des Colons ".-n°49-51-54, 1953.
et n°344, 1961.
LA TERRE AFRICAINE. - n°123, 1950.
BARADEZ Jean. - Le FOSSATUM AFRICAE. - PARIS : ARTS ET METIERS GRAPHIQUES, 1949.
ROBERT Paul. - Au fil des ans et des mots. 2 tomes. - PARIS : R. LAFFONT, 1979.
SAINT ANDRE Rémi. - Souvenirs Aéronautiques d'ALGERIE. - Auto-Edition, 1986.
JARRIGE Pierre. - L'Aviation légère en ALGERIE (1909-1939). 1932.
BONNEAU Georges. - Une Vierge venue d'ALGERIE in L'ECHO des Français rapatriés d'Outre Mer.
LEFEVRE Daniel. - Chère ALGERIE (1930-1962). - 397 pages : Société Française d'Histoire d'Outre-Mer. 93200 SAINT DENIS, 1997.
ROCHETTE Claude. - Vidéo Cassette : L'U.S.O.M.