"La France reconnaît qu'elle n'a pas pu sauver tous ses enfants, particulièrement en Algérie après le 19 mars 1962." » M. Christian Kert, rapporteur. La commission n'ayant pas été consultée, je donne mon avis à titre personnel. Je suis défavorable à cette proposition débat 14 juin 2004 Assemblée Nationale.  
 


Deuxième séance du vendredi 11 juin 2004
254e séance de la session ordinaire 2003-2004
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT, vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
RECONNAISSANCE DE LA NATION POUR LES RAPATRIÉS


Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (nos 1499, 1660).
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.
Article 1er
M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue, premier orateur inscrit sur cet article.
M. Jacques Domergue. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, mes chers collègues, depuis plus de quarante ans, la France est confrontée à son histoire. Les villes du Sud ont vu arriver, dès 1962, des milliers d'hommes et de femmes français d'Algérie. Je suis personnellement né à Rivesaltes où a été installé un des premiers camps de harkis et je me rappelle encore les conditions difficiles dans lesquelles nous les avons accueillis. Oui, nous leur sommes redevables.
En 1962, Montpellier a accueilli plusieurs milliers de Français d'Algérie et son maire de l'époque, François Delmas, a construit pour eux une ville entière, la Paillade, dont je suis l'élu. A présent encore, les harkis vivent dans des conditions souvent plus difficiles que le reste de nos concitoyens.
Aujourd'hui, quarante-deux ans plus tard, toutes les plaies ne sont pas refermées car nous n'avons peut-être pas eu la possibilité, la force de conviction et, parfois, le courage d'assumer ce devoir de mémoire, ce devoir de reconnaissance en faveur de ceux qui ont tout laissé et de ceux qui ont choisi la France comme unique patrie.
Par cette loi, monsieur le ministre, vous allez solder, une fois pour toutes, le problème des Français rapatriés. (« Non, hélas ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Les rancoeurs ont trop duré et il était grand temps que la nation tout entière s'unisse pour dire à tous les Français rapatriés, les Français d'Algérie, du Maroc et de Tunisie, aux harkis, qui ont tant souffert : « Nous avons pris la mesure de vos souffrances, nous allons y mettre fin et vous exprimer, une fois pour toutes, la reconnaissance de la nation tout entière. »
L'article 1er de votre projet de loi affirme haut et fort ce souci de reconnaissance. Au travers de plusieurs amendements les parlementaires ont souhaité, pour répondre à la demande légitimes des associations de rapatriés, que ce devoir de mémoire soit enseigné dans les programmes scolaires pour que les plus jeunes sachent ce qui s'est passé.
Nous avons également souhaité que ceux qui sont chargés de dire toute la vérité sur notre histoire développent des programmes de recherche en ce sens afin que toute la lumière soit faite.
Ce n'est qu'à ce prix que nos compatriotes rapatriés se sentiront totalement et définitivement français, je pense notamment aux harkis. Ce devoir de reconnaissance doit conduire l'État à s'engager à punir toute discrimination injurieuse à l'encontre des harkis qui ont choisi la France. Ils sont Français à part entière, ils ont combattu pour le même idéal que nous, celui de la France.
Monsieur le ministre, je suis sûr que, avec ce texte, nous aurons définitivement assumé notre devoir de mémoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'immense majorité de. nos amis rapatriés et harkis attendaient de la République qu'elle reconnaisse l'oeuvre humaniste et civilisatrice de la France outre-mer et en particulier dans nos anciens territoires d'Algérie, du Maroc et de Tunisie.
L'article 1er du présent texte peut être considéré comme le plus important puisqu'il affirme l'expression de la reconnaissance nationale à l'égard de l'oeuvre accomplie par ces femmes et ces hommes durant plus d'un siècle sur ces terres qu'ils ont aimées, travaillées et défendues.
Cet article 1er scelle la reconnaissance et la réconciliation nationale. Monsieur le ministre, c'est l'honneur de notre majorité de tenir aujourd'hui ses engagements.
Ce projet de loi prend en compte un certain nombre de mesures matérielles et morales en faveur de nos compatriotes rapatriés et harkis que j'avais pour ma part, comme d'autres collègues, appelé de mes voeux lors du débat sur les rapatriés, le 2 décembre dernier.
A l'occasion du débat budgétaire, j'avais également appelé l'attention du ministre des affaires sociales sur la nécessité de prendre des mesures urgentes de justice sociale en faveur des 21 000 dossiers de rapatriés d'Algérie et des 7 500 dossiers de rapatriés du Maroc et de Tunisie entrés dans le champ d'application de l'article 46 de la loi de 1970 et de la loi de 1978. Ce texte règle enfin ces situations.
Les amendements que nous avons cosignés et que nous défendrons sont l'expression de notre réflexion, de notre sensibilité mais aussi la preuve de la prise en compte des demandes récurrentes des associations de défense des intérêts moraux et matériels des rapatriés.
A l'article 1er, l'amendement de M. Diefenbacher, que j'ai cosigné avec d'autres collègues, complète utilement la rédaction du projet de loi. Il renforce la reconnaissance de la nation envers l'ensemble de toutes celles et tous ceux, sans exception, qui furent des victimes directes ou indirectes des événements liés au processus en cours dans nos anciens départements et territoires d'Afrique du Nord.
Ce projet de loi inscrit solennellement la réconciliation de la nation avec tous les acteurs, absolument tous - ceux que la France a honorés, comme ceux qu'elle a condamnés. Nous mesurons l'étendue morale et politique qu'elle recouvre.
Aussi, cette décision de reconnaissance et de réconciliation, que décidera aujourd'hui - à l'unanimité, je l'espère - l'Assemblée nationale, s'inscrit comme la conclusion d'une douloureuse période de notre histoire.
Nous serons donc désormais très attentifs à l'enseignement de l'histoire et au contenu des manuels scolaires dans les écoles de la République. Il importera qu'ils transmettent la vérité historique de l'oeuvre de la France outre-mer et en Afrique du Nord en particulier.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le 1er novembre et le 5 décembre prochains quand je déposerai une gerbe au pied du monument du souvenir de ma commune dédié à nos morts et disparus d'outre-mer, où est gravée la citation de Sully Prudhomme : « Et ceux-là seuls sont morts qui n'ont rien laissé d'eux », j'aurai pour la première fois le sentiment que nous avons inscrit dans le marbre de l'histoire la reconnaissance par la France tout entière de l'oeuvre et de la souffrance de nos compatriotes rapatriés et harkis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Roland Chassain.
M. Roland Chassain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 1er du texte que nous examinons est, pour moi, l'un des points essentiels du dispositif qui nous est proposé par le Gouvernement.
Pour reprendre les propos de notre excellent collègue Christian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles, ce projet de loi n'est pas un simple dispositif d'indemnisation, mais l'expression de la reconnaissance de la nation à l'égard d'un certain nombre de nos compatriotes.
Aussi aurais-je aimé que la rédaction de cet article soit plus courageuse et prouve, comme nos voisins allemands l'ont montré récemment, que la France est prête, après quarante-deux ans d'hésitations, à affronter son histoire avec dignité et responsabilité.
Certes, monsieur le ministre, vous écrivez dans l'exposé des motifs :
« Nombre de Français d'Algérie, les anciens des forces supplétives, les harkis et leurs familles, ont été victimes d'une terrible tragédie au moment où la France et l'Algérie décidaient de suivre des chemins séparés.
« La France, en quittant le sol algérien, n 'a pas su sauver tous ses enfants, ni toujours bien accueillir ceux d'entre eux qui ont été rapatriés. Les massacres dont certains ont été les innocentes victimes marquent durablement notre conscience collective. »
Pourquoi s'être contenté de reconnaître la réalité historique dans l'exposé des motifs alors que, en intégrant le texte que je viens de lire dans l'article 1er, nous aurions pu lever toute ambiguïté sur le message que nous adressons à nos compatriotes ?
Je suis, mes chers collègues, élu de la circonscription qui a accueilli le bachaga Boualem, plusieurs fois élu à l'unanimité vice-président de notre assemblée. J'attends, pour ses enfants et les membres de sa harka, que nous nous en rappelions, en dépassant les clivages politiques qui n'ont pas place dans ce débat.
Monsieur le ministre, je rencontre régulièrement dans ma circonscription des harkis et leurs descendants. Ils attendent un signe fort de la République après quarante-deux ans d'hésitations.
Sur cet article 1er, le rapporteur et certains de nos collègues ont déposé de nombreux amendements. Je vous demande de les accueillir favorablement, en ayant à l'esprit que nous faisons une œuvre commune, pour rétablir dans leur honneur de nombreux compatriotes et montrer au monde que la patrie des droits de l'homme sait faire face à son histoire, aussi douloureuse soit-elle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.
M. Jean Leonetti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a aussi en politique de belles histoires.
Je me souviens d'avoir participé avec Michèle Tabarot à une réunion de rapatriés et de harkis sur les bords de la Méditerranée. Une femme âgée s'est approchée de nous et nous a dit : « Nous savons qu'aujourd'hui les indemnités ne viendront pas, ou plus. Mais nous voudrions que vous arriviez, un jour, à dire à l'Assemblée nationale que ce que nous avons fait collectivement, en Algérie, c'était bien. »
J'étais venu vous voir à ce moment-là, monsieur le ministre, et nous avions, avec plus d'une centaine de collègues, dont M. Douste-Blazy, déposé une proposition de loi intitulée « Reconnaissance de l'œuvre positive des Français en Algérie ». Nous avions encore le sentiment que c'était un peu « politiquement incorrect ».
En 2003, pendant l'année de l'Algérie en France, nous avons été nombreux à être déçus, non que l'on parle de l'Algérie et des ressortissants algériens en France, mais que l'on ne mette pas assez en évidence la réalité historique : la présence de la France pendant plus de cent ans de l'autre côté de la Méditerranée et son oeuvre positive.
Monsieur le ministre, vous avez eu - et je vous en remercie - la gentillesse et la délicatesse de m'écrire le 11 mars 2004 : « Je souhaite particulièrement souligner que la proposition de loi qui visait à reconnaître l'oeuvre collective de ces hommes et de ces femmes d'outre-mer est satisfaite par l'article 1er du projet de loi. »
En effet, vous avez tenu parole. L'article 1er du projet de loi reconnaît l'histoire, mais aussi les erreurs de la France. C'est l'honneur d'un grand peuple de savoir reconnaître les erreurs qu'il a commises - « la terre et les morts, la mer et les vivants » comme l'écrivait Paul Valery -, c'est-à-dire manifester la reconnaissance du passé et l'espoir en l'avenir.
À l'occasion de l'inauguration du mémorial national de la guerre d'Algérie, des combattants du Maroc et de Tunisie, M. Jacques Chirac, Président de la République déclarait : « Quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, après ces déchirements terribles au terme desquels les pays d'Afrique du Nord se sont séparés de la France, notre République doit assumer pleinement son devoir de mémoire. »
Monsieur le ministre, je suis particulièrement heureux de constater que la représentation nationale va reconnaître l'œuvre de la plupart de ces hommes et de ces femmes qui, par leur travail, leurs efforts et quelquefois au prix de leur vie, ont marqué pendant plus d'un siècle, la présence de la France de l'autre côté de la Méditerranée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.
M. Jean-Pierre Soisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je viens d'apprendre le décès du colonel Antoine Argoud. Il est mort dans les Vosges, cette nuit.
Il fut à Larbaa, le chef de corps du 3e régiment de chasseurs d'Afrique et mon chef de guerre, comme je l'ai expliqué ce matin à la tribune. L'armée l'avait surnommé le « Petit Prince ». Il avait une connaissance sans pareil du terrain en Algérie.
Je ne l'ai pas suivi dans toutes les initiatives qu'il a pu prendre. Car, quand on sert l'État, on ne se rebelle pas contre lui.
Je voudrais, aujourd'hui, en votre nom à tous, avoir une pensée pour le très grand soldat qu'il fut.
M. le président. Nous arrivons à l'examen des amendements à l'article 1er.
Je suis saisi d'un amendement n° 103 rectifié.
La parole est à M. Yves Simon, pour le soutenir.
M. Yves Simon. L'article 1er du projet de loi exprime la reconnaissance de la nation à l'égard de tous ceux qui ont participé à l'oeuvre de la France d'outre-mer. Il constitue un geste fort et particulièrement attendu par l'ensemble des rapatriés de ces pays, qui ont vécu la douleur du déracinement et les difficultés liées à la réinstallation dans un pays qu'ils ne connaissaient souvent pas.
Moins nombreux que ceux issus d'Algérie, des rapatriés d'Indochine se sont installés en France, en particulier dans deux villages : Sainte-Livrade-sur Lot et Noyant-d'Allier. Ce dernier village est dans ma circonscription. Ses activités minières ont cessé dans les années quarante. Il a, dans les années cinquante, accueilli cette population indochinoise. Celle-ci s'est totalement intégrée à la vie locale. Aujourd'hui, elle souhaite garder ses nouvelles racines françaises.
Cette population a souffert d'une guerre longue et douloureuse. Elle a le sentiment d'avoir été oublié par la communauté nationale.
C'est pourquoi j'ai déposé l'amendement n° 103 rectifié, qui vise à substituer aux mots : « , et en Tunisie » les mots : « ,en Tunisie et en Indochine ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 103 rectifié.
M. Christian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a donné un avis favorable à cet amendement.
Si les ressortissants indochinois sont déjà concernés par le dispositif, il n'est pas inutile, loin de là, d'inscrire en toutes lettres le mot « Indochine » dans le texte du projet de loi.
Notre collègue Yves Simon rejoint le souci exprimé par M. Étienne Mourrut.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux anciens combattants, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 103 rectifié.
M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Le Gouvernement émet également un avis favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°103 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi de sept amendements, nos 61, 1, 78, 20, 35, 44 et 45, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 20 et 35 sont identiques.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 61.
M. Francis Vercamer. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également les amendements nos 44 et 45 de M. Lachaud, que je représente dans cet hémicycle.
Les populations rapatriées attendent beaucoup de nos débats. Ils souhaitent que soient reconnus les épisodes dramatiques auxquels ils ont été confrontés lors des événements d'Algérie, que ce soit pendant le conflit ou après celui-ci, notamment les massacres perpétrés sur le sol algérien, les conditions de rapatriement, de parcage - je ne sais quel mot employer -, de regroupement dans des camps à leur arrivée en France.
L'article 1er me paraît un peu « juste », si je puis dire, compte tenu de ces événements, et il me paraît nécessaire de le compléter.
J'ai écouté les orateurs inscrits sur l'article. Dans chacune de leurs interventions, je retrouve les éléments que je propose d'intégrer à l'article 1er.
Les amendements nos 44 et 45 reprennent une partie de l'amendement n° 61. Ce sont en quelque sorte des amendements de repli.
L'amendement n° 44 mentionne les massacres. Mais peut-être faut-il éviter d'aller trop loin et est-il préférable de laisser la fondation faire son oeuvre - si notre assemblée accepte mon amendement visant à rechercher les responsabilités et à établir l'histoire.
Personnellement, il me semble plus simple d'écrire, comme je le fais au premier alinéa de l'amendement n° 61 : « La France reconnaît qu'elle n'a pas pu sauver ses enfants, particulièrement en Algérie après le 19 mars 1962. » Cette formule a été évoquée par M. Fenech lors de la discussion générale et elle est extraite d'un discours du Président de la République.
Le deuxième alinéa indique : « Elle reconnaît les conditions difficiles de l'évacuation de ceux qui ont pu rejoindre la métropole et leur relégation durable dans des camps à leur arrivée sur le territoire français. » Ce n'est contesté par personne. Laissons aux historiens le soin d'indiquer si les conditions étaient satisfaisantes ou non - même si nous savons, nous, qu'elles étaient exécrables.
Au troisième alinéa de l'amendement, je propose d'écrire : « Elle reconnaît à toutes ces victimes le droit à une juste réparation pour les sacrifices consentis et les préjudices subis. » C'est une ouverture vers l'article 2, qui prévoit une indemnisation. L'indemnisation implique une réparation, et donc un préjudice. À partir du moment où l'on ne reconnaît pas un préjudice, on a du mal à indemniser.
Les amendements nos 44 et 45 reprennent pratiquement les mêmes éléments.
L'amendement n° 44 ajoute les Moghaznis à l'ensemble des forces supplétives et reconnaît la situation dramatique dans laquelle ils se sont trouvés.
L'amendement n° 45 ajoute aux territoires d'Algérie le Maroc et la Tunisie, car on a eu peu oublié dans ce texte les populations rapatriées du Maroc et de Tunisie.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin, pour soutenir l'amendement n° 1.
M. Emmanuel Hamelin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux alinéas de cet amendement répondent à un double objectif.
Le premier alinéa vise à préciser le principe de la reconnaissance, désignée par le titre même du projet de loi, dans l'esprit des propos qu'on a pu entendre dans cet hémicycle à l'occasion de la discussion générale. Les situations dont il s'agit d'assurer la reconnaissance ont été clairement identifiées et sont bien connues de tous.
Le deuxième alinéa affirme le principe de la réparation, tant morale que matérielle, des handicaps sociaux dont ont été victimes les harkis et leurs familles du fait des conditions dans lesquelles ils ont été accueillis sur le sol français. Je pense qu'il est essentiel d'inscrire explicitement dans la loi ces notions de reconnaissance et de réparation des dommages dus aux défaillances de la France à l'égard d'une partie de ses enfants, comme nombre d'entre nous l'ont déjà souligné. Je veux parler ici de justice face à un préjudice subi, qui me semble minimale compte tenu des souffrances créées par cette situation.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bascou, pour soutenir l'amendement n° 78.
M. Jacques Bascou. Par cet amendement nous proposons une amélioration concrète du texte en ce qui concerne le devoir de mémoire, dans la ligne de la motion de renvoi en commission qui a été défendue ce matin et des interventions des orateurs socialistes. Si j'en crois les interventions que je viens d'entendre dans la bouche d'orateurs d'autres groupes, tel M. Vercamer, nous sommes, avec cet amendement, au coeur du sujet, celui de la reconnaissance et de la définition des responsabilités.
En effet il s'agit de compléter l'article 1er, en précisant que « La France reconnaît ses responsabilités envers les Français rapatriés et dans l'abandon des supplétifs. Elle reconnaît l'ampleur des massacres commis après les accords d'Évian à l'égard des civils français, des militaires et des civils algériens engagés à ses côtés, ainsi qu'à l'égard de leurs familles ». Il est ajouté par le deuxième alinéa de l'amendement que « la France reconnaît également ses responsabilités dans l'histoire des harkis et les difficultés de vie qui ont été les leurs, et prend l'engagement de tout mettre en oeuvre pour leur rendre l'honneur de leur engagement ».
Nous sommes là au coeur du problème que pose ce projet de loi. Tout le monde est certes favorable à la reconnaissance de l'œuvre de la France outre-mer et de nos compatriotes rapatriés, notamment à travers les manuels d'histoire. Mais, comme l'a rappelé notre rapporteur en commission des affaires culturelles, ce concept de responsabilité a été écarté, parce que sa reconnaissance signifierait une réparation matérielle. On préfère rester dans le vague, et je comprends la déception des associations de rapatriés. Si on parle de reconnaissance, il faut reconnaître aussi les responsabilités. Il ne s'agit pas de désigner tel ou tel, mais d'établir des faits précis. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé une mission d'enquête, qui permettra d'aller ensuite vers ces réparations. Je ne crois pas en effet qu'on puisse dissocier reconnaissance et réparation, sinon dans un premier temps. Ainsi la reconnaissance de la responsabilité de notre pays dans les crimes commis par Vichy a été suivie dans un deuxième temps par une réparation.
Cet amendement ne vise pas, je le répète, à pointer du doigt tel ou tel, mais à permettre à notre pays d'assumer son histoire, afin de pouvoir faire le deuil et tourner la page.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 20.
M. Christian Kert, rapporteur. Cet amendement vise à acter la reconnaissance par la nation des souffrances éprouvées et des sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires des événements liés au processus d'indépendance de ces anciens départements et territoires, et l'hommage solennel qu'elle leur rend, ainsi qu'à leurs familles.
Nous pensons que le texte que nous proposons, qui a reçu l'approbation des membres du Haut conseil des rapatriés, est de nature à satisfaire la globalité des soucis exprimés par notre collègue. C'est pourquoi la commission a approuvé cette rédaction, qui est aussi celle de l'amendement n° 35, lequel exprime ces intentions dans les mêmes termes.
M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour défendre l'amendement n° 35.
M. Michel Diefenbacher. Cet amendement, comme vient de le dire le rapporteur, est identique à celui qui vient d'être présenté. Je soulignerai simplement combien il est important que ce texte désigne deux catégories de victimes de ces événements, qui n'étaient pas jusque-là mentionnées dans la loi : les disparus et les victimes civiles. Si l'amendement est adopté, l'article 1er comporterait donc deux alinéas, l'un exprimant la reconnaissance de la nation, et le second l'hommage solennel à ces différentes catégories de victimes.
M. le président. Les amendements nos 44 et 45 ont été défendus.
Quel est l'avis de la commission sur tous ces amendements ?
M. Christian Kert, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement n° 61, lui préférant la rédaction des amendements nos 20 et 35. Dans le même état d'esprit, elle a repoussé les amendements nos 1 et 78. Elle a repoussé également les amendements nos 44 et 45, dont elle a estimé qu'ils n'apportaient pas de précision utile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué aux anciens combattants. Nous examinons là des amendements essentiels. Des différentes propositions qui viennent d'être faites, le Gouvernement retient la rédaction de votre rapporteur, qui améliore notablement le texte.
Reconnaître l'oeuvre accomplie par nos compatriotes outre-mer au nom de la France est un devoir pour l'État et pour tous les Français ; reconnaître les sacrifices endurés et les souffrances éprouvées participe du devoir de mémoire que depuis deux ans le Gouvernement a voulu accentuer, comme vous le savez.
Cela répond à l'attente légitime des rapatriés de toutes origines et à une nécessité pour notre nation, qui ne pratique pas l'oubli de ses enfants ni de son histoire. L'édification à Marseille d'un mémorial de la France d'outre-mer en est la preuve.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 20 de la commission, et souhaite le retrait de tous les autres amendements.
M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.
M. Robert Lecou. Cet article est essentiel, même s'il ne sera jamais possible de réparer les souffrances morales qui s'ajoutent aux difficultés matérielles. Mais qu'au moins nous les reconnaissions !
Je voudrais appuyer fortement les amendements de M. le rapporteur et de M. Diefenbacher, qui sont identiques. Ils expriment une démarche utile, forte et nécessaire. Il me paraît indispensable en effet, non seulement de reconnaître la souffrance, mais aussi de citer l'ensemble des personnes concernées, tels les membres des formations supplétives, ces harkis qui ont été durement éprouvés par cet épisode de la guerre d'Algérie.
Il est tout aussi nécessaire que le mot « hommage » soit présent dans cet article 1er. On ne résoudra certes pas totalement le problème par ce mot, mais on fait un pas vers une reconnaissance, et probablement vers une meilleure façon de panser des plaies encore ouvertes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.
M. Jean-Pierre Soisson. Par-delà nos sentiments aux uns et aux autres, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un texte de loi, dont la rédaction doit « tenir la route ».
Je rejoins les propos de notre collègue Diefenbacher à propos des deux alinéas du futur article 1er. Le premier est consacré à la reconnaissance, principe dont l'affirmation nous a tous réunis. Le second est consacré à l'hommage que la nation rend aux différentes catégories de citoyens qui ont été citées.
On ne peut pas aller plus loin, et je mets en garde l'Assemblée contre l'amendement de nos collègues socialistes : si vous l'adoptez, la nation reconnaissant ses responsabilités du point de vue juridique, vous ouvrez la possibilité de contentieux et d'actions en réparation. Nous sortons là très nettement du champ de ce que le Gouvernement et la majorité peuvent accepter. Aller au-delà exigerait une étude approfondie.
M. Jacques Bascou. Un rapport !
M. Jean-Pierre Soisson. Je me réjouis donc de la clarté que l'amendement de notre rapporteur apporte au texte : deux alinéas consacrés à deux principes, l'un à la reconnaissance, l'autre à l'hommage. Point final.
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Je regrette quelque peu la position du rapporteur et du Gouvernement, qui est à mon avis un peu en deçà des attentes de la population rapatriée. Il est vrai que la position du groupe socialiste est excessive, et il faudra probablement attendre des études ou des rapports complémentaires sur cette question. C'est d'ailleurs l'objet d'amendements qui doivent être examinés plus loin dans le débat. Il s'agira d'établir des faits précis, grâce par exemple aux archives nationales. Je pense néanmoins qu'on pourrait aller plus loin au regard des attentes de nos amis rapatriés.
Le groupe UDF se rangera bien sûr à l'avis du rapporteur, dont l'amendement est d'ailleurs cosigné par M. Lachaud. Mais je regrette qu'on n'ait pas, par exemple, repris les propos du Président de la République, qui reconnaît lui-même que la France n'a pas pu s'occuper de ses enfants. Ces réserves étant faites, je retire l'amendement n° 61 et je voterai l'amendement de la commission.
M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.
M. Kléber Mesquida. Presque tous les orateurs ont parlé de responsabilités, en disant que la France n'a pas su les assumer. J'ai suggéré pour ma part que la France ne l'avait pas voulu, et c'était peut-être excessif.
Voilà qu'on nous propose un amendement selon lequel la France « reconnaît les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés ». Mais cela fait quarante-deux ans que l'on voit souffrir cette population rapatriée, les harkis, les pieds-noirs ; on n'a pas besoin de l'inscrire dans la loi ! Il s'agit de savoir pourquoi ils ont souffert ; qui en est responsable, et c'est la raison pour laquelle je maintiens notre amendement. Plus de quatre décennies après ces événements, il est grand temps de laisser de côté le double langage, et ce ne serait que justice que parler de responsabilité !
Et puis ce ne serait pas aller à l'encontre des conceptions du Président de la République, au contraire, puisqu'il dit que la France n'a pas su protéger ses enfants : c'est reconnaître fortement qu'il y a une responsabilité. Mais nos collègues de l'UMP sont libres de dire une chose et d'en faire une autre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous n'avons pas de leçon à recevoir du parti socialiste !
M. Kléber Mesquida. Je regrette, monsieur Vercamer, que vous retiriez votre amendement parce que je l'aurais voté comme amendement de repli. Il a au moins le mérite d'être plus explicite, ce qui est déjà une avancée.
Sincèrement, sans vouloir polémiquer, je suis ulcéré de voir qu'on ne peut pas reconnaître ici, quarante-deux ans après les faits, qu'il y a eu une responsabilité. Nous ne demandons pas une condamnation, mais un simple constat. La reconnaissance, c'est un fait ; les souffrances, on les connaît ; la responsabilité, il faut aujourd'hui l'inscrire dans la loi.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin.
M. Emmanuel Hamelin. Je tiens à revenir sur l'amendement que Georges Fenech et moi-même avons déposé. J'ai, lors de ma défense d'amendement, souligné deux éléments, la reconnaissance et la réparation.
Quant à la reconnaissance, nous partageons tous le même avis ici, et nous sommes tous d'accord. Il est logique et légitime d'associer l'hommage à la reconnaissance car on fait ainsi un pas de plus dans la voie du bon sens.
Mais je considère que ne pas tenir compte de la notion de réparation enlève du poids à la reconnaissance que l'on exprime.
Dès lors que l'on reconnaît - et c'est le sens de l'amendement n° 20, sur lequel nous sommes bien évidemment tous d'accord - les souffrances éprouvées et les sacrifices, il me semble évident, logique et légitime d'associer à cette reconnaissance la notion de réparation.
M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.
M. Georges Fenech. Contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure, les mots ont toute leur importance.
J'indique tout de suite à M. le ministre que, bien entendu, nous voterons l'article 1er amendé par M. le rapporteur, mais nous insistons tout de même car cela nous paraît être un des points centraux, sinon essentiels, de ce projet de loi : il y va en effet de l'honneur, de la mémoire, et c'est le plus important.
Ce qui nous distingue de l'amendement présenté par le groupe socialiste, c'est que, nous, nous ne parlons pas de responsabilité. Comme je l'ai indiqué ce matin dans la discussion générale, nous ne cherchons pas à savoir qui est responsable ni à identifier tel ou tel auteur ou complice d'événements historiques. Nous avons demandé, et nous avons obtenu cette assurance du ministre ce matin, qu'un effort de recherche historique soit fait en son temps.
Ce que nous vous demandons aujourd'hui, c'est d'introduire dans la loi ce qui a été clairement indiqué par le Président de la République, par le Gouvernement lui-même et dans l'exposé des motifs du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, à savoir qu'il y a eu des actes de barbarie. Qui, dans cet hémicycle, pourrait se lever et dire : « Il n'y a pas eu d'actes de barbarie. » ? C'est un fait patent, qui doit recueillir, ici, un consentement unanime ! Qui peut prétendre qu'il n'y a pas eu des conditions indignes d'accueil sur notre sol au moment du rapatriement des survivants et des familles de survivants ?
Je ne comprends pas cette frilosité dont fait preuve notre groupe, notre majorité, pour reconnaître ce qui l'a été par le chef de l'État et par le Gouvernement, et pour l'inscrire dans la loi.
M. Kléber Mesquida. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Kert, rapporteur. Je tiens avant tout à remercier les trois orateurs précédents de la mesure de leur propos par rapport à la force de leurs convictions.
Cher collègue socialiste, en évoquant la responsabilité, vous avez posé la question : « Qui est responsable ? », mais vous vous êtes bien gardé d'y répondre. Cela prouve que nous avons tous un doute, une hésitation. Et si nous ne souhaitons pas introduire cette notion de responsabilité dans le texte, c'est justement parce que, selon nous, le prisme de l'historien n'est pas encore passé.
Par conséquent, nous défendons ici, comme le Gouvernement, la création d'une fondation pour faire le point sur ces responsabilités, une bonne fois pour toutes, en nous donnant le temps. Il est donc difficile pour nous de défendre à la fois fortement la création d'une fondation pour, immédiatement après, vouloir établir des responsabilités que nous ne connaissons pas.
À mes deux autres collègues, je veux dire qu'il s'agit avant tout d'un texte de reconnaissance. Nous avons clairement défini cette reconnaissance et avons veillé à ce que le second alinéa proposé comporte l'intégralité de cette notion et l'hommage rendu.
Pour le reste, accordez-moi que la réparation constitue la trame générale, le fond de ce texte. Nous avons donc considéré que cette notion était incluse dans le texte.
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Après avoir entendu les uns et les autres, je propose tout simplement de sous-amender l'amendement n° 20 du rapporteur en ajoutant, avant l'alinéa qu'il propose, la première phrase de mon amendement n° 61, à savoir : « La France reconnaît qu'elle n'a pas pu sauver tous ses enfants, particulièrement en Algérie après le 19 mars 1962. », phrase prononcée par le Président de la République lui-même dans son discours.
M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 113 ainsi rédigé : « Au début de l'amendement n° 20, insérer l'alinéa suivant :
"La France reconnaît qu'elle n'a pas pu sauver tous ses enfants, particulièrement en Algérie après le 19 mars 1962." »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Christian Kert, rapporteur. La commission n'ayant pas été consultée, je donne mon avis à titre personnel.
Je suis défavorable à cette proposition car écrire la loi ne consiste pas à faire un copier-coller d'un discours, aussi prestigieux soit-il. Ici, nous faisons oeuvre législative. Il nous appartient à nous d'écrire la loi. Ce texte a été étudié avec une particulière attention et soigneusement pesé dans le cadre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
J'apprécie beaucoup le propos de reconnaissance de M. le Président de la République, mais c'est un discours. Or, ici, nous écrivons des articles de loi, et une phrase de discours n'a pas sa place dans un texte législatif.
M. Kléber Mesquida. Le discours et les actes !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 113 ?
M. le ministre délégué aux anciens combattants. Le Gouvernement se range à l'avis du rapporteur pour une simple raison. : vous êtes en effet convenus qu'une disposition allait autoriser la mise en place d'une fondation. Or celle-ci pourra parfaitement éclairer ce domaine, fort important pour nous, et nous ne pouvons pas anticiper sur ses conclusions.
M. le président. Mes chers collègues, je considère que l'Assemblée est suffisamment éclairée. Je vais mettre aux voix les amendements.
L'amendement n° 61 a été retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 113 à l'amendement n° 20.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 20 et 35.
(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 44 et 45 de MM. Lachaud et Salles tombent.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
Après l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 3, 10 et 9, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 3 et 10 sont identiques. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Daniel Spagnou. Cet amendement vise à associer à la Journée nationale du 5 décembre toutes les victimes civiles ou militaires qui, par leur engagement direct ou indirect pour la France, ont perdu la vie lors de la guerre d'Algérie, même au-delà des accords d'Évian.
M. le président. La parole est à M. Roland Chassain, pour soutenir l'amendement n° 10.
M. Roland Chassain. Cet amendement vise à préciser que la nation associe les populations civiles de toutes confessions, harkis, pieds-noirs, victimes des massacres perpétrés durant la guerre d'Algérie ainsi que de ceux commis après le 19 mars 1962 en violation des accords d'Évian, à l'hommage pour les combattants morts pour la France en Afrique du Nord, rendu le 5 décembre lors de la Journée nationale décrétée en 2003.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Kert, rapporteur. Même si la commission comprend le souci des auteurs de ces amendements, associer les populations civiles à la Journée du 5 décembre risque d'entraîner une grande confusion. En effet, la Journée du 5 décembre a été instaurée comme une journée d'hommage à des combattants militaires. On sait dans quel climat particulier a pu naître cette date du 5 décembre.
Considérant avec force qu'il ne fallait pas créer cette confusion, la commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué aux anciens combattants. En instaurant une journée nationale en hommage aux morts de la guerre d'Algérie et des combats de la Tunisie et du Maroc, le Gouvernement a souhaité réunir la nation autour d'un mémorial à la mémoire de tous ceux qui sont morts pour la France.
Le souvenir des malheureuses victimes civiles et militaires de ces événements tragiques est commémoré à Paris depuis 1996 par un monument national inauguré par le Président de la République, Jacques Chirac, et érigé dans le parc de la Butte-du-Chapeau-Rouge, dans le XIXe arrondissement.
Je souhaite que, le 5 décembre prochain, une cérémonie puisse être également organisée devant ce monument, au cours de laquelle nous rendrons l'hommage que méritent toutes les victimes.
Il me semble que, pour l'essentiel, vos préoccupations sont déjà prises en compte par le Gouvernement et par l'amendement de la commission. Aussi vous demanderai-je de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Louis Giscard d'Estaing. Cet amendement est légèrement différent dans sa formulation, mais relève de la même approche que les deux amendements de mes collègues MM. Chassain et Spagnou.
Il vise à insérer la précision suivante : « La nation associe les victimes civiles, les veuves et les orphelins, les familles des harkis et pieds-noirs à l'hommage pour les combattants morts pour la France en Afrique du Nord, rendu le 5 décembre lors de la Journée nationale décrétée en 2003 ».
Il s'agit d'un amendement de cohérence puisque nous venons d'adopter, par les amendements identiques nos 20 et 35, une disposition qui prévoit que la nation rend « solennellement hommage » aux « victimes civiles et militaires des événements liés au processus d'indépendance de ces anciens départements et territoires, ainsi qu'à leurs familles ».
Dès lors que notre assemblée a adopté ces deux amendements, il me semble que, dans un souci de cohérence, elle devrait associer ces familles, en mémoire des épreuves qu'elles ont endurées, à la journée nationale du 5 décembre, qui ne doit pas se limiter à l'organisation de cérémonies militaires, et la commission l'a d'ailleurs souligné lorsqu'elle a examiné l'amendement.
Je demande donc au rapporteur de bien vouloir considérer que, l'Assemblée ayant voté les amendements nos 20 et 35, il convient d'émettre un avis favorable à ce nouvel amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 9 ?
M. Christian Kert, rapporteur. Si la rédaction est légèrement différente, l'intention est, de l'aveu même de notre collègue Giscard d'Estaing, identique à celle qui inspire les deux premiers amendements. Nous confirmons donc l'avis défavorable que la commission a émis à propos de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué aux anciens combattants. L'amendement de M. Giscard d'Estaing se rapproche, dans son esprit, de ce qui a été proposé précédemment. Nous formulons donc également un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3 et 10.
(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 9 tombe.
Je suis saisi de huit amendements, nos 18, 96, 79, 8, 16, 108, 91 et 54, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 8 et 16 sont identiques.
La parole est à M. Jacques Domergue, pour soutenir l'amendement n° 18.
M. Jacques Domergue. Cet amendement tend à préciser la vocation du mémorial national de la guerre d'Algérie inauguré le 5 décembre 2002, afin de recueillir de manière exhaustive les témoignages des rapatriés, de poursuivre l'ouverture des archives, d'inciter à l'organisation d'expositions, de colloques et de publications, de développer l'enseignement de l'histoire des rapatriés en liaison avec les acteurs de l'éducation nationale, de lutter contre la désinformation et les propos diffamatoires concernant les rapatriés. Cet amendement tend donc à renforcer le devoir de mémoire.
M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour soutenir l'amendement n° 96.
M. Daniel Spagnou. La France doit être fière de son oeuvre civilisatrice, en particulier en Afrique du Nord. Sans la France, l'Algérie d'aujourd'hui n'existerait pas. C'est la France qui lui a donné son territoire et son identité, qui l'a organisée et développée. L'oeuvre de la France outre-mer est méconnue et déformée, voire calomniée, sous le vocable de « colonialisme ». Cette oeuvre doit être réhabilitée, car c'est elle qui a donné naissance à la francophonie. Les quelque cinquante États qui y participent sont tous issus de notre empire.
Il importe par conséquent, d'une part, que, dans les manuels d'histoire principalement, la vérité historique soit rétablie, et, d'autre part, que la création d'une fondation permette aux historiens d'avoir accès aux archives afin de renseigner au mieux les familles qui, depuis plus de quarante ans, attendent de savoir ce que sont devenus certains de leurs proches.
Par ailleurs, à l'heure de l'ouverture des charniers d'Oran, il est essentiel qu'un organisme puisse travailler avec les autorités algériennes afin de permettre, dans la mesure du possible, l'identification des défunts.
M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida, pour soutenir l'amendement n° 79.
M. Kléber Mesquida. Cet amendement se situe dans le droit fil de l'exposé des motifs du projet de loi qui précise qu'« une fondation sera créée pour assurer la vérité de leur histoire, comme celle de la guerre, la pérennité de leurs traditions et veiller à défendre leur honneur et leur dignité ». Il propose en effet de créer cette fondation pour l'histoire et la mémoire. Cette création serait plus rapide si elle était inscrite dans la loi. Nous devons retrouver dans la loi ce que promet l'exposé des motifs.
M. le président. La parole est à M. Roland Chassain, pour soutenir les amendements identiques nos 8 et 16.
M. Roland Chassain. Nous proposons d'insérer l'article suivant après l'article 1er : « Au-delà de l'expression de la reconnaissance de la nation, une politique de mémoire nouvelle et ambitieuse est engagée et développée en direction du grand public et de la jeunesse pour assurer la connaissance de l'histoire de tous les rapatriés. Un institut est créé pour assurer cette mission avec le concours des services de l'État, ayant pour vocation de suivre le contenu et le développement de l'enseignement de l'histoire des rapatriés au sein de l'éducation nationale, d'assurer l'ouverture des archives, d'être vigilant face à toutes les formes de discrimination et de développer les outils d'information et de sensibilisation. »
La dette d'honneur de la nation envers les rapatriés ne sera pas acquittée par le seul devoir de reconnaissance, mais également par le devoir de mémoire. Cela implique que nous consentions un effort nouveau et ambitieux pour assurer la connaissance de cette page de l'histoire de la France, notamment par les moyens suivants : le recueil des témoignages sur le territoire, la création d'un mémorial de la France d'outre-mer, l'organisation d'expositions, de colloques, de travaux de recherche universitaire et d'historiens, la diffusion dans les médias d'oeuvres concernant cette période, l'introduction, dans les manuels scolaires, de la tragédie vécue par les harkis et les pieds-noirs, la conservation du patrimoine des rapatriés laissé en Algérie - cimetières, monuments aux morts, archives -, la mise en œuvre de poursuites pénales systématiques à l'encontre de toutes les formes de discriminations répréhensibles : emploi, diffamation, insultes. | page suivante |