|
Algérie débat
2004 Assemblée nationale le Bachaga Boualem, qui fut vice-président
de cette assemblée, avait écrit : « Dans mon pays, la
France, nous étions des sujets. Nous voulions être des citoyens.
»
Mme la présidente. La parole est à M. Christian
Vanneste, pour le groupe UMP.
M. Christian Vanneste. Madame la présidente, monsieur
le ministre, mes chers collègues, la France a toujours oscillé
entre la valorisation excessive de certains faits historiques et le silence
honteux sur certains autres. Le mérite de ce texte est d'éviter
ces deux écueils, en exprimant la reconnaissance de la nation envers
ceux qui ont construit, fait vivre et défendu ce que l'on appelait
l'Empire.
Cette reconnaissance est aussi celle d'une dette à l'égard
de ceux dont la vie a été brisée, lorsque la France
s'est retirée au mépris des engagements pris et sans que
les moyens d'accueil et de réparation aient été mis
en oeuvre.
Le Président de la République s'est exprimé très
clairement à ce sujet, le 25 septembre 2001, en déclarant,
à l'occasion de la première journée consacrée
aux harkis : « Notre premier devoir, c'est la vérité.
»
Cette dette est d'abord morale. À ce titre, elle ne sera jamais
honorée. L'absolu ne se règle pas en petite monnaie. Il
faut penser à ceux qui traversèrent la Méditerranée
deux fois en vingt ans, la première fois pour libérer la
France et la seconde pour quitter définitivement ce pays qu'ils
pensaient aussi être la France.
Cependant, sur le plan moral, il ne doit pas y avoir que des symboles
ou des monuments. Il faut aussi le respect des hommes et celui de la mémoire.
À cet égard, je soulignerai trois demandes.
D'abord, il faut que les programmes scolaires, universitaires, prennent
en compte l'oeuvre accomplie par la France outre-mer et les sacrifices
consentis par plusieurs générations de soldats issus de
l'outre-mer.
M. Francis Vercamer. Très bien !
M. Christian Vanneste. Il est nécessaire en particulier que l'histoire
des supplétifs, qui se sont battus pour la France jusqu'en 1962,
soit traitée avec la reconnaissance qu'elle mérite, afin
que le sens du mot harki et les épreuves qu'ont enduré ceux
qui le désignent soient connus de tous les jeunes Français.
Michel Diefenbacher, dans le rapport qu'il a rédigé à
la demande du Premier ministre, avait souhaité que la nation accorde
à l'épopée de la France d'outre-mer la place qui
lui revient dans l'histoire de notre pays. Je souhaite qu'il soit entendu.
Ensuite, il convient, bien sûr, que toute injure à l'égard
d'un harki soit clairement interdite sur notre territoire.
Enfin, tous les rapatriés doivent pouvoir se rendre en toute liberté
et sécurité dans le pays dont ils sont originaires. Les
relations entre la France et l'Algérie ont connu une grande amélioration.
Chacun se souvient de l'image des secouristes français présents
sur les lieux des catastrophes naturelles qui se sont produites en Algérie.
Chacun se souvient aussi de la présence des pompiers algériens
lors des grands incendies de l'année dernière dans le Var
et les Alpes-maritimes. Les rapports nouveaux qui se tissent entre la
France et l'Algérie doivent permettre sereinement à chacun
de nos deux pays de respecter et de faire respecter la dignité
de leurs ressortissants.
Au-delà de la dette morale, du droit à la reconnaissance,
il y a aussi le droit à la réparation. L'expression de discrimination
positive est aujourd'hui comprise de tous. Elle est une traduction de
l'équité, c'est-à-dire de cette conception de la
justice qui veut que l'égalité est parfois très injuste
lorsqu'elle traite de la même manière celui qui n'a pas souffert
et n'a connu aucun handicap et celui dont la vie en a été
tissée. Lorsque des hommes et des femmes, des familles entières
avaient fait confiance à la France et l'avaient servie et n'ont
été cependant sauvés du massacre que pour être
placés dans une situation manifeste d'exclusion, loin du travail
et de la ville, loin de l'éducation aussi, une profonde injustice
s'est creusée, qui doit être réparée. Le projet
de loi dont nous débattons aujourd'hui constitue une avancée
décisive dans cette direction.
Je voudrais faire une remarque et quelques propositions à ce sujet.
D'abord, comme le soulignait tout à l'heure Patrick Delnatte, j'observe
que seuls des gouvernements appartenant à la sensibilité
de la majorité actuelle ont répondu jusqu'à présent
à cette attente,...
M. Michel Françaix. N'importe quoi !
M. Kléber Mesquida. Vous êtes amnésique !
M. Christian Vanneste. ...en 1974, en 1987, puis en 1994 avec la loi Romani
en ce qui concerne les harkis. Et vous ne prouverez pas le contraire.
Ensuite, je veux appeler votre attention sur la situation des femmes des
supplétifs, qui, après avoir rejoint la France, ont été
séparées de leurs époux. Elles ont connu le même
destin mais n'ont droit à aucune indemnité. Il faudrait,
là encore, réparer cette injustice.
M. Kléber Mesquida. Vous avez l'occasion de le faire !
M. Christian Vanneste. Enfin, en raison même des modalités
d'accueil des supplétifs musulmans, l'insertion économique
des enfants des rapatriés a posé des problèmes particulièrement
aigus. Le Président de la République avait souligné
ce point en 2002. Notre collègue Michel Diefenbacher avait formulé
une proposition à cet égard en demandant que les familles
de harkis puissent bénéficier d'un accompagnement renforcé
et de mesures de discrimination positive en matière d'emplois aussi
longtemps que le taux de chômage dans leur communauté resterait
anormalement élevé. Je souhaiterais, comme mon ami Francis
Vercamer, que cette proposition soit mise en oeuvre.
Il me reste, monsieur le ministre, à vous remercier pour l'ensemble
de ce texte, et en particulier pour les dispositions qui permettent aux
harkis qui, victimes de la tourmente, n'avaient pas immédiatement
opté pour la nationalité française, de voir reconnus
leurs droits. Le Bachaga Boualem, qui fut vice-président de cette
assemblée, avait écrit : « Dans mon pays, la France,
nous étions des sujets. Nous voulions être des citoyens.
» Que ce texte puisse contribuer à accomplir cette volonté
! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Gallez.
Mme Cécile Gallez. Madame la présidente,
monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous
dire toute l'émotion que j'éprouve à l'heure de débattre
dans cet hémicycle sur le projet de loi consacré à
nos compatriotes rapatriés venant des anciens départements
d'Afrique du Nord et des territoires placés autrefois sous souveraineté
française, qu'ils soient issus eux-mêmes de ces territoires
ou qu'ils soient français d'origine et partis s'installer là-bas.
Je ne suis pas pied-noir, je ne suis pas d'origine algérienne et
je n'ai pas d'histoire personnelle avec l'Algérie ou avec d'autres
pays d'outre-mer, mais je me sens particulièrement concernée,
en tant qu'élue du Nord et en tant que Française, par un
texte qui va permettre à la nation d'exprimer toute sa reconnaissance
aux hommes et aux femmes qui ont participé à l'œuvre
accomplie par la France dans ces territoires.
Hommage et reconnaissance pour ce qu'ont fait tous nos pionniers, nos
colons sur les terres d'Asie ou d'Afrique et dont nous pouvons être
fiers car ils ont participé au développement économique
de ces territoires, alphabétisé, soigné, apporté
des valeurs de démocratie qu'ils ont laissées en héritage.
Hommage et reconnaissance à tous ces soldats musulmans qui, souvent
héritiers d'une longue tradition militaire au service de la France,
ont donné leur vie pour elle.
Hommage et reconnaissance pour les souffrances et les sacrifices supportés
par les Français d'Algérie, les supplétifs, les nombreuses
victimes civiles et militaires des guerres d'indépendance et des
massacres qui ont suivi.
Hommage et reconnaissance à tous les rapatriés pour les
difficultés économiques et morales liées à
un déracinement d'autant plus dur à vivre qu'il n'était
pas reconnu.
Cet hommage et cette reconnaissance, nous les exprimons officiellement
par ce texte, en particulier dans son article 1er, surtout si l'amendement
de la commission des affaires sociales est adopté par l'Assemblée.
Mais cela ne suffit pas, car la France a un devoir de mémoire et
de vérité, tout particulièrement envers les jeunes
générations, vérité sans laquelle il ne peut
y avoir de véritable réconciliation nationale.
Aussi est-il nécessaire que les manuels scolaires accordent toute
sa place à l'histoire de la France d'outre-mer, une histoire non
pas tronquée et défigurée, mais complète et
impartiale. Je me réjouis, par ailleurs, qu'une fondation soit
créée pour en assurer la vérité.
Cette reconnaissance, nous nous devons également de l'exprimer
par des mesures de solidarité vis-à-vis des rapatriés
et de leurs enfants. Comme nous les examinerons au cours de ce débat,
je ne les reprendrai pas ici une par une. Toutefois, permettez-moi d'insister
afin que, malgré le contexte financier difficile que nous connaissons
actuellement, nous fassions le maximum pour faciliter l'insertion économique
et sociale des enfants et petits-enfants de ces Français rapatriés,
car, s'il nous faut assumer notre passé, il faut construire notre
avenir. Et ils sont aussi l'avenir de la France. (Applaudissements sur
les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe
Union pour la démocratie française.) | page
suivante |
|
|