Le professeur Pierre Michaux arrive à Alger en 1948 après son agrégation à Lille. : « J’ai commencé à enseigner à la faculté de médecine d’Alger en octobre 1948. J’ai vécu les dernières années de la faculté française de médecine d’Alger en ma double qualité de professeur de médecine légiste de 1948 et 1956 et directeur du laboratoire de police scientifique entre 1956 à 1960 ».
 
- 1830-1942
- 1830 Etat sanitaire de l’Algérie , l’œuvre médicale réalisée par les médecins militaires.
- 1942-1962 - Les vingt dernières années de la faculté de médecine d’Alger.
- 1954-1962 les années d’atrocités.
- Quelques souvenirs personnels.

L’ETAT SANITAIRE DE L’ALGERIE EN 1830

Le 14 juin 1830 les troupes débarquent à Sidi Ferruch à la suite d’agissements de pirates barbaresques en Méditerranée. L’état sanitaire du 14 juin au 5 juillet 1830 date de réédition d’Alger, les pertes au combat firent 409 tués, mais au 31 août 1830 700 soldats étaient morts de maladie dont 9000 hospitalisés et évacués vers Marseille et Toulon. En août 1832 le commandement ne comptait plus que 900 soldats en état de combattre à la suite des épidémies. En 1834 de nombreux militaires meurent victimes du paludisme. Il était question de rappeler le corps expéditionnaire, le médecin Maillot grâce à la quinine diminue la mortalité des troupes. Entre 1831 et 1841 50261 militaires périrent en Algérie chiffre énorme par rapport aux effectifs dont 2295 au combat, tout cela malgré le siège meurtrier de Constantine et le long combat contre l’émier Abd El Kader. L’œuvre sanitaire débute avec la construction de 38 hôpitaux, mis à la disposition de 418 médecins militaires.
Avant 1830 il n’y avait aucune organisation médicale en Algérie, des guérisseurs pratiquaient une médecine issue du moyen âge. La dysenterie sévissait en Oranie, la variole endémique tuait une fois sur deux. La peste et le choléra n’y étaient importés par les pèlerins qui revenaient de la Mecque. La Syphilis sévissait dans 40% de la population.
L’œuvre médicale française serait incomplète si on ne signalait pas la recherche et l’enseignement.
En 1880 à Constantine c’est Laveran qui découvre l’agent du paludisme et obtint le prix Nobel plus tard, Henri Folley continue l’ouvre de recherche dans des instituts spécialisés.
En 1833 dans les jardins du Dey d’Alger, l’enseignement débute avec comme élèves des maures et des juifs. En 1835 le ministre de la guerre responsable de l’Algérie nomme 9 professeurs de médecine. En 1836 le gouverneur Clauzel supprima cet enseignement de médecins militaires. Il fallut attendre vingt ans pour le démarrage de la faculté de médecine d’Alger. C’est le 4 août 1857 que fut crée l’école préparatoire de médecine et pharmacie d’Alger rattachée à la faculté de Montpellier et dirigée par le médecin colonel Berterand. Le 10 novembre 1859 c’est l’inauguration des locaux de l’école rue Caillet, prés de la Casbah avec 8 professeurs titulaires et 4 suppléants. Au début il y avait 21 élèves, en 1870 quatre enseignants sont rajoutés à l’effectif. En 1877 l’école quitte les locaux de la rue Caillet pour son emplacement définitif de la rue Michelet. En 1909 elle devient faculté avant Marseille, elle a 16 chaires, elle en aura 35 en 1959.
On retiendra l’état sanitaire déplorable à l’arrivée des français en 1830, l’ampleur de la tâche réalisée par l’armée, et la création en 1857 d’une école de médecine qui deviendra faculté. En 1833 grâce à un legs un hôpital est crée dans les jardins de Mustapha Pacha.. En 1894 création de l’institut Pasteur et dont la direction fut confiée aux frères Sergent.

1942-1945

Sous l’impulsion de la guerre et à cause de la coupure avec la métropole, une coopération naît avec les Anglo-saxons, les médecins d’Algérie reçoivent les avancées des recherches US (la pénicilline), l’anesthésie et la réanimation, qui transforment les conditions de la chirurgie. Les nouveaux arrivants ne cachaient pas leur surprise de trouver une bonne formation des élèves médecins algériens, des installations parfois égales aux leurs.
La transfusion sanguine fut une démonstration tangible de l’essor de la médecine algéroise. Alger devient centre de transfusion de l’armée en 1940. Le don gratuit du sang devient une réalité. Toutes les populations participent.
Le sénateur Borgeaud installe au domaine de la Trappe une usine de lyophilisation à ses frais qui permit de livrer avant la fin de la guerre du plasma. En 1950 le centre de la Trappe met au point le fractionnement du plasma, en 1962 le centre est agrandi et bénéficie de 8 lyophilisateurs. A cause du travail réalisé Alger est choisie pour le premier congrès de transfusion sanguine en 1953.
Le centre Hospitalo-Universitaire s’est développé en continu jusqu’en 1962. 20 services seront remodelés sans cesse avec la construction d’un centre anti-cancéreux et d’une clinique ORL de premier plan.
Jusqu’au bout ce merveilleux instrument continuera de fonctionner. La part des urgences augmentera jusqu’à encombrer les couloirs et le hall d’entrée comme au soir du 26 mars 1962.
C’est par une chaude journée de juin qu’une charge explosive détruit une coupole du bloc opératoire mettant fin à cette activité bienfaisante, la passion et la folie meurtrière des hommes l’avaient emporté sur la raison.
L’école algéroise avait ses publications : l’Algérie Médicale, l’Algérie Française Chirurgicale. La recherche bénéficiait à Alger de conditions exceptionnelles, il faut citer les travaux de Tournade sur l’adrénaline, c’est grâce aussi aux travaux du Pr.Verin que les chirurgiens doivent le scialytique, qui éclaire sans ombre de nombreuses salles d’opération dans le monde.
J’ai été accueilli sans réticence par mes collègues, j’ai trouvé un esprit pionner, un dynamisme propre aux français d’outre mer, si éloigné de l’esprit étriqué, casanier, petit bourgeois de la métropole. J’ai développé la cinquième année de médecine légiste et j’ai mis en place la médecine du travail, qui venait d’être crée en France en 1956. Le 1er novembre 1954 éclate la rébellion dans les Aurès, et cette guerre subversive s’étend à toute l’Algérie et tout cela finit par le gâchis final et l’exode massif de la population européenne, que la métropole n’attendait pas.

LES ACTIVITES MEDICALES PENDANT LA GUERRE D’ALGERIE

Les activités médicales pendant la guerre d’Algérie, les témoins furent frappés dés 1954, par la cruauté des assassinats commis par les combattants du FLN.

Certes toute guerre est atroce, mais il y avait des lois de la guerre quant à la façon d’annihiler l’adversaire avec des armes de guerre reconnues. Il en va tout autrement quand les victimes sont mutilées avant et après la mort, le plus souvent à l’arme blanche. Les victimes sont indifféremment des militaires ou des civils, des vieillards des femmes des enfants européens ou des musulmans.
Ce sont là des actes de barbarie comme le qualifie notre code pénal. En arrivant dés 1948 j’étais particulièrement surpris par la fréquence des morts par égorgement, quasi-systématique et surtout par les mutilations génitales et nasales, des actes criminels inconnus en métropole.

Le professeur Pierre Michaux examine avec l’aide de diapositives quelques expertises qu’il a dues mener durant sa carrière de chef de service de la médecine légiste à l’hôpital Mustapha d’Alger.

1) Un enfant de 13 ans européen égorgé
2) Un musulman de 52 ans ancien combattant et qui pour cette raison est égorgé.
3) Massacre de femmes et enfants de la mine d’El Allia le 20 août 1953, qui fit 150 victimes civiles et militaires européens et musulmans.
Souvent les égorgements sont complétés par des quasi-décollations (coupure de la tête), mutilation faciale et amputation du nez. Devant de telles atrocités nous avons avec mes assistants essayé d’expliquer le mécanisme et avec mon ami André Fornier, nous avons publié une étude sur cette question dans le numéro 1 de l’Algérie Médicale sous le titre « aspect particulier de la criminalité algérienne » c’est en somme ma contribution originale à l’histoire de cette guerre.
Il faut bien savoir que ces pratiques en occident sont considérées comme des actes de sadisme sur le plan médico-légal, et sont extrêmement rares, mais ici au contraire il y a d’autres causes.
1) Ces pratiques ont toujours existées à toute époque dans ce pays.
2) Il s’agit de causes plus profondes que l’on ne cite pas habituellement, en matière de criminalité, à cause du passé anarchique de cette région et à cause aussi des mœurs et des coutumes.
3) Certaines pratiques religieuses, l’égorgement d’abord. Les musulmans sont des sacrificateurs. Le Coran a prescrit des règles relatives à la tuerie des animaux. Il s’agit essentiellement du mouton et dès son plus jeune âge le jeune enfant assiste à la mort de l’animal qu’il pourra sacrifier quand il sera devenu un homme, mais à la condition qu’il jouisse à cette époque de toute sa raison, et qu’il puisse contracter une union conjugale selon la loi coranique. Le sacrifice consiste à égorger l’animal en lui coupant complètement le cou, sans enlever le couteau avant l’entière section de la trachée.
L’égorgement du mouton était pour le jeune garçon musulman du bled, une cérémonie initiatrice de son passage à l’âge adulte avec tout que cela comporte, y compris le fait que devenu adulte il n’a plus d’ordre à recevoir de sa mère.
On comprend par extension que tout geste meurtrier commence naturellement pour eux, par l’usage du couteau et par cet égorgement quelle que soit la victime potentielle.
Je crois que cela reste toujours d’actualité aujourd’hui encore en Algérie dans leur deuxième guerre avec le GIA depuis 1992 et aussi dans d’autres secteurs comme la guerre en IRAK en 2002 et l’affaire du journaliste Daniel Pearl qui fut égorgé et décapité au Pakistan.
Autre exemple des corps de musulmans retrouvés en Algérie dans des paniers en 1957, parce qu’ils n’avaient pas voulu dénoncer leurs patrons agriculteurs.
La mutilation des organes génitaux masculins a été souvent rencontrée et associée à l’égorgement.
En 1906 un avocat général à la cour d’appel d’Alger écrivait : « Les corps furent retrouvés dans une mare de sang entièrement nus et mutilés, des lambeaux de chair enfoncés dans les dents. C’est la marque de fabrique indigène et non l’indice d’une animosité particulière à l’égard des victimes car le vol était le seul motif.
La rébellion a multiplié de pareils exemples d’une manière considérable, il faut en trouver la raison non seulement dans une certaine sauvagerie mais surtout dans le symbole que représente cette émasculation qui transforme l’homme, cet être supérieur vu par les musulmans, en un corps presque semblable à celui de la femme, cet être inférieur en lui supprimant les attributs de la virilité. C’est l’explication que l’on peut en donner.
Autre exemple le 10 mai 1954 bien avant les évènements c’était un militaire musulman un maréchal des logis tué de cette façon par un de ses hommes nommé Bachir. Il reçut 54 coups de couteau et l’ablation des organes génitaux retrouvés dans la bouche, le mobile était simplement une réforme. Les mutilations punitives de la face, les cruautés typiques de cette affaire furent l’objet d’une publication du Pr. Lagrot dans le numéro 1 du magazine « Afrique française Médicale de 1957.
En 1957 le gouverneur général Robert Lacoste fait publier les publications médicales et précise dans cette étude historique un point particulier en faisant remonter la pratique des mutilations nasales aux Hindous 2500 ans avant Jésus Christ
Dans cette publication le docteur Masboeuf de Ténès précisait : « Le nez dans l’usage courant représente l’honneur et la dignité » de même que pour nous le cœur représente le sentiment et c’est pour cela que l’on dit « tu n’as pas de cœur », une injure grave à un musulman consiste à lui dire « tu n’as pas de nez « ou de « nif » ce qui se traduit par : Tu es un homme sans honneur.
Dans cette même publication le docteur Masboeuf rapporte l’envoi d’un patient dans le service du Pr. Lagrot le patient que je vous ai envoyé hier c’est vu tenir le langage suivant : « Tu écoutes trop » et on lui coupe une oreille « tu parles trop » et on lui coupe la lèvre supérieure « tu n’es pas un homme « et on lui coupe le ne »..
Les mutilations nasales sont les plus employées pour se faire craindre et obéir, ces pratiques ont été largement utilisées par les terroristes comme moyen de punition auprès des musulmans. Des fumeurs et des priseurs de tabac furent victimes de ces pratiques, le Pr Lagrot traita 20 cas en 1957 dans la seule ville de Constantine. Cela n’est qu’une partie des victimes qui n’avaient pas les moyens de se faire soigner en se rendant dans les grandes villes d’Algérie. Le regretté Jacques Soustelle avait été particulièrement choqué par ces pratiques.
L’éventration était également assez fréquente connue en métropole mais plus fréquente à cette époque en Algérie. Elle n’était pas rare et parfois associé aux autres mutilations.
Un cas d’homicide qui s’est produit avant les évènements le 18 janvier 1948 à Kouba, une femme est entièrement éviscérée. C’est le mari qui avait commis ce crime par jalousie il croyait que sa femme avait un amant.
Un autre cas en 1955 commis par les rebelles avec égorgement avec quasi-décollation d’un musulman dans un village des Aurès, la cavité abdominale était remplie de cailloux.
Pour en terminer avec les crimes avec arme blanche, l’homicide volontaire commis le 12 avril 1949 dans le village de Rouiba une famille de 6 agriculteurs sont assassinés avec 2 ouvriers musulmans pour une sordide affaire de vol, avec de nombreux coups de couteaux.
Un autre fait de guerre l’assassinat d’un docteur auxiliaire en mars 1956, il fut torturé assassiné avec trace de brûlures par métal porté au rouge sur le thorax et l’abdomen, avec brûlure par liquide brûlant sur l’abdomen, et égorgement médian et latéral et mutilations des lèvres.
Un autre cas d’un homme Saïd 40 ans enlevé par le FLN et poignardé avec un couteau de boucher, il est arrivé sur ses pieds à l’hôpital Mustapha d’Alger, dans le service ophtalmologique, il avait une lame plantée dans l’orbite, cette lame avait pour dimensions 2,5 cm de large et 17 cm de long, tout cela planté dans l’orbite, cette lame avait pénétré de 12 cm et devait être dégagée à coup de maillets sous anesthésie générale.
Nous avons tenté de leur trouver, à ces atrocités, une explication d’ordre historique, ethnique, et religieuse.
Une explication n’est pas une excuse. Elle montre toutefois comment il devait être facile pour les chefs de l’ALN de faire commettre des atrocités qui devaient êtres naturelles s pour la plupart de ces combattants.
Ce qui permet de comprendre les mécanismes de cette guerre révolutionnaire et le triple objectif des atrocités car cette guerre n’a jamais été un soulèvement populaire, ce n’était pas un soulèvement pour l’indépendance.
En 1954 l’effectif des rebelles était insignifiant et c’est pourquoi il leur a fallu terroriser les populations du bled par des égorgements de nombreuses familles entières, pour contraindre les populations à se rallier au FLN, en fournissant des combattants et pour que ces populations coopèrent pour le renseignement et permettre aux combattants du FLN de vivre comme un poisson dans l’eau.
Un grand nombre d’atrocités commises contre son propre peuple, prouve que le FLN était peu représentatif d’une population qui ne s’est rallié que sous la terreur des représailles. Il a fallut ensuite qu’ils terrorisent les agriculteurs français des fermes isolées du bled.
Puis ce furent les bombes en ville c’était la terreur urbaine de façon à provoquer la fuite des européens, c’était la même volonté de terrorisme à l’état pur. Enfin il fallait terroriser les jeunes militaires métropolitains. Nous nous rappelons le massacre de Palestro le 18 mai 1956.
Le but de tels actes étaient de provoquer des ripostes souvent disproportionnées, aveugles et se retournant contre des populations civiles irresponsables des exactions.
C’est l’engrenage recherché, le cycle terrorisme répression aboutissant dans des cas extrêmes a des actes excessifs commis par des militaires isolés.
Comment voulez-vous que réagissent des militaires qui retrouvent leurs camarades égorgés, éventrés, émasculés.
La terreur était la stratégie du FLN dans cette guerre

SOUVENIRS DANS L’EXERCICE DE LA MEDECINE MEDICO-LEGALE

Quelques souvenirs, je fus mêlé comme expert à des affaires sensibles


AFFAIRE ALI BOUMENDJEL

La première affaire la mort de Ali Boumendjel qui était un avocat du FLN. Son corps avait été trouvé à Hussein Dey au pied d’un immeuble où il était détenu.
Le juge d’instruction pose alors trois questions :
Etait il tombé du haut de l’immeuble : Accidentellement ? Volontairement ? Par suicide ? . Avait il été poussé ?
N’ayant trouvé aucune trace de violences en dehors des lésions dues au contact avec le sol, aucune violence externe, ni trace de lutte sur le corps, et sur les vêtements, la réponse est simple il était mort par précipitation c’est le terme médico-légal en pareil cas, sans pouvoir préciser les circonstances ayant précédé la chute.

AFFAIRE HENRI ALLEG

La seconde affaire c’est celle de Henri Alleg ce journaliste communiste qui était connu pour son livre sur la question, ce livre exploité par tous les médias hostiles à l’armée qui a alimenté la campagne contre la torture.
J’ai eu à examiner son dossier qui était énorme, qui m’a été soumis par le juge d’instruction et je n’ai pas eu à l’examiner, lui Henri Alleg. Il prétendait avoir été torturé, passé à la « gégène » comme on dit, il disait présenter des cicatrices de brûlures électriques. La question posée par le juge d’instruction était la suivante. Pouvait on confirmer ces dires par l’examen de des cicatrices ?
J’avoue qu’en recevant cette mission j’étais assez ennuyé et même peu compétent car j’ignorais s’il existait des différences entre les cicatrices de brûlures électriques, chimiques, thermiques.
En dehors de leur aspect externe. J’ai donc fait la bibliographie et heureusement j’ai trouvé un article de mon maître Simonin qui disait qu’il y avait à l’examen histologique (étude descriptive des tissus constituant les êtres vivants) des images vacuolaires et qui pour lui étaient typiques d’une brûlure électrique. J’étais sauvé en ce qui me concernait. J’adressais le dossier au professeur Laffargue qui était Pr d’anatomie pathologique, mon ami était mécontent « je n’y comprends rien, ce n’est pas mon domaine la question va être posée par le juge d’instruction ….. » Mais toujours est il que très curieusement l’affaire n’est pas allée plus loin. Car la plainte a été retirée. Ce qui est curieux c’est que personne ne s’inquiète de ce fait.
On peut se poser bien des questions, de deux choses l’une ou bien Alleg a menti et n’a jamais eu des brûlures électriques ou bien ce qui n’est pas non plus à son honneur il aurait eu peur d’une simple petite biopsie, il s’agit d’un prélèvement au niveau de sa cicatrice cutanée, pour faire la preuve de l’origine électrique de sa cicatrice. Je ne connais pas la suite de cette affaire.

ABBE SCOTTO CURE DE BAB EL OUED

La troisième affaire dont je me souviens c’est celle de l’abbé Scotto. Une partie infime du clergé avait suivi sa hiérarchie en l’occurrence monseigneur Duval, et avait choisi l’hébergement des chefs du FLN, et l’accueil des terroristes dans des couvents.
A l’heure où des femmes et des enfants étaient égorgés par des gens du FLN, on trouvait leurs tracts dans un presbytère et une ronéo derrière le maître hôtel, dans tous les pays cela s’appelle trahison.
Je fus amené à examiner l’abbé Scotto à Hussein Dey avec le regretté colonel Jeanpierre. Il s’agissait d’examiner les mains de l’abbé et à prélever toutes les traces sous les ongles pour établir qu’il s’agissait de l’encre de la machine Ronéo et j’ai pu établir la présence de corps étrangers de même nature que ceux trouvés sur la machine, fraîchement nettoyée, et qui avait servi à établir des tracts du FLN.

LES ATTENTATS A ALGER

Et enfin quelques souvenirs du laboratoire de police scientifique, que j’ai dirigé pendant quelques années, avant de devenir persona non grata.
J’ai eu cette activité pendant la bataille d’Alger, elle était très variée cela allait de l’identification d’armes de poings et de projectiles, à la détection de débris divers, de détonateurs et de bombes artisanales, qui firent tant de victimes au début de la bataille d’Alger. Elles furent déposées par de jeunes musulmanes dans des brasseries dans des bars ; dans un pied de lampadaire, à l’arrêt de car, sous le plateau du Casino de la Corniche, et sous les gradins d’un stade, le résultat des enfants innocents rescapés mais mutilés pour toujours. J’ai eu une activité d’autopsie à l’hôpital Mustapha en 1962 et les derniers mois furent horribles : chaque matin lorsque j’arrivais à la morgue de Mustapha, je devais enjamber les cadavres pour arriver à la table d’autopsie. Je reconnaissais parfois certaines victimes comme le docteur Maxime Flech de Maison Carrée. Il s’agissait de musulmans et d’européens presque tous morts par balles par pistolet automatique ou mitraillette, je me souviens du curé de Birmandréis qui avait reçu dans la nuque un projectile que j’ai retrouvé sous la peau dans la région frontale.
Les autopsies étaient rudimentaires, elle consistait à retrouver les projectiles quand ils en restaient dans le corps. Quand il restait un projectile dans les corps il fallait le trouver de façon à identifier l’arme qui l’avait tiré ? Mais les affaires étaient si nombreuses et se succédaient à une telle vitesse qu’on ne pouvait pas les mener jusqu’au bout.
Je ne fus pas commis pour procéder à l’autopsie des victimes de la fusillade du 26 mars 1962 ou périrent sous les balles de l’armée française 54 civils dont 4 musulmans avec 200 blessés. Parmi les victimes figurait un docteur des hôpitaux Jean Massonat croix de guerre 39-45 qui fut victime du devoir professionnel, tué dans le dos en portant secours à un blessé. J’étais personne non grata à cette époque et il n’a pas pu être établi si les autopsies avaient eu lieu ou non ni par qui elles auraient été pratiquées : En tout cas les dossiers ont disparus.
On comprend que le pouvoir ai cherché à faire disparaître les traces d’un horrible forfait qui sonna le glas de toute résistance populaire.
Ce qui était l’objectif recherché, car en pareil cas il faut se demander à qui profite le crime. Les activités continuèrent à l’hôpital Mustapha d’Alger jusqu’à l’extrême limite de juin 1962.
Le plus bel hommage que l’on peut rendre à la qualité du personnel enseignant est de rappeler ce que sont devenus les 79 professeurs titulaires après la diaspora dont ils furent les victimes. On est bien obligé de constater en l’existence de cette volonté en haut lieu, d’une volonté de détruire l’école d’Alger, en éparpillant les équipes dans toute la France, en 23 facultés métropolitaines, 6 professeurs deviennent doyens par la suite.
La faculté d’Alger ne voulait pas mourir et sous l’impulsion du Pr Raynaud il réussit à reconstituer pendant une dizaine d’années « les journées de Mustapha en Touraine » au château de Dartigny, une revue médicale fut même crée « L’Antenne Médicale.

J’ai tenté de vous faire revivre au travers de la faculté de médecine d’Alger la guerre d’Algérie de 1954 à 1962. Et l’hôpital Mustapha qui pouvait avantageusement soutenir la comparaison avec n’importe quelle autre grand CHU de France, et qui rayonnait depuis 53 ans pour le grand bien de toutes les populations de ce pays.
Je ne crois pas au sens de l’histoire cette utopie marxiste maintenant abandonnée. Je pense que l’histoire est faite par quelques hommes qui à un moment donné imposent-leur marques sur les évènements pour le meilleur et pour le pire, et ce fut le cas en Algérie de 58 à 62, car ces hommes malgré leur passé peuvent se tromper lorsqu’ils sont mus par l’orgueil, le mépris ou la haine.
Et je suis de ceux qui prétendent qu’il fut ainsi pour l’Algérie dont le destin aurait pu évoluer de toute autre façon en évitant d’écrire une des pages sinon la plus honteuse de l’histoire de France.
Les historiens viennent de recommencer à le reconnaître. Ce n’est qu’un début et j’ai confiance dans le jugement des historiens qui permettront d’établir la vérité la plus objective possible.
La population européenne d’Algérie après l’exode et la dispersion ne se considéra jamais intégrée à la population métropolitaine qui avait été conditionné pour la rejeter.
La population musulmane autochtone est dans son ensemble moins heureuse que du temps de la souveraineté française même s’il est impossible pour elle de le reconnaître officiellement.
En ces temps où il est question partout de repentance et de mémoire permanente, on aimerait que le gouvernement français reconnaisse ses erreurs de la politique algérienne souvent incohérente depuis 1830 jusqu’à la fin de 1962.
Mais on aimerait que le gouvernement algérien se repente également pour la façon indigne d’un pays civilisé dont furent traites les Harkis tout est encore possible.
Il faut cependant garder espoir dans la mémoire des peuples et croire qu’un jour viendra où cette œuvre sera reconnue par des générations plus sages ce qui rendra alors possible la réconciliation pour le grand bien de tous.
Des deux cotés de la méditerranée les relations confiantes pourront alors reprendre.
Un témoignage personnel avec le courrier du garçon du laboratoire monsieur Ostman Abdelkader avec qui j’ai correspondu de 1962-1975. (lecture avec émotion d’une lettre de Noël 1967)

CONCLUSION

Pourquoi toujours exhiber ce passé parsemé de tant d’horreurs car nous avons un double devoir de mémoire d’abord devoir de mémoire à l’égard des jeunes générations de français d’Algérie ceux qui ont entre 40 et 50 ans maintenant, et qui n’ont ont pas connu les faits.
Des faits incontestables et non des rumeurs, ils n’ont pas eu de récit de leurs parents, ou bien leurs parents ont voulu gardé le silence, et préféraient tourner la page, ne voulant pas répondre à leurs questions.
Tous ces jeunes ont ensuite en milieu scolaire reçu non pas une information objective mais une désinformation systématique sur l’Algérie. L histoire volontairement tronquée, faussée, uniquement orientée pour qu’ils ne gardent en mémoire qu’un slogan.


" Guerre d’Algérie = Tortures de l’Armée Française".


Vous vous souvenez du film de Patrick Rotman (très mauvais et très partial) l’ennemi intime. Il faut dire la vérité à tous ceux qui ne l’ont pas connu, et réhabiliter l’armée française, car il est intolérable d’entendre ces attaques ignobles contre notre armée « tortionnaire », nous avons un autre devoir de mémoire vis à vis des historiens de profession, qui commencent enfin à étudier les dossiers et qui écrieront les livres d’histoire pour les générations futures.
Tous ceux qui ont des faits incontestables doivent le faire sans les interpréter, sans passion excessive, les faits parlent d’eux-mêmes.
Il faut être persuadé que malgré toutes les occultations provenant des survivants de tous les milieux politiques impliqués, ayant intérêt à cacher leurs turpitudes et cela va des communistes aux gaullistes, les historiens honnêtes finiront par écrire la vérité sur cette période la plus ignoble de l’histoire de France.
C’est un devoir sacré que nous devons dédier à la mémoire de tous ceux civils et militaires, français de métropole et d’Algérie, français Musulmans du bled ou engagés dans l’armée comme les Harkis morts au combat ou victimes de tortures et aux victimes d’attentats, nous devons jamais les oublier ils ne doivent pas être morts pour rien.