Procès du général
Salan : jugement 23 mai 1962
Raoul Salan a été l'un des conjurés du "putsch
des généraux" d'avril 1961, puis chef de l'O.A.S. : "Je
suis le chef de l'O.A.S. ; ma responsabilité est entière"
déclara-t-il lors de son procès. Il a été condamné
à mort par contumace, le 11 juillet 1961
Arrêté le 20 avril 1962 au 23 de la rue Desfontaines
à Alger, rue cher à notre coeur, il fut déféré
devant le Haut Tribunal militaire qui avait précédemment jugé
Edmond Jouhaud.
La première audience eut lieu le 15 mai 1962, le verdict était
prononcé le 23 mai 1962 : condamnation à la détention
criminelle à perpétuité. Il devait être amnistié
en juin 1968, puis réhabilité en novembre 1982.
Archives sonores,
la plaidoirie de maître Jean-Louis Tixier-Vignancour au "procès
de Raoul Salan".
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Il peut être utile de lire le compte rendu sténographique
complet publié chez Albin Michel en juin 1962, dans la collection "Les
grands procès contemporains". Une vue excellente sur l'ensemble
du procès.
Le Haut Tribunal militaire avait été institué
le 27 avril 1961 à la faveur de l'article 16 de la Constitution.
Il était présidé par M. Bornet, président
de chambre à la cour de Cassation et composé : des généraux
Jousse, Gilliot et Gelée, du vice-amiral Galleret,
de M. Cavellat, premier président de la cour d'appel
de Caen, de M. Marcel Gagne, président de chambre
à la cour d'appel de Paris, de M. Hoppenot, ancien
ambassadeur, et du professeur Pasteur Vallery-Radot, membre
du Conseil de l'Ordre de la Légion d'honneur.
Le siège du ministère public était occupé par
M. Gavalda, premier avocat général à
la cour de Cassation.
Les défenseurs de l'accusé étaient.
MMe. Tixier-Vignancour , Le Corroller, Menuet et Goutermanoff.
Je
suis le chef de lO.A.S. Ma responsabilité est donc entière.
Je la revendique, nentendant pas mécarter dune ligne
de conduite qui fut la mienne pendant 42 ans de commandement.
Je ne suis pas un chef de bande, mais un général français
représentant larmée victorieuse, et non larmée
vaincue.
A la différence de celui qui vous demande licence de me tuer, jaiservi
le plus souvent hors de la métropole. Jai voulu être officier
colonial, je le suis devenu. Je me suis battu pour garder à la Patrie
lEmpire de Galliéni, de Liautey et du père de Foucauld.
Mon corps a conservé les traces profondes de ce combat.
Jai fait rayonner la France aux antipodes. Jai commandé.
Jai secouru. Jai distribué. Jai sévi et, par
dessus tout, jai aimé.
Amour de cette France souveraine et douce, forte et généreuse
qui portait au loin la protection de ses soldats et le message de ses missionnaires.
Quand, par deux fois, lheure du péril a sonné pour la
vieille métropole, jai vu les peuples de lempire accourir
à son secours : Algériens, Marocains, Tunisiens, Vietnamiens
et Sénégalais se sont battus avec nous et souvent sous mes ordres.
Quand on a connu la France du courage, on naccepte jamais la France
de labandon.
Vient 1945 et les prémices de cet abandon. Puis jai été
le témoin , en 1954, de lhorrible exode de plusieurs millions
dhommes. Ils saccrochaient désespérément
à nos camions. Ils tentaient de nous suivre en charrette ou dembarquer
sur nos bateaux. Ne leur avions-nous pas promis que jamais notre drapeau ne
serait amené sur cette terre dIndochine ? Ne nous avaient-ils
pas crus ?
Ils avaient eu raison de nous croire car ils connaissaient les sacrifices
et les efforts de larmée française. Ils ignoraient la
trahison cheminant sans cesse à Paris. Ils sont morts noyés
ou massacrés et reposent aux côtés des quatre promotions
de Saint-Cyr qui les avaient tant défendus.
Dun tel désastre naît une résolution dans le cur
de ceux qui ont été les acteurs indignés et meurtris.
Des dizaines de tués et des centaines de blessés sont les victimes
des ordres de Ben Khedda et de Yacef Saadi, le chef des tueurs de la Casbah.
Au stade de Saint-Eugène, au milk-bar, dans un bal, des enfants sont
mutilés sans que jamais un mot de compassion ne soit écrit par
certains journaux, spécialistes en dautres temps de la réprobation.
En plein accord avec M. Robert Lacoste, ministre résident en Algérie,
nous confions la responsabilité de ramener la paix et la sécurité
à Alger à la 10ème division parachutiste. Cette unité
gagnera en trois mois la bataille dAlger sans tirer sur les immeubles
avec des mitrailleuses lourdes, et sans quun seul avion français
narrose de balles la Casbah.
Cest dans cette situation qui évoluait favorablement et rapidement
que se placent deux faits importants.
A Paris, les hommes politiques et la presse spécialisée accablent
doutrages larmée et le ministre résident. Ils aident
ainsi de tout leur pouvoir lennemi en difficulté et le font impunément.
A Alger, intervient le monstrueux attentat du bazooka. Le 16 janvier (1957),
à 19 heures, deux rockets sont tirés, lun sur mon bureau,
lautre sur celui du commandant Rodier qui est tué sur le coup.
Cétait le premier acte de violence némanant pas
du FLN et il était dirigé contre le commandant en chef. Qui
donc lavait commis ?
On sut rapidement que cet attentat était relié à un important
complot dont la réussite exigeait mon assassinat. Ses instigateurs
sont ceux qui demandent aujourdhui pour moi la peine capitale. Ils désirent
obtenir par un jugement ce quils nont pu réussir par le
bazooka.
Cela est si vrai que toute instruction sérieuse ma été
refusée. Aucun témoignage na été recueilli,
pas même celui de M. Michel Debré. Or il est impossible de comprendre
les événements et dexpliquer ma position comme le mobile
de mes actes si lattentat du bazooka nest pas éclairci.
Quand le pouvoir refuse à un inculpé une justice complète,
cest quil y a le plus grand intérêt.
Après lattentat, je déclare que je lutterai par tous les
moyens contre ceux qui veulent agrandir le fossé déjà
entrouvert entre les communautés. Je demande et jobtiens le retour
des unités algériennes repliées sur la métropole.
Dans mes directives, je prescris aux forces sous mes ordres de tout mettre
en uvre pour lamélioration sur tous les plans de la vie
des populations musulmanes. Larmée suppléera les défaillances
des services publics.
Mois après mois, au cours de cette année 1957, nos affaires
saméliorent. Les barrages étouffent les willayas de lintérieur.
Les villes ne connaissent plus de graves attentats. La circulation routière
ne connaît plus de réelles difficultés.
Quand le 1er novembre 1954, en exécution des ordres de Ben Bella, un
jeune couple dinstituteurs et de nombreux musulmans sont assassinés,
ce sont les troupes revenues dIndochine qui auront à faire face
à cette rébellion sanguinaire. Leur rôle sera de préserver
dun sort comparable à celui de lIndochine ces départements
français et de maintenir lintégrité du territoire
national.
Hélas ! en deux années, la situation sest dégradée.
Quand je prends, le 2 décembre 1956, le commandement en chef des forces
en Algérie, les attentats meurtrissent quotidiennement les Français
chrétiens, juifs ou musulmans. Au mois de décembre 1956, 950
attentats seront commis par lennemi dans le seul département
dAlger.
Le 1er janvier 1958, le général de Gaulle mécrivait
:
« Puisse la France comprendre les immenses services que vous lui rendez
en Algérie. »
Par contre, le début de lannée 1958 semble comporter à
Paris, toujours à Paris, de vives inquiétudes pour lavenir.
On parle de cessez-le-feu. Aux questions qui me sont posées, ma réponse
est invariable. Le seul cessez-le-feu acceptable est celui du 11 novembre
1918, il doit consacrer la victoire de nos armes.
Le ministère Gaillard tombe. Le président Bidault ne peut former
un nouveau gouvernement. Le président Pleven est désigné
et me convoque à Paris, ainsi que le général Jouhaud.
Je lui dis nettement que larmée nacceptera aucun cessez-le-feu
contraire à lhonneur de ses armes. Il me répond quil
ne fera rien contre lhonneur de larmée. Il est aussitôt
dans lobligation de renoncer.
Cest dans ce climat que M. Pflimlin est désigné. Le 7
mai au matin, en présence des généraux Jouhaud, Allard
et Dulac, je rédigeais un télégramme au président
Coty. Il était de mon devoir dalerter le chef de létat
sur le drame dun nouvel abandon.
Le 12 mai, à midi, appelé au Gouvernement général
par M. Maisonneuve, jarrive avec les généraux Jouhaud,
Allard, Dulac, lamiral Auboyneau. Dans le bureau se trouvent M. Chaussade
et M. Payra, messager de M. Pflimlin. Je dis à ce dernier que larticle
de M. Pflimlin paru dans un journal dAlsace et reproduit par toute la
presse a mis le feu aux poudres et que les intentions du futur président
à légard de lAlgérie ne sauraient être
acceptées ici. Pour éviter le désordre, je suggère
que M. Pflimlin se retire. Jajoute que, seul, le général
de Gaulle est pour nous le garant de lAlgérie française.
Le lendemain, cest le 13 mai.
Je vais préciser certains points demeurés inconnus et qui permettent
de définir la portée des engagements pris, des responsabilités
assumées pour lavenir par chacun et aussi de dégager les
mobiles des actions futures.
Le 13 mai, à 20h 30, je téléphone en présence
de MM Maisonneuve et Chaussade au général Ely dans ces termes
:
« Nous nous trouvons devant une réaction contre labandon.
Cette réaction a pris la forme dun véritable désespoir.
La population demande à tout prix la formation dun gouvernement
de salut public autour du général de Gaulle. Il nest pas
question pour moi de faire tirer sur la foule massée autour du drapeau
tricolore. Je vous demande de porter ce message à la connaissance du
président Gaillard. » Ce qui fut fait.
Le 14 mai se passe dans le calme.
Le 15 mai, à midi, au balcon du Forum, je crie :
« Vive la France "Vive lAlgérie française"
Vive de Gaulle. »
Le 16 mai, dans une lettre portée par un administrateur de la France
doutre-mer, ancien de la France libre, jinforme le général
de Gaulle de la situation. Puis, le 28 mai, cest le général
Dulac qui est reçu à Colombey, à la demande du général
de Gaulle. Il est porteur dune missive précisant bien notre position
sur lAlgérie française. Il lui est répondu : «
Ce que fait le général Salan est bien fait. »
Entre temps, à Alger, nombre de personnalités sont arrivées
de Paris : MM Soustelle, de Bénouville, Frey. A différentes
reprises, ils insistent, au nom de M. Debré, auprès de moi pour
que je débarque en métropole. Je nacquiesce pas. Le sang
na pas coulé et je nai pas apporté le risque dun
conflit de lautre côté de la Méditerranée.
Je signale dailleurs que le 1er juin, à 11 heures du matin, M.
Olivier Guichard ma téléphoné en ces termes : «
Nos affaires se présentent mal, à vous de jouer, tenez-vous
prêt. »
Le 4 juin, je recevais à Alger le chef du Gouvernement (le général
de Gaulle). A 14 heures, sadressant aux membres du comité de
salut public, il leur disait :
« LAlgérie, cest moi, mon représentant en
Algérie, cest le général Salan. »
Puis à 19 heures, en présence dune foule immense, du balcon
du Forum, le général de Gaulle sécriait :
« Eh bien ! de tout cela je prends acte au nom de la France. Dans toute
lAlgérie, il ny a que des Français à part
entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. »
Le 6 juin, cest le grandiose moment de Mostaganem : Musulmans et Français,
la main dans la main, sur la place noire de monde, entendent ces paroles du
général de Gaulle :
« Il est parti de cette magnifique terre dAlgérie un mouvement
exemplaire de rénovation et de fraternité. Il sest levé
de cette terre éprouvée et meurtrie un souffle admirable qui,
par-dessus la mer est venu passer sur la France entière pour lui rappeler
quelle était sa vocation ici et ailleurs.
Cest dabord à cause de vous quelle ma mandaté
pour renouveler ses institutions.
Mais à ce que vous avez fait pour elle, elle doit répondre en
faisant ici ce qui est son devoir, c'est-à-dire considérer quelle
na, depuis un bout jusquà lautre de lAlgérie,
dans toutes les catégories, dans toutes les communautés qui
peuplent cette terre quune espèce denfants. Il ny
a plus ici, je le proclame en son nom, et je vous en donne ma parole, que
des Français à part entière, des compatriotes, des concitoyens,
des frères qui marchent désormais dans la vie en se tenant par
la main.
Mostaganem ! Merci du fond du cur. Merci davoir témoigné
pour moi en même temps que pour la France.
Vive Mostaganem "Vive lAlgérie française" Vive
la France. »
Ce même jour, à Oran, le général me remettait,
par un document signé du 6 juin, la charge de délégué
général et de commandant en chef des forces en Algérie.
Il ajoutait : les comités de salut public peuvent semployer sous
votre autorité à une uvre dunité de lopinion
publique et tout particulièrement aux contacts à établir
entre les différentes communautés algériennes.
Enfin, dans un ordre du jour aux forces terrestres, navales, aériennes
dAlgérie, le général de Gaulle sexprimait
ainsi :
« Pendant les trois magnifiques journées que jai passées
en Algérie, je vous ai vus sous les armes. Je sais loeuvre que,
sous les ordres de vos chefs, vous accomplissez avec un courage et une discipline
exemplaires pour garder lAlgérie à la France et pour la
garder française. La confiance que la population manifeste à
larmée et dont jai eu tant de preuves me donne la certitude
que vos efforts au service du pays seront récompensés par un
grand succès national. La France ici va gagner sa partie : celle de
la paix, de lunité, de la fraternité.
Je salue vos drapeaux et vos étendards. A vos chefs, à vos grandes
unités, à votre corps, à vos services, à chacun
de vous, je renouvelle lexpression de ma confiance entière et
résolue. »
Je recevais ainsi confirmation que ma ligne de conduite était la bonne.
Mes efforts pendant de nombreux mois, les décisions que javais
été amené à prendre au cours des journées
difficiles, mais combien exaltantes de mai, recevaient une consécration
officielle.
Ne pouvant oublier laide précieuse quils mavaient
apportées, je félicitais, par des ordres du jour, larmée,
le général Massu, les comités de salut public et je leur
disais :
« Ensemble nous allons réaliser lAlgérie française
», thème qui ne sera remis en cause quen septembre 1959.
Certes, je connais des soucis. Le résultat brillant du référendum
de septembre 1958, ce « oui » massif à la France dans lequel
le vote des femmes musulmanes entre pour une large part, calme des appréhensions.
Larticle 72 de la constitution reconnaît que :
« LAlgérie est constituée de départements
et de communes, collectivités territoriales de la république
» marquant que lAlgérie est bien dans la France.
Larmée se dépense sans compter et ne cesse daccroître
laide aux populations sous toutes les formes. Pour permettre de rendre
ladministré à ladministrateur, cest-à-dire
de la rendre pacifiée, elle sengage sans réticence et
avec succès.
Le monde entier avait pu constater que, pendant les journées de mai
et de juin, aucun acte de terrorisme navait ensanglanté les rassemblements
de foule. La circulation à lintérieur navait posé
aucun problème.
Le FLN, abasourdi et désemparé par cet immense mouvement, avait
été incapable de sy opposer et même de marquer une
réaction quelconque. Tout ceci, la presse dans son ensemble lavait
reconnu. Le fait était là, la fraternité lavait
emporté. Sur le barrage, le mois de mai avait vu les derniers gros
accrochages ; un armement considérable était tombé entre
nos mains. Nous assistions à de nombreuses redditions, certaines dunités
entières.
Certes, dans la dernière affaire, le colonel Jeanpierre, remarquable
soldat à qui le 1er Régiment Etranger de Parachutistes demeure
fidèle dans le souvenir, tombait au combat, mais il avait vaincu.
Par la suite, il ne sera plus noté une seule entrée conséquente
darmes ou de combattants venant de Tunisie.
La fin du mois daoût et tout le mois de septembre sont utilisés
à la préparation du référendum. Les foules sassemblent
dans les gros villages. Femmes, enfants y ajoutent une note colorée
et chacun regagne le douar sans que jamais lembuscade nait été
placée sur le chemin du retour.
La paix était tangible, il fallait laffermir. Il eût suffi
dune plus grande compréhension de Paris et de quelques moyens
supplémentaires. Ils ne furent pas donnés. Au contraire, les
effectifs furent diminués.
Nous avons perdu là la meilleure occasion de faire cesser les combats
et les pertes et, consacrant lAlgérie dans la France, de rendre
ses enfants à la mère patrie.
Le 19 décembre 1958, je quitte lAlgérie, laissant une
situation plus que favorable. Je la remets militairement aux mains expertes
du général Challe.
Au cours de lannée 1959, gouverneur militaire de Paris, inquiet
des formules nouvelles et des théories équivoques professées
par les milieux officiels sur lAlgérie, jexprime sans détours
ma désapprobation en de nombreuses occasions.
Convoqué à Matignon, et informé par le général
Petit que M. Debré allait me faire des observations sur mon attitude
et sur les critiques que je formulais à légard du gouvernement,
je mentends dire par le premier ministre quil comprenait fort
bien mon attachement à lAlgérie française.
Parlant du cessez-le-feu, il mindiquait que ma position sur cette question
était la bonne et que les discussions éventuelles se feraient
sur la base de mes rapports.
Malgré toutes ces affirmations, le 16 septembre 1959, cest une
politique nouvelle, mensonge avant labandon, qui est définie.
Je manifeste mon opposition. Je dis et je redis. Je mets en garde.
Arrivent les journées des « barricades ». Jestime
de mon devoir, alors que je nai aucune part dans cette affaire, décrire
au chef de létat pour lui demander de reconsidérer sa
politique à légard de lAlgérie :
« Mon général,
Au moment où des événements tragiques particulièrement
lourds de conséquences ensanglantent notre terre dAlgérie,
je pense avoir le devoir, au nom des charges et des responsabilités
que jai assumées dans ce pays et des liens affectifs qui munissent
à lui, de venir vous demander très respectueusement, mais avec
insistance de faire arrêter cette lutte fratricide.
Le général Jouhaud qui fut mon adjoint direct sassocie
entièrement à ma requête.
Lorsquaprès votre accession au pouvoir vous avez bien voulu me
faire lhonneur de me confier les commandements civil et militaire en
Algérie, jai pu apprécier directement cette population
de toutes confessions dont les sentiments farouchement français ne
faisaient aucun doute. Lassurance affirmée de la pérennité
française encourageait les plus timorés à dévoiler
leur pensée, car ils étaient libérés de la terreur
et de la hantise fellagha.
Les chefs, à tous les échelons, ont affirmé solennellement
que larmée était la garante de lAlgérie française.
Aussi ai-je pu constater combien les liens qui unissaient la population algérienne
à larmée étaient affectueux et solides.
Ma confiance en lavenir était totale car je nai jamais
douté de la fidélité de tous à légard
de leur seule et même patrie : la France. Ces sentiments se sont dailleurs
matérialisés le 28 septembre 1958 dans des proportions dépassant
toutes les espérances.
Il est douloureux de constater aujourdhui que des coups de feu français
ont porté atteinte à la vie dautres Français.
Les Français dAlgérie ne sont pas exempts de toute critique,
mais dans le drame que nous vivons, il ne saurait être tenu pour non
fondamental lamour passionné de la terre natale sur laquelle
ont grandi déjà plusieurs générations, lamour
passionné de la France pour la défense de laquelle tant dentre
eux ont donné leur vie et qui reposent sur les champs de bataille de
Tunisie, dItalie et de France.
Peut-être parce que jai vécu en Algérie, peut-être
parce que le général Jouhaud est né là-bas, nous
sentons que le drame en Algérie demande un acte de foi dans lavenir
de cette terre dont les habitants ont fait le serment de ne jamais être
déracinés. Le désespoir commence à hanter lesprit
de beaucoup dAlgériens, désespoir réfléchi
et qui peut créer lirrémédiable.
Pour notre armée unie au milieu de ses chefs et qui en toutes circonstances
a su se montrer digne de son rôle, pour cette population capable de
tant de générosité, de courage et d'attachement à
la patrie, quil me soit permis, mon général, dintervenir
auprès de votre très Haute Autorité pour quune
solution humaine intervienne sans tarder et rende lespérance
à lAlgérie dont la foi ardente pour la mère patrie
incline au respect le plus profond.
Je vous prie de vouloir bien agréer, mon général, lassurance
de mes sentiments respectueux. »
Je ne suis pas entendu, mais je sais quau sein du gouvernement des ministres
partagent mon sentiment.
Au moment où jallais prendre ma retraite, présidant le
congrès de Rennes des Anciens Combattants de lUnion Française,
le 6 juin 1960, je mécrie :
« Il ny a pour nous quun seul message, un seul engagement
: « LAlgérie française. »
Et je men vais, après le déjeuner à lElysée
du 8 juin, couvert de compliments par le chef de létat à
qui jai fait connaître mon désir de me retirer à
Alger.
Résidant à Alger depuis le 3 août 1960, jen suis
expulsé le 19 septembre suivant parce que javais protesté
contre le réseau de trahison Jeanson, et pris une fois de plus position
contre les mensonges du pouvoir sur lavenir de lAlgérie.
Maintenu à Paris, jy suis lobjet dune surveillance
policière telle que, désirant garder ma liberté puisque
je suis fermement décidé à revenir en Algérie,
je pars pour lEspagne.
Là, jattends le moment où il me sera possible de regagner
lAlgérie pour y reprendre la lutte contre le FLN, et cest
par mes propres moyens que je rejoins Alger le dimanche 23 avril 1961, à
dix heures du matin.
Je nai pas été invité, pour des raisons qui seront
mises en lumière, à lélaboration du plan du putsch
du 22 avril, ni à sa réalisation. Quand je suis arrivé
à Alger, lautorité du général Challe était
installée. Je me suis intégré à lorganisation
dite « Conseil Supérieur de lAlgérie », et
jai eu, tant avec Challe quavec les généraux Jouhaud
et Zeller, de nombreux entretiens sur la situation.
Ma préoccupation principale au cours de ces trois journées,
cétait le rapprochement des communautés et les mesures
quil était possible denvisager pour le réaliser.
Jai insisté sur la mobilisation de deux bataillons dunités
territoriales et le rappel de huit classes en Algérie. Mais je tiens
à préciser que je nai eu à prendre aucune initiative
dans la direction ou lorganisation de linsurrection. Ce nest
pas là éluder une responsabilité quelconque, mais rappeler
la vérité.
Aucune décision sur le plan administratif na, par ailleurs, été
prise par moi au cours de ces trois jours.
A mon arrivée, le dimanche 23 avril, je métais rendu compte
que, malgré le succès de la première nuit, lentreprise
était sur le point déchouer. Sur le chemin, entre le terrain
de Maison-Blanche et Hydra, javais croisé de nombreux camions
de garçons qui hurlaient : « la quille » dans un grand
désordre. En arrivant chez moi, mes proches me faisaient part de leurs
inquiétudes. De nombreux Algérois venaient me dire, dans laprès-midi
: « Nous sommes trahis. »
En fin de journée, rencontrant le général Challe au quartier
Rignot, je le mettais au courant de mes constatations. Lenthousiasme
de la foule au Forum, le lundi soir ne me rassura pas.
Certes, les quatre généraux avaient été solidaires.
Le général Challe ne sétait-il pas écrié
: « Nous sommes là pour vaincre ou pour mourir avec vous. »
Ils devaient être perdus par les tractations secrètes du colonel
Georges de Boissieu.
Cette affaire qui sannonçait pleine de promesses, qui était
de nature à nous faire gagner la guerre dAlgérie, sombrait
dans le drame et Challe prenait la décision de rentrer.
Arrivé tout à fait par hasard à la réunion du
mardi 25 avril vers 16h 30, mis au courant par Challe, je répondis
: « Moi, je reste. » Jouhaud pénétrant dans le bureau
par la suite fit la même réponse.
Vers 19h 30, Jouhaud, Zeller et moi, partîmes à la Délégation
Générale. Challe nous rejoignit ; cétait la fin.
Nous navions plus de troupes, les civils nétaient pas organisés.
Après avoir informé Challe de notre décision de continuer
la lutte, il ne nous restait plus quà le quitter. Cest
ce que nous fîmes le mercredi 26 avril à 2 heures du matin en
toute dignité.
Au moment où je méloigne dans la nuit avec le général
Jouhaud, je songe que rien ne me fut plus étranger dans ma vie que
la politique. En acceptant de mener la lutte clandestine, ce nest pas
une décision politique que jai prise. Jai simplement été
rappelé au service, non par une convocation officielle, mais par le
serment que javais prêté.
Je sortais, Messieurs, de la légalité, mais ce nétait
pas la première fois. En mai 1958, jai répondu à
limmense clameur où lon pouvait distinguer la voix du général
de Gaulle, qui me demandait de jurer au nom de larmée française
- cest-à-dire au nom de la France - que lAlgérie
demeurerait une province de la France.
Le 13 mai, jai choisi, contre le gouvernement légal, lunion
enthousiaste des communautés dAlgérie, saccagée
depuis par le pouvoir.
Jai choisi la route qui conduisait à la victoire de la fraternité
préparée par notre armée.
Mais, dès le premier jour, jai prononcé un autre choix
que jétais libre daccepter ou de refuser.
Jai choisi de faire revenir au gouvernement le général
de Gaulle.
Jai fait acclamer et ratifier ce choix par lAlgérie toute
entière, comme par larmée.
Jai préparé, sans la réaliser, une opération
militaire sur la métropole, sur Paris, opération anxieusement
souhaitée par celui qui devait en être le bénéficiaire,
le général de Gaulle, alors simple particulier.
Voici pourquoi, lorsque jeus la conviction que javais été,
le 13 mai, la dupe dune comédie affreuse et sacrilège,
je me suis senti engagé devant ma conscience, devant mes pairs, devant
ma patrie et devant Dieu.
Ceux qui avaient été trompés et bafoués avec moi,
ce nétait pas les membres dune coterie. Cétait
les soldats vivants et morts de larmée dAlgérie,
leurs camarades de métropole, et tout ce peuple confiant et fort, celui-là
même qui avait écrit à Cassino, toutes races confondues,
une page immortelle de gloire.
A aucun prix, je ne pouvais admettre dêtre considéré
comme le complice du général de Gaulle dans le martyre de lAlgérie
française et dans sa livraison à lennemi.
Si javais trompé le peuple dAlgérie et larmée
en criant : « Vive de Gaulle », cest parce que javais
été trompé moi-même.
Mais celui qui fut commandant en chef se doit de réparer, fût-ce
au prix dune vie dont il a consenti le sacrifice en entrant à
Saint-Cyr.
La réparation, cétait dabord de demeurer au milieu
de ce peuple. Cétait ensuite de prendre la tête de lO.A.S.
Le chef de létat navait-il pas proclamé que «
toutes les tendances, toutes » seraient consultées ? En privant
les Français chrétiens et musulmans de toute possibilité
légale dexpression, il semble que le général de
Gaulle nentendait reconnaître une tendance que si elle sexprimait
dans lillégalité et par la violence.
Ainsi un peuple menacé de misère, dégorgement et
dexil sest-il rassemblé pour défendre ses foyers
dans lO.A.S.
Cest pourquoi je vous dis, puisque le général de Gaulle
a assuré le triomphe du FLN, vous ne pouvez pas juger.
Vous navez pas le droit de juger. En jugeant vous légitimeriez
devant la postérité les crimes innombrables du FLN. Vous affirmeriez
que les massacreurs dEl Alia, et les égorgeurs de Melouza avaient
raison. Vous jetteriez lopprobre sur les tombeaux de ceux qui sont morts
pour garder lAlgérie à la France et vous absoudriez leurs
meurtriers.
Et qui donc, en dehors du FLN, a commencé à user de la violence
?
Chacun semble ignorer les lendemains du putsch davril en Algérie
; ils furent marqués par une répression sans limite.
Les conseils municipaux élus furent dissous.
Les conseils généraux suspendus.
Les journaux interdits.
Le couvre-feu maintint les habitants dans une claustration incroyable.
Pendant tout le mois de mai, de bons citoyens prenaient le chemin des camps
de malheur et celui de Djorf ressuscitait le souvenir de Dachau.
Une haine sans borne se donnait libre cours contre tout ce qui était
français et entendait le demeurer. Les premières réactions
de lO.A.S. à ce régime de terreur entraînèrent
les interrogatoires, maintenant connus, du colonel Debrosse qui reculèrent
les limites de la cruauté.
Le même Etat qui se livrait à ces violences continuait à
proclamer en lautodétermination le but final de sa politique
alors quil organisait déjà la prédétermination
en faveur de lennemi.
Dès le premier jour, lautodétermination nétait
quun mensonge destiné à couvrir un mensonge bien plus
monstrueux que vulgaire. La politique choisie le 13 mai, confirmée
les 4, 5 et 6 juin 1958 par le général de Gaulle, massivement
approuvée par le référendum du 28 septembre 1958, était
la seule possible.
Après lapprobation par le peuple français de la nouvelle
constitution, cette politique était la seule qui fut légale.
Pour combattre lAlgérie, province française, il a fallu
violer la constitution, briser larmée, incarcérer les
meilleurs des siens, répandre la haine et la délation. Cest
le gouvernement qui, reniant ses origines, est responsable du sang qui coule
et, au dessus de quiconque, celui à qui jai donné le pouvoir.
Mais un tel reniement ne conduira pas à labandon. Il existe en
Algérie une masse dhommes et de femmes, de toutes les communautés
qui, martyrisés, affamés, pillés et mitraillés,
ne se laisseront jamais abattre et ne cèderont ni au FLN, ni à
lexil, ni au cercueil. Ils se sont retrouvés au coude à
coude dans lO.A.S., dernier soutien de leur volonté farouche
de rester français.
Parmi eux, bon nombre de musulmans nous sont restés fidèles,
qui maintiennent dans le souvenir de leurs morts lunité des vivants.
Ceux-là qui ont choisi la France sont venus à nous sur la foi
du serment que leur avait prêté le chef actuel de létat.
Anciens combattants, militaires, supplétifs qui se donnèrent
à plein pour cette pacification qui faisait notre fierté, après
les avoir convaincus de notre résolution de rester, après les
avoir compromis, ils sont bassement abandonnés. Cest une honte
pour le pouvoir, mais cest lhonneur de lO.A.S. de leur avoir
montré la fidélité de la France.
Une publicité éhontée affirme que cest lO.A.S.
qui est responsable du chaos actuel. Je réponds : non. Le responsable
premier, cest dabord lennemi et cest ensuite ceux
qui se font ses soutiens et ses complices.
Est-il possible de condamner des erreurs, des excès inévitables
alors que sentrecroisent des violences dorigines fort diverses
?
Ne sont-ils pas confondus, dans un tel climat, les coupables, les semi-coupables
et les innocents dans les remous sanglants que déchaînent les
volontés qui saffrontent ?
Ces violences nétaient-elles pas le résultat inéluctable
de plus de trois ans déquivoques et de mensonges ?
La capitulation et la fuite nengendrent-elles pas à elles seules
tous les désastres ?
Il faut que je donne un exemple.
Les forces de police et de gendarmerie ont perdu plus de 400 des leurs en
procédant à des arrestations ou à des contrôles
de membres du FLN. Au cours de plusieurs centaines darrestations de
membres de lO.A.S., les mêmes forces nont pas perdu un seul
homme. Et ce sont les meurtriers de 400 gendarmes et policiers qui furent
amnistiés et cest moi qui devrais être fusillé ?
Un tel exemple prouve le caractère criminel dune certaine propagande.
Il est par contre exact que lO.A.S. a revendiqué des attentats.
Aucun dentre eux ne saurait lui être reproché.
Je prendrai encore un exemple : le 31 décembre 1961, lO.A.S.
a tiré sur une villa occupée par un service spécial de
police. Dans cette villa, des Français membres ou non de lO.A.S.
étaient torturés de telle manière que des cris pouvaient
parfois être perçus à lextérieur. Lorsque
lexplosion se produisit, un cadavre fut découvert. Le malheureux
avait été pendu de telle sorte que les efforts quil faisait
pour se dégager naboutissaient quà lempaler
sur un pieu.
Est-ce une violence condamnable que davoir détruit ce repaire
de bourreaux ? Et comment peut se définir un Etat qui recourt à
de tels procédés ?
Il conviendrait aussi de souligner que les actes de violences revendiqués
par lO.A.S. ont été commis à légard
dhommes qui navaient pas craint dutiliser le concours de
lennemi pour traquer des patriotes. Jajoute quà cette
époque lennemi ne collaborait pas encore, en uniforme et armé
par le pouvoir, à loeuvre de génocide actuellement poursuivie
en Algérie.
La violence de lO.A.S. cest la réponse à la plus
odieuse de toutes les violences, celle qui consiste à arracher leur
nationalité à ceux qui refusent de la perdre.
Je nai pas à me disculper davoir refusé que lon
mît dabord une province française aux voix pour la brader
ensuite dans le mépris cynique des engagements les plus sacrés.
Je nai pas à me disculper davoir refusé que le communisme
sinstallât à une heure de Marseille et que Paris fût
mis à portée de ses fusées courtes.
Je nai pas à me disculper davoir défendu les richesses
que de jeunes pionniers ont données à la France au Sahara, assurant
ainsi son indépendance pétrolière.
Si les alliés avaient perdu la guerre et que le général
de Gaulle eût été traduit devant un Haut Tribunal Militaire,
laccusation lui eût reproché le meurtre dun juge
dinstruction à Lorient, celui dun avocat général
à Lyon, et le massacre dune famille entière à Voiron.
Ceût été parfaitement injuste, mais tel eût
été son procès et la peine de mort eût été
demandée par le pouvoir.
Les Allemands eussent réclamé sa tête à grands
cris, comme le FLN exige aujourdhui la mienne.
Il sagit de savoir si vous refuserez cette satisfaction à lennemi
et au pouvoir qui vous présentent une commune requête.
Pour répondre à cette question, vous aurez à interroger
vos consciences, mais quelle que soit votre réponse, elle naffectera
pas mon honneur.
Je ne dois de comptes quà ceux qui souffrent et meurent pour
avoir cru en une parole reniée et à des engagements trahis.
Désormais, je garderai le silence.
Deux ordres de faits étaient reprochés
à l'accusé : d'une part, pour le putsch d'avril 1961, une infraction
à l'article 99 du Code pénal pour avoir dirigé ou organisé
un mouvement insurrectionnel ; d'autre part, en ce qui touche l'activité
O.A.S., des infractions aux articles 86, 87, 91 et 95 du Code pénal
pour avoir notamment tenté de détruire ou de changer le régime
constitutionnel, d'exciter les citoyens à s'armer contre l'autorité
de l'État et de troubler l'État par le pillage, l'attaque ou
la résistance envers la force publique.
Vous trouverez ci-dessous la fin de l'audience du 23 mai 1962 telle qu'elle
est décrite dans le compte rendu sténographique du procès,
pages 548 et 549.
Le Président fait alors donner, par le greffier, la lecture des questions
qui sont les suivantes :
PREMIÈRE QUESTION: L'accusé Salan Raoul Albin Louis est-il
coupable d'avoir à Alger, dans les départements algériens,
ceux des Oasis et de la Saoura, en tout cas sur le territoire national, en
avril 1961 et notamment les 21 avril et jours suivants, en tout cas depuis
temps non prescrit, dirigé et organisé un mouvement insurrectionnel,
sciemment et volontairement procuré des armes, munitions et instruments
de crimes, et envoyé des subsistances à des mouvements insurrectionnels,
de toute manière pratiqué des intelligences avec les directeurs
et commandants de mouvements insurrectionnels ?
DEUXIÈME QUESTION: L'accusé Salan Raoul Albin Louis est-il
coupable de s'être à Alger, dans les départements algériens,
dans les départements des Oasis et de la Saoura, et en France métropolitaine
depuis la fin d'avril 1961 jusqu'au 20 avril 1962, en tout cas depuis temps
non prescrit, rendu complice d'attentats dont le but a été de
détruire et de changer le régime constitutionnel en donnant
des instructions, en procurant des armes ou tout autre moyen ayant servi à
l'action; sachant qu'ils devaient y servir, en aidant et assistant avec connaissance
les auteurs desdits attentats dans les faits qui les ont préparés,
facilités et consommés et avec cette circonstance que lesdits
attentats ont été commis avec usage d'armes ?
TROISIÈME QUESTION: L'accusé Salan Raoul Albin Louis
est-il coupable de s'être, dans les mêmes circonstances de lieu
et de temps, rendu complice d'attentats exécutés dans le but
de décider les citoyens ou habitants à s'armer contre l'autorité
de l'État, en donnant des instructions, en procurant des armes, des
instruments ou tout autre moyen ayant servi à l'action, sachant qu'ils
devaient servir et en aidant et assistant avec connaissance les auteurs desdits
attentats dans les faits qui les ont préparés, facilités
et consommés et avec cette circonstance que lesdits attentats ont été
commis avec usage d'armes ?
QUATRIÈME QUESTION: L'accusé Salan Raoul Albin Louis
est-il coupable de s'être, dans les mêmes circonstances de lieu
et de temps, rendu complice d'attentats exécutés dans le but
de décider les citoyens ou habitants à s'armer les uns contre
les autres en donnant des instructions, en procurant des armes, ou tous autres
moyens ayant servi à l'action, sachant qu'ils devaient y servir, en
aidant et assistant avec connaissance les auteurs desdits attentats dans les
faits qui les ont préparés, facilités et consommés
et avec cette circonstance que lesdits attentats ont été commis
avec usage d'armes ?
CINQUIÈME QUESTION: L'accusé Salan Raoul Albin Louis
est-il coupable de s'être dans les mêmes circonstances de lieu
et de temps, en vue de troubler l'État, en faisant obstacle ou résistance
envers la force publique, en agissant comme les auteurs d'attentats spécifiés
aux articles 86, 93 et 95 du Code pénal exécutés ou tentés
contre la Sûreté de l'État, mis à la tête
de bandes armées ou d'y avoir exercé une fonction ou un commandement
quelconque, d'avoir, dans les mêmes temps et lieu, dirigé l'association,
levé ou fait lever, organisé ou fait organiser des bandes, sciemment
ou volontairement fourni ou procuré des subsides ou instruments de
crimes ou envoyé des subsistances, d'avoir, de toute autre manière,
pratiqué des intelligences avec les directeurs ou commandants
des bandes ?
SIXIÈME QUESTION: Existe-t-il des circonstances atténuantes,
en faveur de l'accusé Salan Raoul ?
L'audience est suspendue à 21 heures. La délibération
des juges du Haut Tribunal militaire se prolonge pendant près de trois
heures. C'est à 23 heures 45 que le Haut Tribunal militaire rapporte
son jugement.
Dans un grand silence on entend le Président déclarer :
Au nom du peuple français il est répondu OUI à la majorité
sur les cinq premières questions.
Arrivé à la sixième question, le Président déclare
:
Sur la sixième question, à la majorité des voix il existe
des circonstances atténuantes en faveur de l'accusé Raoul Salan.
Aussitôt un grand tumulte s'éleva et les avocats présents
entonnèrent la Marseillaise. Me Tixier-Vignancour et Salan s'embrassèrent.
Personne n'entendit le Président condamner Raoul Salan à la
détention criminelle à perpétuité et le ministère
public requérir la radiation de l'ordre de la Légion d'honneur.
Tandis que les membres du Haut Tribunal militaire se retiraient, la salle
retentissait longuement des cris de « Vive Salan », « Vive
l' Algérie française ».
la loi damnistie du 31 juillet 1968 sur les crimes et délits
commis pendant la guerre dAlgérie, mais aussi labsence
de qualification de crimes contre lhumanité en droit français
à lépoque des faits.
L'amnistie. Le Parlement français a adopté, le 31 juillet 1968,
une loi portant amnistie de l'ensemble des crimes commis pendant la guerre
d'Algérie. "Sont amnistiés de plein droit toutes infractions
commises en relation avec les événements d'Algérie, dispose
l'article 1 de la loi. Sont réputées commises en relation avec
la guerre d'Algérie toutes infractions commises par des militaires
servant en Algérie."
La loi de 1968 confirmait deux décrets
datant du 22 mars 1962, le premier portant sur l'"amnistie des infractions
commises au titre de l'insurrection algérienne", le second sur
l'"amnistie de faits commis dans le cadre des opérations de maintien
de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne".