Jacques Bedos Sabir et Pataouete

Après restauration
les enregistrements
se trouvent
dans une fondation
de la mémoire
de
l'Algérie Française
un témoignage
du langage du
peuple Algérois

Est-ce un hasard si, comme Jacques Canetti qui le précéda d'ailleurs à Radio Alger, Jacques Bedos fut homme de médias et de scène avant de passer au disque auquel il apporta, au lendemain de 1967, toute une vague d'auteurs et d'interprètes de poids, révélant aussi bien des nouveaux venus (barrière, Le Forestier, Annegarn, Mayereau...) que des remarquables "secondes carrières" (Reggiani, Moustaki...) ? .
Du "Grand Jacques" à Maxime, du " Métèque à San Francisco", "l'autre Bedos", a passé sa vie à l'ombre des géants, qui lui doivent en toute modestie quelques rayons de leur lumière, Méditerranée oblige. Chef des programmes à Radio Alger (1950-1961), puis directeur artistique chez DECCA-RCA (61-65), Polydor (1965-1975), AZ, et producteur indépendant (La Guimbarde).

Jacques Bedos chef programmes à radio Alger France V de 1950-1961, écrivain, producteur, et interprète des sketches Sabir et Pataouète

Adolescent, je le voyais parfois sur la scène du cinéma " Le Paris " à Alger, dans le cadre de l'émission radiophonique "Le Petit Music-hall du dimanche", animée par. Jack Redson et Jacqueline Dory. Il était "Good bibine", cette sorte de clown à barbe qui commentait l'actualité à l'envers, en trois minutes. " J'ai commencé par l'écriture, nous dit Jacques. J'avais. Fait mon service militaire avec un type qui. S'appelait Jean Voilet, pied-noir agrégé d'anglais à 17 ans. L'un de mes plus beaux souvenirs c'est "6-4-2" une émission dont chaque pied-noir, 40 ans après parle encore, qui était diffusée depuis la salle Pierre Bordes à quelques pas du gouvernement général. Jacques je le rencontrais aussi au Boulevard Bru, dans les studios alors tout neufs de télévision, avec mon ami le clarinettiste Claude Paraire qui était technicien aux équipements et qui disparaîtra tragiquement en juillet 1962 dans le tunnel des facultés à quelques pas de son domicile de la rue du Mulhouse.

SE BATTRE POUR UN TITRE

Parfois aussi, il manque à l'album un titre que l'artiste n'écrit qu'au dernier moment, presque par hasard, et c'est "LE" titre : cela m'est arrivé au Québec avec Maxime qui, au dernier moment, compose "Je veux quitter ce monde heureux" et le met au début de la deuxième face (NDLR. : la même chose est arrivée avec "Passer ma route" sur le dernier album). J'ai vécu une situation analogue avec "Il suffirait de presque rien " de Rivière et Bourgeois, dont Serge Reggiani m'avait dit sèchement : "JAMAIS, tu m'entends, JAMAIS je n'enregistrerai ça ! Elle est mal foutue ! ".

Heureusement, sa femme, Annie Noël m'avait aidé à le convaincre, et il l'avait placée en dernière position de la deuxième face ! Et c'est celle-là que les radios choisirent. Alors il a refusé de la chanter en scène, bien qu'à Bobino, tout le monde la lui réclamât. Partout on la lui demandait, et il refusait. Cela dit, elle est restée.
Et qu'aurait été la carrière de Georges Moustaki sans "Le métèque" ? Pourtant, si je n'avais pas "insisté" farouchement, l'album serait sorti sans ce titre. Quelques années auparavant, j'avais fait venir Georges à Alger avec Piaf. Lorsqu'on s'est retrouvés, vers 1968, il ne voulait pas enregistrer "Le métèque" qui avait été chanté cinq ans auparavant par Pia Colombo de façon "réaliste" : "Avec ta gueule de métèque etc... ". A la première personne, la chanson prenait en fait un tout autre sens.
Chez Polydor, il avait commencé par écrire des titres pour Reggiani ("Ma liberté", "Ma solitude", "Votre fille a 20 ans"...) et avait fini par les enregistrer, avec quelques autres comme "Joseph", "Il est trop tard". Mais "Le métèque" était à mes yeux sa "carte de visite", et je me suis battu avec lui et la maison de disques pour qu'il la fasse. Parce qu'à ce moment-là, la chanson lui correspondait, lui ressemblait vraiment. C'était lui, et il n'en voulait pas ! C'était mon rôle de directeur artistique d'en prendre la responsabilité, tout seul, car, chez Polydor, tout le monde (commerciaux, artistiques...) avait peur de se tromper, on me répétait : "Mais tu es vraiment sûr de toi ? ". Je prenais aussi grand soin de l'ordre des chansons, tant en scène qu'en disque - Je viens encore de faire celui d'Isabelle Mayereau pour le "Théâtre de Dix Heures".
Il faut bien sûr tenir compte des tonalités, des tempos (il vaut mieux éviter d'enchaîner des titre qui se ressemblent), mais le plus important, c'est l'esprit, l'histoire du disque ou du récital : les enchaînements "parlés" d'Isabelle (Mayereau) sont si originaux qu'il peuvent complètement changer son récital.
Un jour chez Polydor : Jacques, Serge et Georges, tous pour un...

"COUPER LE CORDON"

Quand ça marche, les artistes cessent parfois de nous écouter : Disc Annegarn me répétait après ses deux superbes premiers disques : "Tu me fais écrire des chansons de tout le monde ! ". C'était un vrai révolutionnaire. Il rôdait depuis six mois dans le métier et personne n'en voulait. Je lui avais littéralement sauté dessus tellement le choc avait été fort, avec "Bruxelles" etc.
Et Canetti, qui fut directeur artistique à Radio Alger avant moi, fut un grand découvreur. Mais on a tendance à décrier notre profession, comme cet artiste qui a déclaré un jour que les élèves du Studio des Variétés qui ne deviendraient pas chanteurs pourraient toujours faire directeurs artistiques ! Mais les bons directeurs artistiques sont aussi rares que les bons artistes ! Parfois aussi, un artiste ouvre une voie dans laquelle réussit un autre artiste : regardez Charades, qui était mon assistant chez Polydor et dont j'ai réalisé "Ma petite fille de rêve", et ensuite Cabre !

L'HOMME AVANT L'ARTISTE

En fait, j'ai un goût simple, et je me suis toujours dit que si ça me plaisait, ça plairait aux autres, même si, comme m'a dit un jour Béart, je ne produis que des chansons "à écouter tout seul". Le secret, dans ce métier, c'est de durer : chaque génération consacre ses idoles et balaye les autres, et j'ai toujours fait attention à ne pas prendre des artistes "en cours de route", trop étroitement associés à une mode, parce qu'ils tombent. Je suis allé chercher mes artistes "en dehors", et avant même de les écouter chanter, je les ai fait parler pour savoir qui ils étaient, s'ils avaient une personnalité, s'ils existaient (car chanter n'est pas le plus difficile). Sinon, ils ne m'intéressaient pas.
Il faut aussi apprendre à vendre sa production au sein de sa propre maison de disques, en commençant par le commercial, les représentants, puisque ce sont eux qui vont le vendre ensuite. Au début, j'ai littéralement vendu Maxime aux représentants à l'occasion d'une convention, en leur demandant de m'appeler et en les joignant personnellement pour suivre le produit. Je réalisais même des petits montages sonores à l'intention des représentants avec la complicité de l'artiste, par exemple Serge Reggiani, qui se prêtait au jeu. Aujourd'hui, je me consacre à l'écriture théâtrale et je continue d'écouter la radio, mais le défaut majeur de l'époque, c'est de manquer de naturel, parfois de personnalité. ".

La production de jacques Bedos S A B I R - & - P A T A O U E T E