Editorial par Joseph Perez

Des histoires extraordinaires

L'an dernier à Marseille était organisée une grande et instructive exposition sur les quartiers ouvriers de la cité phocéenne. Anciennes industries comme la savonnerie ou les tuileries, anciens métiers, vie des familles ouvrières, ont ressurgi dans la grande salle qui l'abritait en une composition aussi émouvante qu'informative.
Cette initiative ne peut que nous conforter dans l'intérêt de promouvoir aujourd'hui toute initiative tendant à faire revivre les différentes séquences de l'histoire de l'Algérie du temps de la France.
Le temps est un adversaire redoutable, car il efface les traces, il fait disparaître les acteurs, il modifie les regards. Nous voilà donc installés dans l'urgence.
Cette urgence qui nous conduit à solliciter les témoins pour qu'ils racontent leurs vies, leurs histoires personnelles, familiales, professionnelles. Pour que se redécouvrent des destins rarement anodins, des sagas fabuleuses, des histoires généreusement fournies en exodes, immigrations, déportations, aventures et drames, souvent méconnues par leurs propres descendants.
Or, comme le disait si justement Tolstoï : « Une histoire privée devient extraordinaire si un événement historique est présent en arrière-fond ». Des moments historiques vécus de prés, en témoin ou acteur, il n'en a pas manqué aux générations actuelles ayant vécu partie de leur existence en Algérie.
Donc leur témoignage revêt un indéniable intérêt, probablement mésestimé par les intéressés, non conscients de la soif d'information des générations suivantes, insuffisamment conscients aussi de ce qu'ils peuvent apporter comme illustration d'une réalité humaine indiscutable. Si l'on a souvent regretté que le cinéma ou la télévision n'aient porté que peu d'intérêt à ces épisodes, ces vies multiples qui ont édifié cette Algérie là, il n'est point trop tard pour en recueillir le souffle épique.•
Joseph Perez