ALBERT MARQUET (1875-1947)
et ses amis en Algérie Artistes et Mécènes 1920-1947
                 
 
 
 

L'œuvre très féconde de Marquet en Algérie, exprimée dans un langage plastique nouveau capte l'intérêt d'un grand nombre d'artistes, chargés de renouveler la vison
« orientalise » jugée démodée de leurs aînés.
Grand voyageur, le peintre découvre la Norvège, la Russie, l'Allemagne, la Hollande, Paris restant son port d'attache. C'est en Algérie, à partir de 1921, pays qu'il découvre l'hiver et où il ne cessera de retourner jusqu'à la fin de sa vie, que nous suivrons le Maître.
Quels que soient les motifs pour lesquels Marquet choisit ce pays : l'amour porté à sa femme, l'hiver propice à une meilleure santé, l'exil politique, des amitiés particulières et parfois éphémères, c'est là qu'il modifie la vision pictural des maîtres précurseurs Delacroix et Fromentin. Cinq cent quatre vingt cinq toiles dont deux cent soixante sur le thème du Port d'Alger ou de Bougie sont recensées dans le catalogue raisonné de l'oeuvre de cet infatigable travailleur.
L'évocation de ses amitiés, essentielles dans l'affirmation de sa personnalité, permet de mettre en valeur sa manière de peindre et de démontrer l'influence essentielle dans le contexte de l'Algérie qu'il a pu jouer dans le domaine de l'art. L'exposition présentée à Saint Raphaël, « Albert Marquet et ses amis en Algérie , artistes et mécènes 1929-1947 » en confrontant des thèmes communs, des tendances et des tempéraments, met l'accent sur l'influence du Maître entre 1920 et 1947.

 
 

D'une fenêtre ouverte sur l'un des plus beaux panoramas « La Baie d'Alger », peinte plus de 300 fois par l'artiste, même aux saisons tristes et par des jours sévères, une bouffée d'air pur envahit le visiteur indiscret au seuil de l'atelier de Marquet. Le monde ainsi regardé est du règne de l'eau. Le peintre est né à Bordeaux, qui est un port, et il en est parti pour sans cesse peindre des ports et les plus divers. Ce thème est privilégié par de nombreux artistes, mais au-delà d'un sujet commun d'autres affinités avec le maître s'affirment. La confrontation d'œuvres notamment avec les jeunes pensionnaires de la Villa Abd-el-Tif, les rapports avec les mécènes publics et privés sont évoqués au cours de l'exposition, permettant de retracer une page de l'histoire artistique de l'Algérie entre 1921 et 1947.
Ce qui séduit le monde artistique en Algérie durant cette période faste, ce n'est plus le fauvisme, cette tendance picturale d'un groupe d'artistes novateurs à laquelle a appartenu Marquet au début du siècle, mais le regard neuf d'un peintre lucide, implacable sinon malicieux qui regarde les sites, les figures de pays dans sa réalité. Cet homme timide est en fait « un peintre autoritaire », il surprend les artistes aux moyens « d'arguments simples », solides, équilibrés. Une logique dans ses toiles défie et impressionne les peintres de son entourage.

     
 

 

L'Algérie une étape importante dans sa vie.


L'année 1920 marque un tournant important dans la vie et l'œuvre de Marquet. L'artiste souffrant tous les hivers à Paris de grippes persistantes, son ami Elie Faure (médecin et historien d'art) lui conseille de partir au soleil. Porteur de lettres de recommandation, il s'embarque à Marseille à 48 ans pour Alger. Une des lettres est adressée à une jeune Française vivant à Alger, Marcelle Martinet qu'il épousera plus tard en 1923.
Son art atteint alors son plein épanouissement et la vision innovante de sa peinture attire les regards. Tout en synthétisant ce qu'il voit directement, il reste cependant suffisamment réaliste pour que le spectateur reconnaisse immédiatement l'atmosphère et la lumière d'un endroit précis. Sa sensibilité de poète et de coloriste donne une unité à son œuvre, elle est respectée par la plupart des artistes qu'il rencontre.

   
 


 
   

Les amis


La femme de son galeriste Druet le recommande à Louis Meley, grand mécène algérois qui l'accueille à El Bahari ( L'Oasis de la mer ), sa villa d'Aïn-Taya. Là, en 1920, il côtoie de nombreux artistes qui deviendront des amis. Marquet se souvient de cette période brillante où il rencontre le bâtonnier Rodolphe Rey, président de la Société des amis du musée d'Alger président de la Société des amis du musée d'Alger, Léonce Bénédicte, conservateur du musée du Luxembourg et président de la Société des peintres orientalistes français, Frédéric Lung autre collectionneur et mécène, Jean Alazard, futur conservateur du musée national des Beaux-Arts d'Alger et les peintres, Maurice Denis, André Sureda, Augustin Ferrando, les boursiers de la villa Abd-el-Tif, « ces jeunes qui lui procuraient de courtes récréations » et bien d'autres.
En 1921, il part pour un long périple en autobus dans les oasis du Sud Algérien avec Jean Launois (pensionnaire de la Villa Abd-el-Tif) et Marcelle Martinet. La jeune femme leur sert de guide, ils visitent le M'Zab et Ghardaïa « Tous les hivers nous retournions à Alger, changeant d'hôtel ou de maison. Marquet savait que j'étais attachée à mon pays et que les motifs à peindre ne lui manqueraient pas » raconte-t-elle. En 1929, ils sont à Laghouat avec Bouviolle et Launois. En 1930, ils rejoignent l'Algérie par l'Espagne et le Maroc. La commémoration du Centenaire de l'Algérie est l'occasion d'exposer deux toiles au Petit Palais et à Alger et pourtant écrit Marcelle Marquet : « Alger est la seule ville où les expositions rapportent ». Femme d'affaire avisée, elle soulage son mari de tous les soucis d'organisation et de vente, ce qui lui laisse toute latitude pour peindre. L'année suivante, ils sont au Maroc. En 1939, ils résident dans le quartier de Mustapha.
A la Salle Pierre Bordes à la veille de la guerre a lieu une exposition du Maître dont les tableaux appartiennent tous à des collectionneurs algérois.

     

La guerre et les dernières années
1940-1947


Inquiété par les Allemands, il signe l'affiche de protestation des artistes et intellectuels contre le nazisme, il décide de se réfugier dans le Midi puis rejoint Alger où, écrit-il à Matisse, il se trouve prisonnier « au rivage du Maure ». Sa peinture, cependant ne traduit pas pour autant cette période agitée. Marquet continue de peindre Alger et ses environs avec la même émotion tranquille, attentif aux événements qu'il évoque, en particulier lorsqu'il peint « L'escadre alliée à Alger » en novembre 1942.

Albert Marquet, Maurice Bouviolle, Jean Launois.
 

Jean Launois meurt à la fin de l'année. Tous les artistes de la Villa Abd-el-Tif sont réquisitionnés, à la section du camouflage, pendant la durée de la guerre. En 1943, Marquet retrouve son ami de jeunesse, le peintre Armand Assus qui habite avec sa famille un appartement au square Bresson. Ils vont peindre ensemble du deuxième étage d'un hôtel proche, situé sur le front de mer (probablement l'hôtel Terminus).
A Djenan, Sidi-Saïd, sa villa autre lieu de séjour, l'artiste ouvre largement sa porte à de nombreux visiteurs amis, collectionneurs, voyageurs : André Gide, Saint Exupéry, Henri Bosco, André Hambourg. Il peint son jardin, ses animaux, sa maison, mais Paris lui manque et il est heureux en 1945 de retrouver son appartement de la rue Dauphine et les quais de la Seine.
Après un dernier retour en Algérie et un voyage en Suisse, Marquet est opéré le 14 janvier 1947, et Matisse, son ami de toujours, vient le réconforter. Rentré chez lui, il peint une dernière fois Paris sous la neige dans une série de huit toiles, notant dans une sorte de « sfumato » les moindres changements de la lumière sur la neige, les jeux les plus subtils du ciel et de l'eau.
Le Maître s'éteint le 14 juin 1947, il est inhumé au cimetière de La Frette, au sommet d'un coteau dominant la Seine et les paysages qu'il avait tant aimés.
On doit à Madame Marquet plusieurs textes importants sur le peintre, sous le nom de Marcelle Marty. Elle est aussi l'auteur de plusieurs récits.
Albert Marquet fidèle en amitié a aidé certains artistes, en particulier Jean Launois. Il laisse en Algérie l'influence la plus profonde sinon la plus lisible.
Pour la plupart de ces artistes Marquet est une référence et l'espoir de voir une peinture figurative de qualité triompher en cette période « d'abstractions, de gens qui se tortillent les méninges pour accoucher d'oeuvres obscures, sans émotion aucune, de pauvres rébus pour snobs détraqués », écrit l'un d'eux. Ces artistes appartenant à la tradition classique française, se considèrent du même clan. Ils sont séduits par sa peinture et son trait qui sont à son image, sans fioriture. Au moment où il aborde les rivages méditerranéens de l'Algérie, la facture de Marquet, volontairement sèche et au réalisme appuyé procède de la vague du « nouveau réalisme » si caractéristique de la peinture dans toute l'Europe dans les années vingt.
Les perspectives audacieuses de Marquet impressionnent. L'artiste peint en retrait d'un balcon ou d'une fenêtre, travaille en surplomb à des marines où la mer est calme avec une gentille supériorité de l'esprit où l'on doit reconnaître de l'ironie.
La nouveauté de sa vision c'est aussi « le triomphe du gris », cette perception de la lumière chez de nombreux artistes est héritée de Marquet.
Ce qui frappe dans son art c'est la concision, le dédain des impressions inutiles. Les choses sont là comme elles sont venues, de la nature, brèves, sans rien de plus. C'est l'amour du vrai qui le conduit ce qui a assuré la pérennité de son œuvre et force le respect de nombreux artistes.
La collection Albert Marquet du Musée des Beaux Arts de Bordeaux
Cette collection est l'élément majeur du patrimoine artistique bordelais. C'est une référence pour tout spécialiste ou amateur de cet artiste natif de Bordeaux. Elle comprend : 40 peintures, 59 dessins, des épreuves lithographiques et une céramique ainsi qu'un ensemble de 11 ouvrages illustrés par Marquet. En 1961, la donation Frédéric Lung faite aux musées nationaux bénéficie au musée des Beaux-Arts de Bordeaux. En 1992, le legs Aimée Launois de dessins concernant le compagnonnage de Marquet avec les artistes de la Villa Abd-el-Tif est offert au musée.


L'exposition « Albert Marquet et ses amis en Algérie, artistes et mécènes 1920-1947 » est organisée par la Mairie de Saint Raphaël en partenariat avec le Cercle Algérianiste de Fréjus/Saint Raphaël
et
l'Association Abd-el-Tif.


Elle s'ouvrira le 21 mars 2008 pour quatre moisjusqu 'au 4 août 2008.
Elle a bénéficié du prêt de nombreux collectionneurs privés, de celui des musées avec la large contribution du musée des Beaux Arts de Bordeaux.
Le catalogue accompagnant l'exposition comporte outre les œuvres d'Albert Marquet celles de : Armand Assus, Jean-Désiré Bascoulès, Adolphe Beaufrère, Jean et Etienne Bouchaud, Maurice Bouviolle, Charles Brouty, Maurice de Buzon, Léon Carré, Eugène Corneau, Marcel Damboise, Pierre Deval, Paul-Elie Dubois, Charles Dufresne, Louis Fernez, Augustin Ferrando, Jean Launois, Gustave Lino, Richard Maguet, Azouaou Mammeri, Lucien Mainssieux, Jules Migonney, Simon Mondzain, Pierre Poisson, Albert Pommier, Pierre Pruvost, Jacques Simon, Jean Vinay.

Elisabeth Cazenave
Commissaire scientifique de l'exposition
Présidente de l'Association Abd-el-Tif

 
     
   
 
Exposition

à
St Raphaël au printemps 2008


« La peinture était sa raison de vivre, son refuge et son langage, la seule explication qui fut sienne et, sans tricherie, la seule réponse qu'il pût donner. C'est là qu'il faut le chercher »
Extraits du livre de Marcelle Marquet : Marquet, Robert Laffont, Paris 1951.
 
       


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