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Un projet
datant de la fin du XIXe siècle prévoyait de créer
une dérivation sur le fleuve Chélif en Algérie
en vue de l’irrigation de trente mille hectares de terre
. Le 31 mars 1926, les membres du grand syndicat du Bas Chélif
décident de donner au barrage de Charon, le nom de barrage
Ramier. |
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«
Dotés de leur seule pioche, ils ont fait des domaines que
la Californie des années 1990 ne surpasse pas. »
Jean-Pierre BURGAT 2003. Ancien Président
de la Maison des Agriculteurs Français d’Algérie
(MAFA)
L’INAUGURATION DU BARRAGE DE CHARON
EN 1926 ET SES CONSÉQUENCES
Un projet datant de la fin du XIXe siècle
prévoyait de créer une dérivation sur le
fleuve Chélif en vue de l’irrigation de trente mille
hectares de terre, pour la culture de plantes industrielles.
Ces terres exposées aux assauts de la sécheresse
et aux vents du Sud donnaient de maigres récoltes malgré
les efforts surhumains tentés par les colons de la première
heure.
L’ambition du Conducteur des Ponts et Chaussées de
la région d’Inkermann, Monsieur Ramier dès
1905 est : « De faire attribuer à cette plaine l’énorme
quantité d’eau charriée par le grand fleuve
qui la traverse, soit en moyenne, 12OOO litres à la seconde,
et qui vont se jeter inutilement à la mer. » (1)
Le 31 mars 1926, les membres européens et indigènes
du grand syndicat du Bas Chélif décident de donner
au barrage de Charon, le nom de barrage Ramier. La mise en eau
de 30 000 hectares de ces terres apportera avec le coton surtout,
les laines et les céréales une augmentation de richesses.
Cette entreprise couronnait les efforts du « Grand Colonial
» Eugène Étienne et de son successeur le docteur
Jules Gasser, Sénateur-maire d’Oran.
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Inauguration du
barrage de Charron
Les officiels sur la berge
au centre la plaque commémorative. |
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Dans
son discours d’inauguration du barrage en 1926, le Vice-Président
du Conseil de Préfecture Pierre Cazenave constate : «
On est profondément attristé quand, jetant un regard
vers les colonies de l’étranger, on constate qu’aucune
politique d’hydraulique agricole sérieuse n’a
été entreprise en Algérie, avant ces toutes
dernières années, alors que nous sommes installés
ici depuis un siècle bientôt » .. (2)
La création à Alger d’un Institut d’Hydraulique
agricole, chargé d’étudier, méthodiquement
et scientifiquement, les moyens de former, aux endroits appropriés,
des lacs artificiels, de planter des forêts avait fait l’objet
de propositions, restées sans résultat. Dû
à l’initiative privée, il pourrait seconder
l’Administration et aiderait ainsi à la retenue des
eaux de ruissellement et au reboisement. Et cela, dans l’intérêt
même des barrages, réservoirs déjà
créés ou à créer, afin d’éviter
l’envasement.
Depuis l’invasion vandale, la superficie forestière
qui occupait, dans l’Antiquité la totalité
de l’Afrique du Nord se trouvait réduite à
3 millions d’hectares, soit le vingtième de la surface
de l’Algérie et Pierre Cazenave observait : «
Il en résulte qu’ici tous nos bassins hydrographiques
sont à régime torrentiel et que peu à peu
notre excellent humus, non retenu par des obstacles naturels,
s’en va lamentablement à la mer ou viennent combler
presque instantanément les quelques barrages réservoirs
que nous avons opposé à son exode. Exemple : l’oued
Fergoug, à Perrégaux ; exemples de tous les barrages
déjà créés (…). Il eût
fallu, en même temps, et même bien avant que de barrer
nos oueds, aménager leurs bassins nourriciers en vue de
l’arrêt et de l’infiltration lente des précipitations
atmosphériques dans le sous-sol. »
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Les
Romains l’avaient bien compris puisqu’ils avaient
doté leur possession africaine d’un immense réseau
de petits barrages. « Avec le reboisement, ils étaient
parvenus ainsi à retenir les eaux pluviales et sous leur
domination intelligente l’Afrique du Nord était devenue
le grenier de Rome. L’un de leurs plus grands écrivains,
Pline, je crois, ne nous apprend-t-il pas qu’à cette
époque heureuse on pouvait aller de Tanger à Tunis,
« sous des ombrages frais » ? , poursuit-il et il
propose d’aider les colons à multiplier les recherches
d’eau grâce à des appareils de sondage moderne.
Si elle ne se trouve presque pas en surface, elle existe en revanche
dans son sous-sol sous l’aspect d’un réseau
fluvial souterrain. Pierre Cazenave remarque qu’il est immense
et inépuisable et tire son origine d’Europe ou d’ailleurs.
il nous apprend : « Ne constate-t-on pas en pleine Méditerranée
des griffons artésiens d’eau douce qui révèlent
le passage de grands courants d’un continent à l’autre
et n’a-t-on pas reconnu, en maintes endroits que la plupart
des eaux amenés du sous-sol en surface ne présentaient
à l’analyse aucun des caractères des nappes
aqueuses provenant des filtrations du sol Algérien. (…).
Tous ces courants souterrains sont facilement révélés
au niveau du sol, à certains spécialistes, à
certains baguettisants, dont les Américains, gens pratiques,
ont déjà crée un corps important en Californie
notamment, alors que chez nous, nous en sommes encore à
discuter si ces procédés ne sont pas du domaine
de la magie et s’il ne conviendrait pas, tout comme au Moyen
âge, de brûler en place de grève tous ces demi
sorciers (…). Ces courants souterrains en mouvement donnent
naissance en surface et c’est ainsi qu’ils nous sont
révélés, à des champs de force radio
tellurique de potentiel variable. C’est aujourd’hui
la houille invisible, mais ce que nous sentons, ce sera la «
houille naturelle de demain. » |
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La plaine du Chélif
à partir de 1926 prospéra, Pierre Cazenave administrateur
était aussi propriétaire par sa femme Élise
Thirion, d’une exploitation à Inkermann, dont leur
fils Georges hérita. Il était Ingénieur agricole
de l’Institut de Maison-Carrée et enthousiaste et
reprenait la terre de ses ancêtres installés depuis
1870.
Quinze ans plus tard, il est frappé d’expropriation
par le décret du 25 avril 1956, ayant pour objet de développer
l’économie de l’Algérie par la création
d’organisme de gestion collective pour les ouvrages d’irrigation
et de défense contre les eaux nuisibles et par la limitation
des propriétés dans les zones irrigables. En d’autres
termes, une redistribution des terres aux indigènes pour
une grande part et aux français.
À la suite de ce décret, le Service de la colonisation
et de l’équipement rural (CAPER) lui fait savoir
qu’il n’a plus le droit de vendre ses terres aussi
longtemps que cette expropriation n’aura pas été
réalisée.
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Canal irrigation
(plaine du Cheliff) |
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Par décret
du 18 mars 1963, le Gouvernement algérien crée un
Office National de la Réforme Agraire et lui transmet le
patrimoine de la CAPER.
On devine la suite. Le gouvernement français n’honora
pas ses engagements envers ces agriculteurs expropriés
et bien sûr non plus le gouvernement algérien. Georges
Cazenave pensait naïvement qu’un jours son dossier
serait réexaminé, il mourut sans avoir obtenu cette
satisfaction. Il avait écrit sur les archives de ce scandaleux
dossier : « On peut toujours croire au Père Noël
».
En souvenir de la mémoire violée de mes aïeux,
j’ai entrepris des démarches auprès de l’Administration
française, sans aucun résultat, ces revendications,
selon ses propres termes m’était-il répondu
étant « dénuées de tout fondement ».
Élisabeth CAZENAVE
Docteur ès Lettres de l’Université Paris IV
Sorbonne
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Pierre Cazenave
par Hans KLEISS |
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(1)
Discours de M. Pierre CAZENAVE ; Vice-Président du Conseil
de Préfecture d’Algerie et Président du syndicat
des agriculteurs du Bas Chélif à l’inauguration
du Barrage de Charon par M. Maurice Violette Gouverneur Général
de l’Algérie le 28 avril 1926, Alger, Vollot, 1926.
(2) Dès 1937, le technicien
américain de l’Hydraulique, M. LANDERMILK, lors de
son premier séjour en Algérie pouvait déjà
constater que « Pour ce qui concerne l’hydraulique
et surtout les barrages, vous êtes déjà en
ALGERIE à l’an 2000 » Claire JANON. - Ces maudits
colons. – Paris : La Table Ronde, 1966.
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