Gagayous un héros pittoresque

En 1900, on peut parler de Bab-el-Oued les Deux-Églises. On a, en effet, construit l'église Saint-Joseph, tarabiscotée comme une pièce de pâtisserie saupoudrée de sucre, et cette blanche construction fait face à la silhouette jaune de Notre-Dame d'Afrique " Madame l'Afrique ",disent les Algériens de la Casbah, également bâtie, à cette époque, sur les hauteurs. Le tramway, dont les rails suivent la côte jusqu'à la corniche de Saint-Eugène , succède à la voiture à chevaux, aïeule de tous les transports en commun.

Au début du siècle, de lourdes bâtisses aux façades blanches ou ocre, construites dans un style colonial que l'on retrouve encore aujourd'hui dans les villes hispaniques des Caraïbes, transforment le paysage entre la colline de Bouzaréa et l'étroite bande de sable jaune longeant la mer, face aux " bains Matarese ". Le coeur de cet ensemble est la place des Trois-Horloges, qui doit son nom, en fait, à une seule horloge à trois cadrans, étonnante pièce de fonte surmontée d'une grosse boule blanche.
Le publiciste Auguste Robinet, dit Musette, campe, dans un livre bien vite célèbre, le héros picaresque qui symbolise tout Bab-el-Oued : Cagayous. On voit vivre, dans le petit monde de Cagayous, tous les acteurs bien typés de la commedia dell'arte que joue, pour les autres et pour lui-même, le petit peuple du quartier : Chicanelle, ma soeur, pôvre, qu'elle élève toute seule le petit Scaragolette, Calcidone, le pêcheur d'oursins, Pimient, le marchand de tabac, Coimbra, le fossoyeur, Mecieur Hoc, le facteur, Courro le fier-à-bras, Bacora le guitariste, Félisque le ténor, Embrouilloune, l'Apolitain (le Napolitain), Ugène, le louette (le rusé), Fartasse (le Chauve), tape-à-l'oeil, Gasparette et, enfin, çui-là qu'il a la calotte jaune, l'homme qui se cache de la police et dont on ne connaîtra jamais que ce long pseudonyme.

Entre les deux guerres, les Siciliens, qui s'étaient d'abord dirigés sur Chiffalo, et les Napolitains, qui avaient d'abord mis le cap sur Philippeville et Bône, prennent partiellement le relais de l'émigration espagnole et viennent se fondre, avec quelques Français méridionaux, dans le melting pot méditerranéen, dans le grand mélange qui donne à Bab-el-Oued son originalité pittoresque et colorée. Si l'on descend l'avenue Durandon, on peut voir que cette frontière sépare le vieux Bab-el-Oued des rivages ibériques, à gauche, du néo-Bab-el-Oued du Mezzogiorno italien, à droite.


Place des 3 horloges

Notre Dame Afrique

Les tchatcheurs
 
Voir aussi Gagayous | page du C.D.H.A |
 
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