SERGE DE BEKETCH
Une grande Voix s’est tue. Serge de Beketch nous a quittés le 6 octobre, épuisé mais non vaincu par la maladie. Il allait avoir 61 ans. La France, que dis-je la France ? L’Occident a perdu un trésor inestimable : un homme libre, courageux, fidèle, qui oeuvrait dans un secteur rongé par le politiquement, le moralement, l’historiquement, le culturellement correct : la Presse. Nous Pieds-Noirs, nous qui ici, à l’AMEF, voulons être toujours, envers et contre tout, des « Gens d’Empire », non par la puissance ou la domination, mais par la résistance à l’oppression intellectuelle, et par la droiture d’esprit vivifiée par un supplément d’âme, nous avons perdu un ami, un frère. Un frère d’armes. Le réalisons-nous ? Le savions-nous ? Et, je ne peux m’empêcher de poser la terrible question : Cet homme, ce tribun « électron libre », ce fort en gueule tendre, qui fut de tout temps défenseur ardent de notre Cause, qui mit au service de celle-ci sa plume aiguisée et sa parole redoutable et redoutée, qui ouvrit aux nôtres les colonnes de son périodique : « le libre journal », et plus encore le micro de sa célèbre émission du mercredi sur Radio Courtoisie, combien parmi nous sont ceux qui connaissent son action, voire son existence ?
Et c’est bien notre drame, et ma honte, de constater, trop souvent hélas, qu’on ignore ces « Justes » qui ont tout donné pour nous….Serge de Beketch, dans la lignée d’un Jean de Brem…Qui se souvient de Jean de Brem, qui tomba sous les balles de la police gaulliste, qu’il ne menaçait même pas, alors que tout était consommé, exactement une semaine après que le colonel Bastien-Thiry fut tombé sous celles d’un peloton d’exécution ? Jean de Brem avait 10 ans de plus que Serge de Beketch, et avait été Lieutenant de Paras en Algérie. Serge, lui, avait eu son père, Sous-officier de la Légion, tué à Dien-Bien-Phu. Et son grand-père, dans sa Russie natale, avait été Officier dans les Armées Blanches qui avaient combattu héroïquement les Bolcheviks….
Que de sang, me dira-t-on… Autre temps, autres mœurs. Aujourd’hui, un livre comme le « Sanguis Martyrum » de Louis Bertrand, n’aurait même pas d’éditeur…Mais, justement, Serge, né en 1946, et ayant grandi après toutes les guerres classiques, a fait de sa voix un fusil, et de sa plume une épée. Et il a foncé dans le tas, au risque même, parfois, de bousculer ses amis. Mais son cœur, son cœur immense, fut toujours pour tous les siens, pour nous, fidèles d’une vraie France, non caricaturée, un bouclier contre les projectiles qui nous pleuvent dessus.
Bien sûr que les moyens étaient limités. Parce que l’Argent ne marche pas avec nous. Serge a tout au long de sa vie, flirté avec le dénuement. Et sa veuve et ses 2 enfants en savent aujourd’hui quelque chose. Mais aujourd’hui, partout en France, et même dans le Monde, on peut écouter Radio-Courtoisie dès lors qu’on a internet et l’ADSL. Et on peut lire la courageuse presse nationale – pas celle des gros médias- au 1er rang de laquelle il faut placer « Présent » pour la bonne raison que « Présent » est un quotidien, le seul, et qu’il a donc sur l’évènement la rapidité d’intervention dont nous avons tous besoin. En réalité, soyons honnêtes avec nous-mêmes : si nous voulons, nous pouvons. Et le plus difficile, ce n’est pas l’accès à la connaissance de nos moyens de diffusion qui sont notre seule défense, faibles mais réels, c’est de le vouloir, vouloir accomplir le geste qui sauve, au lieu de se laisser aller à la pente facile des récriminations amères qui ne servent à rien, sinon à apaiser notre conscience, tandis qu’on s’abandonne à l’air du temps….
En Algérie, nous avions, dit-on, un caractère bien trempé. Il faut voir que, placés face à une majorité de musulmans, qui appliquaient, faut-il le rappeler, un islam traditionnel, et non l’Islamisme, à la fois familiers et impénétrables, observateurs énigmatiques et attentifs de nos comportements, nous avions développé à ce niveau nos défenses immunitaires, et pratiquions cette forme première du respect des autres qu’est le respect de soi-même. Mais, près d’un demi-siècle d’immersion et de dispersion à travers un espace hexagonal où s’agite et s’instille insidieusement jusque dans les recoins les plus intimes de notre vie privée une société désaxée, placée largement sous le signe de l’inversion des mentalités et des comportements, ne laisse pas indemne: ces défenses immunitaires se sont affaiblies, au point de disparaître chez nombre d’entre nous. Nous luttons encore, pour partie, mais nous sommes tous contaminés.
Mais, je vois que je m’emporte, que je commence à dire des choses un peu dures, parce qu’inspirées par l’amour que je porte à notre Cause à tous….L’esprit de Serge ne descendrait-il pas un peu sur moi, guidant ma plume ? Je dis cela, non pas par autosatisfaction, mais parce que je réalise soudain qu’au début de cette chronique, j’ai peut-être commis une grosse erreur : Serge de Beketch s’en est allé, mais sa Voix ne s’est pas tue. Elle parle en moi, comme tout à l’heure, demain ou plus tard, elle parlera en vous. Comme ces étoiles qui se sont éteintes il y a des siècles ou des milliers d’années, elle continuera à nous apporter sa lumière, scintillant dans la nuit qui nous ensevelit.
Pierre Dimech |