BEO Story consacrait un long article à la naissance de la Télévision Musulmane en Algérie. Nous évoquions alors les difficultés techniques qu'il a fallu surmonter et les efforts déployés pour doter Alger d'un outil de diffusion dont l'absence devenait un anachronisme dans une cité aussi moderne qu'Alger le point après 26 mois d'existence.
 

Studio A de la RTF en Algérie France V situé au boulevard Bru Alger
 
 
Où en est la T.V musulmane ?
- Objet d'un engouement général elle a tranformé le mode de vie des Algérois.
- La production locale est encore insuffisante.
Les services littéraires et artistiques des E.L.A.K de Radio Algérie (Emissions en Langues Arabe et Kabyle) étaient dirigés par monsieur Fathallah Benhassine.

Semaine après semaine, jour après jour, avec un acharnement qui puise sa source dans le plus pur des dilettantismes, M. Benhassine élabore, organise et réalise les programmes, qui font la raison d'être de la télévision musulmane.
Car l'organisation des spectacles arabes n'est pas, à l'heure actuelle, une affaire aisée. Payant de sa personne, se heurtant souvent au scepticisme de certains, au sectarisme de collaborateurs, à l'incompréhension d'autres, M. Benhassine oeuvre avec comme seul but, la sauvegarde du patrimoine artistique algérien. A ce patrimoine, la télévision offrait le cadre idéal pour s'épanouir et la chance
 
 
inespérée de se perpétuer : M. Benhassine n'a pas voulu manquer cette chance. L'émission phare de cette époque l'émission « Rythmes et Chansons », retransmise tous les lundis, depuis la salle Pierre Bordes et qui connaît un succès rarement égalé.
Les spectacles donnés à l'heure actuelle salle Pierre Bordes par France V (Emissions en Langues Arabe et Kabyle), nous dit M Benhassine, ne constituent pas, à vrai dire, une innovation puisque ces mêmes E.L.A.K., du temps de MM. Wilson et Grinda, donnaient déjà des concerts publics de musique classique, populaire, moderne et variée, et allaient aussi bien dans l'Oranie (Oran, Relizane, Mascara, Mostaganem), que dans les autres villes d'Algérie (Bougie, Orléansville Blida, Cherchell etc...).
 
 
" Dès l'installation de la Télévision à Alger, M. Gayraud, alors directeur régional de la R.T.F. en Algérie, avait conclu un contrat avec la troupe Mahieddine pour donner des représentations théâtrales, télévisées, depuis l'opéra Municipal.". « Le Maire d'Alger avait répondu favorablement à cette demande, mettant alors à sa disposition, tous les lundis, la salle de l'Opéra Municipal d'Alger. Malheureusement, les événements ont paralysé la réalisation de ce projet. « Cette année, nous avons voulu le reprendre et nous avons redemandé la même salle, mais en vain. Nous avons alors reporté notre espoir sur la salle Pierre Bordes, et, grâce à la compréhension de M. Dussaule, nous avons pu y donner des spectacles qui sont à la fois radiodiffusés et télévisés . « Pour les connaisseurs du théâtre d'expression arabe, ils savent que leur répertoire est assez mal fourni pour donner tout un éventail de pièces de tous genres (tragédies, comédies, lyriques, vaudevilles, etc...). Ce qui a étonné certains et surpris beaucoup d'autres, c'est le succès remporté par ces spectacles. Cependant, on comprend aisément que le public n'ait pas cessé de les redemander car il en a été sevré, un peu malgré lui.
 
     
 
Monsieur Fathallah Benhassine
 
1959 Emission Rythmes et chansons : un mariage avec l'orchestre féminin de Mériem Fékai.
Aux côtés de Latifa et Tizzaoui
Mmes Nadjat Hadjera Bali & Dalila
 
maintenir le contact des artistes avec le public
- Au-delà du côté « divertissement du public »
- Il y a d'abord un but humanitaire : à savoir le versement des recettes aux oeuvres sociales de la R.T.F. en Algérie. Ensuite si un aspect social : procurer du travail aux artistes, leur permettre de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles et résorber ainsi le chômage qui règne dans cette corporation. Il ne faut point oublier qu'à l'heure présente les artistes ne trouvent plus à s'employer ni à l'Opéra ni dans les fêtes familiales traditionnelles. Enfin leur permettre de reprendre leur métier dont, par une inactivité de plusieurs années, ils perdent la pratique. La télévision va parfaire leur art. Dans cette voie : apprentissage, recherche et perfectionnement, nous devons beaucoup à M. Noël Ramettre, chef du Service Réalisation qui a formé une équipe de premier ordre. Alger constitue le centre de production par excellence et nous y trouvons tout à la fois les oeuvres et les exécutants, ce qui n'existe nulle part en Afrique du Nord.
 
 
Outre la production locale que nous encourageons mais qui ne répond pas aux exigences de nos possibilités actuelles (trop d'actes, décors multiples) que, seule, une salle puissamment équipée permettrait de réaliser, nous puisons dans le théâtre universel par des adaptations d'oeuvres anglaises, espagnoles, égyptiennes, italiennes, libanaises, etc...
...Car pour nous, contrairement aux affirmations de Kipling, l'Occident et l'Orient se rencontrent bien à Alger et personne ne pourrait le nier.
Ses possibilités d'exploitation de films tournés ou kinescopés par la R.T.F. en Algérie sont immenses. Il suffirait de se pencher sur cette perspective pour en apprécier l'inestimable potentiel, aussi bien sur le plan dramatique que lyrique, sans oublier sa portée psychologique.
Pour amplifier, enrichir le répertoire local nous acceptons toutes les initiatives et sol-licitons toutes les collaborations notre porte est grande ouverte à tous ceux qui, doués, veulent apporter leur pierre à l'édifice.
 
     
 
Salles Pierre Bordes : Répétition de l'opérette " En Nagun el Hayat"
Décor du regretté Sauveur Galliéro mort à Marseille en 1978.
 
Le programme arabe de la télé ?
- Elles sont pour l'instant au nombre de 5 :
1) « Arts et Lettres », émission littéraire ou artistique diffusée tous les lundis et qui dure 15 minutes (exemple : Rachid Ksentini, Lamartine, Ibn Khaldoun).
2) « Rythmes et Chantons », retransmise depuis la salle Pierre Bordes tous les lundis soir, alternée avec soit une dramatique (Le voyage de M. Perrichon), soit avec une lyrique (Al Konl ala Alkarch).
3) Une émission enfantine mixte (français et arabe), dont la durée est de 45 minutes.
4) Un film égyptien tous les samedis.
5) Une émission musicale le vendredi. Très éclectique, elle comprend tous les genres (classique, moderne, bédouin, oranais, etc.)
 
il faut diffuser chaque semaine une oeuvre dramatique
- Aller toujours de l'avant, bien entendu. A cet égard il convient de préciser que notre but demeure la diffusion, chaque semaine, d'une oeuvre dramatique ou lyrique indépendamment de l'émission « Rythmes et Chansons », de la salle Pierre Bordes.
Cette émission est, en effet, dans notre esprit, une soirée essentiellement de variétés ; elle est si vous voulez, la nouvelle version de notre « Music-hall du dimanche », qui, dans le passé, avait lieu au cinéma « Djamal », puis ensuite au « Donyazad ».
Ce qui nous empêche actuellement de transmettre des pièces dramatiques ou lyriques, c'est le manque de locaux, la Maison de la Radio du boulevard Bru ne comportant pas assez de studios. C'est une question de crédits, car même à Paris, les studios et les services de la R.T.F. sont dispersés et vivent à l'étroit en attendant la construction de la future maison de la Radio.
 
     
 
 
 

Le réalisateur Mustapha Gribi
 
- Comment est organisé le budget?
- La R.T.F. en Algérie ne reçoit ses ressources que de la Métropole, c'est dire que les redevances que l'Algérie lui procure, représentent une infime partie de son budget général. Aussi faudra-t-il signaler l'importance de cet apport sans lequel nous n'aurions pu faire aucun progrès réel et durable dans le domaine qui nous intéresse.
Voyez-vous, la R.T.F. en Algérie, en ce qui concerne les émissions musulmanes, remplit le rôle de mécène de l'Art en plus di celui d'éducateur et de vulgarisateur des sciences modernes et connaissances humaines. Elle a fait pour l'évolution de la masse et pour le combat contre l'ignorance, voire même contre l'analphabétisme, plus que beaucoup d'autre; institutions appropriées.

 
 
Je crois que nous sommes dans la bonne voie. Nous n'aurons qu'à persévérer, en demandant toutefois aux autorités locales responsables de nous faciliter la tâche en nous aidant à obtenir des salles de spectacles de choix, afin de satisfaire les spectateurs qui sont, avant tout, leurs administrés.
Par exemple ces derniers nous reprochent de n'avoir pas pensé à organiser à l'intention des mères de famille et des habitants de la banlieue d'Alger et de sa périphérie des matinées. Certes, nous y avons bien pensé, mais nous ne pouvons rien faire, faute de local.
 
 
Eloges et critiques
Nous savons que le public de la salle Pierre Bordes réagit énormément aux spectacles qui sont offerts.
- Le téléspectateur réagit-il de la même façon?
Les réactions de ce dernier sont différentes de celles du spectateur. Celui-ci communiant avec l'acteur, pénètre dans l'ambiance et joue le jeu, tandis que le téléspectateur isolé n'adhère pas entière-ment au spectacle.
Il faut dire que la télévision est un art nouveau qui cherche sa voie.
- Nous applaudissons chaque fois que nous recevons une lettre où les critiques sont exposées avec une netteté digne d'intérêt. Même si parfois elles ne sont pas justifiées, même si elles émanent d'une passion ou d'un égoïsme, ces critiques nous servent toujours, car elles nous montrent nos défauts ou nos points faibles ; ainsi nous nous efforçons de nous améliorer et de satisfaire davantage les goûts qui, précisément, ne se ressemblent pas. De même nous recevons des lettres contenant des éloges qui sont valables aussi, parce qu'il y a des travailleurs qui oeuvrent dans l'ombre et qui ont besoin d'une satisfaction morale. En principe, les belles réalisations ne provoquent aucune correspondance, pour la bonne raison que c'est parfait, et les téléspectateurs comme les auditeurs croient sincèrement qu'ils méritent cela et qu'ils payent la taxe radio ou T.V. pour avoir des spectacles de ce genre. Mais quand il y a une petite lacune, tous se mettent à crier au scandale.
 




 
Le chanteur tlemcénien
Hadj Larbi Ben Sari
virtuose du "Rbab"
     
 
 
 
Selmon Wabid
Chanteur & joueur de luth
 
Le méritoire effort des techniciens

Le téléspectateur qui le soir n'a qu'à tourner le bouton de son poste pour voir aussi tôt s'animer le petit écran, ne soupçonne pas la somme de travail que doivent dépenser organisateurs et techniciens. Ce côté inconnu du public nous a été dévoilé, avec son amabilité "coutumière", par M. Noël Ramettre, chef du Service de la Réalisation de la R.T.P. en Algérie.
Ainsi, nous prenons pour exemple l'émission « Rythmes et Chansons » (et cet exemple est aussi valable pour toutes les autres émissions, tant arabes que françaises), les efforts pour les organisateurs commencent à partir du moment où il faut établir le programme. de l'émission, c'est-à-dire, plusieurs jours avant la diffusion. Et ceci n'est pas une chose aisée, car ils doivent, avec des possibilités souvent restreintes, « monter » un spectacle qui réponde à deux impératifs : être varié et plaire à un public particulièrement exigeant, parce que jeune. A cet égard, MM. Gribi et ses collaborateurs Safiri, Kazdarli, Tizraoui, le présentateur Sissani et d'autres encore, font preuve d'un dévouement plus que méritoire.

 
 
- Répétition sans technique
Une fois donc le programme établi, les répétitions commencent. les répétitions pour la chaîne musulmane, ont lieu dans un local privé et « à l'italienne », autrement dit : sans caméras ni décors. Ceci est dû, d'abord au fait que la Maison de la Radio, boulevard Bru, n'a pas assez de plateaux (2 plateaux pour l'ensemble des émissions), ensuite au fait que la salle Pierre Bordes n'est disponible qu'un jour par semaine. Au demeurant, cette salle ne se prête nullement aux exigences de la prise de vue télé, les caméras devant être fixées alors qu'elles se déplacent librement dans un vrai studio.
Les répétitions ont donc lieu, pendant plusieurs jours, sans technique. C'est seulement, le jour même de la représentation, qu'une répétition se déroule devant les caméras, en costumes et dans les décors.
Signalons en passant que la question des décors est actuellement l'un des grands soucis des responsables, les moyens dont ces derniers disposent étant, là aussi, très restreints et Sauveur Galliero doit se contenter de rajeunir et de réadapter de vieux décors.

lundi : Jour « J »

Le lundi, jour de l'émission, le travail commence bien avant 8 heures, avec l'arrivée du car télé qui se range sur le coté de la salle Pierre Bordes.
Alors que les organisateurs préparent l'ultime répétition, les techniciens installent les caméras, les câbles, la prise de son, etc... Puis le réalisateur, en l'occurrence Gribi Mustapha, entre en scène. Son rôle est très important, car de lui dépend la réussite technique du spectacle. Le réalisateur commence par régler son travail sur scène, il fait répéter le texte et jouer les comédiens en fonction des caméras fixes et non mobiles. Disposant de 4 caméras plantées dans 4 coins de la salle, il a donc 4 perspectives différentes de la scène. Installé dans la cabine du car, il doit faire un choix des images qui lui sont renvoyées et qu'il suit sur 4 écrans placés devant lui. Son choix doit respecter la progression de l'action et refléter la quintessence du spectacle. M. Ramertre nous dira à ce sujet : « Gribi obtient un travail plus qu'honnête ».
Il est juste de signaler la compétence et le dévouement de techniciens, tels que MM. Watine, chef du Centre Vidéo, Teulon, ingénieur du son, Ortolan, etc.
Comme on le voit, indépendamment des organisateurs, artistes et employés, la moindre émission télévisée met en branle une véritable armée de techniciens. Ici, l'un est solidaire de l'autre et le succès final dépend de l'harmonie de tous.
Certes, il y a encore des imperfections, des insuffisances des améliorations s'imposent :
Le téléspectateur musulman, notamment, ne veut pas être traité en parent pauvre. On connaît son engouement pour la radio et, tout récemment, pour la télévision. Pour cette dernière, cet engouement ne demande qu'à se renforcer. Nous n'en voulons pour preuve que le bond qu'a fait le nombre des télespectateurs musulmans depuis la création de l'émission « Rythmes et Chansons ».
Il est donc dans l'intérêt même de la R.T.F. d'augmenter sensiblement les heures d'émissions en arabe.
 
             

La suite de la Radio Télévision Française en Algérie (France V ) en 1959 le courrier des lecteurs