Durant le mois de décembre au CDHA, une très belle exposition de photos et documents sur le Sport en Afrique du Nord, des documents de la collection de monsieur Jacques Dorr.
Centre de Documentation Historique sur l'Algérie le Maroc et la Tunisie le but de cette association et de valoriser la mémoire de la présence française en Afrique du Nord. Crée en à Paris par Mme Charles-Vallin , ancienne Vice-Présidente de l'Assemblée Algérienne, et par Mlle Pasquier-Bronde, son but est de recueillir les dons de documents et d'en permettre la consultation. Reconnue d'Utilité Publique en 1985, le siège social est situé d'abord à Paris. En 1989, la bibliothèque riche de 7.000 ouvrages est transférée dans une annexe de la Médiathèque municipale Méjanes, rue des Allumettes, à Aix-en-Provence. En 1994, le siège social trouvera sa place à Aix-en-Provence. En 1997, le déménagement définitif a lieu à la Maison des Rapatriés d'Aix-en-Provence, Maison A. Juin, avenue de Tubingen.
Quand on habitait la rue Montaigne à Bab El Oued, le quartier populaire et pied-noir d'Alger, aller en ville ou plutôt monter en ville, pour assister à un match de foot au Stade municipal, c'était aller vers les quartiers chics d'Alger qui se trouvaient effectivement à une altitude un peu plus élevée. Quelle expédition ! Il fallait prendre le tramway des T.A. Transports algériens, qui faisaient la fierté des Algérois. C'était un tramway vert et jaune à la rame longue articulée en son milieu, dont les portes se refermaient en accordéon. Un contrôleur poinçonnait votre ticket avec un petit appareil qu'il portait à hauteur de la poitrine avec une sangle, en se baladant dans tout le véhicule. Ce n'était pas du tout le tramway des C.F.R.A., les Céféra, comme on disait alors qui desservait St Eugène d'un côté et de l'autre le Champ de manuvres. Il était bien désuet avec ses deux ou trois petites rames dépourvues de portes. Il y avait toujours un contrôleur mais les hommes se tenaient sur le marchepied pour ne pas avoir à payer leur place.
On prenait donc le tramway, pratiquement en bas de chez nous, face au jardin Guillemin, et on traversait ainsi l'avenue de la Marne, la rue Bab El Oued, la rue Bab Azoun. On arrivait alors à l'Opéra, un petit opéra à l'Italienne dont Robert Houdin parle dans ses mémoires, juste à côté du Tantonville, un grand café autrefois à la mode, en face du square Bresson où j'aimais faire de l'équitation sur un âne. Le tramway montait ensuite la côte de la rue Dumont d'Urville et là commençait les beaux quartiers, avec la rue d'Isly et son casino, un établissement de spectacles où l'on pouvait aussi jouer à la roulette et à la boule. A côté du Casino, se tenaient les Galeries de France, grand magasin à la façade de style mauresque, dont l'intérieur ressemblait aux Galeries Lafayette qui était pour moi une véritable caverne d'Ali Baba. Enfin, on arrivait à la Grande Poste. La Grande Poste, comme son nom l'indique peut-être, était le bureau principal de la Poste d'Alger. C'était un immense et majestueux bâtiment de style arabo-andalou qui avait été construit en 1913 qui abritait outre la poste proprement dite les diverses directions. Là, nous descendions du tram, avec à gauche la Grande Poste puis le jardin La Ferrière où ma tante ne manquait pas de me louer une voiture à pédales au volant de laquelle je me prenais pour Fangio. A droite, le jardin du Monument aux Morts avec son impressionnant monument sur lequel trois cavaliers supportaient à bouts de bras le corps d'un soldat mort. Il s'étageait jusqu'au Gouvernement Général où se discutaient les affaires politiques d'Algérie et d'où, j'ai vu le Général de Gaulle haranguer la foule en juin 1958. De là, on pouvait continuer à grimper jusqu'aux Tagarins. Ma tante, qui m'accompagnait dans cette expédition, faisait poinçonner son ticket et déclarait au contrôleur que j'avais cinq ans pour ne pas payer le mien. Celui-ci, bon enfant, ne faisait pas payer ma place mais remarquait tout de même que j'étais grand pour mon âge. Puis, on allait faire du lèche-vitrines dans la rue Michelet.
Tout en haut de la rue Michelet, on aboutissait au Parc de Galand. Il fallait encore quelques stations de tramway pour y arriver, mais là, quel enchantement ! Une grille monumentale en gardait l'entrée, puis on montait par un chemin avec, au premier arrêt, une pendule solaire qui ne manquait pas de m'intriguer. Au deuxième des cages avec des perroquets et des singes puis, tout en haut, une grande esplanade avec un musée archéologique et, ce qui faisait mon bonheur, un grand bassin où des garnements, à peine plus âgés que moi, faisaient évoluer leurs bateaux, bateaux mécaniques en métal dont ils remontaient le ressort pour faire tourner l'hélice et le faire avancer. Quand un bateau tombait en panne au milieu du bassin, ils faisaient tournoyer une ficelle avec, attaché à son bout un sou troué, et, à la manière d'un lasso, essayaient d'attraper le bateau. Si cette manuvre échouait ils allaient dans le bassin, après avoir, bien entendu, enlevé leurs chaussures.
A l'école Rochambeau, j'ai eu de bons maîtres. Tout d'abord, j'ai appris à lire Madame Ste Marie qui me donnait aussi des cours particuliers. Ma mère voulait faire de moi un nouvel Einstein, en bonne mère qu'elle était et il lui semblait logique, à elle qui n'avait pas fait d'études, d'y parvenir en me donnant des cours particuliers dont j'ai été abreuvé pendant toute ma scolarité, y compris en français et en latin, matières où je brillais particulièrement.
On était alors à l'école Rochambeau avec
sa cour et son grand préau. Les classes étaient au premier étage.
Je me souviens dans sa classe d'avoir eu à dessiner un lapin. Un copain
avait découpé un lapin dessiné par son grand-frère
et il suffisait d'en dessiner le contour. Je lui demandai de me le prêter,
ce qu'il fit et rendis mon dessin. Imaginez ma surprise lorsque je vis que
nous avions dessiné le même petit lapin, les trente petits élèves
que nous étions. Dans sa bonté, mon petit ami avait passé
à toute la classe son pochoir.
Je fus admis au lycée Bugeaud. A ma grande honte, ma mère accompagnée
de ma tante, avait tenu à être présente pour ce nouveau
départ dans ma vie scolaire. Je me souviens encore des regards condescendants
que me jetèrent mes camarades d'école.
Le lycée Bugeaud était un immense établissement, une
ancienne caserne. Il possédait trois grandes cours autour desquelles
étaient les classes et un premier étage qui comportait aussi
de nombreuses classes. J'étais affecté en 6è A2. Je ne
me souviens que du professeur de dessin, et de l'excellent professeur de français,
et du professeur de mathématiques, qui l'esprit visiblement ailleurs,
nous donnait des devoirs correspondant à la classe de 1ère et
au-dessus, que même une voisine étudiante en pharmacie chargée
de m'aider, n'arrivait pas à résoudre.
C'est vers cette époque, âgé de 12 ans
environ, que j'ai failli avoir ma première expérience sexuelle.
René V., le voisin d'en face, me dit un jour :
" Si tu lui donnes deux ou trois illustrés, c'est ainsi qu'on
appelait les bandes dessinées, Annie accepte de se faire culbuter "
Il employa d'ailleurs un mot plus crû que je n'ose rapporter.
Annie était une fille de la rue Champlain un peu simplette, pas bête,
juste un peu simplette.
Je dis à René que j'étais fortement intéressé
par cette proposition et il le fit savoir à Annie. Malheureusement
pour moi et pour Annie qui ne put compléter sa collection de B.D, il
n'y eut jamais de suite, j'en ai oublié la raison.
J'ai revu Annie quelques années plus tard au bras d'un militaire. Elle
était devenue jolie fille. Cet honneur avait dû coûter
à son cavalier une bonne bibliothèque d'illustrés.
Annie, je ne sais pas ce que tu es devenue, mais sache que tu as fait naître
en moi les premiers et plus beaux fantasmes et que tu as droit, à ce
titre, à une place privilégiée dans mon panthéon
personnel.
J'ai dit que quand j'étais jeune, il n'y avait pas
la télé mais la radio, enchantement de tous les instants. On
pouvait entendre les succès des artistes de l'époque :
Reda Caire, Irène de Trébert, Tino Rossi, Charles Trenet, Maurice
Chevalier ou ceux de l'orchestre de Jacques Hélian. Tommy Dorsey, Lionel
Hampton (hey ! ba ! be ! rebop !) Louis Armstrong, avec sa trompette puissante
et plus tard Jean Christian Michel.
J'écoutais aussi la rubrique des " Trois Baudets
". Les trois baudets étaient trois chansonniers montmartrois,
ils avaient monté un petit théâtre de chansonniers rue
Mogador. Il s'agissait de Pierre-Jean Vaillard, Georges Bernardet et Christian
Vebel qui avait été le parolier d'une chanson ayant eu un certain
succès " La révolte des joujoux ".
Leur émission variée était fort écoutée
à Alger : plaisanteries de chansonniers jusqu'à des cours de
morale. Ils se moquaient allègrement des petits travers des pieds-noirs
et leurs plaisanteries préférées portaient généralement
sur les Céféra, tramways dont j'ai déjà parlé.
Radio-Alger diffusait également des opérettes
telles que " Là-haut ", " Les cloches de Corneville
" et " Véronique " où l'on entendait M. Célestin
pousser l'air de l'escarpolette. J'écoutais encore la pièce
du samedi soir, généralement une comédie de boulevard
ou du Grand Guignol interprété par la troupe de Radio-Alger
et le dimanche soir, les enquêtes de l'inspecteur Pluvier. L'inspecteur
Pluvier était une célébrité à Alger, avec
ses " Tiens, tiens, tiens " chaque fois qu'il avait à résoudre
un problème. Le lendemain, dans la cour de récréation,
on parlait de son émission et on le plagiait à gogo : "
Tiens, tiens, tiens " par-ci, " Tiens, tiens, tiens ", par-là.
L'émission policière du dimanche soir que j'adorais " Fife
La Ousse et double tchache ", qui alternait avec les maîtres du
mystère en provenance de la R.T.F..
Les diffusions de matches de football par Charly Finaltéry
nous captivaient en nous faisant représenter le stade par le cadran
du poste de radio " Dormeuil récupère le ballon, en haut
à droite du cadran et le passe à Zaïbec au milieu qui passe
à Maouche à gauche sur le haut du cadran. Il dribble, shoote
sur
". A Bab El Oued, deux équipes se disputaient
les faveurs du public : l'A.S.S.E. de St Eugène et le G.S.A. le Gallia,
équipe la plus populaire de Bab El Oued. Moi, j'étais plutôt
pour le Red Star, parce qu'Henri, dit Riri, le cousin de Maman y jouait. Je
me souviens encore du générique du début des informations.
C'était la fameuse casquette du Père Bugeaud " As-tu vu
la casquette, la casquette " et du générique de début
et de fin " Maroussia " et je ne sais plus quel compositeur, peut-être
Camille St Saëns, qui avait vécu à Alger et en avait apprécié
les charmes.
Notre trolley bus est arrivé au stade municipal , allons voir le match
du RUA
..