Première séance du vendredi 11
juin 2004
253e séance de la session ordinaire 2003-2004
PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
RECONNAISSANCE DE LA NATION POUR LES RAPATRIÉS
Discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la
discussion du projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution
nationale en faveur des Français rapatriés (nos 1499,
1660).
La parole est à M. le ministre délégué aux
anciens combattants.
M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué
aux anciens combattants. Madame la présidente, monsieur le rapporteur
de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames
et messieurs les députés, c'est le destin des grands peuples
et des grands pays que de conserver la mémoire de maints événements,
glorieux ou tragiques.
Force est de constater que le souffle de l'histoire n'a guère
épargné notre pays, lui infligeant drames et souffrances.
Voici moins d'une semaine, nous étions en Normandie pour célébrer
le soixantième anniversaire du Débarquement. Hier, nous
étions réunis dans l'émotion à Oradour-sur-Glane.
Le 15 août, nous commémorerons le débarquement de
Provence et l'épopée glorieuse de l'armée d'Afrique.
Aujourd'hui, votre assemblée est invitée à légiférer
sur certaines des conséquences les plus douloureuses de la guerre
d'Algérie et de la décolonisation.
À chaque fois, ce regard porté vers le passé se
veut aussi promesse d'un avenir meilleur. Telle est, mesdames et messieurs
les députés, l'ambition du projet de loi que j'ai l'honneur
de vous présenter. Il se veut autant réparation des conséquences
des drames de l'histoire que gage d'espérance pour celles et
ceux à qui il s'adresse.
Vous le savez, ce texte est le point d'orgue d'une politique résolue
et volontariste engagée en 1987 et 1994 et reprise dès
après les élections de 2002.
Le débat organisé ici le 2 décembre dernier a montré
l'attention que vous portez aux attentes de nos compatriotes rapatriés,
dont, bien entendu, les harkis.
M. Gérard Bapt. Le Gouvernement n'a que trop
attendu !
M. Jean-Pierre Grand. Qu'avez-vous fait pendant des
années ?
M. le ministre délégué aux anciens combattants.
Il m'a permis de vous exposer en détail les principes de notre
action et les mesures prises pour rétablir la confiance et répondre
aux situations d'urgence.
Je ne reviendrai donc pas sur la création de la mission interministérielle
et du Haut conseil aux rapatriés, non plus que sur l'important
rapport que votre collègue M. Diefenbacher a remis au Premier
ministre.
M. Jean-Pierre Grand. Excellent rapport !
M. le ministre délégué aux anciens combattants.
Les nombreuses avancées déjà réalisées
en deux ans sont connues.
Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement vous
propose aujourd'hui de rendre justice à la beauté et la
grandeur de ce que nos compatriotes rapatriés ont bâti
hors de métropole, mais aussi, à tant de souffrances endurées,
d'épreuves surmontées, de sang versé et de fidélité
à la patrie et à la République. Tel est le sens,
fort et émouvant, de l'article 1er du projet de loi.
Souvent caricaturée, parfois même calomniée, l'oeuvre
des Français outre-mer peut et doit objectivement être
une source de fierté, non seulement pour les acteurs de cette
immense aventure et pour leurs enfants, mais aussi pour la nation tout
entière.
Oui, je le dis avec force dans cette enceinte, ce que nous avons construit
avec passion et courage loin de nos frontières est connu et doit
être de plus en plus reconnu, tout comme les conditions dramatiques,
parfois tragiques, de séparation avec ces territoires tant aimés
et tant servis.
Après l'article 1er de la loi Romani du 11 juin 1994, promulguée
il y a dix ans jour pour jour et qui reconnaissait, pour la première
fois, le sacrifice consenti par les harkis, après l'instauration,
exceptionnelle, par le Président Jacques Chirac, d'une journée
nationale d'hommage aux harkis le 25 septembre de chaque année,
le temps est venu de graver dans la loi, expression de la volonté
nationale, que les rapatriés, tous les rapatriés, méritent
la gratitude, la compassion et la solidarité du pays, la solidarité
de la France.
Nous le ferons sans nous substituer aux historiens et dans des termes
sur lesquels le Gouvernement est très ouvert à la discussion.
M. Gérard Bapt. Très bien !
M. le ministre délégué aux anciens combattants.
Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi répond
aussi aux attentes légitimes des rapatriés en matière
de réparation matérielle.
À cet égard, je veux souligner les trois innovations qui
le caractérisent.
D'abord, pour la première fois, dans une démarche de cohésion
au sein de la collectivité nationale, l'ensemble des rapatriés
d'Algérie, du Maroc et de Tunisie est concerné.
Ensuite, il s'adresse aussi bien aux rapatriés d'origine européenne
qu'aux harkis et aux membres des formations supplétives ou assimilées.
Enfin, il vise à apurer le contentieux du passé, à
solder les injustices, à dépasser les incompréhensions.
Les harkis, du fait de la tragédie subie et des conditions extrêmement
dures de leur accueil en métropole, connaissent des difficultés
qui appellent des réponses fortes. Ces stigmates sont les suites
d'un parcours difficile, voire tragique.
Nous avons voulu que les premiers articles du projet de loi leur soient
consacrés.
Mise en place le 1er janvier 2003 par le Gouvernement de Jean-Pierre
Raffarin, l'allocation de reconnaissance, qui, contrairement à
la rente viagère, est versée à l'ensemble des 11
200 harkis ou de leurs veuves, a déjà augmenté
de 30 % le 1er janvier 2004. Le projet prévoit de la porter de
1 800 euros à 2 800 euros par an, soit 700 euros par trimestre,
dès le 1er janvier 2005.
M. Roland Chassain. Très bien !
M. le ministre délégué aux anciens combattants.
Le texte innove en proposant à ceux qui le souhaitent - je dis
bien à ceux qui en font librement le choix - d'opter pour le
versement d'un capital de 30 000 euros.
Votre rapporteur et plusieurs d'entre vous ont proposé une troisième
voie, combinant rente et capital. Je vous indique d'ores et déjà
que cette suggestion, dont nous reparlerons, mérite d'être
retenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un
mouvement populaire.)
Toujours en faveur des harkis, le projet de loi prolonge jusqu'en 2009
les effets de la loi Romani en matière de logement avec une prime
d'accession à la propriété de 12 196 euros pour
ceux qui ne sont pas propriétaires de leur résidence principale
- mais je me réjouis d'ailleurs de constater que plus de la moitié
des harkis en sont déjà propriétaires. En outre,
il propose une aide à l'amélioration de l'habitat pouvant
atteindre 7 622 euros pour ceux qui possèdent déjà
une résidence principale. Cette aide permet d'en améliorer
le confort. Depuis 1995, près de 6 000 foyers en ont bénéficié.
Enfin, avec une aide exceptionnelle affectée à la résorption
du surendettement immobilier - cette plaie sociale que vous connaissez
-, le montant moyen de chacune des aides ainsi attribuées se
chiffre à environ 25 000 euros.
Le dispositif mis en place en 1995 pour aider ceux qui ont tout perdu
en Algérie, notamment leur habitation, a bien fonctionné.
Il doit être parachevé, car nous savons combien est grande
et légitime leur aspiration à posséder un toit,
source d'enracinement sur notre sol. C'est aussi un moyen pour les harkis
de se constituer tout naturellement un patrimoine, qu'ils transmettront
en héritage à leurs enfants.
Le projet de loi prévoit enfin un système dérogatoire
pour les quelques centaines de harkis ou de veuves qui, par méconnaissance
des textes en vigueur, n'ont pas acquis la nationalité française
avant le 10 janvier 1973, date limite prévue par les lois de
1987 et 1994. Pour eux, la date limite sera donc exceptionnellement
portée au 1er janvier 1995.
Globalement, nous nous proposons d'engager un effort de 660 millions
d'euros pour les harkis, soit 50 % de plus que ce qui était prévu
par la loi de 1994.
Mesdames et messieurs les députés, je le dis avec force
et une certaine gravité : nous n'oublions pas non plus les enfants
des harkis. Beaucoup souffrent des conditions de vie difficiles nées
du rapatriement de leurs parents. Ils ont subi douloureusement leur
arrivée, tant sur le plan matériel que sur le plan social.
Les mesures les concernant sont d'ordre réglementaire. Elles
seront prises car nous voulons disposer des moyens nécessaires
à leur insertion sociale et professionnelle. Il y a déjà
plusieurs mois, nous avons lancé une démarche volontariste
d'accompagnement renforcé vers l'emploi et la formation professionnelle.
Ce dispositif, piloté par les préfectures, a déjà
donné des résultats positifs. Près de 4 000 demandes
d'aide ont été recensées à ce jour. Un premier
bilan partiel a permis de constater que plus de 22 % des demandeurs
avaient trouvé ou retrouvé un emploi permanent. Ce chiffre
est encourageant et nos efforts - je m'y engage solennellement devant
vous - seront activement poursuivis.
Cette action en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle
est pour nous une priorité. Nous avons mobilisé et sensibilisé
sur ces sujets les grands employeurs publics que sont, par exemple,
la police, l'armée ou encore les services hospitaliers.
M. Gérard Bapt. Avec quel résultat ?
M. le ministre délégué aux anciens combattants.
Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement vous
propose également de mettre un terme définitif aux iniquités
nées de l'application des différentes lois d'indemnisation
concernant en particulier les rapatriés d'Algérie, du
Maroc et de Tunisie.
À cet égard, je rappelle que la loi du 16 juillet 1987,
dite « loi Santini », sur l'indemnisation a été
votée après une large concertation avec les associations
de rapatriés et, par conséquent, du public rapatrié.
Il ne s'agissait plus de légiférer comme en 1970 ou en
1978, pour attribuer des avances sur créances détenues
par des nationaux à l'encontre d'États étrangers,
mais bien de procéder à une indemnisation des rapatriés.
Et 30 milliards de francs y ont été consacrés.
Toutefois, cette dernière loi d'indemnisation a laissé
subsister un sentiment d'injustice parmi les rapatriés. Certains
ont bénéficié des mesures d'effacement des dettes
de réinstallation prévues par la loi du 30 décembre
1986.
D'autres ont vu leur indemnisation réduite du remboursement anticipé
du montant de ces mêmes prêts par l'effet de l'article 46
de la loi de 1970 et de la loi de 1978.
Ces exigences de remboursement anticipé ont conduit, dans un
tiers des cas, à amputer les certificats d'indemnisation de la
totalité des sommes inscrites. Pour les deux tiers restants,
ils l'ont été de 50 % en moyenne.
Il était donc légitime que les pouvoirs publics fassent
droit à une demande présentée avec constance par
leurs représentants aux différents gouvernements depuis
1995.
Le nombre des bénéficiaires de ces restitutions, qui concernent
à la fois l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, est estimé
à 90 000 rapatriés et ayants droit, pour un coût
global d'environ 311 millions d'euros. Les remboursements seront échelonnés
sur plusieurs années, en tenant compte de l'âge des bénéficiaires.
Enfin, toujours dans le souci d'apurer les contentieux du passé,
l'article 6 propose de régler la situation des personnes de nationalité
française ayant dû cesser leur activité professionnelle
à la suite de condamnations liées aux événements
d'Algérie. Ces faits ont été amnistiés,
mais le préjudice matériel subi n'a pas été
pris en compte.
Cette mesure ne concerne qu'une centaine de personnes, désormais
âgées et ne disposant bien souvent que de très faibles
moyens d'existence.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés,
au terme d'une intense concertation avec les parlementaires et les associations,
le Gouvernement vous propose d'apporter une réponse forte et
juste aux attentes de nos compatriotes rapatriés. Il vous invite
à aider ceux qui sont en difficulté à solder les
imperfections des lois antérieures et, par-dessus tout, à
leur manifester notre respect et notre reconnaissance.
Je crois, en conscience, que ce projet de loi n'est donc pas dénué
d'une certaine portée historique. C'est à vous qu'il appartient
désormais, en adoptant ce texte, de sceller, par la loi, les
efforts que la nation tout entière se doit de consentir envers
ses rapatriés - rapatriés victimes de la marche inexorable,
faut-il le rappeler, de l'histoire, qui, trop souvent, s'écrit
avec le sang et les larmes de ceux qu'elle a oubliés.
Mesdames et messieurs les députés, je vais maintenant
vous écouter avec une grande attention, comme je pense l'avoir
fait depuis plusieurs mois et comme l'a fait M. Marc Dubordieu, président
de la mission interministérielle aux rapatriés, avec l'aide
et l'appui de Mme Alliot-Marie, ministre de la défense.
Chacun est animé par le souci de réussir l'action que
le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a entreprise. La discussion
des amendements va nous permettre d'améliorer encore ce dispositif.
Le Gouvernement y est pleinement disposé.
Je ne saurais conclure cette intervention sans saluer très sincèrement
le remarquable travail accompli par votre commission des affaires culturelles
et par son rapporteur, Christian Kert. (« Bravo ! » sur
plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce soir, à l'issue de nos travaux, nous aurons tenu plus que
l'intégralité des engagements pris par le Président
de la République et la majorité.
Par-delà les clivages habituels, nous aurons répondu ensemble
aux principales préoccupations des rapatriés et nous leur
aurons adressé un message très attendu. Nous le leur devions
bien.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés,
c'est la raison pour laquelle je soumets avec émotion à
votre discussion et à votre approbation ce projet de loi portant
reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des
Français rapatriés. (Applaudissements sur les bancs du
groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour
la démocratie française.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert,
rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales.
M. Christian Kert, rapporteur de la commission des
affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président,
mesdames, messieurs, permettez-moi tout d'abord de remercier Mme la
ministre de la défense d'être présente pour ce débat.
Le texte que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre
délégué aux anciens combattants, intervient, jour
pour jour, dix ans après la promulgation de la loi du 11 juin
1994 présentée par l'un de vos prédécesseurs,
Roger Romani, et qui était déjà réellement
novatrice en matière de droit à réparation.
Le fait que ce soit vous, monsieur Mékachéra, qui nous
le présentiez aujourd'hui, donne à ce nouveau texte une
résonance singulière : votre passé, la place que
vous occupez dans le Gouvernement et, enfin, le lien que vous entretenez
avec la double communauté rapatriée confèrent à
l'auteur de ce projet, que vous êtes, une incontestable autorité
morale.
Nous avons, en décembre dernier, réalisé - élus
de droite, du centre et de gauche, - que notre esprit de révolte
contre l'oubli et contre l'injustice était intact. Peut-être
nous sommes-nous même pris à rêver d'être les
auteurs collectifs d'un texte qui corrigerait enfin ce sentiment d'avoir
laissé une communauté entière dans un nœud
de l'histoire et d'en être tous un peu complices.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, est né de cet esprit
de révolte républicaine. Nous vous remercions de l'avoir
entendu.
Le texte que j'ai l'honneur de rapporter ce matin reprend trois idées
fondamentales exprimées ici le 2 décembre dernier et déjà
amorcées dans les préconisations du rapport de notre collègue
Michel Diefenbacher.
Tout d'abord, reconnaître l'œuvre française outre-mer
et les souffrances éprouvées par nos rapatriés
lors de l'indépendance de ces départements d'Afrique du
Nord où des centaines de milliers d'entre eux ont laissé
leurs biens, certains des leurs, et les souvenirs ensoleillés
de leur enfance. Leur vie là-bas, commencée dans la plénitude,
s'achevait dans le déchirement.
Certains auraient aimé que l'on parlât de « responsabilité
» plutôt que de reconnaissance. Vous avez, monsieur le ministre,
écarté cette solution et la commission des affaires sociales,
familiales et culturelles vous a suivi. Comme vous, en effet, nous avons
estimé que, malgré le recul de quarante ans, le temps
de la définition des responsabilités n'était pas
venu.
Trop de zones d'ombre, trop de malentendus méritent encore d'être
observés au prisme de l'histoire. Ce sera le rôle, la mission
de la fondation nationale dont vous évoquez la création
dans l'exposé des motifs et que plusieurs de nos collègues
veulent voir « entrer dans la loi » dès aujourd'hui.
Je sais, monsieur le ministre, que vous nous rejoignez sur ce point.
Nous attachons en effet une réelle importance à la création
à Marseille d'un mémorial de la France d'outre-mer car
sa mission nous paraît essentielle : expliquer aux générations
qui arrivent ce que fut l'oeuvre accomplie outre-mer par la France et
les Français.
Ce texte se doit enfin d'être pédagogique et nous exprimons
le souci que les manuels scolaires tiennent compte de cette aventure
humaine et l'inscrivent dans l'histoire de notre pays. En politique
et en histoire, il est des héritages auxquels il ne faut pas
renoncer : l'oeuvre française outre-mer est de ceux-là.
Le deuxième objectif de votre projet de loi, c'est de rétablir
l'équité entre les rapatriés métropolitains
ou européens, on pourrait dire entre pieds-noirs, nul ne nous
le reprochera. Soyons clairs : il ne s'agit pas d'une quatrième
loi d'indemnisation ! Autant le reconnaître avant d'admettre que
les dispositions du texte étaient attendues autant que l'est
la clôture de l'indemnisation, qui représenterait un engagement
de 12 milliards d'euros environ. Les rapatriés ont bien compris
que le temps économique n'était pas propice à de
tels engagements. Mais ils attendent de nous que nous ne fermions pas
la porte à l'idée de clore un jour ce dossier.
Aussi préconisons-nous de « réveiller » l'esprit
des accords d'Évian dont il est sans doute inutile que je rappelle
qu'ils faisaient de l'Algérie le partenaire principal de la réparation
matérielle. Même si nous ne pouvons donner visage de réalité
à nos vieux rêves, nous voudrions inciter le Gouvernement,
la MIR et le Haut conseil aux rapatriés à imaginer des
solutions qui ne laissent pas l'État français seul face
à cette exigence de l'histoire.
Pour le reste, votre texte fait faire un véritable bond à
l'esprit d'équité entre les rapatriés métropolitains.
S'il est une revendication qui s'exprime avec force depuis tant d'années
chez nos concitoyens rapatriés, c'est bien celle relative à
l'application de l'article 46 de la loi de 1970 qui prévoyait
qu'avant tout paiement, la contribution nationale à l'indemnisation,
créée par la loi, était affectée au remboursement
des prêts qui avaient été consentis par l'État
ou par un organisme de crédit au rapatrié au moment de
sa réinstallation. L'enfer, dit-on, est pavé de bonnes
intentions. C'en était une.
Par son article 5, le présent projet remédie à
cette iniquité. Il étend par ailleurs ces droits nouveaux
aux rapatriés de Tunisie. Certains rapatriés n'y croyaient
plus. Leurs fédérations sont unanimes à penser
que c'était là une disposition essentielle.
Il reste une préconisation qui ne concerne pas directement le
texte mais à laquelle nos rapatriés sont particulièrement
attachés : il nous faut veiller à ce que la Commission
nationale d'aide au désendettement des rapatriés réinstallés,
la CONAIR,...
M. Gérard Bapt. Elle a été oubliée
!
M. Christian Kert, rapporteur. ...termine rapidement
l'examen des dossiers en suspens en veillant en permanence à
respecter les orientations données au préalable par les
CODAIR sur chaque cas individuel et à prendre en compte les drames
humains dont les dossiers sont les témoignages comptables.
Quant à l'article 6, il vient également corriger l'une
de ces injustices dont l'histoire a le secret : il prévoit que
les droits à la retraite des exilés politiques salariés
du secteur privé seront reconstitués sur le modèle
des mesures adoptées dès 1982 pour les personnes relevant
du code des pensions civiles et militaires de retraite. Au-delà
de l'aspect matériel de cette disposition, votre rapporteur y
voit une façon de délivrer enfin cette catégorie
de personnes de la situation de paria dans laquelle les textes les avaient
jusqu'à présent confinées.
Outre l'indemnisation, il reste à traiter la situation d'une
poignée de médecins rapatriés qui, n'ayant pas
cotisé à temps pour leur retraite, s'en voient privés
partiellement. Le texte laisse également entier le problème
des enfants de rapatriés étrangers pour lesquels les parlementaires
ne sont pas parvenus à suggérer une solution qui permette
d'éviter le couperet de l'article 40.
M. Gérard Bapt. Ils sont pourtant nombreux !
M. Christian Kert, rapporteur. Le troisième objectif, et ce n'est
pas le moindre, c'est de poursuivre l'effort de solidarité envers
les harkis. Disons-le également avec netteté ici : le
texte s'adresse prioritairement à la première génération
car c'est la génération du sacrifice, de l'honneur et
de la dignité.
M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !
M. Christian Kert, rapporteur. Ne le perdons jamais
de vue.
Deux de nos collègues, Jean-Pierre Soisson et Francis Vercamer,
sont l'un et l'autre l'auteur de propositions de loi qui cherchent à
provoquer le sentiment de solidarité nationale. Ils sont allés
loin...
M. Gérard Bapt. Trop loin pour le Gouvernement
!
M. Christian Kert, rapporteur. ...mais ils ont eu raison,
tant on voit bien aujourd'hui que l'on a eu besoin d'« éveilleurs
de conscience » pour parvenir à ce texte qui consacrera
660 millions d'euros à cette action de réparation matérielle.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous étiez favorable
à l'hypothèse d'une troisième voie et, bien entendu,
nous nous rangeons à cette solution que nous avons préconisée
dans le rapport.
Ensuite, le texte n'oublie pas la deuxième génération
des familles harkis : non pour les traiter en assistés - à
quelques exceptions près, ils refuseraient -, mais pour dire
à ces jeunes hommes et à ces jeunes femmes que, conscients
des difficultés qu'ils ont rencontrées, nous voulons poursuivre
à leur égard une politique fondée non sur la discrimination
mais sur le volontarisme. Qu'il s'agisse de formation, d'octroi de bourses
ou de recherche d'emploi, nous avons emprunté la voie de la dignité,
celle qui ne marginalise pas. La discussion des articles en témoignera.
Parce qu'il répond à de vraies préoccupations,
ce texte, monsieur le ministre, est de nature à nous rassembler.
On l'a bien vu au cours des débats en commission où nous
avons mis en commun nos doutes et nos certitudes.
Je remercie notre collègue Alain Néri, porte-parole du
groupe socialiste, qui a bien voulu apporter une franche contribution
à nos travaux, ainsi que Francis Vercamer, qui a défendu
avec conviction ses amendements tout en reconnaissant les avancées
du texte tel qu'il nous est présenté. Mes remerciements
vont bien entendu à tous mes collègues du groupe UMP pour
le soutien qu'ils m'ont accordé. Notre ancien collègue,
Philippe Douste-Blazy, et notre actuel collègue Jean Leonetti
ont également joué le rôle de « passeur de
message » avec leur proposition de loi sur la mémoire.
Je voudrais également remercier solennellement Marc Dubourdieu,
président de la MIR, la Mission interministérielle aux
rapatriés, et son équipe, qui m'ont apporté l'éclairage
de l'histoire et de leur expérience, sans oublier Alain Vauthier,
directeur de l'ANIFOM, l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français
d'outre-mer, et président du Haut conseil aux rapatriés,
pour son assistance amicale. J'aimerais dire aux présidents des
associations des deux communautés rapatriées combien nous
avons aimé nous confronter à leurs idées, leurs
convictions, leurs colères, parfois feintes mais le plus souvent
très sincères !
Nous avons aimé les côtoyer parce que ceux qu'ils représentent
font aujourd'hui pleinement partie de notre géographie patrimoniale.
Nous avons appris à leurs côtés ce que pouvaient
être dans la vie d'un homme le sentiment de l'exil, l'effroi d'avoir
dû quitter un territoire, une enfance, un lieu, des soleils, pour
aller vers l'inconnu. J'ai appris leurs doutes dans leur quête
de vérité face aux 3 000 disparitions, qui sont autant
d'interrogations, dont fait état désormais la Croix-Rouge
Internationale, et dont parlent aussi les dossiers personnels que les
familles peuvent désormais consulter à Nantes ou à
Paris. J'ai appris que, quarante ans après, on pouvait encore
faire des cauchemars en revoyant le corps d'une mère ou d'une
soeur, fauchée par les balles perdues d'une armée déchirée.
Comme vous tous ici, nous avons appris de cette communauté, le
sens de la renaissance et de la vie. Je rappelle souvent à mes
amis cette phrase de Camus qui les rassemble tous, rapatriés
et harkis : « On ne vit pas toujours de lutte, il y a l'histoire,
il y a autre chose, le simple bonheur, la passion des êtres, la
beauté naturelle. » À quoi l'un d'entre eux, rapatrié
métropolitain, présent dans les tribunes aujourd'hui,
ajoutait : « Nous et les harkis, nous partageons l'amour pour
le sol, pour les fleurs, pour l'odeur d'herbe, pour la sueur et l'eau
fraîche, pour tout ce qui jaillit, remue, s'apaise, vibre et décline.
»
Monsieur le ministre, je vous livre ces propos en guise de conclusion
car cet hymne à la vie, c'est peut-être aussi une façon
pour nous tous ici de dire que nous avons raison d'écrire, d'amender
et de voter des textes de cette nature.
Bien entendu, la commission des affaires sociales, familiales et culturelles
dont je suis le rapporteur a donné un avis favorable à
votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour
un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie
française.)
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale,
la parole est à M. Gérard Bapt.
M. Gérard Bapt. Madame la présidente,
monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais tout
d'abord excuser l'absence dans l'hémicycle de plusieurs de nos
collègues, notamment de M. Néri, cité par M. le
rapporteur, et de M. Bacquet, qui avaient, au nom de notre groupe, conduit
les audiences et les travaux sur ce texte après avoir noué
les contacts avec les associations de rapatriés.
M. Jean-Pierre Grand. Il n'y a que trois députés
socialistes en séance ! Il faut que cela se sache !
M. Gérard Bapt. C'est pour cette raison, mon cher collègue,
que je vous demande d'excuser nommément deux d'entre eux, députés
du Puy-de-Dôme.
M. Pierre-Louis Fagniez. Le Puy-de-Dôme est tout de même
représenté. Et très bien !
M. Gérard Bapt. Certes, mais pas par un membre du groupe socialiste.
M. Pierre-Louis Fagniez. L'important, c'est qu'il soit représenté
!
Mme la présidente. Il est dommage que la polémique s'installe.
Mes chers collègues, écoutez M. Bapt et faites en sorte
que les débats se poursuivent dans la sérénité
!
M. Gérard Bapt. Je rappelle à l'intention
de mon collègue Jean-Pierre Grand que la discussion de ce projet
était initialement prévue le lundi 14 et que ce n'est
qu'au début de la semaine qu'il a été décidé
de l'avancer à aujourd'hui.
Polémique pour polémique, je fais remarquer que le texte
a été adopté en conseil des ministres la semaine
précédant les élections régionales et que
c'est très opportunément que sa discussion a été
avancée l'avant-veille des élections européennes.
M. Patrick Delnatte. C'est une remarque mesquine !
M. Gérard Bapt. Il est donc pour le moins déplacé
de s'en prendre à des absents qui ont amplement participé
aux travaux préparatoires.
Initialement, le projet de loi, présenté comme un texte
de cohésion nationale, monsieur le ministre, prétendait
solder le contentieux. À cet égard, j'ai pu noter quelques
évolutions dans le langage de M. le rapporteur, qui a précisé
qu'il s'agissait d'« avancées », et non plus du «
solde de tout compte » qui était affiché à
l'origine.
Le premier problème qui ne sera réglé que très
partiellement, compte tenu du vote de la commission des affaires sociales,
reste celui de la mémoire, celui de la dette morale envers les
rapatriés de souche européenne ou algérienne. Le
groupe socialiste estime qu'il est possible dès aujourd'hui de
l'apurer définitivement en votant notre proposition de résolution
visant à créer une commission d'enquête sur les
responsabilités dans le massacre de nombreuses victimes civiles,
rapatriées et harkis, après la date officielle du cessez-le-feu
en Algérie.
Il aura fallu attendre la loi du 18 octobre 1999 pour que le Parlement
reconnaisse comme telle la guerre d'Algérie : 1954-1962, huit
années d'une guerre sanglante qui ont laissé des cicatrices
ineffaçables. Quarante-deux ans après, il est temps d'avoir
une vision objective de l'histoire. Pourtant, nos compatriotes rapatriés
sont toujours dans l'attente d'une véritable et totale reconnaissance
de la responsabilité de l'État. Quarante-deux après,
ils attendent que la France reconnaisse les préjudices qu'ils
ont subis, ou qu'elle les a laissés subir sans garantir leur
protection, et qu'elle répare les spoliations.
Au-delà d'une disposition législative qui doit définitivement
et solennellement reconnaître les responsabilités de la
France dans le tragique et sanglant abandon de cette population française
de toutes confessions, l'État français doit faire un travail
de mémoire et de vérité sur les événements.
Vous-même l'avez évoqué, monsieur le ministre, mais
vous le laissez aux historiens.
Il faut d'abord parler du sort des harkis, pire que l'abandon. La France
a mené une politique d'entrave à leur sauvetage. Parmi
les ordres donnés, le télégramme du 16 mai 1962,
émanant du ministre des armées de l'époque, M.
Pierre Messmer, demande des sanctions contre les officiers qui avaient
désobéi, mais agi dans l'honneur, en aidant à partir
des harkis dont l'installation en métropole avait été
interdite. Ainsi, 150 000 d'entre eux, désarmés, sans
protection, furent arrêtés par l'armée algérienne,
au mieux condamnés aux travaux forcés, au pire exécutés.
Les historiens estiment à 70 000, mais il y en eut plus, le nombre
de victimes, souvent tuées dans des conditions horribles. Quant
à ceux qui purent se faire rapatrier, ils furent parqués
dans des camps, avec fils de fer barbelés et régime disciplinaire.
Pour ces Français, le devoir de réparation autant matérielle
et morale s'impose.
Sur ce dernier point, ce texte est l'occasion d'avancer. Voilà
pourquoi nous avions proposé un amendement à l'article
1er. Il n'a pas été adopté mais M. le rapporteur
a fait des ouvertures et nous apprécierons au cours de la discussion
des articles. De même, nous avons proposé de créer
une fondation pour la mémoire, à même de mener une
politique ambitieuse - en travaillant sur la contribution des forces
supplétives, les harkis et les rapatriés - en direction
du grand public, de la jeunesse surtout, à qui il faut transmettre
leur histoire.
Enfin, subsiste le douloureux problème des 3 000 disparus soulevé
par notre rapporteur et auquel on ne peut rester insensible. Il serait
juste d'étendre à leurs familles, après celles
des victimes de la Shoah, l'indemnisation instituée par le gouvernement
Jospin, et étendue à juste titre par le Gouvernement aux
victimes de la déportation, pour la même réhabilitation
morale.
La question de l'indemnisation est traitée partiellement, mais
à bon escient, s'agissant de l'injustice créée
par les prélèvements sur les indemnisations au titre de
l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 et de l'article 3 de la loi
du 2 janvier 1978. Il reste à espérer que les dispositifs
seront rapidement mis en place et que les crédits seront au rendez-vous
car il ne nous a pas échappé qu'au cours de deux dernières
années les gels et les annulations n'avaient pas épargné
les budgets affectés aux rapatriés.
Le traitement de l'indemnisation aurait dû imposer, dès
aujourd'hui, la prise en compte des ventes forcées et à
vil prix, qu'il s'agisse de biens immobiliers ou de parts de sociétés.
Nous vous proposons que, dans un délai d'un an, le Haut conseil
des rapatriés fasse des propositions visant à apporter
réparation et que la situation des rapatriés initialement
venus d'Espagne ou d'Italie et ayant conservé leur nationalité
d'origine soit reconsidérée.
La grande lacune de votre texte, c'est qu'il ignore la situation des
rapatriés réinstallés dans une activité
non salariée et surendettés. Nous ne pouvons que déplorer
le blocage actuel du fonctionnement de la CONAIR, qui n'a traité
que quelques dizaines de dossiers, alors que des milliers sont en attente.
À cet égard, monsieur le ministre, nous attendons que
vous nous fassiez le point exact de la situation des dossiers en instance.
Nous souhaitons connaître la façon dont ont pu être
définitivement apurés les dossiers traités par
la CONAIR et leur nombre. Je me suis laissé dire qu'ils n'étaient
pas plus d'une trentaine, un nombre ridicule eu égard au nombre
de dossiers en attente.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements,
visant tous à régler enfin des situations souvent douloureuses.
Certains se sont heurtés à l'article 40.
Lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2004, j'avais
incité mes collègues de la majorité à adopter
un dispositif rapide et raisonnable, inspiré de celui que Pierre
Bérégovoy, en 1992, avait mis en place pour utiliser les
dispositions de droit commun relatives aux entreprises en difficulté,
de sorte que les créanciers soient conduits à renoncer
à l'ensemble des pénalités et des frais. Dans le
même esprit, Pierre Bérégovoy incitait à
l'époque les préfets et les trésoriers-payeurs
généraux à user du système du crédit
d'impôt pour les sommes restant dues aux créanciers. Un
tel mécanisme permettait à l'État de n'avoir à
supporter aucune inscription budgétaire, ce qui est à
retenir dans la situation actuelle, mais au contraire à bénéficier
de rentrées fiscales calculées sur les sommes que les
établissements bancaires créanciers ne passeraient plus
en profits et pertes. C'est la raison pour laquelle j'avais proposé
un amendement, qui reprenait la proposition des associations de rapatriés
d'une remise automatique de dettes, consentie à hauteur de 106
000 euros. Mais il s'est heurté à l'article 40. J'engage
mes collègues de la majorité à le reprendre car,
je le sais, le secrétaire d'État au budget et à
la réforme budgétaire sera plus attentif à une
proposition émanant de leurs bancs que des nôtres. Un dispositif
de remise automatique permettrait de désengorger la CONAIR, qui
est submergée par les dossiers.
Monsieur le ministre, la question de la situation des anciens harkis
et de leurs familles nous interpelle toujours : je ne pense pas seulement
à la dette morale, que j'ai déjà évoquée,
mais également à leur situation matérielle. À
cet égard, sur le plan des ressources, de l'acquisition et de
l'amélioration de l'habitation principale, de l'emploi et de
la formation, le texte offre des avancées. De nombreux amendements
visant à l'améliorer se sont vu opposer l'article 40,
mais, je tiens à le noter, monsieur le rapporteur, d'autres amendements
ont pu franchir l'obstacle.
La situation des orphelins de parents anciens harkis doit être
reconsidérée au titre de l'allocation de reconnaissance,
notamment quand la situation sociale est difficile. Notre présidente
de séance, députée de Haute-Garonne, Mme Mignon,
y est particulièrement attachée. L'amendement de la commission
répond en partie à cette préoccupation.
De même, monsieur le ministre, il serait nécessaire de
prendre en considération la situation des Français rapatriés
d'Indochine en 1956 et installés dans les camps de Sainte-Livrade
dans le Lot-et-Garonne et de Noyant, dans l'Allier. Ils y ont vécu,
pour certains, plus de trente ans. Ils y sont arrivés démunis
de tout, y compris de papiers. Ces Français d'Indochine sont,
eux aussi, toujours victimes de leur attachement à la France.
Ils ont vécu et vivent encore parfois dans des conditions semblables
à celles de trop nombreuses familles d'anciens harkis. Ils ne
méritent pas de rester dans l'oubli alors même que l'anniversaire
de la catastrophe militaire et humanitaire de Diên Biên
Phu a récemment rappelé leurs sacrifices et leur drame.
Monsieur le ministre, votre texte a le mérite d'offrir des avancées.
Il ne règle que partiellement les questions en suspens et laisse
dans l'ombre la situation la plus obscure, celle faite à nos
compatriotes réinstallés et surendettés. Le groupe
socialiste, comme il a déjà pu le montrer en commission,
aborde la discussion dans un d'état esprit constructif et ouvert.
Il jugera la portée de votre texte à l'aune des améliorations
qui pourront y être apportées durant la discussion. Toutefois,
je ne me fais guère d'illusions, compte tenu des contraintes
budgétaires qui pèsent sur l'ensemble des ministères,
notamment sur celui de Mme Alliot-Marie, qui est aussi le vôtre.
Je le répète : c'est, dans un état d'esprit positif,
à la lumière de la discussion, que le groupe socialiste
se déterminera sur votre texte. (Applaudissements sur les bancs
du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je vous remercie d'avoir respecté votre
temps de parole, monsieur Bapt. Je demande à tous nos collègues
inscrits dans la discussion générale de faire de même.
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Madame la présidente, monsieur
le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris de
mon intervention sur ce projet de loi, car vous connaissez mon attachement
et celui du groupe UDF à la cause des rapatriés et l'attention
particulière que mon groupe porte à leur situation. Vous
l'avez rappelé, monsieur le ministre, André Santini est
à l'origine de la première loi d'indemnisation.
Le texte que le Gouvernement nous propose aujourd'hui était attendu
avec impatience par la communauté pied-noire, dont nous avons
entendu les aspirations. Mes collègues Yvan Lachaud et Rudy Salles,
très sensibles à ces attentes, ont eu à coeur de
déposer plusieurs amendements visant à y répondre.
Cette communauté nourrit deux espérances majeures.
La première concerne l'expression officielle de la reconnaissance
profonde de la nation pour l'action de développement entreprise
par les Français établis outre-mer, une oeuvre qui a contribué
au rayonnement de la France. Elle concerne également la reconnaissance
officielle des conditions dramatiques dans lesquelles ont eu lieu le
départ des Français de leur terre natale et de leur installation
en métropole. Elle concerne enfin la reconnaissance officielle
des drames et des crimes qui se sont déroulés en Algérie,
après le 19 mars 1962.
La deuxième espérance porte sur le règlement de
l'indemnisation, question non résolue à ce jour, de ceux
que l'on appelle les « harkis blancs », les supplétifs
de souche européenne.
Le groupe UDF souhaite enfin que l'État français engage
des négociations avec le Maroc et la Tunisie, tout comme il l'a
déjà fait en 2003 avec l'Algérie, afin de trouver
un accord permettant la restauration et l'entretien des cimetières
européens sur leurs sols respectifs.
La communauté rapatriée, dans son ensemble, sera très
attentive à la réponse qui sera apportée à
ces questions, et nous ne doutons pas que le Gouvernement y donnera
une suite favorable.
J'en viens aux problèmes spécifiques qui concernent les
harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives.
C'est une communauté à laquelle je suis très attaché.
Je suis en effet le député d'une agglomération
qui ne compte pas moins de 8 000 de ses membres. Je sais quelle est
leur souffrance et quels sont leurs espoirs.
C'est pourquoi j'avais déposé, en son temps, une proposition
de loi visant à résoudre les problèmes qu'ils ont
rencontrés et qu'ils rencontrent encore. M. Kert, notre rapporteur,
l'a évoquée. Je salue, à cette occasion, le travail
qu'il a réalisé et je le remercie d'avoir retenu, dans
ses amendements, certains éléments de ma proposition de
loi. J'ai néanmoins déposé quelques sous-amendements.
La commission - je le constate - a amorcé une réelle avancée
en faveur de la première génération. Vous avez
indiqué, monsieur le ministre, que vous étiez ouvert à
une avancée encore plus importante.
Je souhaite sincèrement que ce débat soit le dernier...
M. Kléber Mesquida. Ce n'est pas possible !
M. Francis Vercamer. ...et que nous apportions, enfin,
à nos compatriotes harkis et rapatriés, les réponses
qu'ils sont en droit d'attendre.
Je ne doute pas de la bonne volonté de tous : beaucoup, dans
le passé comme aujourd'hui, se sont prononcés sur le drame
des harkis et ont ardemment défendu leur cause. Je pense notamment
à mes amis Christian Vanneste et Patrick Delnatte, qui sont députés
de l'agglomération tourcainoise et avec lesquels j'entretiens
de nombreuses relations sur le problème harki.
Le temps n'est plus aux discours, il est aux actes. De même que
nous avons honoré, il y a quelques jours, les combattants qui
ont sacrifié leurs vies le 6 juin 1944 pour que la liberté
et la démocratie ne demeurent pas de vains mots, de même
que nous voulons transmettre ce magnifique héritage à
notre jeunesse, de même que nous voulons que l'histoire, parfois
cruelle, serve à construire un avenir meilleur, c'est-à-dire
de paix, de même je souhaite que nous honorions ces hommes et
ces femmes qui ont combattu, avec courage et fierté, pour leur
patrie, sous son drapeau, sur tous les fronts où la France était
engagée.
Ce sont ces héros, anonymes et modestes, que nous évoquons
aujourd'hui : ceux qui ont servi dans les tranchées sanglantes
de Verdun, ceux qui ont défendu, pied à pied, vie à
vie, les pentes de Monte Cassino en Italie, ceux qui ont participé,
après la campagne d'Italie, à la libération du
sud de notre pays, ceux qui ont vécu les affres de la cuvette
infernale de Diên Biên Phu, ceux qui étaient dans
les rangs de notre armée, dans les Aurès, les villes et
les villages de l'Algérie encore française, ceux qui,
en un mot, ont cru en notre patrie et son drapeau et ont, souvent, fait
le sacrifice de leur vie.
Ils ont payé tragiquement leur bravoure. La guerre d'Algérie,
en changeant le cours de notre histoire, a changé dramatiquement
le cours de la leur et brisé leurs destins. Comme l'a rappelé
le Président de la République, la France « n'a pas
su sauver ses enfants ». Elle en porte aujourd'hui la lourde et
triste responsabilité.
Aucune indemnisation ne leur fera oublier les assassinats, les proches
disparus, le sentiment d'abandon et d'humiliation, l'honneur perdu,
la relégation et l'oubli.
M. Christian Vanneste. Très juste !
M. Francis Vercamer. Pour qu'ils puissent enfin croire
à la reconnaissance de la nation, il faut la leur prouver par
des actes forts, qui tenteront d'effacer le traumatisme qu'ils ont subi.
En voici la trame, telle que je l'avais développée dans
ma proposition de loi.
Avant toute réparation matérielle du préjudice
subi, les harkis et les rapatriés attendent de leur pays qu'il
assume, en priorité, sa part de responsabilité dans leur
drame et son devoir de mémoire.
Cela passe par deux axes primordiaux : l'affirmation claire de la faute
commise, qui nécessite réparation et justice, et la création
d'une fondation, qui permettra de conduire une politique pédagogique
vis-à-vis du grand public et de revoir la relation de l'histoire
de la guerre d'Algérie dans les programmes scolaires.
M. Gérard Bapt. Très bien !
M. Francis Vercamer. Pour que les aînés puissent profiter
au plus vite de la mise en oeuvre de nos décisions, il nous faut
également décider rapidement du versement à la
première génération, qui a été la
plus spoliée, d'une prime significative et digne de ce nom, en
plus de l'allocation de reconnaissance tout aussi légitime.
L'indemnisation doit également toucher les enfants de la deuxième
génération, qui ont vécu avec leurs parents l'horreur
et les atrocités de la guerre, l'évacuation, l'exode,
la relégation, voire l'exclusion de notre société.
Cette aide, volontariste et efficace, doit permettre de redonner à
cette génération une deuxième chance d'insertion,
par le rétablissement du droit républicain à l'égalité
des chances, notamment en matière d'emploi, de formation et de
logement.
L'État français doit également leur garantir, comme
à chacun de ses ressortissants, la libre circulation, notamment
vers l'Algérie. Il doit enfin sanctionner sévèrement
tous ceux qui pratiquent le négationnisme ou le révisionnisme
du drame harki.
Je ne l'ignore pas : certains de mes amendements ont subi le couperet
de l'article 40.
M. le ministre délégué aux anciens combattants.
Ce ne sont pas les seuls !
M. Francis Vercamer. J'ose espérer que le Gouvernement en reprendra
quelques-uns. Je reviendrai sur la question lors de l'examen des articles.
Les harkis sont français, non seulement par choix, mais également
par la naissance. Ils souhaitent pouvoir être inhumés sur
le sol de leur patrie, c'est-à-dire en France. Notre devoir est
de le leur permettre en respectant leur croyance : c'est un geste simple,
pour un acte fort. Je ne doute pas que vous serez sensible à
cette demande, monsieur le ministre, et que vous comprendrez combien
elle est signe de citoyenneté française. Alors que nous
luttons contre la ségrégation et la discrimination dans
la vie de tous les jours, nous avons, ici, l'occasion d'en abolir une
dans la mort.
Monsieur le ministre, chers collègues, il y aurait encore beaucoup
à dire, mais d'autres l'ont fait avant et mieux que moi. J'espère
surtout que personne n'aura plus à le faire après nous.
Nous devons décider, ensemble, de briser enfin la chape de plomb
qui était tombée sur la communauté harkie, de lui
rendre justice et de réparer nos fautes passées, afin
de dessiner un avenir commun. Le temps est venu de prendre nos responsabilités.
(Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie
française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. François Liberti.
M. François Liberti. Madame la présidente,
monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quarante deux
ans se terminait la dernière guerre coloniale, menée par
la France. Après les accords d'Évian, signés le
18 mars 1962 par le gouvernement français et le gouvernement
provisoire de la République algérienne, le cessez-le-feu
était proclamé le 19 mars de la même année.
Le souvenir et la mémoire de tous ceux qui ont péri avant
et après cette date, de tous ceux que l'on a appelés les
pieds-noirs et les harkis, de ces hommes et de ces femmes qui ont vécu
un véritable drame, de ce million de Français d'origine
européenne qui sont devenus des repliés et des rapatriés,
doivent nous aider à leur rendre hommage et à leur adresser
la reconnaissance qui leur est due, à eux et au travail considérable
qu'ils ont accompli durant cent trente-deux ans sur des terres ingrates.
M. Jean-Pierre Grand. Les communistes, eux, soutenaient
le FLN !
M. François Liberti. Madame la présidente, pourriez-vous
faire taire le perturbateur de service ? (Protestations sur plusieurs
bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. Continuez, monsieur Liberti.
M. François Liberti. L'État français a des responsabilités
à l'égard de ces personnes et de leurs descendants.
Les Françaises et les Français nés en Algérie,
leurs enfants, les orphelins de guerre, les veuves de guerre, qui résident
en France, ne demandent pas la charité, ni la repentance, mais
simplement l'application de leurs droits, comme pour tout citoyen à
part entière, et une condamnation de la politique qui a plongé
un peuple entier dans le malheur.
La France a envers eux, toutes confessions confondues, un devoir de
mémoire.
La politique de la sélection, menée pour raison d'État,
a conduit la France à ne pas assumer ses responsabilités
vis-à-vis des rapatriés, des harkis et des supplétifs...
M. Jean-Pierre Grand. Vous ne manquez pas de culot
!
M. François Liberti. ... qui, dans des circonstances tragiques,
sont arrivés en France dans le plus grand désarroi, dans
un dénuement complet et le plus souvent dans l'indifférence
totale.
Le dossier des rapatriés d'Afrique du Nord a été
instruit avec beaucoup de retard et beaucoup d'injustice depuis 1962.
M. Jean-Pierre Grand. Quel scandale d'entendre cela
!
Mme la présidente. Laissez parler M. Liberti, monsieur Grand
! Vous vous exprimerez ensuite !
M. Kléber Mesquida. Gardez la tête froide, monsieur Grand
!
M. François Liberti. Aujourd'hui, rapatriés comme harkis
doivent être reconnus pour ce qu'ils sont : des victimes de guerre
auxquelles doit être appliquée la législation en
vigueur. Il est grand temps que la France assume toutes ses responsabilités,
ce qu'elle n'a pas su ou voulu faire jusqu'à présent,
et présente un projet de loi de réparation enfin définitive.
M. Jean-Pierre Grand. Un communiste ne peut pas dire
ça !
Mme la présidente. S'il vous plaît, monsieur Grand !
M. François Liberti. Tel était le voeux que j'exprimais
déjà, au nom du groupe des député-e-s communistes
et républicains, lors du débat parlementaire du 2 décembre
2003 sur les rapatriés. J'avais demandé au Gouvernement
une loi forte qui complète les dispositions déjà
prises en faveur des rapatriés et des harkis, et surtout qui
corrige les inégalités et les injustices dénoncées
par toutes leurs associations.
Car ce sont les petites gens, ouvriers, artisans, commerçants,
salariés, agriculteurs, pêcheurs, petits fonctionnaires,
qui ont été les moins bien indemnisés : en moyenne,
22 % des pertes en principal, c'est-à-dire 10 % à peine
si l'on tient compte de l'absence de compensation de la perte de jouissance
des biens pendant un tiers de siècle.
Les précédentes lois d'indemnisation, à application
différée et étalée dans le temps, n'ont
pas été suffisamment volontaristes et n'ont rempli que
partiellement les objectifs, contribuant même parfois à
créer des situations d'injustice entre rapatriés.
Il importe surtout que la responsabilité de l'État soit
reconnue expressément dans la tragédie des pieds-noirs
et des harkis, et que le droit à réparation qui en découle
permette une juste indemnisation à la hauteur des préjudices
subis.
Actuellement, la plupart des spoliés directs ne sont plus là,
et les survivants disparaissent à la cadence de 20 000 par an.
Une ultime indemnisation est donc devenue une nécessité
absolue et immédiate...
M. Jean-Pierre Grand. C'est surréaliste !
M. François Liberti. ...pour ces survivants dont beaucoup sont
maintenant au seuil du quatrième âge et bien souvent dans
une situation matérielle et morale très préoccupante.
Votre projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution
nationale en faveur des Français rapatriés comprend quelques
mesures ponctuelles positives, quoique sous-évaluées,
monsieur le ministre : ainsi la possibilité de bénéficier
de l'allocation de reconnaissance à son niveau actuel ou de se
voir verser un capital de 20 000 euros - ce montant ayant donné
lieu, d'ailleurs, à un débat en commission, car les associations
de rapatriés souhaitent qu'il soit porté à 50 000
euros.
Le texte demeure cependant totalement vide en ce qui concerne une indemnisation
complémentaire ultime, mesure qui intéresse pourtant l'immense
majorité des rapatriés d'Algérie et d'outre-mer.
Il ne prend pas en compte les nécessaires valorisations des indemnisations
actualisées au 1er janvier 2004 en euros et ne comporte pas d'échéancier
d'application n'excédant pas 2006.
M. Roland Chassain. Que ne l'avez-vous fait lorsque
vous étiez au pouvoir !
M. Jean-Pierre Grand. Oui : qu'avez-vous fait ?
Mme la présidente. Laissez parler M. Liberti ! C'est un sujet
suffisamment important pour qu'on s'écoute dans le silence et
le respect mutuel !
M. François Liberti. Ils ne savent que polémiquer !
M. Jean-Pierre Grand. Les communistes ont soutenu le
FLN, ils n'ont rien fait pour les rapatriés quand ils étaient
au pouvoir, et maintenant ils nous donnent des leçons !
Mme la présidente. Ce n'est pas le sujet ! Si vous voulez vous
expliquer là-dessus, faites-le hors de l'hémicycle !
M. Kléber Mesquida. Du sang-froid et de la dignité, monsieur
Grand !
M. Jean-Pierre Grand. Quelle indécence !
M. François Liberti. Tout le monde aura compris de quel côté
se trouve l'indécence !
Je poursuis, madame la présidente.
Le principe même de la réinstallation qui est due aux rapatriés
fait cruellement défaut dans ce texte.
Lors de la réunion de la commission du 8 juin, M. Christian Kert,
rapporteur, reconnaissait que les dispositions contenues dans ce texte
n'avaient pas vocation à renouveler les principes du droit à
réparation en faveur des rapatriés et ne constituaient
pas une quatrième loi d'indemnisation. Je le regrette.
M. Jean-Pierre Grand. Quel culot !
M. François Liberti. La plupart des amendements qui tendent à
instaurer une réparation juste et équitable en élargissant
l'ouverture de droits à d'autres victimes et à la deuxième
génération pour les harkis - notamment à l'article
3 pour l'acquisition et le logement social et à l'article 4 -
ont été rejetés, à l'exception de celui
que j'ai soutenu avec quelques collègues et qui vise à
allonger de quelques mois les délais de demande de dérogation.
On est donc bien loin du compte !
Votre projet n'aborde la question de l'indemnisation que par le biais
des dispositions qui pourront être prises en faveur des bénéficiaires
des trois premières lois auxquels ont été retenues
les annuités d'emprunt de réinstallation. Le versement
des sommes prélevées dans des conditions très discutables
est en effet envisagé. Cette mesure répare, certes, une
inégalité de traitement entre rapatriés, mais elle
en introduit une autre : l'absence de toute mesure pour corriger l'insuffisance
des sommes allouées par les lois précédentes.
Comme je vous l'indiquais dans mon intervention du mois de décembre
2003, les lacunes de ces lois, tant dénoncées par les
associations de rapatriés, sont loin d'être comblées.
Les principales revendications des associations ne sont même pas
abordées dans votre texte : je citerai, à titre d'exemple,
les propositions relatives à l'application d'un coefficient correcteur
équitable et loyal aux sommes antérieurement liquidées,
à la modification du dispositif pluriannuel pour régler
plus rapidement les situations en attente, aux règles de plafonnement,
aux parts sociales détenues par les petits porteurs, aux ventes
forcées, à l'indemnisation des biens spoliés ou
perdus pour raison d'État et par la volonté du gouvernement
de l'époque, au cas des enfants français nés de
parents étrangers et non indemnisés.
À l'épouvantable traumatisme de l'exode et de la perte
de tous les patrimoines - sans parler de la douleur morale de l'abandon
de la terre natale et des cimetières, celle de la disparition
des familles, voire des conséquences tragiques des exactions,
des attentats et des enlèvements - s'ajoute depuis quarante-deux
ans, hélas ! un autre traumatisme provoqué par le refus
de l'État français de procéder à l'indemnisation,
sous prétexte que le plus urgent était la réinstallation
des rapatriés en métropole.
Pourtant, la cause de l'indemnisation des rapatriés est une cause
juste, tant au regard du droit français qu'au regard de l'équité.
Son enjeu dépasse les seuls rapatriés : le déni
de justice dont ces derniers sont victimes met en évidence l'absence
de droit en la matière depuis plus de quarante-deux ans. J'avais
soulevé ce sujet dans une question écrite adressée
au Gouvernement le 23 mars 2004. La réponse qu'y apporte ce texte
est loin d'être satisfaisante.
En défendant nos amendements, nous ne faisons que soutenir les
propositions défendues par le Comité de liaison des associations
nationales de rapatriés, celles de la Confédération
des Français musulmans et rapatriés d'Algérie,
ou encore de l'Union syndicale de défense des intérêts
des Français repliés d'Algérie, qui souhaitent
que d'autres articles, bien plus ambitieux et volontaires, soient intégrés
au projet de loi afin de l'enrichir.
Comme nous l'avons déjà dit en commission, nous trouvons
dommage, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas voulu intégrer
ces propositions dans le projet que vous nous présentez. En commission,
les amendements sur la question de l'indemnisation se sont vu opposer
massivement l'article 40 de la Constitution. Allez-vous, monsieur le
ministre, donner votre accord à ces propositions au cours de
ce débat ? En tout état de cause, c'est ce qui déterminera
notre vote sur ce texte.¦ la
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