Aix
en Provence le, 25 septembre 2004
Une journée d'hommage national aux harkis, pour apporter
une reconnaissance officielle au drame de ces anciens supplétifs
de l'armée française, pour la plupart abandonnés
par la France en Algérie en 1962.
La République, enfin, leur rend hommage."La République
française témoigne sa reconnaissance envers les rapatriés
anciens membres des formations supplétives et assimilés
ou victimes de la captivité en Algérie pour les sacrifices
qu'ils ont consentis." Dans tous les départements, une
cérémonie sera organisée en l'honneur des harkis
comme à Aix en Provence.
GRÈVE DE LA FAIM
Voilà bientôt quarante deux ans que les nombreuses
et diverses associations des anciens supplétifs algériens
qui se sont engagés aux côtés de l'armée
française contre le Front de libération nationale
(FLN) réclamaient une reconnaissance des massacres subis
lors du retrait des troupes françaises en Algérie.
La fin des années 1970 vit ainsi se multiplier les révoltes
des camps de Bias et de Saint-Maurice-l'Ardoise contre des conditions
de vie alliant encasernement, exclusion sociale, échec scolaire
et discriminations. Manifestations, marches, occupations se sont
succédé sans résultats.
Les différents gouvernements ont élaboré tour
à tour des lois et des mesures spécifiques destinées
à faciliter l'insertion des 400 000 Français musulmans,
rapatriés et fils de harkis. Perçues comme des "aumônes",
les aides allouées ne réussirent pas à panser
les plaies de la communauté harkie, qui réclamait
une reconnaissance officielle.
En 1997, quelques harkis entamèrent une longue grève
de la faim pour sensibiliser l'opinion publique sur leur sort. Le
11 novembre 1999, plusieurs centaines d'anciens supplétifs
se sont vu refuser le dépôt d'une gerbe à l'Arc
de triomphe. Ultime affront, lors d'une visite en France en juin
2000, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika,
a refusé tout droit au retour aux anciens supplétifs,
en les comparant aux "collabos" de l'Occupation.
Pour tenter d'apaiser le courroux des associations, M. Chirac a
alors décidé, le 6 février 2001, lors d'une
réunion du Haut Conseil de la mémoire combattante,
l'organisation d'une "Journée d'hommage national".
Mais celle-ci n'aura lieu qu'une fois, ce 25 septembre 2001. Certains
y ont vu une manoeuvre électorale trop voyante à quelques
mois de l'élection présidentielle.
Faisant monter la pression, une quarantaine d'associations de harkis
décidaient, fin mai, de déposer une plainte pour "crimes
contre l'humanité". Le 30 août 2001, à
l'instigation du Comité national de liaison des harkis, neufs
Français musulmans rapatriés ont porté plainte
contre X... avec constitution de partie civile devant le tribunal
de grande instance de Paris, reprochant aux autorités françaises
leur responsabilité dans les massacres accomplis après
les accords d'Evian. Vendredi 21 septembre 2001, le collectif Justice
pour les harkis a déposé une plainte identique au
tribunal de Marseille. Ces démarches ont peu de chances d'aboutir,
mais elles permettent aux harkis de réclamer une fois de
plus "justice".
"LE GESTE EST INCOMPLET"
Dans ce contexte, la Journée nationale d'hommage a reçu
un soutien quasi unanime des associations de harkis. La Coordination
harkie estime que "cela va être une bonne journée",
et le Conseil national des Français musulmans juge l'initiative
"excellente". Mais beaucoup attendent d'entendre le discours
de M. Chirac pour juger. "Cette journée est bienvenue
à la condition expresse qu'il y ait une reconnaissance de
l'abandon, du désarmement et du massacre de harkis, commis
avec la complicité de la France", juge Mohammed Haddouche,
secrétaire général du collectif Justice pour
les harkis. Même son de cloche au Comité national de
liaison : "Le geste de reconnaissance est incomplet. L'exigence
d'un devoir de mémoire a reçu le soutien d'Alain Madelin,
président de Démocratie libérale, qui a invité
le président de la République "à reconnaître
la responsabilité de l'Etat français dans cet abandon
criminel". Il est aujourd'hui suivi par François Loncle,
député socialiste de l'Eure, qui estime que les "les
harkis ne pourront se contenter de cette commémoration unique
avec l'idée qu'ainsi on s'est acquitté d'une tâche".
"Nous devons vérité aux harkis en reconnaissant
qu'un crime d'Etat a été commis", insiste M.
Loncle. "Il va falloir dire que la France n'a pas su, alors
qu'elle aurait dû, protéger la dignité et quelquefois
l'existence de celles et ceux qui l'avaient choisie", déclare
de son côté Louis Montchovet, délégué
national aux rapatriés. La reconnaissance officielle n'ira
pas jusque-là. Le président semble avoir exclu toute
déclaration de repentance de l'Etat français.
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