« On est très souvent montrés du doigt »
Environ 1 500 harkis - soit une communauté de 10 000 personnes
si l'on recense épouses et enfants - ont posé leurs
valises en Seine-Saint-Denis, le département qui en compte
le plus en banlieue parisienne. En juillet 2003, ils ont décidé
de s'unir en créant l'Association départementale des
harkis rapatriés d'Algérie (Adhra 93), dont le siège
se trouve à Villemomble, dans les locaux de l'UNC (Union
nationale des combattants). Riche aujourd'hui de 50 adhérents,
cette structure propose à ses forces vives un soutien juridique,
les aide à bénéficier des mesures financières
de l'Etat en déposant des dossiers en préfecture et
rêve d'ériger dans le 93 un monument à la mémoire
des harkis. « Il est aussi important de se retrouver pour
partager des souvenirs », confie un « vieux harki ».
« C'est le seul endroit où l'on se sent compris. Il
y a de la solidarité ici », enchaîne son voisin.
Les anciens supplétifs de l'armée française
veulent avant tout de la reconnaissance, « être enfin
entendus ». « En France, on est haï par le Français
qui nous considère comme un Arabe et par l'Algérien
comme un traître. Vous savez, j'ai déjà été
traité de Bougnoule ! On est très souvent montrés
du doigt, on est étiquetés. Etre harki, ce ne sont
que des inconvénients », résume Boumedienne,
fils de harki installé à Aulnay-sous-Bois. De l'Etat,
ces révoltés exigent d'urgence de justes indemnisations
et une priorité quand il s'agit d'obtenir un logement social.
« Il y a des harkis qui habitent encore dans des bidonvilles
», s'indigne Dalila Oudia, présidente de l'association,
par ailleurs adjointe au maire (UMP) de Villepinte. « Cela
fait six ans que je demande un logement à Saint-Ouen. On
ne tient absolument pas compte de notre statut. Je suis un blessé
de guerre tout de même, j'ai reçu des débris
de grenade à la jambe ! », lâche Ahmed * , 60
ans, qui a fait toute sa carrière dans l'armée française,
notamment à Baden-Baden (Allemagne). Un soldat modèle
qui refuse pourtant, comme certains de ses camarades, de montrer
son visage pour la photo. Par peur d'être reconnus, par crainte
de représailles. Aigris et abandonnés, séparés
de leur terre, ces « apatrides » semblent condamnés
à vivre cachés.
Vincent Mongaillard
IN Le Parisien , samedi 25 septembre 2004
http://www.leparisien.com/home/maville/seinesaintdenis/article.htm?articleid=241147455
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