La
Seyne. 15/11/2003
De vifs incidents ont opposé en début
de semaine, la famille d'un Harki de la Seyne sur mer (Var) à
des jeunes de la cité HLM Berthe, dans la zup du nord de
la ville. Théâtre permanent de violences de trafics,
d'incivilités et parfois d'émeutes, ce grand ensemble
de 15000 habitants semblait presque anormalement calme lundi dernier.
Soudain, vers 18 heurs une première bagarre éclatait
au 5e étage de la tour où résidait Chérif
Arrar, 67 ans, son épouse et leurs cinq enfants. Le pugilat
prend de telles proportions que la police doit intervenir. Les esprits
semblent peu à peu s'apaiser, mais le conflit s'envenime
à nouveau quelques minutes plus tard, devant l'hôpital
général qui jouxte la cité. Vers 20 heures,
alors que tout parait rentré dans l'ordre, une troisième
rixe éclate au pied de la tour. Il faudra faire appel aux
CRS pour séparer les belligérants. Les policiers devront
faire face à prés de 200 jeunes survoltés.
Dés le lendemain matin ne s'estimant plus en sécurité,
la famille Arrar demande à la mairie et à l'office
communal d'HLM de procéder à son relogement d'urgence
" sinon ça va très mal tourner !" C'est
d'ailleurs sous étroite protection policière que se
déroulera mardi, le déménagement provisoire.
Accueillis d'abord dans un hôtel de l'agglomération
toulonnaise, l'ancien harki et les siens se verront attribuer dans
les prochains jours un nouvel appartement.
En recevant la médaille militaire le 14 juillet dernier Chérif
Arrar n'imaginait pas que cette décoration aurait un revers
aussi pénible. Or, les médias régionaux s'intéressent
à lui et la télé locale lui consacre un petit
reportage. Dès le lendemain son téléphone sonne
et les injures commencent à pleuvoir. Les menaces aussi "
Non seulement sur moi mais sur toute ma famille", précise-t-il.
Ses enfants sont en butte à de multiples provocations. Certains
jeunes de la cité les qualifiant de traites à leurs
pays d'origine et de collabos avec l'ancienne puissance coloniale.
Le relogement, sinon définitif du moins durable, de la famille
Arrar mobilise, sous la houlette de la préfecture du Var,
les services de Toulon Habitat Méditerranée, organise
qui gère les 8000 logements sociaux du chef-lieu du Var.
A vrai dire, le problème posé est délicat,
il s'agit en effet de trouver un appartement où les Arrar
pourront être à l'abri de toutes représailles.
Or les familles de Harkis, naguère recluses dans des baraquements
construits à la hâte dans des secteurs agricoles et
sylvestres, restent souvent très mal accepté dans
les cités. Même lorsqu'elles sont tolérées
au départ, au moindre incident, les vieilles haines transmises
de génération en génération se rallument.
Il suffit alors d'une cérémonie militaire et d'une
remise de décoration pour que cette animosité latente
se déchaîne. Difficulté supplémentaire:
la cohabitation ne se passe pas bien non plus entre ces familles
françaises musulmanes et certains Gitans sédentarités
dans les grands ensembles périphériques. Au demeurant
les suites judiciaires des incidents de la Seyne ne devraient pas
concourir à ramener le calme dans la cité Berthe ou
l'atmosphère reste électrique. Les violences de lundi
soir ont en effet abouti à l'interpellation d'un jeune homme
de 19 ans qui déféré mercredi au parquet de
Toulon, a été aussitôt placé sous mandat
de dépôt pour "rébellion contre les agents
de la force publique" et "appel à la rébellion".
Comparaissant jeudi devant le tribunal correctionnel, il a été
condamné à trois mois de prison ferme, sanction pénale
qu'expliquent aussi ses antécédents. Mais le jugement
a été fort mal accueilli par les amis du jeune homme.
Et la période de fin d'année est souvent fertile en
incidents dans la ZUP nord de La Seyne.
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