Les
pieds-noirs spoliés en appellent à l'Europe
Pour
ces pieds-noirs, l'Etat est coupable de fermer les yeux sur le sort
qui leur est fait en Corse. Alors, vingt-deux rapatriés d'Algérie
ont déposé des recours devant la Cour européenne
des droits de l'homme. «Violations du droit au respect des
biens», «privations de propriété»
et «violations de domicile» : les plaignants disent
avoir été dépossédés par des
insulaires qui occuperaient leurs propriétés illégalement,
au vu et au su des autorités.
La juridiction européenne a été saisie par
des membres de l'Association des Français rapatriés
et spoliés de Corse. «Elle regroupe notamment des propriétaires
fonciers et des exploitants agricoles qui continuent de subir impunément
des actes de spoliation résultant d'agissements délictueux
d'une particulière gravité», assure Me Alain
Garay. Et l'avocat parisien d'évoquer cette famille chassée
de ses terres par des militants nationalistes. Arrivée en
Haute-Corse en 1962, elle était à la tête d'un
domaine agricole de 35 hectares. Dans les années 90, elle
fait l'objet de menaces émanant des clandestins du FLNC tandis
que, parallèlement, la propriété est occupée
par des indépendantistes au nom de «la défense
de l'agriculture corse». L'un d'eux finira par s'installer
sur l'exploitation. Aux dires de Me Garay, les choses sont demeurées
en l'état depuis. «L'ordonnance de référé
du tribunal de Bastia du 22 novembre 2000 ordonnant l'expulsion
de cette personne n'a jamais été exécutée»,
explique-t-il sans donner d'autres détails, dans l'attente
de la communication qu'il prépare pour vendredi à
Aix-en-Provence.
«En 1983, une vingtaine d'individus sont entrés dans
notre domaine les armes à la main et ont occupé nos
maisons. En 1998, la cour d'appel de Bastia a ordonné l'expulsion
des intrus mais rien n'a changé. Nos maisons sont toujours
occupées, nous n'arrivons pas à récupérer
nos biens et les loyers sont perçus par d'autres personnes
que nous», renchérit cette rapatriée qui a fini
par se réinstaller dans la région de Marseille et
qui préfère taire son identité.
En Corse, les «pieds-noirs» sont indissociables d'un
épisode que l'on considère communément comme
le point de départ de la violence «politique»
: Aleria. Le 22 août 1975, l'occupation d'une cave viticole
appartenant à un rapatrié d'Algérie s'y termine
dans un bain de sang : deux gendarmes tués, plusieurs occupants
blessés. La veille, cette cave avait été investie
par des militants de l'ARC (Action régionaliste corse). Emmenés
par Edmond Simeoni, aujourd'hui chef de file d'Unione naziunale,
le groupe d'élus nationalistes à l'Assemblée
de Corse, ils entendaient notamment dénoncer... la «spoliation»
des Corses orchestrée par l'Etat au profit des pieds-noirs,
et cela via la Somivac. Cette Société de mise en valeur
de la Corse avait été créée à
la fin des années 50 pour viabiliser les terres à
vocation agricole et les revendre à des exploitants insulaires.
Mais, à la demande du gouvernement de l'époque, elle
en avait cédé l'essentiel – 90% – aux
rapatriés affluant sur l'île à partir de 1961.
Au total, ils seraient près de 17 000 à avoir alors
trouvé refuge en Corse.
Selon le président du Parti pied-noir, qui compte une vingtaine
d'adhérents en Corse, «beaucoup de rapatriés
ont, depuis, quitté l'île dans des conditions extrêmement
difficiles, spoliés une seconde fois, directement ou indirectement».
«Certains ont vendu leurs biens, d'autres ont été
obligés de partir précipitamment», poursuit-il,
évoquant les nombreux attentats dont été victimes
ces Français d'Algérie qualifiés de «colons»
par les nationalistes. Mais, pour Christian Chembré, «les
gouvernements ont toujours évacué le problème».
Le figaro [28 septembre
2004]
http://www.lefigaro.fr/france/20040928.FIG0295.html
Ajaccio : Dominique Costa
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