Chirac veut qu'aboutisse le traité franco-algérien

   
 
 
 
Nicolas Sarkozy & Abdelaziz Bouteflika
 
France-Algérie:
 
 

Alger renonce à demander des excuses à Paris

Nicolas Sarkozy semble inciter le président algérien Abdelaziz Bouteflika à rétablir des relations apaisées avec la France.

 
     
 
 

L'EXIGENCE de repentance n'est plus ce qu'elle était.
Dans un discours prononcé le 8 mai, peu après l'élection de Nicolas Sarkozy, Abdelaziz Bouteflika a cessé d'inciter la France à un acte de contrition pour les crimes commis durant la période coloniale. Le président algérien s'est exprimé à l'occasion du 62e anniversaire des massacres de Sétif. C'est pourtant la commémoration de cet épisode tragique qui avait, voici deux ans, réveillé les fantômes du passé. Abdelaziz Bouteflika avait alors évoqué le
« génocide » du peuple algérien.
Dans un raccourci, il avait rapproché l'attitude des soldats français le 8 mai 1945 de celle des nazis. Les fours dans lesquels des cadavres de victimes algériennes furent brûlés étaient, selon lui, comparables aux fours crématoires des camps de la mort. Sommée d'expier ses fautes, la France devait présenter ses excuses.

Des propos identiques avaient été tenus l'année suivante. Le ton a cette fois radicalement changé. Il n'est plus question d'« extermination », mais d'événements « traumatisants ». Il ne s'agit plus de dénoncer une « amitié cannibale » mais d'établir un « climat de confiance fondé sur des valeurs universelles de liberté et de respect, sans lesquelles toute approche audacieuse risque de s'enliser dans de vaines résurgences du passé colonial ». La nouvelle approche du président algérien pourrait mettre entre parenthèses une polémique devenue stérile depuis l'enterrement sans fleurs ni couronnes du traité d'amitié entre les deux pays.


Fondé sur les relations très personnelles entre Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, le projet avait été lancé lors de la visite du président français en Algérie en 2003. Mais la loi du 23 février 2005 sur le caractère positif de la colonisation française, votée puis abrogée par l'Assemblée nationale, fit dérayer l'initiative. Elle a été exploitée par Abdelaziz Bouteflika pour faire monter les enchères. La volonté de l'Élysée de sauver le traité en dépit d'un climat plus que dégradé a maintenu durant de longs mois la tension. La partie française entretenait le doute. Sous-estimant la détermination d'Alger, elle se disait prête à faire un geste sans préciser lequel. Mort-né, le traité fut finalement jeté aux oubliettes. Et Abdelaziz Bouteflika amorça son virage.


Il accueillit en novembre avec bienveillance un Nicolas Sarkozy pourtant décidé à en finir avec « la repentance perpétuelle ». Les deux hommes tenaient à démontrer qu'une page était tournée. Sur place, le candidat à la présidence française chercha à éviter « les phrases qui blessent ». « L'Algérie a connu beaucoup de souffrances des deux côtés. Il faut rendre hommage à toutes les souffrances », avait-t-il assuré.


Collaboration contre le terrorisme



Abdelaziz Belkhadem, chef du gouvernement algérien et possible prétendant à la succession d'Abdelaziz Bouteflika, lui a depuis reproché dans une interview publiée par Le Monde de « vouloir réhabiliter l'OAS ».
Une façon de rappeler, pour l'un des tenants d'un régime s'appuyant sur la guerre d'indépendance pour justifier sa légitimité, qu'il existe malgré les changements des lignes jaunes à ne pas franchir. « Une sorte de pacte de non-agression semble en voie d'être signée entre Paris et Alger », commente le quotidien El Watan. Et d'ajouter : « Le président algérien a compris qu'il est inutile d'attendre un geste de Sarkozy, qu'il n'a pas pu avoir avec Chirac. » « Les questions de mémoire ne seront pas oubliées mais traitées, promet de son côté un diplomate français. Il faudra favoriser une lecture commune de l'histoire sans traitement idéologique. »


Des relations apaisées ne signifient pas pour autant le début d'une idylle. Les mariages économiques entre Paris et Alger dans le domaine gazier ou le nucléaire civil sont de simples hypothèses et les grands contrats civils et militaires restent à parapher. Le renforcement des liens paraît en revanche plus aisé dans la lutte contre le terrorisme international. Plusieurs centaines d'activistes appartenant à l'ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) devenu al-Qaida dans un Maghreb islamique représentent une menace commune pour l'Algérie, l'Afrique du Nord et la France, où les extrémistes bénéficient de soutiens. Alger et Paris ont intérêt à unir leurs efforts pour les contrer.


In Le Figaro International THIERRY OBERLÉ.17 mai 2007