| Accueil | | Thèma | | Retour pages Lois ses Rapatriés | Recheche sur site |

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 décembre 2015 par le Conseil d’État d’une QPC question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963.

 

Cet article a institué un droit à pension au bénéfice des personnes de nationalité française à la date de promulgation de la loi qui ont subi en Algérie, entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962, des dommages physiques du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements survenus sur ce territoire, ainsi qu’au bénéfice de leurs ayants cause de nationalité française à la même date.

Le Conseil constitutionnel a jugé qu’en réservant le bénéfice de l’indemnisation aux personnes de nationalité française à la date de promulgation de la loi, soit le 31 juillet 1963, les dispositions contestées instaurent une différence de traitement qui méconnaît le principe d’égalité devant la loi.

Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré contraires à la Constitution les mots « à la date de promulgation de la présente loi » et les mots « à la même date » figurant au premier alinéa de l’article 13 de la loi n°63-778 du 31 juillet 1963.

Cette déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la décision.
Cette décision du Conseil constitutionnel est très importante : elle permet de réparer une injustice qui a trop longtemps perduré.


24 mars 2016
JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE
Texte 79 sur 133

Décision no 2015-530 QPC du 23 mars 2016
NOR : CSCX1608286S (M. CHÉRIF Y.)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 décembre 2015 par le Conseil d’Etat (décision no 387277 du 23 décembre 2015), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée pour M. Chérif Y., par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l’article 13 de la loi no 63-778 du 31 juillet 1963 modifié par l’article 12 de la loi no 64-1330 du 26 décembre 1964, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le no 2015-530 QPC.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi no 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 ;
Vu la loi no 64-1330 du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits et avantages sociaux consentis à des français ayant résidé en Algérie ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées les 19 janvier et 3 février 2016 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 janvier 2016 ;
Vu la lettre du 15 février 2016 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d’être relevé d’office ;
Vu les observations en réponse produites pour le requérant par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le 29 février 2016 ;
Vu les observations en réponse produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 février 2016 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François Sureau, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 15 mars 2016 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1.         Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 susvisée dans sa rédaction résultant de la loi du 26 décembre 1964 susvisée : « Sous réserve de la subrogation de l’Etat dans les droits des victimes ou de leurs ayants cause, les personnes de nationalité française à la date de promulgation de la présente loi ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu’au 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements survenus sur ce territoire ont, ainsi que leurs ayants cause de nationalité française à la même date, droit à pension.

« Ouvrent droit à pension, les infirmités ou le décès résultant :
« 1o De blessures reçues ou d’accidents subis du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements d’Algérie mentionnés à l’alinéa premier ;
« 2o De maladies contractées du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements précités ;
« 3o De maladies contractées ou aggravées du fait de mauvais traitements ou de privations subis en captivité en relation avec les mêmes événements.
« Sont réputés causés par les faits prévus à l’alinéa précédent les décès, même par suite de maladie, s’ils sont survenus pendant la captivité.
« Lorsque la blessure, l’accident, la maladie ou la mort sont dus à une faute inexcusable de la victime, ils ne donnent droit à aucune indemnité.
« Les personnes qui auront participé directement ou indirectement à l’organisation ou à l’exécution d’attentats ou autres actes de violence en relation avec les événements mentionnés à l’alinéa premier ou auront incité à les commettre seront, ainsi que leurs ayants cause, exclues du bénéfice des dispositions du présent article.
« Des règlements d’administration publique détermineront les dispositions nécessaires à l’application du présent article, et notamment les règles relatives au mode de calcul de la pension, à la date de son entrée en jouissance, ainsi qu’à l’attribution des allocations et avantages accessoires susceptibles d’y être rattachés ; ils fixeront en outre les conditions dans lesquelles certaines personnes ne possédant pas la nationalité française pourront être admises au bénéfice des dispositions du présent article » ;

2.         Considérant que, selon le requérant, les dispositions contestées instaurent, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, une différence de traitement entre les personnes de nationalité française victimes d’attentats ou d’actes de violence survenus sur le territoire algérien entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 ainsi qu’entre leurs ayants droit de nationalité française, selon que ces personnes possèdent ou non cette nationalité à la date du 31 juillet 1963 ; qu’en outre, en application de l’article 7 du règlement du 4 février 2010 susvisé, le Conseil constitutionnel a relevé d’office le grief tiré de ce que les dispositions contestées, en instituant un droit à pension uniquement pour celles des personnes de nationalité française qui possèdent cette nationalité à la date de promulgation de la loi, méconnaîtraient le principe d’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales, qui découle du douzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

3.         Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « à la date de la promulgation de la présente loi» et les mots «à la même date» figurant au premier alinéa de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 ;

4.         Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

5.         Considérant que par l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963, le législateur a créé un régime d’indemnisation des personnes de nationalité française victimes de dommages physiques subis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence, ainsi que de leurs ayants droit ; que, poursuivant un objectif de solidarité nationale, il a ainsi entendu garantir le paiement de rentes aux personnes ayant souffert de préjudices résultant de ces dommages ou à leurs ayants droit ; qu’au regard de l’objet de la loi, ces personnes ne sont pas dans une situation différente selon qu’elles possédaient ou non la nationalité française à la date de promulgation de la loi créant le régime d’indemnisation, dès lors qu’elles satisfont aux autres conditions posées par le législateur ; qu’en réservant le bénéfice de l’indemnisation aux personnes de nationalité française à la date de promulgation de cette loi, les dispositions contestées instaurent une différence de traitement qui n’est justifiée ni par une différence de situation ni par l’objectif de solidarité nationale poursuivi par le législateur ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, les dispositions contestées, qui méconnaissent le principe d’égalité devant la loi, doivent être déclarées contraires à la Constitution ;

6.         Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l’article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l’abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration ;

7.         Considérant que la déclaration d’inconstitutionnalité des mots : « à la date de la promulgation de la présente loi » et des mots : « à la même date » figurant au premier alinéa de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision ; qu’elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement,

Décide :

Art. 1er. - Les mots : « à la date de la promulgation de la présente loi » et les mots : « à la même date » figurant au premier alinéa de l’article 13 de la loi no 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 sont contraires à la Constitution.

Art. 2. - La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 7.

Art. 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 mars 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 23 mars 2016.


 

Commentaire
Décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016

M. Chérif Y.

(Modalités d’appréciation de la condition de nationalité française pour le bénéfice du droit à pension en cas de dommage physique du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements de la guerre
d ’Algérie)
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 décembre 2015 par le Conseil d’État (décision n° 387277 du 23 décembre 2015) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée pour M. Chérif Y. portant sur l’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, dans sa rédaction résultant de l’article 12 de la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits et avantages sociaux consentis à des Français ayant résidé en Algérie.
Dans sa décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots « à la date de la promulgation de la présente loi » et les mots « à la même date » figurant au premier alinéa de l’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963.

A. - Historique et contexte des dispositions contestées
1. - La genèse et l’évolution des dispositions contestées
Dans sa rédaction initiale, le premier alinéa de l’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 dispose que « les personnes de nationalité française à la date de promulgation de la présente loi ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu’au 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements survenus sur ce territoire ont, ainsi que leurs ayants cause, droit à pension ».
Le législateur a justifié l’institution de ce droit à pension par la « carence du gouvernement Algérien »1 à assurer le paiement des rentes dues aux victimes ou

1 M. Robert Boulin, in compte-rendu des débats du Sénat, séance du 26 juillet 1963.

à leurs ayants cause. Il ressort en effet de l’exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 1963 qu’« une décision de l’Assemblée algérienne, homologuée par un décret du 30 juillet 1955, ayant mis à la charge de l’Algérie la réparation des dommages physiques subis par les victimes civiles des événements survenus sur ce territoire depuis le 1er novembre 1954, un régime spécial d’indemnisation avait été créé par des arrêtés d’applications. Les rentes versées, au titre de cette réglementation, aux victimes ou à leurs ayants cause, ainsi que les dossiers non encore liquidés, devraient, en vertu des accords d’Evian, être pris en charge par l’Etat Algérien. Mais celui-ci n’assure plus le paiement des rentes dues aux victimes ou à leurs ayants cause. Ainsi, compte tenu de la situation souvent précaire des intéressés, le Gouvernement a-t-il estimé opportun que, dans un souci de solidarité nationale, l ’Etat français prenne l ’initiative de mesures susceptibles de remédier à cette situation » .

L’article 12 de la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits et avantages sociaux consentis à des Français ayant résidé en Algérie a modifié les dispositions du premier alinéa de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 afin de préciser que la condition de nationalité française, initialement prévue pour les victimes, est également applicable aux ayants cause des victimes.

2. - L’objet des dispositions contestées

* Les victimes susceptibles de bénéficier du droit à pension

Le bénéfice du droit à pension institué par l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 est limité aux « personnes de nationalité française à la date de _ promulgation de la présente loi ». De même, seuls les ayants cause de nationalité française à cette même date peuvent prétendre au bénéfice de ce droit à pension.

Comme l’indique le commissaire du gouvernement Laurent Olléon dans ses conclusions sous la décision Mme Hadda Lebrache rendue par le Conseil d’État le 4 mars 2009, « il ne s’agissait en aucune façon d’un dispositif général d’indemnisation dont le bénéfice aurait pu être revendiqué par tout le monde, et en particulier par les personnes de nationalité algérienne » .

Toutefois, le rapporteur de la commission des finances à l’Assemblée nationale relevait qu’« une telle condition, justifiée dans son principe, risque cependant d’écarter du bénéfice de la loi un certain nombre de réfugiés politiques algériens qui n’ont pas été en mesure d’opter définitivement pour la 2 3

2             Exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 1963.
3             Laurent Olléon, concl. sous CE, 4 mars 2009, n° 302058, Ministre de la défense c/Mme Hadda Lebrache.

nationalité française malgré des formalités simplifiées instituées à leur profit »4 5 6 7. Il ajoutait qu’« il conviendrait dès lors que les règlements d’administration publique, prévus par le présent article et qui doivent fixer les conditions dans lesquelles certaines personnes ne possédant pas la nationalité française pourront être admises au bénéfice de la réparation, ne négligent pas des cas de cette nature »5.

Le dernier alinéa de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 renvoie à des règlements d’administration publique le soin de déterminer les dispositions nécessaires à l’application de cet article, « notamment les règles relatives au mode de calcul de la pension, à la date de son entrée en jouissance, ainsi qu’à l’attribution des allocations et avantages accessoires susceptibles d’y être rattachés ; ils fixeront en outre les conditions dans lesquelles certaines personnes ne possédant pas la nationalité française pourront être admises au bénéfice des dispositions » de cet article 13.

En ce sens, l’article 1er du décret n° 69-402 du 25 avril 19696 a ouvert le bénéfice du droit à pension aux « personnes qui ont subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu’au 29 septembre 1962 des dommages physiques dans les conditions définies à l’article 13 modifié de la loi (...) du 31 juillet 1963 et qui n’avaient pas la nationalité française à la date de promulgation de cette loi (...) lorsqu’elles ont été admises au bénéfice des dispositions du décret (...) du 4 septembre 1962 ». Il s’agit des personnes qui avaient quitté l’Algérie en raison des évènements politiques et avaient soit servi dans l’armée française, soit fait preuve de dévouement à l’égard de la France ou rendu des services exceptionnels, soit perdu un descendant, un ascendant ou conjoint mort pour la France.

L’article 3 du décret du 25 avril 1969 prévoit que les ayants cause d’une personne décédée qui bénéficiait des dispositions de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 et qui ne possédaient pas la nationalité française à la date de promulgation de cette loi bénéficient du régime institué par cet article, s’ils résident en France et s’ils ont été admis au bénéfice des dispositions du décret du 4 septembre 1962.

4          Rapport n° 466 de M. Louis Vallon précité.
5          Ibid.
6          Décret n° 69-402 du 25 avril 1969 portant règlement d’administration publique relatif à l’admission au bénéfice de l’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 concernant la réparation des dommages physiques subis en Algérie par suite des événements survenus sur ce territoire depuis le 31 octobre 1954 et jusqu’au 29 septembre 1962 de certaines personnes ne possédant pas la nationalité française à la date de promulgation de ce texte.
7          Décret n° 62-1049 du 4 septembre 1962 portant règlement d’administration publique pour l’application à certains étrangers de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l’accueil et à la réinstallation des Français d’outre-mer.

Toutefois, Tarticle 4 du décret du 25 avril 1969 exclut expressément du bénéfice des dispositions de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 les « étrangers de nationalité algérienne ».

Dans la décision précitée du 4 mars 20098, le Conseil d’État a relevé que « les pensions servies en application de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 (...) ont pour objet de garantir à leurs bénéficiaires une compensation des pertes de revenus et des charges financières résultant des dommages physiques imputables aux événements mentionnés au premier alinéa de cet article ». Il a considéré que « la différence de situation entre leurs ayants cause, prévue par les dispositions précitées de cette loi et par celles du décret du 25 avril 1969 pris pour son application, selon qu ’ils sont ou non de nationalité française n ’est pas de nature à justifier la différence de traitement instituée par ces mêmes dispositions, dès lors que la pension servie à l’ayant cause a pour objet de garantir à celui-ci une compensation de la perte de la pension qui était servie au bénéficiaire décédé ». Par suite, il a jugé que les dispositions de l’article 4 du décret du 25 avril 1969 « sont incompatibles avec les stipulations combinées de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ».

* Les dommages ouvrant droit à pension

Peuvent prétendre au droit à pension institué par les dispositions contestées, les victimes françaises de dommages physiques subis du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements survenus en Algérie

« depuis le 31 octobre 1954 et jusqu’au 29 septembre 1962 ».

Il ressort des travaux parlementaires que « cette période a été prévue de manière à ne pas laisser en dehors du champ d’application de la loi les dommages subis entre la signature des accords d’Evian et le rétablissement de la sécurité pour nos compatriotes »9.

En vertu des 1°, 2° et 3° de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963, ouvrent droit à pension « les infirmités ou le décès résultant :

« 1° De blessures reçues ou d ’accidents subis du fait d ’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements d’Algérie (...) ;
« 2° De maladies contractées du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements précités ; 8 9
8          CE, 4 mars 2009, précitée.
9          Ibid.

« 3° De maladies contractées ou aggravées du fait de mauvais traitements ou de privations subis en captivité en relation avec les mêmes événements ».

Par ailleurs, le sixième alinéa de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 précise que sont réputés causés par les faits précités « les décès, même par suite de maladie, s’ils sont survenus pendant la captivité ».

* Les restrictions au bénéfice du droit à pension

Le législateur a expressément prévu deux cas d’exclusion du droit à pension.

D’une part, en vertu du septième alinéa de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963, « lorsque la blessure, l’accident, la maladie ou la mort sont dus à une faute inexcusable de la victime, ils ne donnent droit à aucune indemnité ».

D’autre part, en vertu du huitième alinéa du même article, « les personnes qui auront participé directement ou indirectement à l’organisation ou à l’exécution d’attentats ou autres actes de violence en relation avec les événements mentionnés à l’alinéa premier ou auront incité à les commettre seront, ainsi que leurs ayants cause, exclues du bénéfice des dispositions du présent article ».

B. - Origine de la QPC et question posée

Le 27 juillet 2010, M. Chérif Y. a sollicité le versement d’une pension d’invalidité en qualité de victime civile d’un acte de violence en lien avec les événements survenus sur le territoire algérien entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962, sur le fondement de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963. Par une décision du 17 janvier 2011, l’autorité administrative a rejeté sa demande.

Le 7 avril 2011, Monsieur Y. a formé un recours à l’encontre de cette décision devant le tribunal départemental des pensions militaires (TDPM) de la Haute-Garonne. Par un jugement du 11 septembre 2012, le TDPM a rejeté sa demande au motif qu’« il n ’avait pas la nationalité française à la date de la promulgation de cette loi »10.

Monsieur Chérif Y. a interjeté appel de ce jugement devant la cour régionale des pensions (CRP) de Toulouse. À cette occasion, il a soulevé une QPC portant sur les dispositions de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 dans sa rédaction résultant de l’article 12 de la loi du 26 décembre 1964. Par un arrêt du 15 janvier 2014, la CRP a refusé de transmettre cette QPC au Conseil d’État. Elle a relevé
10        Tribunal départemental des pensions militaires de la Haute-Garonne, 11 septembre 2012, n° 11/00010.

que, « lors de la proclamation de l ’indépendance de l ’Algérie le 5 juillet 1962, les ressortissants de ce territoire se sont trouvés dans une situation distincte de celle de ceux qui avaient la nationalité française »11. Elle a également relevé que « la loi du 31 juillet 1963 n'a pas pour objet la création d'un dispositif général d'indemnisation de l’ensemble des victimes des événements d'Algérie, quelle que soit leur nationalité. Elle vise expressément les seules victimes de ces événements, de nationalité française au jour de sa promulgation » . La CRP a donc jugé que « le critère de nationalité est (...) en rapport avec la loi, les demandeurs de pensions militaires d'invalidité sont placés dans une situation différente selon qu'ils étaient ou non de nationalité française au jour de la promulgation de la loi du 31 juillet 1963, et en particulier Monsieur Y., qui n ’a été réintégré dans la nationalité française qu ’à compter de 2005 »13.

Par ailleurs, par un arrêt du 19 novembre 2014, la CRP de Toulouse a annulé le jugement du TDPM de la Haute-Garonne du 11 septembre 2012 après avoir relevé que « les dispositions de la loi du 31 juillet 1963 ne peuvent (...) être regardées que comme incompatibles avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l ’homme et des libertés fondamentales ».14

Par un pourvoi du 20 janvier 2015, le ministre de la défense a demandé au Conseil d’État d’annuler cet arrêt et de rejeter l’appel de M. Y. À cette occasion, ce dernier a contesté le refus qui lui a été opposé par la CRP de Toulouse de transmettre au Conseil d’État la QPC portant sur les dispositions de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963.

Par la décision du 23 décembre 2015 précitée, le Conseil d’État a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC portant sur les dispositions de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 dans sa rédaction résultant de l’article 12 de la loi du 26 décembre 1964. Il a relevé que « le moyen tiré de ce que ces dispositions, en réservant 1e bénéfice du droit à pension qu’elles instituent aux personnes de nationalité française à la date du 31 juillet 1963, portent atteinte au principe constitutionnel d’égalité soulève une question présentant un caractère sérieux ».

II. - L’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

Le requérant soutenait que les dispositions contestées instaurent, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, une différence de traitement entre les personnes de nationalité française victimes d’attentats ou d’actes de 11 12 13 14
11        Cour régionale des pensions militaires de Toulouse, 15 janvier 2014, n° 13/00006.
12        Ibid.
13        Ibid.
14        Cour régionale des pensions militaires de Toulouse, 19 novembre 2014, n° 12/00043.

violence survenus sur le territoire algérien entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 ainsi qu’entre leurs ayants droit de nationalité française, selon que ces personnes possèdent ou non la nationalité française à la date du 31 juillet 1963.

Le requérant ne contestait donc pas l’exclusion par la loi des personnes de nationalité étrangère. Dans ses premières observations, il indiquait ainsi qu’« en réservant le bénéfice du droit à pension qu 'elles institu[ai]ent aux personnes de nationalité française à la date du 31 _ juillet 1963, les dispositions litigieuses instaurent une différence de traitement injustifiée au regard de leur objet, en méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité »15. et que « la différence de traitement contestée ne porte pas sur la possibilité, pour le législateur, d'exclure les victimes de nationalité étrangère d'un droit à pension qui trouve son origine dans le principe de la solidarité nationale, mais bien sur la conformité au principe constitutionnel d’égalité d’une différence de traitement entre des victimes civiles qui sont toutes de nationalité_française, bien qu’elles l’aient acquis à des dates différentes »16.

Comme il a eu l’occasion de le faire régulièrement , et au regard du grief ainsi formulé par le requérant, le Conseil constitutionnel a considéré que la QPC « porte sur les mots "à la date de promulgation de la présente loi" et les mots "à la même date" figurant au premier alinéa de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 » (cons. 3).

A. - La jurisprudence constitutionnelle relative au principe d’égalité découlant de l’article 6 de la Déclaration de 1789

De manière constante, le Conseil constitutionnel juge que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit »18. Le principe d’égalité implique qu’à des situations semblables il soit fait application de règles semblables. En revanche, si, en règle générale, le principe d’égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il 15 16 17 18
15        Ibid., p. 3-4.
16        Observations produites pour le requérant, enregistrées le 3 février 2016, p. 7.
17        Voir, par exemple, récemment la décision n° 2015-459 QPC du 26 mars 2015, M. Frédéric P. (Droit de présentation des greffiers des tribunaux de commerce), cons. 4.
18        Voir, par exemple, les décisions nos 97-388 DC du 20 mars 1997, Loi créant les plans d'épargne retraite, cons. 27 et 2008-571 DC du 11 décembre 2008, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, cons. 20.

n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes19.

En ce qui concerne l’égalité entre les Français d’origine et les Français par acquisition, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, écarté le grief tiré de l’atteinte au principe d’égalité en jugeant

« qu ’au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation ; que, toutefois, le législateur a pu, compte tenu de l’objectif tendant à renforcer la lutte contre le terrorisme, prévoir la possibilité, pendant une durée limitée, pour l ’autorité administrative de déchoir de la nationalité française ceux qui l’ont acquise, sans que la différence de traitement qui en résulte viole le principe d’égalité »20.

Lorsqu’il s’agit de règles relatives à la nationalité, tous les Français sont en principe égaux devant ces règles, et les dérogations à l’égalité de traitement doivent être l’exception. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2014439 QPC, a de nouveau considéré « que les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation » .

En revanche, lors de l’examen des dispositions relatives à la possibilité d’extrader les personnes ayant acquis la nationalité française à raison de poursuites ou de condamnations visant des faits commis avant cette acquisition de la nationalité française, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 2014-427 QPC, que « la différence de traitement dans l’application de cette protection, selon que la personne avait ou non la nationalité française à l’époque de l’infraction pour laquelle l’extradition est requise, est fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l ’objet de la loi » . Au regard de la protection que constitue la règle de non-extradition des nationaux, le Conseil a donc accepté de considérer que les personnes ne sont pas dans la même situation selon qu’elles avaient ou non la nationalité française à l’époque des faits à raison desquels l’extradition est réclamée.

* Dans sa première décision rendue sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 à propos de l’octroi d’une pension 19 20 21 22
19        Décisions nos 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004, cons. 37 et 2006-541 DC du 28 septembre 2006, Accord sur l’application de l’article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens (Accord de Londres), cons. 9.
20        Décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, Loi tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire, cons. 23.
21        Décision n° 2014-439 QPC du 23 janvier 2015, M. Ahmed S (Déchéance de nationalité).
22        Décision n° 2014-427 QPC du 14 novembre 2014, M. Mario S. (Extradition des personnes ayant acquis la nationalité française), cons. 6.

civile ou militaire, le Conseil constitutionnel a considéré qu’au regard de l’objet de la loi examinée - qui était de garantir aux titulaires de pensions civiles ou militaires de retraite « des conditions de vie en rapport avec la dignité des fonctions exercées au service de l ’Etat » - une différence selon la nationalité ne pouvait se justifier.

De la même façon, dans cette même décision, à propos cette fois, non plus des pensions civiles et militaires, mais des pensions militaires d’invalidité et de la retraite du combattant, le Conseil constitutionnel a censuré « une différence de traitement fondée sur la nationalité entre les titulaires de pensions militaires d’invalidité et des retraites du combattant selon qu’ils sont ressortissants algériens ou ressortissants des autres pays ou territoires ayant appartenu à l ’Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France », dans la mesure où cette « différence est injustifiée au regard de l’objet de la loi qui vise à rétablir l’égalité entre les prestations versées aux anciens combattants qu’ils soient français ou étrangers ».

*          Dans sa décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a censuré le critère de nationalité ainsi que le critère de résidence auxquels était soumise l’attribution de la carte du combattant aux membres des forces supplétives ayant combattu en Algérie, au Maroc et en Tunisie, au motif que ces critères n’étaient pas justifiés par l’objet de la loi qui était de témoigner la reconnaissance de la Nation à tous ceux qui ont fait partie de forces que la République française a souhaité tout particulièrement distinguer. Dans ces conditions, les critères de nationalité ou de résidence n’étaient pas justifiés23 24.

*          Dans sa décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a considéré, en se fondant sur l’article 6 de la Déclaration de 1789, « qu’en instituant les allocations et rentes de reconnaissance et aides spécifiques au logement (...) en faveur des anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie et qui ont fixé leur domicile en France ou dans un autre Etat de l’Union européenne, le législateur a décidé de tenir compte des charges entraînées par leur départ d’Algérie et leur réinstallation dans un Etat de l ’Union européenne ; que, pour ce faire, il a pu, sans méconnaître le principe d’égalité, instituer un critère de résidence en lien direct avec l ’objet de la loi ; qu ’en revanche, il ne pouvait, sans méconnaître ce même principe, établir, au regard de l’objet de la loi, de différence selon la
23 Décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, consorts L., cons. 9.
24A contrario, lorsqu’il s’agit de pensions « classiques » de retraite, dans la mesure où celles-ci ont pour but d’assurer des conditions de vie matérielles en rapport avec la dignité de fonctions exercées au service de l’État, un critère de résidence n’est pas inconstitutionnel (décision n° 2010-1 QPC précitée).

9 S

nationalité » . Le Conseil a ainsi déclaré contraires à la Constitution une série de dispositions relatives à diverses allocations qui subordonnaient leur bénéfice à la condition de nationalité française.

Par ailleurs, le Conseil d’État a jugé la condition de nationalité discriminatoire et contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour l’octroi d’une pension d’ancien combattant25 26 ou d’une pension militaire d’invalidité aux membres des forces supplétives françaises en Algérie27.

B. - L’application à l’espèce

Dans la décision commentée, et dans le prolongement de sa décision n° 2013344 QPC du 27 septembre 2013 précitée, le Conseil constitutionnel a rappelé que, pour assurer la mise en œuvre des dispositions du douzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, « il est loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par la Constitution, d’adopter des modalités dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » (cons. 4).

Toutefois, si le Conseil constitutionnel avait relevé d’office le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient le principe d’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales, qui découle du douzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, c’est sur le terrain du principe d’égalité devant la loi que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions contestées.

Le Conseil constitutionnel a d’abord rappelé que l’objet des dispositions contestées était de créer « un régime d’indemnisation des personnes de nationalité française victimes de dommages physiques subis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 du fait d’attentats ou de tout autre acte de violence ainsi que de leurs ayants droit » (cons. 6).

Il n’était pas contesté par les parties que les dispositions contestées instituent une différence de traitement entre les victimes françaises des évènements précités. Il appartenait donc au Conseil constitutionnel de contrôler si cette différence de traitement, d’une part, correspondait à une différence de situation
25        Décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, Comité Harkis et Vérité (Allocation de reconnaissance), cons. 10.
26        Conseil d’État, assemblée, 30 novembre 2001, Ministre de la défense c. Diop, n° 212179.
27 Conseil d’État, 1ère et 6e sous-sections réunies, 11 juillet 2008, Mme Kheira Bouragba, n° 295816.

ou était justifiée par un motif d’intérêt général et, d’autre part, si elle était en rapport avec l’objet de la loi.

En ce qui concerne l’intention du législateur, le Conseil a relevé que « poursuivant un objectif de solidarité nationale, il a ainsi entendu garantir le paiement de rentes dues aux personnes ayant souffert de préjudices résultant de ces dommages ou à leurs ayants droit» (cons. 6). C’est, compte tenu de cet objectif, que le Conseil constitutionnel a cité les dispositions du douzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 au titre des normes constitutionnelles de référence (cf. supra).

Concernant ensuite l’existence d’une différence de situation, le Conseil a estimé « que ces personnes ne sont pas dans une situation différente selon qu ’elles possédaient ou non la nationalité française à la date de promulgation de la loi créant le régime d’indemnisation, dès lors qu’elles satisfont aux autres conditions posées par le législateur » (cons. 6). Dès lors, le Conseil a jugé « qu’en conditionnant le bénéfice de l’indemnisation aux personnes de nationalité française à la date de promulgation de la loi instituant cette indemnisation, les dispositions contestées instaurent une différence de traitement qui n’est justifiée ni par une différence de situation ni par l’objectif de solidarité nationale poursuivi par le législateur »(cons. 6). En particulier, on peut relever qu’en réservant le bénéfice du droit à pension aux seules personnes ayant la nationalité française à la date de la promulgation de la loi du 31 juillet 1963, les dispositions contestées conduisaient à exclure du dispositif les personnes qui, sans avoir la nationalité française à cette date, étaient françaises à la date du dommage et ont été réintégrées ultérieurement dans la nationalité française, comme c’était le cas du requérant. A contrario, une personne possédant la nationalité française à la date de la promulgation de la loi du 31 juillet 1963, qui l’aurait perdue ensuite puis retrouvée, pouvait bénéficier du droit à pension.

Or, le Conseil a considéré que cette différence de traitement « n’est justifiée ni par une différence de situation ni par l’objectif de solidarité nationale poursuivi par le législateur » (cons. 6). En effet, il n’y a pas d’adéquation entre la cristallisation de la situation des personnes concernées au 31 juillet 1963 et l’objectif que s’est assigné le législateur. Par suite, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le grief soulevé d’office, le Conseil a jugé que, « les dispositions contestées, qui méconnaissent le principe d’égalité devant la loi, doivent être déclarées contraires à la Constitution » (cons. 6).

Ce faisant, le Conseil ne s’est pas prononcé sur la constitutionnalité de la condition de nationalité ni sur la constitutionnalité des autres distinctions qui pourraient être opérées entre les Français dans le cadre d’un dispositif d’indemnisation des dommages résultant des calamités nationales.

Concernant les effets dans le temps de la déclaration d’inconstitutionnalité des mots « à la date de la promulgation de la présente loi » et des mots « à la même date » figurant au premier alinéa de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963, le Conseil a précisé qu’elle « prend effet à compter de la date de la publication de la (...) décision » commentée et « qu’elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement » (cons. 8).
Et aussi document partiel


CONSEIL  CONSTITUTIONNEL
Décision n° 2015 - 530 QPC

Article 13 de la loi du 31 juillet 1963 de finances

rectificative pour 1963

Modalités d’appréciation de la condition de nationalité française pour le bénéfice du droit à pension en cas de dommage physique du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements de la guerre d’Algérie

Dossier documentaire

Source : services du Conseil constitutionnel © 2016
Sommaire
I.         Dispositions législatives         4
II.        Constitutionnalité de la disposition contestée
Table des matières
I. Dispositions législatives     4
A. Dispositions contestées     4
1.         Loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 modifiée      4
- Article 13     4
B.        Évolution des dispositions contestées           5
1.         Loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963          5
2.         Loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits et avantages sociaux consentis à des français ayant résidé en Algérie       6
C.        Autres dispositions      7
1. Loi du 17 avril 1919 sur la réparation des dommages causés par les faits de la guerre   7
2.         Loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de la guerre.
3.         Loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de la guerre        9
4.         Loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l’accueil et à la réinstallation des français d’outre-mer   11
5.         Ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962    12
-           Article 2          12
6.         Décret n° 62-1049 du 4 septembre 1962 portant règlement d’administration publique pour l’application à certains étrangers de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l’accueil et à la     réinstallation des Français d’outre-mer    
7.         Loi n° 66-945 du 20 décembre 1966 modifiant la loi n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions     concernant la  nationalité française   12

-           Article 1er       12
8.         Décret n° 69-402 du 25 avril 1969 portant règlement d’administration publique relatif à l’admission au bénéfice de l’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 concernant la réparation des dommages physiques subis en Algérie par suite des événements survenus sur ce territoire depuis le 31 octobre 1954 et jusqu’au 29 septembre 1962 de certaines personnes ne possédant pas la nationalité française à la date de promulgation de        ce texte            13
9.         Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre            14
-           Article L.        193      14
-           Article L.        195      14
-           Article L.        197      14
D.        Jurisprudence  15
Sur les pensions d'invalidité accordées aux anciens combattants et victimes de la guerre  15
-           Conseil d’État,           Ass., 30 novembre 2001, n° 212179  15
-           Conseil d’État,           11 juillet 2008, n° 295816      15
-           Conseil d’État,           4 mars 2009, n° 302058         16
II.        Constitutionnalité de la          disposition contestée  17
A.        Normes de référence  17
1. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789           17
-           Article 6          17

………………………./…………………

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2016/2015-530-qpc/commentaire.147150.html.

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2016/2015-530-qpc/version-pdf-de-la-decision.147147.html

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2016/2015-530-qpc/dossier-documentaire.147148.html