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10.03.04 |
17:13
PARIS - Une loi de réparation pour les déracinés
de la guerre d'Algérie. Le secrétaire d'Etat aux Anciens
combattants, Hamlaoui Mekachera, a dévoilé mercredi
en conseil des ministres son projet de loi pour les rapatriés
et harkis, qui prévoit une nette hausse de l'allocation de
reconnaissance» et la participation de l'Etat au futur Mémorial
national de l'Outre-mer.
«Nombre de Français d'Algérie, les anciens des
forces supplétives, les harkis et leurs familles, ont été
victimes d'une terrible tragédie au moment où la France
et l'Algérie décidaient de suivre des chemins séparés»,
rappelle le préambule du texte. «La France, en quittant
le sol algérien, n'a pas pu sauver tous ses enfants»,
dit-il, évoquant les «massacres» d»'innocentes
victimes».
A mi-chemin entre devoir de mémoire et soutien économique,
le projet de loi prévoit une nette hausse de "l'allocation
de reconnaissance" versée depuis 2003 aux harkis et
à leurs veuves de plus de 60 ans, sans condition de ressources.
Cette aide, qui concerne quelque 11.000 personnes, passera de 1.830
euros par an à 2.800 en 2005. Les bénéficiaires
qui le souhaitent pourront toucher à la place un capital
de 30.000 euros. Cette mesure devrait coûter «un peu
plus de 600 millions d'euros» à l'Etat.
Les aides au logement octroyées aux harkis par la loi du
11 juin 1994 sont par ailleurs prolongées jusque fin 2009.
Elles prévoient notamment une aide pour acheter sa résidence
principale de plus de 12.000 euros. Enfin, le texte répare
une «inégalité» subie par les rapatriés
d'Algérie, de Tunisie et du Maroc, qui n'ont pas bénéficié
de l'effacement des dettes qu'ils avaient contractées pour
se réinstaller. Cette dernière mesure devrait coûter
311 millions d'euros et concerner plus de 90.000 personnes.
Plus symbolique, le projet Mekachera confirme la participation de
l'Etat au Mémorial national de l'Outre-mer, qui sera construit
à Marseille pour un coût de 11 millions d'euros. «Les
chercheurs, les historiens, les étudiants et le grand public
disposeront ainsi en 2006, date prévue pour son ouverture,
d'un lieu de mémoire qui faisait cruellement défaut
à notre pays», souligne le secrétariat d'Etat
aux Anciens combattants.
Depuis son entrée en fonctions, le gouvernement s'est évertué
à renouer le dialogue avec les pieds-noirs et harkis. En
avril 2003, il a installé un Haut conseil aux rapatriés
et a pérennisé la date du 25 septembre pour célébrer
la Journée nationale d'hommage aux harkis, déjà
commémorée en 2001 et 2002 sans existence officielle.
On estime à 500.000 le nombre de harkis enrôlés
de gré ou de force comme supplétifs de l'armée
française. Près de 150.000 auraient été
victimes des représailles du FLN après le cessez-le-feu
du 19 mars 1962. La situation sociale des descendants du million
de pieds-noirs et des quelque 20.000 harkis rapatriés en
France dans des conditions dramatiques reste souvent précaire.
Près de 40% des membres de la communauté harkie sont
au chômage.
11 MARS 2004 | 7:13
CONSEIL DES MINISTRES DU 10 MARS 2004
L'allocation dite «de reconnaissance» va être
doublée
Le gouvernement va enfin solder, au profit des rapatriés
d'Afrique du Nord et singulièrement des harkis, l'antique
contentieux né des spoliations de 1962. Le secrétaire
d'Etat aux Anciens Combattants, Hamlaoui Mekachera, a présenté
hier un projet de loi en ce sens au Conseil des ministres. Le texte
sera examiné dès que possible par le Parlement. «Il
s'agit d'exécuter à 100% la volonté exprimée
par le président de la République lors des campagnes
électorales de la présidentielle et des législatives»,
précise le ministre.
Un premier train de mesures est d'ordre financier. Ainsi, les harkis
et leurs ayants droit vont bénéficier d'une nouvelle
hausse de l'allocation «de reconnaissance». Déjà
augmentée de 30% au 1er janvier dernier, elle va doubler
pour passer à 250 euros par mois. Une possibilité
de «sortie en capital» est prévue, à hauteur
de 30 000 euros. Quelques centaines de harkis ne répondant
pas aux critères de nationalité, faute d'une déclaration
«recognitive» opérée à temps, ne
seront plus écartés, sous réserve d'une nationalité
française confirmée avant le 1er janvier 1995.
Pour répondre à une vieille revendication des associations
de rapatriés, le projet de loi entend régler aussi
le problème dit de l'«article 46». Les lois d'indemnisation
de 1970 et 1978 prévoyaient une retenue, sur les indemnités
versées par l'Etat, du montant des remboursements d'emprunt
qui n'avaient pu être honorés. La loi de 1987 avait
finalement effacé les dettes en question, ce que les bons
payeurs trouvaient immoral. Cette forme d'injustice va être
réparée, au profit de 90 000 ayants droit, pour un
montant de 311 millions d'euros. On va même se pencher sur
les quelques dizaines de personnes qui, condamnées pour leur
action pendant la guerre d'Algérie et contraintes à
des années d'exil, n'ont pu cotiser convenablement pour leur
retraite.
Par ailleurs, les harkis et leurs familles bénéficieront
d'initiatives locales sur le logement, la formation et l'emploi.
Les préfets ont reçu des instructions pour recenser
les réclamations et élaborer des mesures de «mobilisation
positive» (terme préféré à celui
de «discrimination positive»). Quelque 3 500 demandeurs
se sont fait connaître.
«Il faut qu'enfin on en finisse, assure Hamlaoui Mekachera.
Nous devons clore le dossier définitivement.» Mais
il ajoute : «Nous louperions notre objectif si ce dispositif
n'était pas assis sur un vrai travail de mémoire.
Pour les harkis, d'abord, qui doivent se sentir à part en-
tière dans la communauté nationale.»
Marc Dubourdieu, président de la mission interministérielle
aux rapatriés, insiste de son côté : «L'article
premier du projet de loi affirme que la nation reconnaît solennellement
la participation des intéressés à l'oeuvre
de la France d'outre-mer.» Quarante-deux ans après
l'exode, cet effort de reconnaissance prime désormais, aux
yeux des rapatriés et de leurs enfants, tant l'histoire de
la présence française en Algérie est travestie,
à longueur d'émissions de télévision,
d'articles et de manuels scolaires.
Dans ce registre, il faut classer le musée et mémorial
de Marseille, dont l'inauguration est prévue en 2006, et
le rapatriement d'un million et demi de dossiers d'état civil,
grâce à un récent accord avec l'Algérie
(qui inclut la restauration des cimetières). Importantes
aussi : la journée nationale d'hommage aux harkis et la nouvelle
date commémorative du 5 décembre pour la fin des combats.
Cet anniversaire, décidé à l'automne dernier
par le gouvernement, tend à remplacer celui du 19 mars, célébré
dans les villes de gauche et par la Fédération nationale
des anciens combattants en Afrique du Nord (Fnaca), mais rejeté
par l'ensemble de l'ancienne communauté française
d'Algérie. Le cessez-le-feu du 19 mars 1962 a été
suivi, en effet, de massacres de Français, notamment ceux
du 26 mars à Alger et du 5 juillet à Oran, et par
l'élimination de plusieurs dizaines de milliers de harkis.
Hamlaoui Mekachera observe que, selon un sondage du début
de l'année, 82% des Français sont satisfaits du choix
d'une autre date que ce jour noir.
Reste à tenter d'infléchir l'enseignement de l'oeuvre
française outre-mer, qui tient largement de la caricature.
«L'Education nationale devra se mettre au diapason, constate
le ministre. Il faudra rétablir la vérité des
faits, mais sans fixer son regard sur la seule guerre d'Algérie.»
Marc Dubourdieu y travaille fermement. « Nous avons constitué
un groupe de travail avec l'inspection générale, dit-il.
On prépare un colloque avec des chercheurs, éditeurs
et rapatriés. Les inspecteurs ne sont pas fermés à
cette évolution. Ils savent qu'il faut changer de point de
vue parce que la société change.»
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