Mardi 16 mai , la chaîne de télévision M6 diffuse un documentaire de Serge de Sampigny, Quand l'Algérie était Française. L'originalité de l'entreprise reposait sur la diffusion d'archives «tout en couleurs» pour l'historien faussaire et manipulateur B Stora : " Cet algérianisme sensualiste dénoncé par des universitaires en Algérie donne ainsi bien des couleurs à l'entreprise coloniale." le même voit Boudiaf alors que, Mohamed Boudiaf n'apparaît pas dans le documentaire et donc ne parle pas ! Où Benjamin Stora a-t-il trouvé cette fausse affirmation ? la réponse du réalisateur Serge de Sampigny réalisateur et Jean-Jacques Jordi historien.
 
 
 
 
Quand l'Algérie était Française.
M 6
 
   
 

Manipulateur Stora n'aime pas Quand l'Algérie était française.
Le mardi 16 mai , la chaîne de télévision française M6 diffuse un documentaire de Serge de Sampigny, Quand l'Algérie était française. L'originalité de l'entreprise reposait sur la diffusion d'archives «tout en couleurs» tournées en Algérie dans les années 1940-1950 (donc pendant la période de la guerre d'Algérie).
Effectivement, défilent devant nos yeux des archives visuelles venues de familles essentiellement «européennes». Dans ces années-là, il fallait être bien fortuné pour tourner des petits films en couleurs, et rares étaient les familles algériennes d'Algérie pouvant se permettre de telles pratiques.
Pour l'universitaire algérien Chaffik Benhacène, «l'inédit est sélectif. Il exclut la quasi-totalité des musulmans, globalement démunis, et dont il est tragiquement risible d'imaginer qu'ils pouvaient, en sus, disposer de ces caméras super-8 aux fins de fixer les images de leur dénuement et de leurs misères». Le téléspectateur voit donc surtout de riches Européens faire du ski en Kabylie, se promener au Sahara ou assister à des courses de chevaux à Alger. Ce qui ne manque pas de surprendre quand on connaît le niveau de vie des familles européennes de cette époque... bien inférieur à ceux des habitants de métropole.
La surprise vient pourtant de la colorisation des archives souvent issues de l'INA ou de l'ECPA. De l'enterrement de soldats français à Khenchela en novembre 1954 à la «bataille d'Alger» de l'année 1957, en passant par la terrible répression d'août 1955 dans le Nord constantinois, on découvre «en couleurs» les paysages des Aurès ou les ruelles de la Casbah d'Alger... Le réalisateur n'a pas pris soin de prévenir de la colorisation, expliquant par la suite que «pour une grande chaîne, il était préférable de montrer des archives en couleurs pour ne pas rompre la vision d'ensemble»...
Les chercheurs savent, depuis longtemps, que les images ne se contentent pas de retranscrire le réel, mais de l'interpréter. Mais avec le «tout en couleurs», nous entrons dans une autre logique. Puisque l'objectif est la séduction du consommateur d'images, il est normal de «donner» des couleurs au réel, tout en prétendant montrer de l'histoire. Le passé doit étonner, surprendre, au sens le plus fort du terme, sinon l'ennui guette et l'audience baisse.
L'archive visuelle n'est donc plus transportée telle quelle dans le présent mais subit des transformations, voire des effacements (pourquoi donner quelquefois une telle couleur aux uniformes de soldats ?). Ce faux en couleurs deviendra au fil du temps, n'en doutons pas, l'archive de référence, abolissant de la sorte toute interprétation possible de situations historiques, géographiques. Dans la colorisation, il n'y a pas d'inventivité fictionnelle (ce qui est possible, absolument pas dérangeant, nécessaire même dans l'ordre de la reconstruction historique, pour le cinéma par exemple), mais une «fabrication» d'un faux qui se donne pour du vrai. Cette chirurgie iconique par ajout et substitution n'est pas un pacte liant un artiste avec son récepteur ; il s'agit là d'une grave déformation d'archives, tout simplement.
Ajoutons que les propos prêtés à des responsables algériens, comme Ahmed ben Bella ou Mohamed Boudiaf, sont dits en voix off par des comédiens imitant l'accent arabe.
Colorisation des images et invention des voix : les transformations opérées arrangent la réalité, gomment tout ce qui peut paraître désagréable et entretiennent une certaine folklorisation de l'histoire du «Sud».
Cet algérianisme sensualiste dénoncé par des universitaires en Algérie donne ainsi bien des couleurs à l'entreprise coloniale.
B.stora
IN journal Liberation du 31 mai 2006
   
Réponse aux critiques sur la colorisation des images et les archives du film diffusé sur M6. Par Serge de Sampigny réalisateur et Jean-Jacques Jordi historien.

Dans Libération du 31 mai, l'historien Benjamin Stora met en cause le documentaire récemment diffusé par M6 Quand l'Algérie était française. Il y dénonce la fabrique d'une «fausse Algérie» (titre de l'article) à partir de trois éléments : la colorisation des films, l'invention des voix, et une prétendue exclusion de la quasi-totalité des musulmans. Pour Benjamin Stora, coloriser la colonisation, c'est tout simplement gommer tout ce qui peut paraître désagréable. Il sait pourtant, pour avoir participé avec nous à une émission sur France Culture sur ce thème, que 5 % des images seulement ont été colorisées, afin de donner une unité visuelle aux autres séquences qui, elles, ont été tournées originellement en couleur.
De fait, peut-on penser raisonnablement et scientifiquement que la colorisation de 5 % des images amène inévitablement à la fabrique d'une fausse Algérie ? La colorisation est aujourd'hui un procédé connu, elle autorise une certaine proximité avec l'événement. Loin de souscrire à l'affirmation définitive de Benjamin Stora qui y voit une volonté de « donner des couleurs à l'entreprise coloniale», nous pensons que la colorisation ne masque en rien les répressions, les massacres et les atrocités. En quoi le noir et blanc serait-il plus historique que la couleur ? Ceux qui ont connu l'Algérie avant 1962 l'ont-ils connue en noir et blanc ?
Le deuxième élément concerne l'invention des voix, en particulier celle de Ahmed ben Bella et de Mohamed Boudiaf par des comédiens «imitant l'accent arabe». On ne peut être que surpris par cette affirmation car il s'agissait en réalité de faire lire d'authentiques citations par des acteurs qui ont le même âge et la même voix que les auteurs de ces citations à l'époque. C'est ainsi que des acteurs d'origine algérienne ont lu des textes écrits par des combattants du FLN. Et des acteurs pieds-noirs les citations des pieds-noirs.
Par ailleurs, Mohamed Boudiaf n'apparaît pas dans le documentaire et donc ne parle pas ! Où Benjamin Stora a-t-il trouvé cette fausse affirmation ?
Enfin, le dernier reproche concerne l'exclusion des musulmans du documentaire. L'Algérie représentée serait heureuse et insouciante au travers des seuls regards des Français d'Algérie. Benjamin Stora a-t-il vu le film ? Notamment ces scènes où Hamza Boubakeur filmait sa famille dans sa maison d'Alger avec une petite caméra de 8 mm ? N'a-t-il pas été marqué par ces images de bidonvilles qui dénoncent une misère criante dans les années 50 ? Comment ont pu lui échapper ces films tournés par René Vautier au sein des unités du FLN, où figurent des militants comme Hassiba ben Illes ou Chelif Zenadi ? Ou encore cette séquence terrible où des harkis évitent le lynchage in extremis en 1962 ?
Bien que filmées en majorité par des Français, ces images ­ aux deux tiers inédites et provenant de quarante sources différentes et découvertes après huit mois de recherches ­ permettent, nous semble-t-il, de représenter les points de vue contrastés des Algériens avant l'indépendance.
Que penser alors ? Ne faut-il pas s'interroger sur notre capacité à sortir du noir et blanc, des bons et des méchants, et à se décentrer du couple idéologique victime-coupable, lorsque l'on travaille sur l'Algérie contemporaine ?
Contrairement à ce qu'affirme Benjamin Stora, il n'y a pas de folklorisation de l'histoire de l'Algérie, pas plus que nous ne prétendons, avec ce documentaire, faire oeuvre d'historiens. Aucun documentaire, fût-il réalisé ou ayant bénéficié du regard d'historiens, n'est définitif sur l'histoire. Tout au plus porte-t-il quelques connaissances à un public plus large. Sur ce dernier point, toutefois, c'est-à-dire sur le fond, aucune mise en cause ne nous est faite.
IN journal Liberation du 6 5juin 2006