Je fais
référence à la lettre que vous a adressée
Monsieur Yves SAINSOT, président de l'ANFANOMA, dans laquelle
il proteste contre la récente émission de Monsieur
Michel DRUCKER. Plus particulièrement, il s’agit des
propos prêtés à Messieurs Bertrand DELANOE et
Jean-Pierre ELKABBACH. Le premier a vu des barbelés sur les
plages pour séparer les Musulmans des Européens (Juifs
et d’origine chrétienne). On prétend que le
second aurait affirmé avoir vu la même chose sur celles
d’Oran.
Bien sûr, ceux attribués à
Monsieur DELANOE ne me surprennent pas. J'ai en effet pu constater
les contrevérités historiques que prononce régulièrement
Monsieur DELANOE, désinformation au seul vu de ses convictions
idéologiques. Par exemple, lors des discours qu’il
prononce à l'occasion des plaques qu'il essaime dans tout
Paris pour honorer opérations terroristes et héros
porteurs directs ou indirects d’une des deux idéologies
les plus abominables de l’Histoire.
Tout dernièrement encore, nous avons tous
deux participé, en tant que témoin de nos années
scolaires, comme rédacteurs d'un chapitre des "Lycées
français du Soleil (un livre très intéressant
sorti récemment). N'importe quel historien ou témoin
de l'époque ne pourrait que s'amuser, si le témoignage
de Monsieur DELANOE contre sa Patrie ne prêtait pas à
tristesse et indignation. Celui-ci, jamais le dernier pour dire
du mal de l’Oeuvre de son pays, alors qu’on l’interroge
simplement sur son Lycée et l’éducation reçue,
prétend avoir vu tomber dans les rues, lors de l’affaire
de BIZERTE, de nombreux « jeunes » Marocains. Il ne
dit pas s’il a vu qu’ils étaient armés,
voire « déguisés » en militaires. Agé
à l’époque de 11 ans, je suppose que ses parents,
pourtant bourgeois coloniaux, devaient être bien imprudents
pour l’avoir laissé vagabonder sous la mitraille…
française, bien sûr ! Peut-être a-t-il même
servi comme brancardier d’un quelconque Croissant rouge ?
Il n’a pas vu non plus de victimes françaises tant
dans l'Armée française que parmi ses compatriotes
pendant les années qu’il a vécues là-bas.
Par contre, je ne puis que m'élever contre
les propos prêtés à mon condisciple Jean-Pierre
ELKABBACH, ancien élève du lycée Lamoricière
d'Oran, dont je suis le président de l'association des anciens
(ALLO). Je connais trop bien la droiture et le professionnalisme
de Monsieur ELKABBACH. Je sais donc qu'il n'aurait pu prétendre
qu’apartheid et barbelés existaient à Oran,
comme dans toute l'Algérie. Auquel cas, il serait un affabulateur,
ce que ne saurait être un ancien élève du Lycée
que j'ai l'honneur de représenter. Dans les derniers temps,
le terrorisme FLN a simplement conduit les autorités à
séparer la nuit la Communauté disons chrétienne
et juive de la Communauté musulmane, dans laquelle, malheureusement,
les tueurs se cachaient. Je n’aurais pas l'audace d'y faire
référence, mais, pour faire face au terrorisme et
protéger sa population, on construit parfois des murs qui
sont définitifs.
Nous Français d’Algérie avons aussi subi les
barbelés, notamment lors de perquisitions par l’Armée
au service de DE GAULLE, comme lors du siège de Bab El oued
qui allait conduire au massacre de français par la France
rue d’Isly.
Afin d'illustrer mes propos et ceux que notre camarade
Jean-Pierre n'a pu tenir, puisqu’il en a été
témoin, je vous prie de trouver ci-dessous le témoignage
d'un de ses (vos) confrères, journaliste à l'époque
à Paris Match.
A Oran comme à Alger; un passant invisible
: la peur, par Jean MAQUET, Paris Match du 20/01/62
"Il avait dix-neuf ans. C'était un collégien,
petit-fils d'un épicier juif de la rue de Mostaganem. Il
était allé renouveler son abonnement d'autobus. Ceux
qui l'égorgèrent étaient quatre, pour lui quatre
passants parmi les autres, dont il avait d'autant moins de raison
de se méfier qu'à Oran les Européens - pour
la plupart ' espagnols - et les musulmans -souvent se ressemblent
et, en tout cas, vivent mêlés les uns aux autres plus
que partout ailleurs. (Note RONDEAU : malgré les barbelés
?). Soudain deux de ces quatre se jetèrent sur lui et le
ceinturèrent, le troisième lui releva le menton. Le
quatrième avec un de ces mauvais couteaux en fer qui ne tiennent
pas le fil (un « douk-douk ») mais n'en coupent pas
moins comme des rasoirs quand ils viennent d'être affûtés
lui trancha la gorge. (Note de RONDEAU : toute ressemblance avec
des évènements actuels…) ...
Un autre, ailleurs, logea à bout portant quatre balles dans
le ventre d'une jeune femme enceinte de sept mois. C'était
une juive. Un autre encore abattit un vieillard de soixante-quinze
ans. Un juif aussi. Sans raison. Tout se passait comme si les tueurs
avaient reçu le mot d'ordre de frapper l'imagination des
Oranais ...
La réaction fut brutale surtout celle des israélites.
« ...C'étaient tous des jeunes. Par groupes de quatre,
ils exploraient systématiquement la rue, à la recherche
de musulmans isolés. Quand un groupe en rencontrait un, il
l'entourait et chacun lui donnait un coup de poing, un seul. Leur
victime tombée, ils s'en allaient. Alors venait derrière
eux un jeune garçon de dix-huit ou dix-neuf ans, vêtu
de noir, qui marchait seul, une cigarette à la bouche. Arrivé
à la hauteur de l'homme étendu, il sortait tranquillement
un revolver de dessous un pan de sa veste, se penchait, tirait deux
balles dans la tête du « melon », puis toujours
fumant, passait au suivant. Ils ont été terribles
les israélites, poursuivit mon ami. Pendant sept ans, ils
sont restés attentistes et même auraient plutôt
eu tendance à flirter avec le F.L.N.. Mais la vieille organisation
terroriste des Israéliens, l'lrgun, s'occupait d'eux. Prêts
à se défendre aussi bien contre les musulmans que
contre les chrétiens, ils ont choisi leur camp : l'O.A.S.
»
Et aujourd'hui, tout Oran - F.L N, O.A.S, barbouzes ou simples blousons
noirs - essaye de copier leur méthode." (Note Rondeau:
le journaliste parle des méthodes de l'Irgoun et des juifs
qui protègent le quartier à Oran)...
Comme second document, j’ai le plaisir de
vous adresser ci-joint copie de l’un des Palmarès de
ce Lycée si cher à Jean-Pierre et à moi-même.
Vous noterez, quant aux prix attribués, la place, certes
méritée, prise tant par nos camarades musulmans que
juifs. Alors, pourquoi des barbelés sur les plages, s’il
n’y en avait pas dans nos écoles ?
Il s'agit de Palmarès de l'année 1954 au Lycée
Lamoricière d'Oran. Le "Ahmed GHOZALI" cité
est aussi plus connu sous le nom de Sid Ahmed GHOZALI (ministre,
puis 1er ministre de l'Algérie). Vous noterez que 6 élèves
sur 18 distingués en math sont musulmans, dont les deux seuls
ayant une mention bien. Que le prix Pierre Cahuzac est attribué
au seul élève GHOZALI (prix d'honneur de math). Que
ces affreux colonialistes et racistes que ne manquaient pas d'être
les parents d'élèves attribuaient les deux prix d'honneur
en math à deux élèves arabes. Que ces autres
racistes et colonialistes que devaient être les élus
de la ville d'Oran attribuaient le prix de math et le prix de Sciences
expérimentales aux mêmes deux élèves
(deux prix sur trois). Ou encore, sur la dernière page: Prix
d'excellence (1 arabe/1), prix du conseil de discipline (2/2); prix
de tableau d'honneur (3/6), dissertation de philo (1/3, dont le
premier) prix de math (3/6, dont le premier) prix de Physique Chimie
(3/5, dont les 3 premiers) Sciences nat.(3/7 dont le 1er), Histoire
géo (4/6). Bien sûr, ces élèves le méritaient
et nous sommes fiers de l'éducation délivrée
par nos maîtres, ceux du Lycée Lamoricière,
mais aussi tous ceux qui enseignèrent en Algérie et
plus largement au Maghreb et dans nos Colonies. Anecdotique: cette
même année, deux autres élèves étaient
distingués: Yves SAINT LAURENT, le futur grand couturier,
et Alain GOMEZ, le futur PDG de THOMSON.
Je tenais à défendre la réputation
de notre camarade Jean-Pierre et suis persuadé, que dans
l’intérêt des téléspectateurs d’Antenne2,
vous n’hésiterez pas à organiser une émission
avec Messieurs DRUCKER, DELANOE et ELKABBACH, à laquelle
je pourrais participer avec d’autres témoins. Je ne
doute pas de l’audience d’une telle émission
et de l’émotion qui s’en dégagerait. L'anniversaire
du 1er novembre pourrait être une opportunité.
N’ayant pas leurs adresses, je vous remercie
de bien vouloir leur faire parvenir copie de mon courrier et vous
prie d'agréer, Cher Monsieur, l'expression de mes sentiments
distingués.
Jean-Pierre RONDEAU Président 3 cour des Coulons 78810 FEUCHEROLLES
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