Colonel Pierre Jeanpierre - Dans l'après-midi du 29 mai 1958, dans la région de Guelma, la radio crépite le capitaine Yzquierdo lance la nouvelle, aussitôt répercutée à travers l'Algérie : « Soleil est mort...»

 

Chef au prestige incomparable, adulé par ses hommes qui s'y connaissaient en courage, le colonel Jeanpierre restera à jamais le symbole du 1er Régiment Étranger de Parachutistes. Jeanpierre, digne héritier du Capitaine Danjou, après avoir placé son régiment au premier rang des troupes d'assaut de l'armée française, porta la tradition de la Légion étrangère jusqu'au sublime. En Algérie française, le nom de Jeanpierre dépassa en renommée celui de Bigeard, avec cette nuance toutefois : lui ne faisait rien pour qu'il en soit ainsi.


La seconde guerre mondiale


Pierre, Paul Jeanpierre voit le jour à Belfort en 1912. Son père, saint-cyrien, capitaine de Chasseurs, trouve la mort deux ans plus tard sur le front. Réalisant son rêve, Pierre s'engage dans l'armée en 1930.11 obtient un excellent classement à l'École de Saint-Maixent et est affecté comme sous-lieutenant au 1er Régiment étranger le 1er octobre 1936.

Un an plus tard, envoyé au Levant, il participe aux opérations de Méditerranée Orientale. Nommé lieutenant, il gagne sa première citation en Syrie. Il ne participe pas aux combats entre Français qui s'y déroulèrent en juin 1941.
Ayant choisi l'obéissance au gouvernement du Maréchal Pétain, il regagne la Légion à Marseille avant d'être mis en congé d'armistice.
En janvier 1944, il est arrêté pour "faits de résistance" et déporté au camp de Mathausen. Astreint au travail forcé bien qu'atteint d'une pleurésie, il fut l'un des deux rescapés, sur 45, de son stalag.

Libéré et guéri, il est nommé capitaine et affecté au centre de recrutement de la Légion étrangère à Kehl.


Les paras légion. L'Indochine


En juillet 1948 il est à Philippeville où un bataillon de légionnaires parachutistes commence sa formation. Trois mois plus tard le bataillon est en Indochine, en Haute Région (Tonkin).

En 1950, le bataillon est engagé sur la "route du sang", la tragique RC 4. L'unité forte de 499 hommes sera décimée par des hordes Viêts, vingt fois supérieure en nombre. Jeanpierre, grâce à son énergie, son sens du terrain et ses qualités de guerre et de chef, réussit à rompre l'enfer d'incessantes embuscades. Il réussit à ramener vingt-trois légionnaires, trois sous-officiers et deux officiers jusqu'au poste de That Khé.
C'est durant cette retraite tragique que périt le commandant du ВЕР, le chef de bataillon Segrétain. Rapatrié sanitaire en novembre 1950, nommé chef de bataillon, Jeanpierre prend le commandement du 2e bataillon du 1er Régiment Étranger d'Infanterie à Mascara (Algérie).
Quatre ans plus tard il retrouve l'Indochine et le 1er ВЕР, reconstitué après la bataille de Dîen Bien Phu.


L'Algérie


Le début de la guerre d'Algérie ramène le bataillon sur ses terres. Il débarque du Pasteur à Mers el Kebir début 1955. Le bataillon devient régiment et est intégré au sein de la 10e Division Parachutiste, commandée par le général Massu.

Le 1er REP s'installe à Zeralda, entre Alger et Ténès et est immédiatement engagé dans les toutes les régions du pays. En octobre 1956, le REP intervient dans « l'affaire de Suez ». La Bataille d'Alger, qui s'engage, permettra aux hommes de Jeanpierre de neutraliser les réseaux terroristes et les poseurs de bombes.

Le 24 septembre 1957, lors de l'arrestation de Yacef Saadi, le chef des tueurs, Jeanpierre est blessé par des éclats de grenade. Deux mois plus tard, mission accomplie, les bérets verts peuvent quitter la ville. Ils resteront les enfants chéris des Algérois délivrés des attentats odieux et de l'insécurité.

Le 1er REP est engagé au Sahara. Il s'agit de nettoyer le désert avant la mise en route du pipeline reliant Hassi Messaoud à la Méditerranée. De son PC de Touggourt, Jeanpierre mène deux opérations éclairs sur 300 kilomètres. Les bandes terroristes du secteur sont anéanties par les pelotons du capitaine Durand-Ruel et du lieutenant Degueldre. Le 6 janvier 1958, à 13 heures 30, 4 800 m3 de pétrole parviennent aux réservoirs de Touggourt. La voie du pétrole, sécurisée, est ouverte.

Couverture du livre du Cdt Muelle


Fin janvier le REP est à Guelma pour stopper les bandes de l'ALN qui parviennent, à partir de la Tunisie, à franchir la Ligne Morice.
Jeanpierre commence par le plus dur : attaquer les hors-la-loi, retranchés à 1400 mètres d'altitude dans la forêt de Mahouna.
Les légionnaires, crapahutant de nuit, sont sur l'objectif au petit matin. La neige se met à tomber et à huit heures les premières rafales crépitent. À quinze heures l'opération s'achève : 67 rebelles sont restés au tapis. Trois jours plus tard, près de Duvivier, dans un maquis très dense, les bérets verts mettent 54 rebelles hors de combat. Le 1er février, les paras éliminent 81 combattants ALN et récupèrent 64 armes.

Jeanpierre sait utiliser son expérience indochinoise pour rôder ses hommes et les tenir prêts aux missions les plus diverses et les plus difficiles. Il fait de l'instruction en permanence. Le capitaine Sergent rappelle dans ses mémoires : « Jeanpierre ne laissait rien au hasard ; son exigence éliminait toute fantaisie. Il partageait la vie de ses hommes avec volupté, ne s'attachant à bénéficier d'aucun avantage ».

Jeanpierre pouvait aussi dire à ses hommes : « Vous ne m'obéissez pas parce que j'ai quatre ficelles sur les épaules, mais parce que je suis le meilleur, le plus solide d'entre vous et parce que je connais le métier mieux que vous ». Et c'était vrai...

Le 2 mars 1958, dans la ville de Guelma en fête, le Patron du 1er REP recevait des mains du général Vanuxem, la cravate de Commandeur de la Légion d'Honneur et la Croix de la Valeur militaire avec palme.
En cinq semaines, les bérets verts avaient infligés d'énormes pertes aux rebelles : 600 tués et 457 armes récupérés. Chiffres record qui faisaient du 1er REP le régiment le plus efficace de l'armée française.

Le 4 mars, Robert Lacoste, le Ministre résidant en Algérie vint à son tour féliciter Jeanpierre à
Guelma. Le 1er avril, le Ministre de la Défense Nationale, Jacques Chaban-Delmas, arrive à son tour.
C'est l'occasion pour Jeanpierre de faire un remarquable exposé sur les méthodes de son régiment : « Au 1erREP on n'utilise pas de mortier, ni de transports à dos de mulets. L'allégement prime et tout l'effort est réparti entre les voltigeurs : grenades à main et à fusil, PM, FM et 57 sans recul.
Aucun repli pour laisser du champ aux armes lourdes. Quand le contact est trop étroit, on se passe d'appui. Le combat est toujours commandé "à vue " et mené jusqu 'à l'abordage. » Jeanpierre fait un usage intensif de l'hélicoptère qui permet d'être "au choc" dès le débarquement. Le mois d'avril s'achèvera avec l'opération de l'oued Bou Kaya et l'élimination de 192 rebelles en une seule journée.


La mort du colonel Jeanpierre


En mai, le 1er REP continue sans relâche à se battre jusqu'à ce que survienne la tragique journée du 29.
Avec des hommes harassés, le régiment s'est déployé dans les monts au nord de Guelma pour intercepter une forte concentration ennemie.
Comme d'habitude, Jeanpierre a recours à l'hélicoptère Alouette, pilotée par 1'expérimenté Décamp, pour juger les accrochages en cours, situer les positions rebelles et guider les troupes au sol. Peu avant 14 heures 30, l'appareil tournant à basse altitude, est pris pour cible par les fellaghas, abrités dans des rochers.
L’Alouette amorce soudain une chute vertigineuse avant de venir s'écraser au milieu des positions ennemies.
Une balle avait coupé net l'arrivée de kérosène au moteur. D'un seul élan les lieutenants Simonot et Gillet s'élancent avec leurs hommes au secours du Chef, mais il est déjà trop tard : Jeanpierre, Décamp et le co-pilote n'ont pas survécu à la chute. Par radio, le capitaine Yzquierdo lance la nouvelle, aussitôt répercutée à travers l'Algérie : « Soleil est mort...»

Le 31 mai, Guelma et ses 10 000 habitants, à forte majorité musulmane, rendent un hommage grandiose et émouvant au colonel. Dans la cathédrale St Posidius, le père Delarue, aumônier du 1er REP, célèbre une messe de Requiem. Il rappelle que de janvier à mai, les légionnaires ont perdu 110 hommes. Jeanpierre était le IIIe.

En 1959, la grande place de Zeralda, le camp du 1er REP, ainsi que la chapelle, prirent son nom. En 1960, la promotion de Saint-Cyr Coëtquidan prit le nom de Jeanpierre. Le portrait du colonel est exposé dans la salle d'honneur du musée de la Légion étrangère à Aubagne.
Nevers : une rue, Aix-en-Provence : un important rond-point, Cagnes-sur-Mer et Le Cannet : une avenue. Autant de municipalités qui rendent hommage au héros disparu à l'âge de quarante-six ans.

NB - Quelques semaines après le drame de Guelma, la Légion étrangère vint occuper la villa Kohler, avenue Fourreau-Lamy à Alger. Cette maison de trois niveaux, de style néo-mauresque, faisait partie du "Cottage Dazey", lotissement créé au début du siècle par mon arrière grand-père.

C'est là que Madame Jeanpierre vint s'installer. Ses cinq filles étaient scolarisées à l'Institution de la sainte famille d'El-Biar.
Avec mes frères, ma sœur, cousins et cousines, une belle amitié se créa. Françoise, Michèle, Annick, Claudine, Élizabeth trouvèrent auprès de nous beaucoup d'affection. Les événements qui suivirent séparèrent les uns et les autres...

John FRANKLIN


In memoriam


Aujourd'hui, le colonel Jeanpierre repose au carré Légion du cimetière de Puyloubier avec, auprès de lui, les cendres de sa veuve, décédée en 2006 à Saint-Raphaël.


Le mémorial de la Légion dans le cimetière communal


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Sommaire

Éditorial......................................2
Soldats du passé.........................3
Le désastre de la RC 4................5
Général Salan: Na san.................8
Colonel Jeanpierre.....................11
Colonel Masselot...................... 14
Avec le 18e RCP.......................17
Chronique de Pinatel..................20
Aix en provence stèle aux morts pour l'Algérie Française 21 à 23.
Courrier des lecteurs...................25
Camerone...................................26
Commémoration de Camerone…30
Vidéo.........................................33
Notes de lecture.........................34