Qu'a conclu l'enquête ?
Aucune trace d'explosifs n'a été retrouvée sur le site. Or, on en trouve toujours si c'est avéré. Mais là, rien. Et puis, cela ne correspondait pas aux actions du FLN.
Que voulez-vous dire ?
Pour faire sauter un barrage, il faut des gens vraiment entraînés. Le FLN n'était pas spécialisé dans ce genre d'attentats. Même s'il y a bien eu l'incendie du dépôt pétrolier de Mourepiane, à Marseille en 1958… Ils n'étaient pas très doués. D'ailleurs, ils avaient échoué leur tentative de faire sauter l'émetteur de la DST qui se trouvait au sommet de la Tour Eiffel. C'était du bricolage !
Malpasset était-il, à cette époque, un site sensible ?
Non. Il ne s'agissait pas d'une région délicate, hormis du côté de Marseille
Vous avez mené de nombreuses perquisitions au sein du FLN, qu'en est-il ressorti ?
Concernant Malpasset, absolument rien. À chaque fois, nous avons retrouvé des quantités d'armes, comme dans les caves de la Rue Saint-Honoré par exemple. Mais jamais d'explosifs.
Arte fait état d'archives de la Stasi. En avez-vous eu connaissance ?
Oui. Nous avons consulté ces archives. Il n'y a jamais rien eu sur Malpasset. Mais des infos intéressantes sur le fameux Carlos par exemple ! Il faut savoir que les infos venant d'Allemagne, à l'époque, étaient peu fiables.
Faut-il lever le secret défense ?
On peut lever le secret défense, on ne trouvera jamais rien. À cette époque, nous avons régulièrement neutralisé des réseaux du FLN. Et jamais, Malpasset n'a été abordé. Après 1962, nous avons pu confronter nos points de vue avec les responsables des attentats du FLN. Et là non plus, rien sur Malpasset.
Les documents :
- Catastrophe du barrage de Malpasset : Arte avance la thèse de l'attentat du FLN. -
- Le drame du barrage de Malpasset à Fréjus en 1959 : simple accident ou attentat du FLN ? des archives des services secrets allemands, aussi bien de la RFA que de la Stasi.-
Les historiens dubitatifs
Historien spécialiste de la guerre d'Algérie, Jean-Charles Jauffret se dit « très dubitatif » face à la thèse avancée par Arte. « Un tel attentat aurait été de la contre-propagande absolue pour le FLN. Il voulait lever des fonds en France, il restait discret.
Et quand il menait des attentats, c'était soit ciblé et spectaculaire sans mort d'homme, soit des exécutions sommaires. » Quid des preuves retrouvées dans les archives des services secrets ouest-allemands ou de la Stasi, évoquées par Arte? « On fait dire n'importe quoi aux services secrets », tranche Jean-Charles Jauffret, car la guerre d’Algérie est encore entourée de «fantasmagories ». Il rappelle aussi qu'il existait « une forme d'intoxication des pays de l'Est vis-à-vis de la France ».
Pour Olivier Dard, professeur d'histoire à la faculté de Lorraine, spécialiste de l'OAS, cette hypothèse paraît « énorme ». Une de ses étudiantes a soutenu une thèse sur le FLN et fouillé quantité d'archives à cette occasion, sans jamais rencontrer une allusion sur Malpasset, nous dit-il. Cela dit, «Il 7 reste la question des archives du FLN que nous n'avons pas », conclut Olivier Dard. Existent-elles? On ne le sait pas...
Pour Jean-Jacques Jordi, les archives sont aussi au cœur du problème. Cet historien, auteur des Disparus civils européens de la guerre d'Algérie, un silence d'État se montre moins formel. « À cette époque, il y avait un tel terrorisme en France comme en Algérie que cette thèse de l'attentat à Malpasset est plausible. » La solution : ouvrir les archives pour que les historiens y voient plus clairs. Or, ces documents sont souvent classés secret d'État. Quoi qu'il en soit, si la thèse de l'attentat est confirmée, « ce serait le plus grand jamais commis » avant le 11 Septembre, conclut-il.
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