Gérard Ferro, le fils du gardien du barrage de Malpasset témoigne, Jean Baklouti ancien de la DST revient sur les propos de la chaîne Arte faisant état d'un attentat commandité par le FLN algérien.

 
       
 
 

Il ne m'appartient pas de me prononcer sur une position politique aussi grave. Mais je peux être affirmatif: avec ou sans le FLN, le barrage aurait cédé de toute façon. Mon père a évoqué devant moi, mais sans y croire, ce que lui ont rapporté des personnes. Selon elles, il aurait pu s'agir d'un attentat des Algériens. Mais c'était tellement improbable que l'on n 'en a plus entendu parler », raconte Gérard Ferro, le fils du gardien du barrage. « Je sais beaucoup de choses que m'a expliquées mon père, les causes profondes de la catastrophe .».


« Comme un grognement »


Le barrage était rempli à ras bord lorsqu'il céda à 21 h 13. Le bruit du craquement sinistre, " comme une sorte de grognement d'animal » alerte le gardien de l'ouvrage."
Dans sa maison à 2,5 kilomètres en aval, il vient de rentrer d'une tournée d'inspection au barrage. Le sol vibre sous lui. André Ferro saisit son petit garçon de trois ans et demi, et s'élance avec sa femme vers le haut de la colline.

Bien lui en prend : une gigantesque vague de 40 mètres de haut déferle dans l'étroite vallée. Balayant tout sur son passage. La catastrophe a fait 423 victimes, dont le grand-père de Gérard Ferro, retrouvé 19 jours plus tard sur une plage à Hyères. -


L'emplacement du barrage fut mis en cause.


Pour Gérard Ferro : « Malpasset était mal placé. Une série de failles sous le côté gauche du barrage ni décelées, ni soupçonnées pendant les travaux de prospection, selon le rapport des experts faisait qu'à cet endroit, la voûte ne s’ancrait pas sur une roche homogène. »


« La barque tanguait sous les explosions »


La présence d'un minéral en fine strate, la séricite, qui prendra le nom de mal-passite, une roche friable au contact de l'eau, a certainement amplifié le phénomène de petites infiltrations d'eau. Enfin, « les grandes quantités d'explosifs utilisées sur le chantier de l'autoroute A8, d'importants dynamitages mis en œuvre et sous-traités à des entreprises polonaises à 450 m du barrage... agitaient de remous la surface du lac quand ils explosaient. La barque de mon père tanguait au cours de ses visites d'inspection ». Le gardien avait alerté les ingénieurs du phénomène sans parvenir à les inquiéter. Il était déjà trop tard, le mécanisme destructeur était inexorablement en marche. « Ces détails, je les ai entendus des dizaines de fois venant de mon père... »



Ancien directeur adjoint de la DST, le Raphaëlois Jean Baklouti revient sur les propos
de la chaine Arte faisant état d'un attentat commandité par le FLN algérien.


Chargé directement de centraliser les informations liées au FLN entre 56 et 62, il dément toute menace.
Et s'en explique.
Inspecteur général honoraire de la Police nationale, le Raphaëlois Jean Baklouti a fait carrière au sein de la direction de la surveillance du territoire, à Paris, de 1954 à 1984. Il finira sa carrière en qualité de directeur adjoint de la DST. Et publie, en 2012 un livre Grandeur et servitudes policières, la vie d'un flic aux éditions Bénévent, où il évoque l'Algérie justement. Autant de raisons qui l'ont poussé à sortir de l'ombre, pour témoigner suite aux propos de la chaîne Arte, évoquant un attentat du FLN algérien contre le barrage de Malpasset, à Fréjus.


Pourquoi avez-vous souhaité vous manifester ?


Je pense que je suis certainement l'un des seuls, pour ne pas dire le seul survivant des services de renseignement français de la DST de cette époque, spécialisé dans la lutte contre le FLN. Et je ne pouvais laisser dire de telles choses sur Malpasset.


Que pensez-vous du documentaire d'Arte ?


Malheureusement, je ne l'ai pas vu, mais j'ai lu vos articles. Je suis horrifié par les informations d'Arte. De 1956 à 1962, j'ai centralisé toutes les infos sur le FLN, je sais donc de quoi je parle.


Accréditez-vous la thèse de l'attentat ?


Absolument pas. Quand le barrage a lâché, la possibilité d'un attentat a été évoquée, bien sûr, mais sans aucun renseignement précis. C'était dans l'air du temps. En France, lors d'une explosion ou d'un tel drame, les services de la DST sont toujours saisis, pour écarter toute menace.

     
 
 
     

Qu'a conclu l'enquête ?

Aucune trace d'explosifs n'a été retrouvée sur le site. Or, on en trouve toujours si c'est avéré. Mais là, rien. Et puis, cela ne correspondait pas aux actions du FLN.

Que voulez-vous dire ?

Pour faire sauter un barrage, il faut des gens vraiment entraînés. Le FLN n'était pas spécialisé dans ce genre d'attentats. Même s'il y a bien eu l'incendie du dépôt pétrolier de Mourepiane, à Marseille en 1958… Ils n'étaient pas très doués. D'ailleurs, ils avaient échoué leur tentative de faire sauter l'émetteur de la DST qui se trouvait au sommet de la Tour Eiffel. C'était du bricolage !

Malpasset était-il, à cette époque, un site sensible ?

Non. Il ne s'agissait pas d'une région délicate, hormis du côté de Marseille

Vous avez mené de nombreuses perquisitions au sein du FLN, qu'en est-il ressorti ?

Concernant Malpasset, absolument rien. À chaque fois, nous avons retrouvé des quantités d'armes, comme dans les caves de la Rue Saint-Honoré par exemple. Mais jamais d'explosifs.

Arte fait état d'archives de la Stasi. En avez-vous eu connaissance ?

Oui. Nous avons consulté ces archives. Il n'y a jamais rien eu sur Malpasset. Mais des infos intéressantes sur le fameux Carlos par exemple ! Il faut savoir que les infos venant d'Allemagne, à l'époque, étaient peu fiables.

Faut-il lever le secret défense ?


On peut lever le secret défense, on ne trouvera jamais rien. À cette époque, nous avons régulièrement neutralisé des réseaux du FLN. Et jamais, Malpasset n'a été abordé. Après 1962, nous avons pu confronter nos points de vue avec les responsables des attentats du FLN. Et là non plus, rien sur Malpasset.

Les documents :
- Catastrophe du barrage de Malpasset : Arte avance la thèse de l'attentat du FLN. -
- Le drame du barrage de Malpasset à Fréjus en 1959 : simple accident ou attentat du FLN ? des archives des services secrets allemands, aussi bien de la RFA que de la Stasi.-


Les historiens dubitatifs


Historien spécialiste de la guerre d'Algérie, Jean-Charles Jauffret se dit « très dubitatif » face à la thèse avancée par Arte. « Un tel attentat aurait été de la contre-propagande absolue pour le FLN. Il voulait lever des fonds en France, il restait discret.
Et quand il menait des attentats, c'était soit ciblé et spectaculaire sans mort d'homme, soit des exécutions sommaires. » Quid des preuves retrouvées dans les archives des services secrets ouest-allemands ou de la Stasi, évoquées par Arte? « On fait dire n'importe quoi aux services secrets », tranche Jean-Charles Jauffret, car la guerre d’Algérie est encore entourée de «fantasmagories ». Il rappelle aussi qu'il existait « une forme d'intoxication des pays de l'Est vis-à-vis de la France ».
Pour Olivier Dard, professeur d'histoire à la faculté de Lorraine, spécialiste de l'OAS, cette hypothèse paraît « énorme ». Une de ses étudiantes a soutenu une thèse sur le FLN et fouillé quantité d'archives à cette occasion, sans jamais rencontrer une allusion sur Malpasset, nous dit-il. Cela dit, «Il 7 reste la question des archives du FLN que nous n'avons pas », conclut Olivier Dard. Existent-elles? On ne le sait pas...
Pour Jean-Jacques Jordi, les archives sont aussi au cœur du problème. Cet historien, auteur des Disparus civils européens de la guerre d'Algérie, un silence d'État se montre moins formel. « À cette époque, il y avait un tel terrorisme en France comme en Algérie que cette thèse de l'attentat à Malpasset est plausible. » La solution : ouvrir les archives pour que les historiens y voient plus clairs. Or, ces documents sont souvent classés secret d'État. Quoi qu'il en soit, si la thèse de l'attentat est confirmée, « ce serait le plus grand jamais commis » avant le 11 Septembre, conclut-il.

 
Source : http://www.nicematin.com/cote-dazur/malpasset-la-rumeur-qui-seme-le-trouble.1127597.html
Source : http://www.varmatin.com/frejus/pas-dattentat-a-malpasset-selon-un-fonctionnaire-de-la-dst.1112123.html