Trente-cinq morts, vingt blessés
Aujourd'hui, Bernard Robin a soixante-seize ans. Il en avait vingt et un à l'époque, arrivé en Algérie au début du mois de janvier en tant qu'appelé.
Le 11 mai 1957, son régiment avançait sur la route de Aïn-Kechera à Collo, près de Constantine. « Nous allions au ravitaillement, un troupeau de moutons avait été mis sur la route pour nous retarder », explique Bernard Robin.
C'est alors que la vingtaine de véhicules est tombée dans une embuscade tendue par plusieurs centaines d'hommes. Une attaque meurtrière, qui fit trente-cinq victimes et vingt blessés du côté des troupes françaises.
Dans la fusillade, Bernard Robin a été très grièvement touché. « J'ai reçu une balle dans le dos, qui a traversé le poumon et est sortie par le cou », se souvient-il.
Des blessures qui auraient pu être mortelles. Peu après l'événement, la mère de Bernard Robin, à Méreau, a reçu un message d'urgence. « État stationnaire grave. Présence souhaitable. » Bernard Robin est resté huit jours dans le coma.
Un cercueil avait été préparé pour lui
Ses camarades de régiment l'ont cru condamné. À tel point qu'un cercueil avait été préparé pour lui.
Un détail macabre que lui a révélé il y a seulement quelques années son ancien camarade de régiment, André Orta.
« Ils l'ont gardé quelque temps, croyant que j'allais rendre l'âme… Il a attendu quarante ans pour me le dire », raconte Bernard Robin. Mais heureusement, il s'en est sorti. Au prix de deux longues années d'hospitalisation, d'abord en Algérie puis en France : Nancy, Val-de-Grâce, Dijon, Versailles…
Bernard Robin a ensuite suivi une formation à l'école Maginot, à Roubaix, où il a passé un CAP d'électricien bobinier. « Les médecins militaires m'ont encouragé à apprendre un métier manuel, pour faire aller mon bras. » Toute sa carrière, il l'a exercée dans le Nord, pendant quarante ans.
Il est ensuite venu s'installer définitivement à Méreau, dans la maison familiale, où il habite depuis deux ans avec son épouse.
Au-delà de ces heures tragiques, ces événements ont créé des liens. Aujourd'hui, Bernard Robin rencontre régulièrement des anciens du 15 e RTS. « Tous les ans, depuis 1999, nous nous revoyons, en septembre. »
D'autres retrouvailles ont eu lieu. « Il y a quelques années, j'ai rencontré une dame qui rendait visite aux blessés et qui venait me voir quand j'étais à Philippeville, en Algérie.
Quarante ans après, elle m'a reconnu », raconte Bernard Robin.
Ce dernier et son épouse insistent : cette expérience dramatique n'est « qu'un cas parmi beaucoup, mais combien d'autres ont été blessés… Ce sont des éternels oubliés. »
Vincent Michel |