Grâce à un intense lobbying de son président, Olivier Schrameck, le CSA devrait profiter de la future loi sur la création pour étendre son pouvoir de contrôle et de régulation à la sphère internet.
Selon BFM Business, qui a pu lire le projet de loi, « les nouveaux “super pouvoirs” du gendarme occupent un gros tiers du futur texte ». Parmi ceux-ci, l’extension de son influence numérique.
À l’ère de la multiplication des écrans et de la télévision connectée, le CSA entend bien suivre le mouvement.
Pour autant, est-il légitime dans cette tâche ?
Un problème de légitimité
D’après Guillaume Champeau, fondateur du site Numerama.com, le CSA est tout à fait illégitime pour contrôler le net. La raison est simple : « Le CSA tirait sa légitimité de la rareté des ondes hertziennes, qui sont un bien public en quantité limitée, qu’il faut administrer pour l’intérêt du plus grand nombre. Il était donc logique qu’en vertu de ce principe de gestion d’une ressource publique rare, l’État mette en place des règles pour décider de qui avait le droit d’utiliser ces ressources, et dans quelles conditions. » Cependant, avec internet et les réseaux numériques, la ressource est désormais privée… et infinie !
Ainsi, le CSA n’a « plus aucune légitimité tirée de la rareté d’un bien public ». CQFD.
C’est pourquoi, pour se bricoler une légitimité de façade, les Sages s’accrochent désormais à des nouvelles marottes : les sacro-saintes protections de l’enfance et de la propriété intellectuelle. « Or il faut rappeler que ces principes sont aussi imposés par la loi, et que s’ils sont violés, c’est à la justice de sanctionner, et pas à une autorité administrative », nous rappelle M. Champeau. En résumé, le CSA entend réguler a priori ce qui est déjà sanctionné a posteriori. Comment compte-t-il s’y prendre ?
Le filtrage en questions
En 2009, la loi Hadopi a transformé ce devoir d’information en obligation, pour les FAI, de proposer à leurs abonnés « au moins un des moyens » de filtrage présents sur une liste que l’Hadopi est censée établir, en vertu de l’article L331-26 du code de la propriété intellectuelle. Cependant, même si le droit le lui imposait, l’Hadopi s’est toujours refusée à réguler ces dispositifs, et à imposer des moyens de filtrages « labellisés » par elle. « C’est un refus vital pour la protection de la liberté d’information et de communication sur Internet », souligne le responsable de Numerama.
Or le CSA n’aura pas les mêmes réticences. Au contraire, ce dernier a plusieurs fois affirmé son désir de récupérer les pouvoirs de régulation des logiciels de filtrage en imposant, par défaut, que ces derniers prennent en compte un label « site de confiance » établi par lui-même. Ces dispositifs bloqueront ainsi l’accès aux sites qui ne seront pas jugés « de confiance » par le CSA… Pour inciter les sites à obtenir ce label, le Conseil aura, selon BFM Business, une carotte et un bâton. En réalité, il ne s’agit que d’un bâton, car ce que l’on appelle « carotte » ne constitue en réalité qu’une… autorisation d’obtenir le label ! En parallèle, le bâton servira à sanctionner les sites réticents selon les modalités prévues à l’article 42-1 de la loi audiovisuelle du 30 septembre 1986. Celui-ci prévoit notamment la possibilité pour l’autorité administrative de prononcer « la suspension de l’édition, de la diffusion ou de la distribution du ou des services d’une catégorie de programme, d’une partie du programme », ou encore « une sanction pécuniaire assortie éventuellement d’une suspension de l’édition ou de la distribution du ou des services ou d’une partie du programme ». Un véritable pouvoir de mise à mort…
« C’est un recul grave pour la liberté d’expression », soupire Guillaume Champeau. Car au-delà de ce contrôle a priori, c’est le champ d’action du CSA qui va être déterminant. À quels sites celui-ci va-t-il s’étendre ? Va-t-il se limiter aux seules plates-formes audiovisuelles ? |