Depuis près de 4 ans je me suis intéressé au triste destin de nos malheureux compatriotes portés disparus pendant les "événements d' Algérie" sur la période allant de 1954 à 1962 incluse.
J' ai pu, tout au long de ces années, constituer une importante documentation grâce aux témoignages des familles contactées à la suite de mes recherches téléphoniques, fastidieuses mais indispensables.
Ce devoir de mémoire est incomplet car sans vision détaillée puisque n' ayant pas accès aux archives nationales. Basé sur des documents réels, délivrés par l' état-civil de nos communes et du ministère des affaires étrangères, il permet de constater la lente évolution numérique de ces horreurs avec des espérances visibles, et trahies, de 1959 à 1961. Puis la progression exponentielle des meurtres et des enlèvements tout au long de l' année 1962 est démontrée.
La date dite de cessez le feu (19 Mars 1962) et son application après révèle, s' il en était besoin, toute son inefficacité et le constat sans appel de notre indicible souffrance avec le "pic sanglant" du 5 juillet 1962 en Oranie.
La récente polémique de Monsieur Pervillé relative à sa recension concernant le prochain livre de Jean Jacques JORDI sur les disparus, éclaboussant le Mur des disparus, m' a incité à sortir de l' ombre en vous soumettant le récapitulatif joint. Bien entendu, les chiffres mentionnés n' ont pas l' onction de légitimité absolue car j' ai pu constater certaines déficiences au niveau des inscriptions ou transferts de l' état civil.
Vous remarquerez l' inclusion des militaires disparus dans le bilan global présenté ce qui me parait une prise en compte légitime en les associant aux nôtres. Leurs abandons sont tout aussi révélateurs que ceux de nos compatriotes. Nous leur en sommes particulièrement redevables et de droit, par le sang versé, dans notre juste combat.
Ce qui m' attriste le plus, c' est la mise en exergue de membres de notre communauté pour des raisons diverses. Sans le vouloir ils meurtrissent une nouvelle fois la mémoire de nos malheureux disparus ainsi que leurs familles. Car nos contradicteurs utiliseront nos dissensions internes pour entacher et ne pas valider nos travaux respectifs.
N' étant en aucun cas propriétaire de cette mémoire meurtrie, qui appartient à l' ensemble de notre communauté, je reste subordonné à ceux qui souhaitent l' approfondir sous réserve que cela soit désintéressé et objectif.
Permettez-moi pour conclure de mentionner une citation, empruntée dans le mythe de Sisyphe, de notre Maître Albert Camus : "Dans l' univers du révolté, la mort exalte l' injustice, elle est le suprême abus"
Profondément attaché à notre cause, je souhaite ardemment que nos dernières énergies soient consacrées exclusivement à sa défense et à la transmission mémorielle dans le respect, la dignité de nos différences et de nos sensibilités diverses. Jean-Claude ROSSO |