Frédéric Mitterrand : au sujet Hors la loi « La liberté de créer doit rester complète »
Le film de Rachid Bouchareb, Hors-la-loi, est déjà pointé du doigt. Comment expliquez-vous cette polémique?
D’abord, il y a un premier critère. Objectivement, et c’est un jugement de spectateur, ce film est digne des critères esthétiques du Festival de Cannes. Le débat sur la collision entre intellos de gauche n’a pas lieu d’être. Deuxième chose, j’ai le plus grand respect pour les gens qui ont souffert pendant la guerre d’Algérie, qui sont partis en perdant tout, et qui n’ont pas été entourés de beaucoup de compassion quand ils sont arrivés. Plus les harkis, qui ont été traités comme on le sait. Je comprends leur souffrance, leurs craintes. On ne peut pas parler sans passion de la guerre d’Algérie. Enfin, ce n’est pas un film d’histoire, c’est une fiction. La liberté de créer doit rester complète.
De la même manière, une exposition est actuellement suspendue à Vallauris parce qu’un film y traduit le mot harki par celui de collaborateur
Il n’y a pas que ce mot. Le film est très violent à l’égard des harkis, des pieds-noirs et des Français. La mère de l’artiste dit par exemple à ses enfants : « Il faut partir [de France, ndlr.] vous allez être chassés ». Un discours offensif peut être jugé offensant par certaines personnes qui n’ont pas l’habitude d’aller au musée.
Mais la projection de ce film aurait dû être accompagnée d’une explication pédagogique : il s’agit d’une oeuvre artistique, pas d’un documentaire.
L’État a attaqué la mairie de Vallauris devant le tribunal administratif pour rouvrir le musée…
La liberté d’expression est intangible. On ne peut pas accepter qu’un musée ferme parce qu’une oeuvre dérange.
J’espère que le tribunal administratif nous donnera raison. |