C'est
une décision lourde de sens qu'auront à prendre, avant
le 16 mai, quatre mille familles de rapatriés d'Algérie.
Un arrêté du ministère des Affaires étrangères,
publié en janvier dernier au Journal officiel, leur donne
quatre mois pour rapatrier à leurs frais sur le sol français
leurs défunts, aujourd'hui inhumés dans 62 petits
cimetières français d'Algérie. Faute de quoi
les sépultures seront regroupées en tombes collectives
ou en ossuaires.
«Le choix est douloureux, souligne Pierre-Henri Pappalardo,
président de l'association France Maghreb. Mais ces cimetières,
abandonnés depuis 40 ans, sont aujourd'hui dans un état
de désolation absolue. Alors, mieux vaut honorer ses morts
dans un endroit digne.»
Difficile à accepter pour certaines familles. Le regroupement
des sépultures résulte du plan de sauvetage des cimetières
français d'Algérie, engagé après la
visite dans ce pays de Jacques Chirac au printemps 2003. A l'issue
du bilan exhaustif des 600 cimetières français (300
000 tombes chrétiennes ou juives) leur rénovation
a été jugée indispensable.
«Depuis 1962, ces lieux de mémoire ont été
fortement dégradés par l'usure du temps, souligne
Marc Dubourdieu, président de la mission interministérielle
aux rapatriés. Le phénomène est pire encore
dans les zones rurales, où des cimetières éloignés
ont été très abîmés. Pendant les
années d'insécurité, certains servaient notamment
de caches d'armes.» En raison de la situation chaotique du
pays, les rapatriés n'ont jamais pu se rendre sur les tombes
de leurs défunts.
Selon le ministère des Affaires étrangères,
«l'idée est aujourd'hui de regrouper les tombes qu'on
ne peut plus entretenir. Les autres cimetières seront entièrement
rénovés».
La famille d'Albert Marsot, routier en retraite de 64 ans, a deux
caveaux au petit cimetière de Palestro, touché par
le regroupement des corps. «Mon arrière-grand-mère
fut la première institutrice de ce village, dit-il. Tous
mes aïeux sont inhumés là-bas.» Que faire
désormais ? «Le délai est extrêmement
court pour se décider. Il faut d'abord s'assurer que les
os de nos ancêtres sont encore là, après quarante
ans de vandalisme et de dispersion des ossements.» Et le coût
du rapatriement est élevé. Pour toutes ces raisons,
Fabienne Latapie, présidente de l'association pour la sauvegarde
des cimetières d'Algérie, «dissuade les familles
de faire revenir leurs morts». «Il faut compter au moins
1 500 euros pour un transfert jusqu'à Marseille», explique-t-elle.
Tant que les travaux n'auront pas commencé, selon le ministère
des Affaires étrangères, «les familles pourront
effectuer la procédure de rapatriement. Cela leur laisse
en fait deux ou trois ans».
Et les associations, soucieuses du repos des défunts, demandent
des garanties. «Les terrains libérés ont une
valeur financière importante pour les municipalités
algériennes qui vont les récupérer, souligne
Fabienne Latapie. En échange, les autorités locales
doivent s'engager à installer un petit monument à
la mémoire des morts.» Hier, le ministère rappelait
que «les autorités algériennes ne sont pas demandeuses
dans ce dossier puisque cette démarche vient de la France».
La mission interministérielle aux rapatriés assurait
de son côté qu'une plaque commémorant les morts
sera apposée dans les 62 anciens cimetières français
d'Algérie.
Delphine Chayet [11 mars
2005]
IN FIGARO http://www.lefigaro.fr/france/20050311.FIG0169.html
Les Rapatriés vont devoir prendre
en charge le transfert de leurs proches enterrés en Algérie,
essentiellement
dans de petits cimetières dont nous publions la liste. |