Guerre d'Algérie - une journée deux dates - 5 décembre et le 19 mars.
Journée nationale d'hommage aux Morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie .

     

Lle texte de loi adopté par le Sénat, lors de sa séance du 8 novembre, après que le Conseil constitutionnel, par sa décision en date du 29 novembre, l’ait déclarée « conforme à la Constitution », a été promulgué et publié. Il s’agit de la « loi n° 2012-1361 du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc », publiée au Journal officiel du vendredi 7 décembre. Vous trouverez, en pièce jointe, l’extrait du « Journal officiel ». Cette loi, qui ne renvoie pas à un texte réglementaire, est d’application immédiate.

Vous aurez noté que le Président de la République a attendu que la journée du 5 décembre soit passée pour promulguer la loi ! Geste de courtoisie vis-à-vis des Français attachés à la journée d’hommage du 5 décembre ou, plutôt, crainte de manifestations de désaccord trop visibles lors des cérémonies ? En tout état de cause, le ministre délégué aux anciens combattants comme certains préfets ont été destinataires, durant les cérémonies, de messages de désaccord, certes discrets, mais bien explicites !

On se trouve donc –situation bien caractéristique de l’esprit français- en présence de deux dates officielles, explicitement reconnues par le Président de la République ! En effet, par un courrier adressé le 29 novembre à plusieurs associations ayant affirmé leur désaccord sur la date du 19 mars, M. Pierre Besnard, chef du cabinet du Président de la République, a indiqué : « Le Président de la République m’a confié le soin de vous assurer que cette proposition de loi, pour laquelle le Gouvernement s’en est remis à la sagesse du Parlement, ne revêt aucun caractère polémique, n’a pas pour effet d’abroger la date du 5 décembre, et ne saurait en aucun cas occulter le souvenir des drames survenus au lendemain du cessez-le-feu proclamé le 19 mars 1962 ».

Il est d’ailleurs piquant de relever que l’intention du législateur, s’agissant d’un texte d’origine parlementaire pour lequel le Gouvernement s’en est remis à la sagesse du Parlement, se trouve ainsi précisé par… le Président de la République ! En tout état de cause, on connaît ainsi l’intention de l’exécutif, chargé de l’application de ce texte !

Examinons ces deux dates :

. le 5 décembre : « une journée nationale d’hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie » (décret du 26 septembre 2003) ; « la Nation associe les rapatriés d’Afrique du nord, les personnes disparues et les populations civiles victimes de massacres ou d’exactions commis durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Évian, ainsi que les victimes civiles des combats de Tunisie et du Maroc, à l’hommage rendu le 5 décembre aux combattants morts pour la France en Afrique du nord » (article 2 de la loi du 23 février 2005) ;

. le 19 mars : « une journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ».

On relève des différences sur plusieurs points :

. les populations concernées : dans le cas du « 5 décembre », la journée s’adresse principalement aux « morts pour la France », et, par association, à quatre catégories de personnes : les rapatriés ; les disparus ; les populations civiles victimes de massacres ou d’exactions durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Évian ; les victimes civiles des combats de Tunisie et du Maroc. Dans le cas du « 19 mars », on associe, dans la guerre d’Algérie, les combats en Tunisie et au Maroc, deux populations globales de victimes : les civils et les militaires ;
. les relations à ces populations : dans le cas du « 5 décembre », il s’agit d’un « hommage » (selon le dictionnaire de Robert : « marque de vénération, de soumission respectueuse ») ; dans celui du « 19 mars », il s’agit de « souvenir » (selon Robert : « ce qui fait souvenir, ce qui reste comme témoignage »), et de « recueillement » (Robert : « respect quasi religieux ») ;
. la destination de ces journées : le 5 décembre donne lieu, chaque année, à une cérémonie officielle organisée à Paris, et à des cérémonies analogues dans les départements et dans les collectivités d’outre-mer, dont l’organisation est laissée à l’initiative du représentant de l’État (art. 2 du décret du 26 septembre 2003) ;
Le « 19 mars » est une journée « ni fériée, ni chômée », mais ne prévoit aucune manifestation (ainsi le décret du 26 septembre porte-t-il la signature du ministre de l’intérieur, mais pas la loi du 6 décembre 2012). On s’étonnera aussi de voir la loi de 2012 spécifier que la journée du « 19 mars » n’est « ni fériée, ni chômée », alors que l’absence de férie et de chômage d’un jour du calendrier ressortit du droit commun !
Au-delà des textes, les dates choisies renvoient à des commémorations d’évènements :
. implicite pour le 5 décembre : Il s’agit de commémorer la journée du 5 décembre 2002, date de l’inauguration, par le Président de la République Jacques Chirac, du « Mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie », monument érigé sur le quai Branly ;
. explicite pour le 19 mars, qualifié par le législateur (article 2), de « jour anniversaire du cessez-le-feu en Algérie, même si l’année (1962) n’est pas spécifiée.

On remarquera que le 5 décembre rappelle un hommage concernant les victimes en Algérie, Tunisie, Maroc, alors que, curieusement, le 19 mars rappelle un évènement spécifiquement algérien, à une époque où la Tunisie, comme le Maroc, avaient déjà accédé à l’indépendance ! Un évènement de surcroît douloureux puisque loin de faire cesser le feu, il a au contraire marqué le début d’une longue période de massacres et d’exactions ! Je veux bien souscrire à l’interprétation du Président de la République, indiquée par le chef de son cabinet, selon laquelle la célébration du « 19 mars » ne saurait « en aucun cas occulter le souvenir des drames survenus au lendemain du cessez-le-feu proclamé le 19 mars 1962 », mais je le redis, est-ce bien l’intention du législateur, s’agissant d’un texte d’initiative exclusivement parlementaire ?

Il résulte donc, en conclusion, de cette analyse que :

. le 5 décembre, qui constitue un hommage (manifestation de déférence plus importante que le « souvenir » ou le « recueillement ») ;
. le 5 décembre, qui cite nommément et en premier lieu, les « morts pour la France »–sans pour cela oublier les autres populations de victimes- ;
. le 5 décembre, qui renvoie à une date à laquelle toutes les populations de victimes peuvent se reconnaître ;
. le 5 décembre, qui prévoit des manifestations officielles ;
. le 5 décembre, qui s’en tient à des grands principes en évitant des précisions superfétatoires (comme la journée ni fériée, ni chômée !),
. le 5 décembre, qui avait été proposé, à une grande majorité (10 voix contre 2), en 2003 par la commission rassemblant les associations représentatives des anciens combattants, animée par le professeur Jean Favier,

constitue la date la plus appropriée pour rassembler, autour d’un hommage aux morts pour la France et aux victimes des conflits de la décolonisation en Afrique du nord, les anciens combattants et les anciens supplétifs de l’armée française, les Français rapatriés, toutes leurs familles, et l’ensemble de la population française !

Didier BÉOUTIS - Président de l’Association « Fraternité 5 décembre »