Amicale des Enfants de Tunisie
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Vendredi 4 avril 2003 : L’Epopée du Marquis de Mores en Tunisie (1896)

Marquis de Mores

Dreyfus, le boulangisme, le massacre de la mission Flatters et la résistance française à la pénétration anglaise au Soudan, l’aventure malheureuse du Marquis de Morés en est un passionnant reflet.
Ancien officier de Saint Cyr, il quitte l’armée en 1882 pour se lancer dans l’élevage aux Etats Unis, puis se rend en Indochine pour y étudier la création de lignes de chemins de fer au Tonkin. Ulcéré par les luttes d’influence qu’il y constate, il revient à Paris avec un objectif: combattre le parlementarisme qui est au service de la France cosmopolite représentée par le juif et le franc maçon. Il se veut solidaire du peuple suivant l’encyclique de Léon XIII.
Début 1893, après avoir étripé en duel et avoir été assigné en justice par ses adversaires, il quitte la politique et se tourne vers l’Afrique où il veut combattre l’hégémonie anglaise.
Il fonde à Alger en 1894, le parti antisémite algérien et parcourt le pays pour approfondir sa connaissance sur les pays musulmans. Il croit comme Duveyrier et le duc de Polignac à l’appui des confréries religieuses et des touaregs à la cause française et conçoit le projet chimérique de lever une armée arabe de 20 000 hommes encadrée d’officiers français pour reprendre aux anglais le Soudan et la Haute Egypte avec l’aide des Tidjanias et des Senoussias.
En vue de ce projet, il décide d’aller lui-même à Ghadamès, à Ghat et à Koufra rencontrer les chefs de ces confréries.
Débarquant à Tunis en mars 1896, il essaye de convaincre du bien fondé de son projet le résident général Millet et son conseiller militaire Rebillet. Le premier, bien qu’arabophile et le second peu enclin à favoriser une telle expédition qui contrecarre des projets personnels ne l’encouragent point et lui demandent d’éviter la frontière tuniso tripolitaine peu sûre et de passer le sud algérien. Morès persiste dans son idée et recrute à Tunis interprète, guides et domestiques. Il achète la collaboration d’un négociant de Ghadamès et s’embarque avec tout ce monde pour Gabès. Il y recrute des chameaux avec leurs chameliers et c’est un convoi de 29 personnes qui arrive à Kébéli, mais beaucoup parmi ses compagnons sont surtout attirés par l’argent que le marquis porte sur lui. Contrairement à ce qu’il a promis, il se dirige vers la frontière tunisienne et à Djeneïen renvoie la plupart de son personnel tunisien pour s’entourer de touaregs qu’il croit favorables à la France. Egaré par ces derniers, il est attaqué par eux le 6 juin 1896 à l’aube au lieu dit El Ouatia sur la ligne frontalière. Malgré une résistance héroïque de plusieurs heures, il est finalement abattu, dévalisé de son or et de ses affaires et laissé sur le terrain. Quelques-uns de ses compagnons tunisiens sont massacrés avec lui.
Dès la nouvelle, l’affaire fait grand bruit à Tunis et à Paris où ses obsèques solennelles sont célébrées en présence des représentants du gouvernement. Sa veuve qui a aussitôt déclenché une enquête pour retrouver les assassins passés en Tripolitaine est aidée d’amis de son mari de même obédience. Les trois assassins sont arrêtés en Tripolitaine et ramenés en Tunisie, par contre le caïd de Kebili, fortement impliqué n’est pas inquiété. Jugés au tribunal de Sousse, l’un d’eux est condamné à mort, puis il est gracié à la demande de Madame de Morès, sa peine étant transformée en travaux forcés à perpétuité. Le lieutenant Leboeuf, commandant le cercle de Kebili, est traduit en justice puis relaxé. Millet et Rebillet, qui attaqués ont introduit une requête en diffamation, sont blanchis, mais le premier est rappelé en France et le second est mis à la retraite. L’alliance franco-anglaise, malgré cette affaire et l’aventure de Fachoda en 1898, se maintenait au grand soulagement des membres du gouvernement français.

2 mai 2003:
« Joseph Allegro 1846-1881.
Agent de Rostan et Gouverneur de Gabes
par André Martel


De 1804 à 1906, durant plus d’un siècle, la vie et la carrière de Luis-Arnold Allegro et celle de son fils Joseph (ou Yussuf car il est né de mère musulmane, originaire des Nemencha) oscillent entre la Tunisie et l’Algérie. Luis-Arnold (1804-1868), d’ascendance génoise, est né à Bizerte dans un milieu de négociants agents consulaires. De 1830 à 1863, il sert dans l’Armée d’Afrique comme interprète puis officier de spahis et s’y distingue comme sabreur, négociateur et administrateur. Chef d’escadrons à titre français et officier de la Légion d’honneur, il devient à sa retraite consul du bey de Tunis à Bône. Son fils Joseph (1846-1906) lui succède, jouant, sur la frontière algéro-tunisienne, le rôle d’intermédiaire à la fois entre les autorités françaises et beylicales et les tribus algériennes et tunisiennes en conflit permanent.
Est-il devenu, en 1881, un agent provocateur au service Roustan, consul général de France à Tunis? Chef de la cavalerie irrégulière pendant la campagne de Tunisie puis gouverneur de l’Aradh (la province de Gabès), il contribue au retour des tribus tunisiennes émigrées en Tripolitaine, à la pacification de l’Extrême-Sud et aux tentatives de commerce transsaharien avec autant de vigueur que de subtilité. Toutefois, le projet de Mer Intérieure (jonction des chotts algéro-tunisiens à la Méditerranée) pour lequel le lobby des Lesseps l’a fait nommer, échoue.
Il meurt en 1906, Grand Officier de la Légion d’Honneur.


Lu pour vous: Eva Blain « Une vie allant vers … »

Il y aura le Temps où ils étaient sur l’autre rive
Et le Temps où ils sont venus parmi nous, de ce côté-ci…
Le sujet de ce livre dépasse la personne de l’auteur. Il s’agit d’une Histoire Collective, celle des « pieds-noirs » qui ont vécu les derniers jours de la Colonisation. Le Journal intime de Wanda nous plonge dans les années 1952 à 1962. Adolescente turbulente et sensible, elle va, au fil des pages, devenir une jeune fille attachante, aussi passionnée que volontaire.
Cependant cette vie paisible est bientôt bouleversée par les attentats car la lycéenne sait bien que son sort est lié à celui de l’Algérie. En 1956, la Tunisie devient indépendante. Pour l’étudiante, c’est le temps du Rock and Roll, de la « fureur de vivre » et des premiers émois amoureux… Somme toute, une vie qui eût été banale, sans le surgissement de l’Histoire politique qui, brusquement, la casse en deux…
Dans cet exorcisme du souvenir, « Une vie allant vers… » témoigne de l’ultime tentative de la narratrice pour apaiser sa blessure secrète, comme celle des milliers de rapatriés d’Afrique du Nord…
Cet ouvrage de 374 pages est disponible dans toutes les librairies, dans les Fnac, et sur Internet www.editions.benevent.com ou sur Fnac.com. Pour le prix de 20 €


Eva Blain