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Face aux interrogations de lhistoire,
les mots et les gestes du présent sont rarement neutres. Sils
peuvent suffire à mettre un baume salutaire sur une plaie du passé,
ils peuvent aussi raviver la douleur dune blessure toujours à
fleur de peau. La visite du président Chirac en Algérie
oscille entre ces deux tendances. Le drame vécu il y a 40 ans et
pendant 40 ans par les Pieds Noirs et les Harkis souligne non seulement
le poids des mots et des gestes, mais plus encore, celui des symboles
qui les escortent. Or, inverser les symboles peut être fatal aux
fondements même de notre socle identitaire. Comme lidentité
dun individu se fonde dans la confiance de sa naissance, celle dune
communauté puise dans la vérité de son histoire.
Il a fallu attendre près de 40 longues années avant que
les « opérations de maintien de lordre en Algérie »
soient officiellement désignées « Guerre dAlgérie ».
Ce « petit pas » pour le législateur a été
un grand pas pour nos communautés offensées par le déni.
Tous les espoirs étaient alors permis et certains dentre
eux furent dailleurs au rendez-vous : la désignation par
Jacques Chirac dune « journée nationale dhommage
aux harkis », la création en 2002 dune mission
interministérielle aux rapatriés, directement placée
sous lautorité du premier ministre et la nomination dans
le même esprit de Hamlaoui Mekachera secrétaire dEtat
aux Anciens Combattants. Cétait sans compter sur une histoire
mentie dès lorigine et qui a laissé aux propagateurs
didées préconçues le rôle de grands ordonnateurs
du bien et du mal
A ressurgi la question de la torture en Algérie, dont les tortionnaires
ne pouvaient quêtre larmée française,
laissant penser que le FLN, lui, avait mené une guerre propre.
Faut-il encore rappeler que nos appelés du contingent étaient
confrontés à un ennemi invisible qui na pas hésité
à frapper bien après les accords dEvian et même
après lindépendance, comme en atteste la triste chronologie
du massacre dOran le 5 juillet 1962? Cest dans ce contexte,
où lespoir le dispute à la provocation, que lannée
2003 a été consacrée « Année de
lAlgérie ». On pourrait sen réjouir
et, en tant que fille de pieds noirs, jétais prête
à le faire dans toute la sincérité de mon cur.
Malheureusement 2003 nest pas lannée rédemptrice
quelle aurait dû être. Force est de constater que la
visite du président de la République en Algérie vient
renforcer ce regret. Il y a eu des gestes forts comme la visite du cimetière
de Saint Eugène. Mais quelle désolation pour les familles
de voir les images des tombes profanées, remises hâtivement
en état pour la circonstance!
Dautres raisons viennent nourrir nos regrets: lappel dair
à une nouvelle vague dimmigration quand les difficultés
déjà existantes sont loin dêtre résolues.
Le traitement de limmigration qui doit être abordé
dans toute sa complexité ne peut sadresser à lAlgérie
sans un déchaînement de passions qui renvoie invariablement
à la même culpabilité que notre pays cultive comme
une mauvaise conscience.
De la même façon que nous avions su faire notre réconciliation
avec lAllemagne, loccasion nous était donnée
de ne pas amputer notre histoire contemporaine de sa longue parenthèse
algérienne. Or, à la lecture du programme élaboré
pour célébrer lannée de lAlgérie,
cette ambition, ou plutôt ce courage, a manqué.
Notre regret est dans lépais et pesant « non-dit »
qui entoure cette célébration, comme si lAlgérie
navait jamais côtoyé la France, sa culture, ses idéaux.
On aurait pourtant gagné à une claire conscience de cette
vérité historique pour construire ensemble un même
sens du passé, nécessaire à lélaboration
de notre avenir commun. Cette introspection nationale, qui mieux que lEtat
aurait pu la conduire dans un esprit dapaisement et pourquoi pas,
en faisant uvre pédagogique auprès des plus jeunes?
Oui, il y avait 2% de colons en Algérie mais il serait peut-être
bon de souligner que 80% des pieds-noirs avaient un niveau de vie inférieur
à celui de la métropole. LAlgérie elle-même
pourrait trouver dans les traces de la présence française
les ressorts indispensables à son propre développement,
à son propre dynamisme économique et à son rayonnement
international.
Alors oui pour une année de lAlgérie, mais pas telle
quon nous la propose. Il nous reste 10 mois pour réhabiliter
la présence française dans ce pays. Cette présence
a valu à lAlgérie un essor considérable, rendant
fertile une terre inculte. Si le devoir de mémoire fait partie
de nos devoirs, il nous faut cultiver cette vérité pour
quelle soit demain le fier héritage de tous les députés.
Avec lautorisation de Michèle TABAROT
Député Maire des Alpes Maritimes
Maire du Cannet « Le Figaro 9 mars 2003
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