Les premiers légionnaires débarquent en Algérie en août 1831. Ils reçoivent le baptême du feu devant Maison Carrée le 27 avril 1832 puis, combat après combat, se taillent la réputation de soldats vaillants et endurants. Et en même temps, au fil de l'avancée de l'armée française, maniant tour à tour la pioche et le fusil, ils imposent un style qui deviendra bientôt la marque de la Légion, celui du soldat bâtisseur. Leur chef d'uvre sera de créer une ville en 1843 : Sidi bel-Abbès, maison mère et capitale de la Légion...
Le 29 juin 1835, quatre ans après sa création, la Légion étrangère est cédée au gouvernement espagnol pour soutenir la reine Isabelle II dans sa lutte contre la rébellion carliste. Des 4000 légionnaires partis derrière leurs officiers, 500 survivants seulement rejoindront la France, en 1838, après trois années de calvaire.
Au cours de cette campagne, va être mis en application un principe toujours en vigueur de nos jours : celui de l'amalgame. Peu satisfait du système des bataillons par nationalités, le général Bernelle va brasser les légionnaires dans les unités quelles que soient leurs origines et imposer le Français comme langue de commandement. La Légion y trouvera dès lors une cohésion qui ne s'est jamais démentie.
LA NOUVELLE LEGION
L'absence des légionnaires s'était fait cruellement sentir en Algérie : le 16 décembre 1835, moins de six mois après s'être séparé de la première, Louis Philippe décide de la création d'une nouvelle Légion étrangère. Les effectifs sont facilement levés et en 1841, la Légion se scinde en deux régiments. La nouvelle Légion marche sur les traces de son aînée. Constantine (1837), Djidjelli (1839) Miliana (1840), Zaatcha (1849), Ischeriden (1857) marquent les étapes glorieuses d'un parcours qui consacre la Légion comme la troupe solide au feu, rustique et endurante, sur laquelle on peut compter en toutes circonstances.
Le Mexique enfin, où la Légion étrangère conquiert un de ses plus beaux titres de gloire le 30 avril 1863, avec le combat de Camerone. L'héroïque résistance de la compagnie capitaine Danjou dans l'hacienda de Camerone fut adoptée comme un symbole et comme un modèle de comportement au combat dans toute la Légion. Faire Camerone devint alors l'expression, que l'on emploie toujours aujourd'hui, qui montrait quel était le devoir lorsque les circonstances du combat devenaient défavorables...
Sur le sol français pour la première fois
En 1870, la France est en difficulté face à la Prusse. Pour la première fois, et contrairement à ce que prévoyait l'ordonnance de 1831, la Légion est appelée à servir sur le territoire continental du pays. Pour la première fois également, elle incorpore dans ses rangs des volontaires à statut particulier : les engagés volontaires pour la durée de la guerre (EVDG). Cet afflux massif de recrues n'empêche pas la Légion, qui combat dans les rangs des armée de la Loire puis de l'Est, de connaître l'amertume de la défaite.
A la conquête de l'empire
L'année 1883 voit la relance de la politique d'expansion coloniale de la France. Le gouvernement renforce les effectifs de la Légion et en fait le fer de lance de ses corps expéditionnaires partout où elle veut imposer sa présence : au Tonkin à partir de 1883, sur l'île de Formose en 1885, au Soudan de 1892 à 1893, au Dahomey de 1892 à 1894, à Madagascar de 1895 à 1905, au Maroc de 1900 à 1934. Nos chefs militaires et coloniaux apprécient la valeur exceptionnelle de cette troupe "à qui l'on peut tout demander". La réputation de la Légion étrangère est telle que le général Gallieni, désigné pour prendre le commandement du corps expéditionnaire de Madagascar formulera cette étonnante condition " Je demande d'emmener avec moi 600 hommes de la Légion étrangère afin de pouvoir, le cas échéant, mourir convenablement "...
Mais la Légion n'est pas seulement une troupe combattante. Dans la phase de pacification qui succède aux avancées de l'armée française, elle participe activement, par la qualité et par l'ampleur de ses travaux de génie civil, à la mise en valeur de la colonie.
La Légion est à l'uvre au Maroc quand la Première Guerre Mondiale se déclenche. Une tradition, toujours en vigueur, veut que lorsque la France est en guerre contre un pays, l'on demande aux légionnaires originaires de ce pays s'ils souhaitent ou non aller se battre contre leurs concitoyens. C'est ainsi que le général Lyautey gardera les possessions françaises du Maroc, de 1914 à 1918, avec des légionnaires d'origine allemande. Les autres encadreront les volontaires étrangers qui, plus nombreux encore qu'en 1870, s'engagent pour défendre notre pays.
Quatre régiments de marche seront constitués puis, en raison des pertes sévères, réunis en un seul, le 11 novembre 1915, pour former le légendaire régiment de marche de la Légion étrangère. Le RMLE appartient à la division marocaine, unité de réserve générale du commandement. C'est à elle que l'on fait appel pour combler les brèches lorsque nos lignes chancellent, c'est elle que l'on engage pour porter le choc décisif. En avril 1917, le lieutenant colonel Duriez est tué à la tête de son régiment lors de l'offensive en Champagne. Le lieutenant -colonel Rollet, lui succède. II commandera le régiment jusqu'à la victoire finale et ramènera de ces quatre années de guerre le drapeau le plus décoré de l'armée française avec celui de régiment d'infanterie coloniale du Maroc. Ce drapeau est aujourd'hui celui du 3e REI, héritier des traditions du RMLE.
Pacification
A partir de 1920, la Légion est engagée sur deux théâtres : au Levant (Syrie et Liban), dans le cadre d'un mandat de la Société des Nations, et au Maroc pour la phase finale de la pacification du pays Inlassablement, les légionnaires marquent le territoire de leur trace. Le plus beau symbole l'uvre de ces soldats bâtisseurs restera sûrement le tunnel de Foum Zabbel, percé dans le granit sur la route du Ziz au Maroc, par les sapeurs pionniers du 3e étranger. Les cartes actuelles le mentionnent toujours comme étant "le tunnel du légionnaire".
C'est au début de la Deuxième Guerre mondiale que la Légion va avoir le plus gros effectif de toute son histoire avec plus de 45 000 hommes. Les 11e et 12e, REI, le GRD 97, les 21e, 22e et 23e, RMVE (régiments de marche de volontaires étrangers), disparaissent dans la tourmente de 1940. La toute jeune 13e DBLE (demi-brigade de Légion étrangère) s'illustre quant à elle en Norvège en participant à Narvik à la seule victoire française de la campagne de 1940. Elle entreprend ensuite une épopée qui la mènera de Bir Hakeim jusqu'à la victoire finale, aux côtés du 1er REC et du nouveau RMLE.
Alors que la guerre se termine en Europe, les Japonais attaquent
par surprise, le 9 mars 1945 l'ensemble des garnisons françaises de
l'Indochine. Une retraite épique, menée avec énergie
par le général Alessandri, permet au 5e REI, le régiment
du Tonkin, de se regrouper en Chine, après deux mois de marches et
de combats.
Avec plus de neuf mille morts, la Légion étrangère a
lourdement contribué à la libération de l'Europe mais
elle ne va pas connaître le repos pour autant.
A partir de 1946, le 2e REI, la 13e, DBLE, le 3e REI et le 1er REC débarquent successivement en Indochine et sont bientôt renforcés par des unités d'un type nouveau : les bataillons étrangers parachutistes. Dans cette guerre où le gouvernement ne veut pas engager le contingent, la Légion sera largement mise à contribution avec des effectifs qui atteindront dans cette période jusqu'à 30 000 hommes, dont une large majorité d'allemands. De Phu Tong Hoa à Dien Bien Phu, la Légion perdra en Indochine 300 officiers dont 4 chefs de corps, et plus de dix mille sous-officiers et légionnaires. Cette campagne sera la plus meurtrière de toute l'histoire de la Légion étrangère.
Avant même que ne cessent les hostilités en Indochine, les premiers troubles apparaissent en Afrique du nord. La Légion se bat tout d'abord au Maroc et en Tunisie, puis en Algérie où elle inflige de sévères pertes aux bandes rebelles. Malgré les résultats militaires des opérations, l'Algérie deviendra algérienne et les légionnaires devront quitter cette terre sur laquelle, cent trente années plus tôt, leurs aînés avaient débarqué. En 1962, le monument aux morts quitte Sidi-bel-Abbès pour être ramené à Aubagne. La Légion va chercher à se créer de nouvelles racines.
Les années de transition
Engagée sans relâche au combat depuis sa création, la Légion aborde les années soixante dans une configuration totalement nouvelle. A l'instar du reste de l'armée, ses effectifs ont été fortement diminués et son centre de gravité s'est déplacé sur la métropole. Elle conserve néanmoins une forte vocation à l'emploi outre mer et y maintient d'ailleurs une présence importante avec des garnisons à Madagascar, puis en Guyane, à Djibouti, en Polynésie française et dans l'archipel Comores. Dans ces années où le baroud se fait rare, le légionnaire va trouver l'occasion de se dépasser en se lançant dans des chantiers dignes de ses anciens du Maroc. Le 5e RMP crée en Polynésie les infrastructures nécessaires aux essais nucléaires français. En Guyane, le 3e REI accomplit des exploits pour percer la route de l'Est et aménager le site de lancement du centre spatial guyanais. En métropole, le 61 e BMGL puis la CRTRLE travaillent à la construction de pistes dans les grands camps militaires du Sud de la France.
Le retour aux opérations
Le début des années soixante dix voit un retour des activités opérationnelles. La Légion est d'abord engagée au Tchad, de 1969 à 1970, et y retournera de 1978 à 1988. En 1978, les feux de l'actualité se braquent sur l'intervention du 2e REP au Zaïre. L'audacieuse opération aéroportée menée sur Kolwezi permet au régiment de sauver la population européenne du massacre. En 1983, la Légion s'engage à Beyrouth, dans le cadre de la Force multinationale de sécurité.
En 1991, lors de la guerre contre l'Iraq, plus de 2500 légionnaires participent, au sein de la division Daguet, à l'opération victorieuse Tempête du désert. Le 1er REC, le 2e REI et le tout jeune 6e REG y gagneront chacun une citation à l'ordre de l'armée. Puis, de plus en plus, les opérations vont se multiplier, pour la Légion comme pour le reste de l'armée française, dans un cadre qui devient multinational.
A partir de 1992, commencent les actions de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU. La Légion intervient au Cambodge, en 1992 et 1993, en Somalie, en 1992 puis en 1993, au Ruanda, de juillet à septembre 1994, lors de l'opération Turquoise. Depuis 1993, les unités Légion se sont succédé en ex Yougoslavie dans toutes les postures que lui imposaient les mandats fixés à l'armée française.
Maintien de la paix, rétablissement dela paix, interposition, contrôle de foules, collecte d'armes les légionnaires s'adaptent à toutes les missions qu'on leur confie. En 2002, ils étaient à Kaboul, certains comme instructeurs pour participer à la formation de la nouvelle armée afghane, d'autres pour déminer. Ils restent prêts à intervenir dans des missions plus classiques comme ce fut le cas en 1996 à Bangui, en 1997 à Brazzaville ou en 2002 en Côte d'Ivoire, pour des opérations de protection de ressortissants français. Et toujours, quelle que soit la mission du moment, ils s'entraînent inlassablement pour être immédiatement opérationnels s'ils devaient être engagés dans un conflit à haute intensité.
Depuis 1831, plus de 35 000 légionnaires sont tombés au champ d'honneur. "Etrangers devenus fils de France, non par le sang reçu, mais par le sang versé". La Légion étrangère a su traverser le temps. Elle a résisté aux turbulences de l'histoire et à tous les changements politiques. Elle a toujours su s'adapter à l'évolution des techniques et l'a même parfois provoquée. Elle montre tous les jours qu'elle est capable de s'adapter à toutes les missions nouvelles et quelquefois inattendues qui sont confiées aux armées.
Mais par-dessus tout, elle a su aussi garder intactes ses valeurs et toutes les qualités de cette vieille Légion dont Lyautey disait au Maroc :
On ne saurait proclamer trop haut les mérites de
cette troupe admirable
et la bonne fortune que c'est pour la Fronce d'en avoir une telle à
son service.