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Fort de l'Eau Les Mahonnais débarquèrent à Fort de l'Eau en l'an de grâce 1845. L'industrie de la brochette,
c'est un certain Pons, qui lança le genre à Fort de l'Eau. Les fordelois, autre nom des aquafortains, ne consommaient guère les délices qu'ils avaient sous les yeux, préférant leur classique soubressade. |
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Enfant sage de la « Colonisation »
Fort de l'Eau dû sa réussite à la victorieuse épopée maraîchère des immigrants de MAHON.
Georges BOUSQUET, l'éminent professeur de sociologie, remarquait avec humour, qu'au lieu de débarquer « comme tout le monde » à Sidi Ferruch, le 14 juin 1830, les Mahonnais débarquèrent à Fort de l'Eau en l'an de grâce 1845.
Le Baron de VIALAR, en escale forcée aux Baléares, fut à l'origine de la naissance du village. Frappé par les rudes vertus paysannes des minorquins, habiles à arracher du sol pauvre de leur île de riches récoltes, il facilita le voyage puis l'implantation des plus audacieux tentés par cette aventure.
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Vieux fort Turc de Fort de l'eau |
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Moyennant deux piastres, pour prix de la traversée, les minorquins reçurent des parcelles de terre en friche bordant la mer à l'est d'Alger.
Sur place, ils ne découvrirent pour toute construction qu'un vieux fort turc abandonné au bord de la plage, et peu soucieux de perpétuer le souvenir du sultan de Constantinople, ils baptisèrent l'endroit Fort de l'Eau.
La « Principauté » Mahonnaise placée sous le triple signe de la tomate, du poivron et de l'oignon, venait de naître.
Elle eut tout de suite très bonne réputation; ce que souligna le Comte Guyot, directeur de l'Intérieur, au retour d'une inspection chez les courageux maraîchers. Ceux-ci ne bénéficièrent d'aucune aide de l'administration. |
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A Fort de l'Eau on travaillait sans compter les heures: débroussaillages... assèchements... puis retournement total des sols pour la mise en culture. Le repos mérité se prenait dans de coquettes maisons régulièrement reblanchies à la chaux. On avait peu de goût pour les boissons enivrantes de l'époque et la première taverne fut longue à s'installer. Au poste de police on attendit plus de quarante-cinq ans avant d'enregistrer la première plainte!...
Puis les temps changèrent... aux « pionniers » et à leurs descendants vinrent se joindre des « étrangers ». Il y eut tout de suite un moyen radical de les reconnaître: ces derniers portaient un nom vrai; les premiers répondaient qu'à des sobriquets. Il pouvait difficilement en être autrement car tout le monde à Fort de
l'Eau s'appelait Segui ou Pons, Sintès ou Masearo, Mercadal ou Garcia, Marques, Camps ou Gomila. |
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Pour éviter toute confusion l'imagination espiègle et la fantaisie latine établirent un état civil entériné par la coutume. Les « anciens » avaient donc pour nom: Rotch, Quiquo, Pepète, Lolo, le mutilé, etc.
Plus tard encore, la frontière franco-mahonnaise subit l'assaut d'une espèce particulièrement agressive : les estivants. Les efforts de Gabriel Gueirouard (Voir Mémoire Vive N°12), pour lotir, et doter Fort de l'Eau d'un Casino qu'Alger attendait toujours, finissaient par prendre effet.
En 1908, le village sera classé « station estivale ». La vogue de Fort de l'Eau s'amorçait...
D'après un reportage de la Dépêche d'Algérie du 23 janvier 1960 |
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Casino de Fort de L'Eau |
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LA CAPITALE DE LA BROCHETTE |
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Ambrosino dit "Mimi"
de la brasserie des sports
Paulette du " Glacier "
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L'industrie de la brochette, qui profita bien entendu à la merguez, n'était pas à Fort de l'Eau le fruit d'une improvisation perpétuée par le succès; ni la trouvaille d'un maire astucieux et moins encore l'initiative d'un syndicat du même nom.
Cette tradition remontait aux années trente. Ailleurs en Algérie la chose se pratiquait aussi, mais à bien moindre échelle.
C'est un certain Pons, nom des plus communs dans cette région, qui lança le genre à Fort de l'Eau. Pour être tout à fait exact, disons que les rôtisseurs aquafortains tirèrent profit d'un arrêté municipal, draconien, du Maire d'Alger, interdisant de faire du feu sur la voie publique.
A Fort de l'Eau, où l'intérêt économique primait, grills et fourneaux purent trôner à même le trottoir, et se multiplier, pour le plus grand plaisir de tous. Au retour des promenades dominicales, ou des plages, il était devenu plus difficile d'y stationner son véhicule que dans les parages de la Grande Poste d'Alger en semaine.
Dans ces agapes publiques et collectives qui réunissaient des centaines d'exécutants, chaque table jouait sa partition sous la baguette d'un chef officiant devant son fourneau. Familles au grand complet, couples, tablées de militaires, groupes de jeunes, se succédaient sans interruption sur les trottoirs-terrasses enfumés.
Dans une journée « moyenne » un commerçant pouvait servir jusqu'à 3000 brochettes... et 1500 merguez.
Fort de l'Eau, qui prolongeait la route d'Alger vers le Cap Matifou, comptait 7 établissements: le Café de France, puis « Aux Bas Fonds » (Blanes Propriétaire), « Le Glacier » et « Les Sports » (Acampora Propriétaire), côté mer: La Brasserie Marques, Le Méditerranée (Mercadal Propriétaire) et le Novelty (Rosello Propriétaire).
Deux autres rôtisseurs officiaient sur l'Avenue des Bains: « Au Poker d'As » et « Au Régal ».
On trouvait là en plus un « Spécialiste de la frite ». D'autres encore vers les plages du Lido, des Tamaris ou de Verte Rive.
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Contrairement à la Merguez, la brochette nécessitait une aide particulière. Pour produire vite mais aussi en quantité, les bouchers aquafortains devaient travailler en famille. Une expression nouvelle apparut alors : « papa coupe » (gigot et abats de mouton en petits dés) et « maman pique » (en alternant les morceaux dans la tige en fer, qui avait remplacé le roseau taillé).
Notons en passant qu'un euphémisme charmant baptisait « rognon blanc » ce que certains lourdauds nommaient « cervelle basse ».
Le premier « empereur » de la brochette fut un certain Esplat. Cet ancien gardien de but de l'AS Boufarik mit définitivement au point le style approprié à la viande grillée. Au temps de sa splendeur ce « Môssieu » prenait les commandes et réservait ses tables par téléphone comme dans les plus grandes brasseries parisiennes ou lyonnaises. Sa fin ne fut pas à la hauteur de sa glorieuse carrière... il émigra un jour en métropole dans d'obscures conditions...
Dans les années 50 un cafetier fit venir de Palma un ingénieur es-grillades, bien que rien ne qualifie spécialement les Majorquins comme rôtisseurs. Dans tous les cas, le résultat fut à la hauteur des espérances et de l'avis des aquafortains le nouveau venu mérita son sceptre.
A Fort de l'Eau, on avait une formule très imagée pour caractériser la lucrative industrie de la brochette et les grilleurs qu'on avait vu se succéder avec succès puis disparaître: « Celui-là, il est arrivé en savates et il est reparti en carrosse »... Preuve qu'en ce temps-là, l'automobile continuait de concrétiser pour beaucoup la réussite matérielle.
Les fordelois, autre nom des aquafortains, ne consommaient guère les délices qu'ils avaient sous les yeux. Préférant leur classique soubressade, ils contemplaient ces étonnants algérois qu'une fièvre semblait dominer à la simple odeur d'un kanoun « en production ».
Courageux mahonnais à l'esprit frondeur, mais à l'âme forte qui firent des légumes et de la viande les deux mamelles de Fort de l'Eau. • John FRANKLIN.
D'après un reportage « ethno-culinaire » de Gabriel Conesa réalisé sur place au printemps 1960 pour « Alger-Revue ». |
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