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Louis
MELEY St Étienne 1844 - Aïn-Taya (Algérie) 1924
Collectionneur il se passionne pour l'institution Abd-el-Tif Villa
Médicis algérienne. |
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Fils
d'un industriel de St Étienne, il présente tout jeune
des qualités intellectuelles exceptionnelles et après
des études commencées au Lycée impérial,
il se rend à Paris. Il participe à la campagne de
France en 1870, en qualité de sous-officier, ce qui grave
dans son coeur le désir d'une revanche après l'humiliation.
Il épouse à st Étienne Marie Coulaud dont il
a deux enfants. La mort de sa jeune femme ayant bouleversé
sa vie, il décide à 35 ans de s'expatrier. Avec ses
deux enfants, il débarque à Alger en 1885 et prend
la direction d'une entreprise de négoce de matériaux
de construction. Conscient des besoins nouveaux dans ce territoire
immense, il va le premier mettre au point des cuves en ciment armé
pour la fermentation des vendanges. Parallèlement il développera
une autre entreprise consacrée à la réalisation
de routes et de ponts en relation avec le gouvernement général.
A Alger, il épouse Hélène Merazzi, la fille
de ses associés.
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Très jeune il commence
modestement une collection, ce qui est alors rarissime dans ce pays
de pionniers et réunit les toiles et les gravures des meilleurs
peintres de son temps. Il s'intéresse à Albert Marquet
alors peu connu. Sa villa : El-Bahari, est une belle demeure à
l'Italienne construite sur une falaise dominant la mer non loin
du village d'Aïn-Taya, petite colonie de maraîchers mahonnais
à 28 kilomètres seulement à l'est d'Alger.
Ce " Jardin de la mer ", fait l'admiration du poète
musulman Sliman-Ben-Ibrahim, l'ami de Dinet qui l'avait ainsi baptisé.
Au bout du jardin un bâtiment surnommé " L'Orchestre
", en " à pic " sur la mer pouvait servir
de refuge aux artistes.
Sa collection peuplée de reproductions au départ,
s'enrichira. 11 achètera la Minerve casquée de Rodin,
avec qui il correspondra et qui le reçoit à Paris.
Devenu propriétaire de la cimenterie Atlas, ce grand amateur
d'art et fin lettré, ouvrit sa maison aux artistes de passage
à Alger. Mécène éclairé, il aida
les pensionnaires de la villa Abd-el-Tif et leur facilita ainsi
qu’à Albert Marquet, le voyage vers le grand Sud d'autant
plus facilement que son gendre, René Bascoul était
le médecin du Bachaga de Laghouat. Madame Meley et ses tilles
accueilleront avec chaleur les artistes, partageant avec le maître
des lieux un goût prononcé pour les arts y compris
la musique. |
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P.E CLAIRIN
(1897-1980) Environs d'Alger |
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Des amitiés exceptionnelles
vont lier alors Louis Meley à un grand nombre d'artistes
parmi lesquels Albert Marquet, Etienne Dinet, Maurice Denis, Georges
Desvallière ( président du Salon d'Automne et, protecteur
en 1905 de la fameuse " cage aux fauves ", Adolphe Beaufrère,
Lucien Simon, Aman-Jean, René Ménard, Jean Dauchez,
Jacques Simon, Jean Launois, Maurice Denis, Augustin Ferrando, André
Suréda et bien d'autres.
Louis Meley pour former sa collection avait fait appel à
des correspondants parmi les-quels, Léonce Bénédite
( conservateur du musée du France et du musée Rodin),
le marchand Tempelaere, les directeurs de galeries parisiennes comme
Druet, Durant-Ruel ou s’était adressé directement
aux artistes. Ce sont ces correspondances qui nous renseignent sur
l'état de la collection et ses enrichissements. Louis Meley
rencontra également Georges Edouard Lafenestre, conservateur
du Musée Condé de Chantilly, beau-père de Bénédite
qui l'aida de ses conseils.
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Avec Léonce
Bénédite, il se passionna pour l'institution Abd-el-Tif,
Villa Médicis algérienne, centre de l'école
nord-africaine, ouverte en 1907. Les jeunes titulaires de bourse
accueillis à la Villa viennent de métropole et font
un séjour de deux ans en Algérie. Ils seront les ambassadeurs
des tendances artistiques françaises. Conscients de l'importance
de leur rôle, il se confie à des tuteurs, " oncles
" ou " parrains " Louis Meley et Léonce Bénédite,
qui en plus de leurs conseils leur apporteront un concours financier.
Loin de Paris, les Abd-el Tif vont trouver à El-Bahari un
véritable paradis et un enseignement, un peu paradoxal et
tout à fait imprévu. Ils peuvent admirer : Fantin-Latour,
un Rubens acheté à la vente Darasse, Le Dôme
de San Carlo de Corot, un Rouen de Lépine, un Paysage de
Roussel, La neige à Crozant de Guillaumin, un Marquet dit
" fauve ", acquit à très bon compte à
la gale-rie Blot, Carrand, Ravier, Vernay, magnifique peintre lyonnais,
un excellent Maurice Denis de 1908, Venise, Harpignies, quantité
d'eaux fortes des grands amis Frélaut et Beaufrère,
un second Rodin L'enfant d'Ugolin, le Beethoven de Bourdelle, les
petits Dalou très plastiques, et enfin une extraordinaire
documentation contenue dans six bibliothèques " montant
jusqu'au plafond ", décrit Paul Mouzon. Collectionneur
de l'art traditionnel français, Meley regarde ces nouveaux
orientalistes exposés à Marseille lors de L'Exposition
coloniale de 1906, Suréda lui confirme " qu'un public
de choix commence à s'intéresser à cette salle
des orientalistes un peu désertée par les fortes chaleurs
". |
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Louis Meley
par Migonney |
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Parmi les familiers
d'El-Bahari, le peintre orientaliste Dinet, le poète arabe
Sliman Ben Ibrahim, figurent en photos dans les albums de famille.
Leurs premières rencontres se situent en 1905. Dinet converti
à l'Islam, avait fait construire à Bou-Saâda,
sur le jardin de Sliman, une koubba. Louis Meley lui propose les
carreaux de sa production, celle de la cimenterie Atlas, ce que
l'artiste accepta avec enthousiasme. Lorsque Madame Sliman accompagne
son mari à El-Bahari,
C’est la grande joie parmi les jeunes, car elle arrive "
parée comme une châsse, rutilante de breloques d'or".
Léonce Bénédite devenu son ami intime, l'aidera
à enrichir sa collection. En 1910, partageant sa passion,
il lui écrit : " Vivre avec les oeuvres de Fantin, Simon,
Cottet, Rodin permettent de mieux aimer les beautés du monde
extérieur. C'est elles qui donnent une grande part de son
charme et de sa valeur à la vie. En rentrant de vos grands
travaux, quels amis vous trouvez là ".
Il restera le premier de ses conseillers et leur correspondance
abondante en témoigne : " Vous avez vu les prix de la
vente ROUART ! C’est absolument fou ".
Chaque année, ils se retrouveront à Paris. Bénédicte
l'invite en 1914: " Nous vous attendrons pour la fin d'avril
et nous allons en voir de la peinture ensemble ! Je vous réserve
tous les Cubistes, les Orphistes, les Synchromistes et les Simultanéistes
en attendant la nouvelle formule ". |
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Les petits cadeaux
entretiennent leur amitié. Louis Meley lui adresse des colis
d'exquises mandarines et de succulents citrons d'Aïn-Taya,
" les fruits d'or du verger d'Aladin ", et Bénédite
ajoute : " J'ai de temps en temps de vos nouvelles par mes
neveux d'Abd-el-Tif qui sont aussi un peu les vôtres ".
La première guerre mondiale éclate, les épreuves
sont cruelles, son usine à Mustapha tourne au ralenti. Lucien
Mouzon son gendre meurt au combat et son fils Ludovic disparaît
lors d'une attaque du 16 avril 1917. Beaucoup d'amis peintres sont
au front.
Ses activités se trouvant réduites, Meley se réfugiera
dans ses livres, collera ses ex-libris, travaillera à ses
catalogues et se consacrera à son jardin. Au rez de chaussée,
le grand bureau était garni de bibliothèques aux éditions
précieuses, Les Fleurs du Mal de Baudelaire, illustrées
par Rodin, Le Jardin des Caresses illustré par Carré,
Le
Foyer Breton, illustré par Dauchez. D'autres meubles servent
à protéger Eaux-fortes, dessins et livres d'art. Les
époux Meley se rendront régulière-ment en France
malgré le danger des sous-marins allemands. II fallait alors
36 heures à " L'Eugène Pereire " pour traverser
la mer. " On y laissait jusqu'aux tripes, par temps de mistral
".
Le sculpteur Poisson télégraphiait de Marseille, au
retour : " Poisson pas frais ", nous raconte Paul Mouzon.
La guerre empêcha la réalisation sur les murs de la
véranda, d'un Robinson Crusoe, proposé par Charles
Dufresne.
La situation financière deviendra difficile et l'usine arrêtée,
mais la passion de Louis Meley pour les arts ne faiblira pas. C'est
aussi l'époque où grâce à des correspondants,
il rechercha des oeuvres de Guigou, acheta des dessins d'Ingres,
de Delacroix.
Au retour de la paix, l'amour de l'art reprendra le dessus. Louis
Meley se réjouira, le 15 décembre 1920, d'ouvrir une
lettre de Druet qui lui demande de préparer l'arrivée
de Marquet en Algérie. Peu après, Bénédite
recommanda Jean Launois, nouveau pensionnaire de la villa Abd-el-Tif.
Louis Meley avec l'aide de son gendre, le docteur Bascoul, ami et
médecin du Bachaga Djelloul de Laghouat prépara d'intéressantes
étapes. Les deux peintres séjournèrent ensemble
dans le Sud, chaque année : à Bou-Saâda, à
Laghouat, au M'Zab, jusqu'à Nefta et Tozeur en 1922. Des
oasis, ils envoyaient des lettres et des cartes enthousiastes, pieusement
conservées par la famille. |
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De Bou-Saâda,
Marquet lui faisait part de ses rencontres avec Sliman, Dinet et
Pommier, " qui résidaient dans le même hôtel
du Petit Sahara ". Dans une carte envoyée de Sidi Bou
Saki, il formula les vœux de le rencontrer en juin à
Paris, De Nefta en 1922, il écrit " Nefta est le plus
beau pays du Sud. Malgré les fatigues d'un long voyage à
chameau, je suis ravi d'être venu jusqu'ici. Je rentre bientôt
à Alger ". D'El-oued en 1924 avec Launois, ils adressent
leurs " meilleurs souvenirs d'un pays fort curieux ".
Plus tard Marquet lui adressera des cartes de La Rochelle où
il séjourne à l'Hôtellerie du Pays de l'Ouest.
Louis Meley, trop âgé, ne pouvait suivre ses aventures.
Il attendait toutes les semaines à El-Bahari, recevant d'autres
artistes.
Paul Mouzon, son petit-fils, doué d'une excellente mémoire
enregistrait tout, il était frappé lorsqu'il était
à table, par les invités : L'oeil pétillant
de Marquet qui parlait très peu, l'éloquence du bâtonnier
Bey, l'érudition de Bénédite, quand il avait
pu quitter Paris, Maurice Denis " impérial et intimidant
pour les jeunes ", par Dubois, Pommier, Launois " blond
et rosé, plein de vie et de santé " était
encore en bout de table, près des enfants, ce qui n'empêchait
pas Marquet de le considérer déjà comme un
maître du des-sin : " Ils avaient des points communs,
par exemple le goût très vif du croquis. Ils se sont
superbement dessinés l'un et l'autre sous nos yeux ".
Launois distribuait ses dessins, Marquet non, " il est vrai
qu'il était lié par contrat à Druet ". |
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Dans
les Cercles
Louis Meley à gauche et Etienne Dinet |
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La collection de Louis Meley s'enrichit
jusqu'à la fin de sa vie, grâce aux conseils avisés
du marchand Tempelaere, grand ami de Fantin-Latour et de Bonvin
qui le conseilla pour des achats d'oeuvres de Cazin, Jonking, Sisley.
La tombola de la Société des peintres orientalistes
lui permit d'acquérir des litho-graphies d'Étienne
Dinet. Il acheta directe-ment à Madame Eugène Carrière
des oeuvres de son mari, et fut présent à la vente
Dravasu (Vollon) et à d'autres ventes publiques.
L'autre intérêt de Louis Meley était la photographie.
Il confessa en 1915: " La photo-graphie est un maître
qui nous oblige à observer ce qui nous entoure ". II
traita lui-même ses plaques et ses tirages dans un petit laboratoire
qu'il emménage dans la maison principale. Le peintre Ménard
utilisera les photographies de Louis Meley sur la Kabylie pour des
décorations à l'École de droit de Paris.
Louis Meley souhaitait une éclosion de l'art pictural chez
les musulmans. Sa collection comportait deux paysages de Mammeri,
une miniature de Racim.
Après un voyage au Maroc où il rencontra Suréda,
il s'éteint à El-Bahari en 1924. Madame Louis Meley
après le décès de son mari resta en relation
avec Bénédite et lui écrivit en 1924 : "
Je vous demande de me garder un peu de la sympathie que vous nous
donniez si fidèlement ". Léonce Bénédite
avait gardé les lettres de son ami qu'il considérait
comme " celles d'une maîtresse ". Drôle de
maîtresse ajoute son petit-fils : " des yeux bleus insoutenables,
une crinière léonine, des sourcils en brosse, une
barbiche carrée et des oreilles poilues, larges comme des
plats à barbe. " Excellent " disait-il ou "
Mauvais " avec la franchise d'Alceste, quand on lui apportait
une toile ".
En 1927, en présence du Gouvernement général
de l'Algérie, un médaillon, oeuvre du sculpteur Albert
Pommier, ancien pensionnaire Abd-el-Tif, représentant Louis
Meley, protecteur de l'art en Algérie fut placé sous
la colonnade de la Villa.
A suivre...
Elisabeth Cazenave
Bibliographie
Elisabeth Cazenave. - La Villa Abd-el-Tïf un demi-siècle
de vie artistique en Algérie 1907-1962.
Albert Marquet et ses amis en Algérie, Artistes et mécènes.
1920-1945, Roanne, 2003
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