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Le jeudi 8 novembre 1962,
Charles Savorgnan de Brazza, dernier fils du grand explorateur, s'écroulait
dans le jardin de sa villa " Dar et Sangha " sur les hauteurs
d'Alger et expirait quelques instants plus tard , un article de Mémoire
Vive le magazine du C.D.H.A |
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Charles SAVORGNAN DE BRAZZA et le Musée DE BRAZZA
Le jeudi 8 novembre 1962, Charles Savorgnan de Brazza, dernier fils du
grand explorateur, s'écroulait dans le jardin de sa villa "
Dar et Sangha " sur les hauteurs d'Alger et expirait quelques instants
plus tard dans les bras d'un voisin et ami accouru, monsieur Petrus.
Le lendemain, le quotidien l'Aurore titrait " Charles Savorgnan de
Brazza est mort de chagrin à Alger. La France n'avait rien fait
pour sauver l Musée de son père du vandalisme et de la destruction.
. depuis les accords d'Evian, en effet Charles s'était battu désespérément
pour rapatrier en France les meubles, les objets, l'importante bibliothèque
et les innombrables documents soigneusement rassemblés dans les
quatre étages de la villa musée du 56 avenue Foureau-lamy.
Tous les fonctionnaires français contactés par le fils du
héros colonial qui suppliait qu'on sauvât au moins les pièces
principales, firent la sourde oreille.
Craignant, à juste raison, pillage et vandalisme pendant ces mois
d'anarchie qui succédèrent à l'Indépendance
et désespéré par l'attitude des autorités
officielles françaises présentes à Alger, Charles
de Brazza avait effectivement de quoi être chagriné.
Mais le choc de trop pour cet être calme et pacifique survint en
fait lors de la promenade qu'il accomplissait chaque jour au-delà
de la Colonne Voirol sur les chemins calmes et verdoyants d'Hydra où
la famille de Brazza possédait un petit verger. Assailli sur la
route de Kaddous par une bande incontrôlée, Charles fut délesté
de son portefeuille après avoir été roué de
coups et laissé pour mort. Courageux et toujours résolu
malgré cette lâche agression, il écrivit le 6 novembre
à sa famille de Métropole : " ... je demeurerai donc
à Alger pour défendre jusqu'à la mort la mémoire
de mon père. "
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Cet épisode tragique
fut le dernier drame subi par la famille de Pierre Savorgnan de Brazza
qui, ayant choisi la France, paya chèrement cet engagement en n'ayant
le plus souvent pour récompenses qu'ingratitudes et malheurs. Descendant
par son père de " Condottiere " et de grands voyageurs
vénitiens et plus loin encore de Séveriano d'Aquileia, petit-fils
de l'Empereur Sévère et d'une famille qui donna deux Doges
à la Sérénissime République de Venise par
sa mère, P Savorgnan de Brazza à peine âgé
de 17 ans en 1869 supplia l'Amiral de Montaignac de l'accueillir dans
la Marine française. Par cet ami il obtint satisfaction et, dès
le début de la guerre de 1870, combattit en Mer du nord. L'année
suivante, versé dans l'escadre de la Méditerranée,
il connut la Kabylie. A la fin des hostilités, devenu Aspirant,
il demanda sa naturalisation. Ses études et grades obtenus en tant
que sujet italien n'étant pas reconnus, de Brazza dut tout recommencer
comme citoyen français ! |
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Le grand rêve de de
Brazza, devenir explorateur, ne se réalisa que bien plus tard.
A force d'un patient courage et d'une générosité
agissante, sans jamais tirer un seul coup de feu, il donna à la
France un immense Empire de deux millions et demi de kilomètres
carrés, tout en libérant, dans le même temps, des
centaines de milliers d'hommes noirs de l'esclavage. Ses différentes
et épuisantes expéditions lui coûtèrent pourtant
d'énormes sacrifices. Sa fortune personnelle fut engloutie et sa
santé s'y trouva définitivement compromise.
C'est pour soigner ses bronches abîmées et atténuer
ses crises de paludisme que Pierre et son épouse, née Thérèse
de Chambrun (arrière-petite-fille de Lafayette), vinrent s'établir
sur les collines d'Alger en 1887. Le couple, très vite apprécié
et adopté, y trouva pour un temps un havre de grâce. Quatre
enfants : Jacques, Antoine, Marthe et Charles vinrent agrandir la famille.
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En 1905, sur la demande
du Président de la République, de Brazza dut reprendre la
route de ses exploits passés. Il fallait réparer les fautes
et les abus commis au Congo depuis son départ. Fatigué,
souffrant de la fièvre et de 1a dysenteries, il ne fut pas de force
a supporter certaines révélations. Il faudra le ramener
mourant jusqu'à l'hôpital de Dakar où il s'éteindra
le 14 septembre, veillé par sa femme et le commandant Mangin.
La nouvelle de la mort de de Brazza souleva en France une unanime émotion.
L'illustre explorateur eut droit à des funérailles nationales
et Paris voulut conserver ses cendres au Panthéon. Sa veuve, confiante
en l'avenir de l'Algérie qu'elle aimait et, croyant répondre
aux désirs de son époux, préféra confier son
corps à la terre d'Afrique. Pierre Savorgnan de Brazza fut donc
inhumé dans le carré 8 au cimetière du Boulevard
Bru. |
Paysage Kabyle |
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Paysage Kabyle. |
A madame de Brazza, restée
sans ressources, le Gouvernement français accordera une très
modeste rente qui s'amenuisera de dévaluation en dévaluation.
Un pareil honneur (!) n'avait pourtant pas été décerné
depuis Pasteur en 1874. Il fallut une campagne de presse d'une ampleur
nationale appuyée par de pressantes démarches pour que madame
de Brazza obtienne les revenus d'un petit débit de tabac à
Paris. Faudra t il encore qu'elle s'engage devant un juge de paix à
ne pas frauder le fisc !
Les années passèrent . . . madame de Brazza, après
deux de ses fils, s'éteignit en 1948 à Alger. Quelques semaines
plus tard sa fille Marthe disparaissait. Il ne restait plus que Charles
pour veiller sur la demeure familiale. Charles, né en juillet 1901,
fit toutes ses études au Lycée d'Alger puis se consacra
à la peinture. Aquarelliste et dessinateur de talent, il se spécialisa
dans les paysages d'Algérie avec une prédilection pour les
sites de Kabylie qu'il aimait à visiter et à reproduire.
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Attaché au monde
des Arts, il fit partie de l'Union des artistes d'Afrique du Nord et des
Aquarellistes de la France d'Outre?Mer. Pendant plus d'une trentaine d'années,
il exposa régulièrement dans les galeries algéroises
y remportant une mention spéciale du jury (1944, salle Pierre Bordes,
243 oeuvres exposées), le prix jean Charles au 30 ème salon
de l'UAAN en 1959, le prix Marcello Fabbri en novembre 1961 ou bien encore
le prix des " Petits tableaux " en mai 1962, parmi beaucoup
d'autres. Le Musée national des Beaux-arts d'Alger possède
une de ses aquarelles : le Marabout de Sidi Yahia (Birmandréis).
Homme cultivé mais très simple, Charles qu'on reconnaissait
à sa longue silhouette voûtée était réputé
pour sa grande bonté et sa droiture. Il s'était consacré
à défendre l'uvre humaine et civilisatrice de son
illustre père mais ses revenus étaient modestes et les charges
de la villa familiale très importantes.
C'est pour cette raison que sur l'initiative du général
de Chambrun, son oncle, la famille de Brazza fit don de sa propriété
au Gouverneur général de l'Algérie ; à condition
que celui-ci en fasse un musée. L'inauguration eut lieu le 15 février
1952 et fit partie des amples cérémonies qui se déroulèrent
ce jour là à Alger pour honorer Pierre Savorgnan de Brazza
dont on fêtait le centenaire. |
La villa musée "Dar- Sangha". |
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Jean Alazard, Directeur
du Musée des Beaux-arts, fut chargé de l'organisation générale
du musée. Il s'assura le concours de M. H. Christofle, architecte,
chargé des Monuments historiques de l'Algérie. L'aménagement,
très soigneusement établi, reconstituait le cadre de la
brousse africaine avec tout ce qui avait servi à l'explorateur.
Il comportait aussi tout ce qui se rattachait à son oeuvre. L'atmosphère
familiale d'une partie de la vaste villa fut respectée et c'est
Charles Savorgnan de Brazza qui fut désigné en qualité
de Conservateur du musée.
Le 12 novembre 1962, les obsèques de Charles rassemblèrent
tous les amis de longue date de la famille de Brazza encore présente
à Alger : Louis Boyer-Banse, Eric de Baty, René Rostagny,
président de l'Union des Artistes d'Afrique du Nord, maître
Charles Lainné, l'architecte Christofle, M. et Mme Grau, Madame
Jeanne Vuitton, sa fille Madame Renée Franklin, Monsieur Pétrus,
ainsi que quelques-uns réprésentants officiels français.
Le jeune Pierre, neveu du défunt, représentait la famille
de Chambrun.
Ce jour là quand, sous une pluie battante, le Comte Charles Savorgnan
de Brazza franchit pour la dernière fois dans son cercueil le seuil
de l'illustre demeure, la porte de musée se referma dans un silence
impressionnant.
John Franklin. |
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BIBLIOGRAPHIE
ALAZARD Jean. - Brazza. - In documents algériens, 1952.
DE CHAMBRUN. -Les grandes figures coloniales Brazza. - Paris : Plon, 1930.
MARAN René. - Brazza et la fondation de l'AEF -Paris : NRF, 1941.
SICH Marc. - Pierre Savorgnan de Brazza. Paris : Ed. J - C. Lattès,
1992.
Brazza In Mondes et cultures, tome XLIX, 1989. Un Héros colonial
parmi nous. - In L'Afrique du Nord illustrée, n°500, 29 janvier
1930.
Articles In La dépêche d'Algérie, 16 février
1952 ; 10 et 13 novembre 1962.
Ainsi que les souvenirs de M. Claude PETRUS et Mme R. FRANKLIN. |
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