Louis Pasteur
La participation de l'Ecole de Pasteur à l'œuvre médicale française en Algérie débuta par une éclatante découverte : le 6 novembre 1860, à l'Hôpital Militaire de Constantine, Alphonse Lavéran découvrait le microbe du paludisme.
L'Institut Pasteur d'Algérie.
La participation de l'Ecole de Pasteur à l'œuvre médicale française en Algérie débuta par une éclatante découverte : le 6 novembre 1860, à l'Hôpital Militaire de Constantine, Alphonse Lavéran découvrait le microbe du paludisme. C'était ler premier microbe transmis par un insecte identifié par la science. Parmi les maladies infectieuses, le paludisme était celle qui causait le plus de ravages. Cette découverte orienta dès lors les recherches dans une voie sûre.
Le premier Institut Pasteur d'Afrique du nord fut crée en 1893 à Tunis par Adrien Loir. Un an plus tard, les professeurs J. B. Trolard et H.Soulié fondèrent à Alger l'Institut Pasteur d'Algérie chargé d'appliquer le traitement antirabique. On y prépara ensuite le vaccin antivariolique, le claveau pour la clavellisation des moutons et des levures sélectionnées pour la fermentation des virus. En 1900, le Directeur de l'Institut Pasteur de Paris, Emile Roux décida de confier à deux de ses disciples, Edmond et Etienne Sergent une mission permanente pour des recherches sur le paludisme en Algérie. A partir de 1909, et jusqu'en 1962, Edmond Sergent fut l'inamovible Directeur de l'Institut Pasteur d'Algérie. En Afrique du nord, l'équipement sera complété par l'I. P de Tanger en 1911, puis celui de Casablanca en 1928.


Laveran
A Alger, l'établissement principal était situé près du Musée des Beaux-Arts, dans le quartier du Hamma. Le terrain de deux hectares, face à la baie, surplombait les frondaisons majestueuses du Jardin d'Essai. Un important bâtiment blanc, sur trois niveaux, abritait les installations nécessaires : laboratoires outillés pour les études de microbiologie et parasitologie, laboratoires de chimie et de physique. Chambres étuves, frigorifiques et chambres noires étaient logées dans les sous-sols. En précaution contre l'incendie, une bibliothèque occupait un bâtiment séparé. Elle contenait en 1962 plus de 50.000 volumes scientifiques et près de 600.000 brochures.
Cinq bâtiments annexes regroupaient écuries, étables, génisseries, bergeries, porcheries, lapinières, singeries et locaux pour les petits animaux. Dans l'immense jardin fleuri, diverses petites constructions étaient disséminées. On y élevait moustiques et poissons et on y isolait les animaux en " cours d'expérience. " Accessible au public, une construction était affectée aux Services des vaccinations gratuites et au Service de distribution et d'expédition des sérums, vaccins, ferments et produits microbiens.

Institut Pasteur à Alger en 1934.
En plein centre d'Alger, une annexe urbaine était consacrée au Service antirabique. On y délivrait sérums et vaccins et on y réceptionnait le matériel soumis aux analyses. A Kouba, banlieue proche, une annexe rurale de cinq hectares abritait des troupeaux de grands animaux. Ecuries, parcs et bâtiments nouveaux s'ajoutèrent au fur et à mesure des besoins. Diverses plantations servaient aux recherches expérimentales. En 1907, le premier laboratoire saharien de l'I.P fut ouvert à Beni-Ounif de Figuig dans le sud oranais. En 1922, Biskra à l'est de l'Algérie fut dotée d'un labo permanent. Près de Birtouta, à 20 kilomètres d'Alger, la station expérimentale des Ouled Mendil servit d'abord à une expérience d'assainissement total d'une région impaludée, puis on utilisa le terrain pour l'expérimentation aux champs et pour l'enseignement de la microbiologie par l'exemple des méthodes.
La mission première confiée aux frères Sergent et à leurs collaborateurs consistait " à vérifier sur place la récente découverte de Sir Ronald Ross qui avait révélé le rôle des moustiques dans la propagation du paludisme. " En transmettant, par l'intermédiaire de moustiques communs, l'infection paludique à un canari, Edmond et Etienne confirmèrent immédiatement cette découverte.
Dès 1901, des campagnes, pour mettre à l'épreuve sur le terrain, des méthodes prophylactiques et épidémiologiques furent donc préparées. C'est à l'Alma, à 37 kilomètres d'Alger, que sera réalisée en 1902, la première campagne anti-paludique d'Algérie. Grâce aux différentes mesures prises par les spécialistes de I.PA. Les treize agents des Chemins de fer de cette petite gare purent, pour la première fois, passer un été sans fièvres.
Le directeur de la Compagnie de l'est algérien, frappé par les résultats obtenus, demandera de renouveler ces mesures l'année suivante sur sept autres gares du réseau. Chaque année, ensuite, d'autres gares furent ainsi protégées.
Dès qu'il fut prouvé que le paludisme humain était transmis par un certain moustique, l'anophèle, un service antipaludique fut crée à l'I.P à la demande du Gouverneur Jonnart. La lutte contre ce moustique s'intensifia en priorité dans les contrées les plus touchées. A Chéragas, la " quininisation " systématique vint à bout du fléau. Le coiffeur du village, Monsieur Caldéro, agent " quininisateur " de l'I.P parcourait 10 kilomètres chaque jour pour distribuer le médicament et le faire ingérer en sa présence. I1 devint vite célèbre dans tous les douars de la commune. Le barrage situé près du village, réservoir d'anophèles, fut d'abord pétrolé avant d'être peuplé de poissons larvivores. Ces gambouses importées du Texas furent de précieux auxiliaires de l'I.P
A Monte Bello " pays de la désolation", la lutte fut plus longue. Le lac Halloula constituait un immense gîte à moustiques. Les 68 européens du village étaient tous parasités, de même que la moitié des indigènes de la commune. Les conseils de l'I.P furent suivis : un tunnel percé jusqu'à la mer évacua les eaux stagnantes. La salubrité ne revint qu'au bout de plusieurs années. Ces efforts de l'I.P parfois allié à ceux de l'administration se multiplièrent aux quatre coins de l'Algérie avec pour résultat un amendement constant de l'endémie palustre.
Pendant plus de 60 ans, l'Institut Pasteur d'Algérie, à travers un nombre incalculable de missions, remplit la double tâche assignée protéger le peuple nord-africain contre les maladies endémiques et contagieuses et enrichir le patrimoine commun des nations civilisées d'acquisitions scientifiques. Ses travaux concernèrent les microbiologies et parasitologies humaines et animales, la microbiologie végétale et celle du sol ; les venins et les poisons mais aussi la biologie et la pathologie générale, les procédés de vaccination ou de thérapeutique et la prémonition. Les comptes rendus de milliers d'études et d'expériences vécues sur le terrain ou en laboratoire par les différents collaborateurs oeuvrant à l'LP d'Algérie avaient communiqué chaque année aux Académies et Sociétés Savantes et souvent publiées dans des périodiques scientifiques. Impossible à résumer, ces travaux firent l'objet, jusqu'en 1962, de 2276 publications éditées. Ils tiennent en un extraordinaire raccourci. L'Institut Pasteur a découvert entre autres.
- La cause de la maladie la plus grave et la plus répandue de l'animal le plus précieux du désert, le dromadaire : le " debab " qui affectait 1/l0è du troupeau camelin d'ATN., dû à un trypanosome transmis par la piqûre des taons. 1903, Ed. et Et. Sergent.
- Un parasite humain, nommé Sergentella en 1910, qui provoque nausées et sueurs abondantes. 1903, Ed. et Et. Sergent
- L'agent de transmission de la fièvre récurrente mondiale, appelé aussi typhus récurrent : le pou. C'était la première fois que ce parasite était identifié comme agent vecteur d'une maladie humaine. 1907, Henri Foley et Ed. Sergent. Ces deux chercheurs démontrèrent en 1911, l'efficacité du " 606 " dans le traitement de cette fièvre.
- L'œstre du mouton, (Thimni en Kabyle, Tamné en Touareg) parasite causant rhinites et conjonctivites aux êtres humains. 1907. Ed. et Et. Sergent.
- Le mode de transmission des piroplasmoses bovines par les tiques et la méthode de vaccination pré unitives. 1913 et 1945, Ed. Sergent, A. Donatien, L. Parrot, E Lestoquard.

L'equipe de l'institut Pasteur d'Algérie
en octobre 1941.
de gauche à droite : les docteurs
Louis Parrot, Henry Foley, Edmond Sergent, Luis Najera (de Madrid)et M. Beguet.

- Des mesures prophylactiques faisant disparaître la fièvre ondulante ou brucellose. 1908, Ed. Sergent.
- Le microbe du typhus et son évolution. 1914, Ed. Sergent, H. Foley, Ch. Vialatte.
- La fièvre bilieuse hémoglobinunique des bovins et sa cause. 1919, Ed. Sergent, A. L.héritier.
- La " namoussia " maladie des agneaux du sud saharien. 1919, Ed. Sergent.
- La cause de la maladie la plus grave de la plante la plus précieuse du Sahara
- le dattier : le " baioudh ",?, : champignon venu du Tafilalet (sud marocain) fut arrêté dans sa progression. 1921, Ed. Sergent, M. Beguet.
- Le rôle des moucherons drosophiles dans la fermentation vinique. 1924, Ed. Sergent, H. Rouguebief.
- La transmission de la fièvre récurrente hispano-américaine par les tiques du chien. 1933. André Sergent.
- L'agent de transmission de la leishmaniose cutanée (bouton d'Orient ou clou de Biskra) : un moucheron, le phlébotome. 1904?1921, Ed. et Et. Sergent.
- La théorie de la prémonition : état particulier de résistance contemporaine de l'infection, et cessant avec elle, universellement reprise depuis. 1924, Ed. Sergent, L. Parrot, A. Donatien.
L'Institut Pasteur à d'autre part inventé :
- Le sérum anti- scorpionnique qui peut sauver 92% des personnes piquées.1936, Ed. Sergent.
- Une méthode pour la vaccination antituberculeuse par le B.C.G. en milieu désertique. 1928, H. Foley, L. Parrot.
- Une méthode de protection antiacridienne pour les cultures des palmeraies. 1937, Et. Sergent, M. Volonsky.
- Un vaccin anticlaveleux immunisant les moutons exportés d'Algérie. J. Bridé, A. Bouquet.
C'est à l'I.P d'Algérie que fut instauré pour la première fois au monde, en octobre 1914, le vaccin triple contre la typhoïde et les paratyphoïdes A et B. et que certaines observations, avec épreuves expérimentales, d'Edmond Sergent permirent d'expliquer, 3000 ans après, le désastre subi par les Israélites au printemps de la 2è année de leur exode. Les cailles tuées au printemps dans les environs de Constantine, la plaine côtière de Bône, le littoral d'Oran, l'Atlas de Médéa, la région de Mascara, d'Ain Bessem ou de Félix Faure causaient très souvent des empoisonnements. Tuées en automne dans ces même secteurs elles n'étaient jamais toxiques. Edmond Sergent mit en évidence l'ingestion de graine de ciguë, par les cailles de la migration printanière vers l'Europe, cause de ces intoxications parfois mortelles.

L'I.P. d'Algérie, en plus de sa mission de recherche scientifique était chargé de l'enseignement supérieur de la microbiologie par la parole et par l'écrit : Conférences et cours, stages dans ses laboratoires, direction scientifique des médecins désignés pour les Territoires du sud. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de tracts étaient diffusés. Ces tracts informaient l'ensemble de la population sur les notions nouvelles à prendre en compte pour les maladies infectieuses et leur prophylaxie. L. Parrot, en 1922, fit publier " Le livre de la bonne santé. " Comme pour tous les tracts, une version en langue arabe fut réalisée. Le " Kitab Eç Cih'h'a " était dédié aux Musulmans d'Afrique du Nord. Musulmans qui furent les premiers et grands bénéficiaires de l'œuvre pastorienne. Le Gouvernement italien fut autorisé par l'LP d'Algérie à en faire une version pour les populations de Libye.
L'I.P assurait également des services pratiques d'intérêt public : enquêtes et missions demandées par le Gouverneur Général, analyses micro biologique des maladies pestilentielles, préparations de sérums, vaccins et produits micro biologique nécessaires aux Services d'assistance et d'hygiène et aux

Andoctonus Australis.
Scorpion le plus dangereux
de l'Afrique du Nord
vaincu par la sérothérapie
Services sanitaires de l'Algérie Les études et travaux sahariens de l'I.P, dirigé; pendant plus de 40 ans par Henri Foley mériteraient un bien long développement Cette exploration scientifique n'était pas seulement médicale, elle embrasait toutes le questions de démographie et d'histoirE naturelle. Le rayonnement de l'I.P d'Algérie permit à son directeur, Edmond Sergent, d'être choisi dès 1919 pour négocier avec le Gouvernement Grec les bases d'un I.P à Athènes. Puis Edmond Sergent, appelé par le Comité d'hygiène de la Société des Nations faire partie de la commission du paludisme, fut partir de 1935, élevé à la présidence de ce Comité L'I.P. d'Algérie qui était aussi le " Conservatoire mondial " du virus vaccin de l'anaplasie bovine, apporta sa contribution lors des deux grands conflits mondiaux. En 1914, ses services préparèrent un vaccin anti-typhoïdique pour l'ensemble de l'armée française et 380.000 doses de vaccin anticholériques furent délivrés, en particulier aux soldats serbes et monténégrins transportés en Algérie. Pendant la guerre de 39 45, ses laboratoires furent chargés de délivrer aux Services de santé militaires française britannique des vaccins antivarioliques, antirabiques, anti-pesteux et anti-typhoïdiques. Ces derniers à plus d'un million de doses pour les Britanniques. Un laboratoire fut mis à 1< disposition des autorités britanniques pour loger son service antipaludique.

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"Combat la fièvre paludéenne"
paru dans l'Afrique du Nord illustrée n°24 de 1921.
Au 1er janvier 1950, le personnel de ce temple de la Science élevé sur une colline de Mustapha, représentait un effectif de 218 personnes. Les médecins, médecins vétérinaires naturalistes et chimistes s'engageaient à n'avoir aucune occupation, rémunérée ou non, en dehors de l'I.P, et à ne tirer aucun profit matériel personnel des travaux de recherche: accomplis à l'Institut.
Autour d'Edmond et d'Etienne Sergent et du Sous directeur L. Parrot de nombreux collaborateurs s'illustrèrent : H. Foley, A. Catanei, G. Senevet, E Trensz, E. Collignon, R Ambialet, E Lestoquard, A. Donatien, R. Horrenberger, E. Planturieux, M. Béguet, J. Clastrier J. Bridré, etc...
La devise de l'Institut Pasteur d'Algérie aurait put être : " Au service du bien public. " Sa mission accomplie : " Au service de la France. " Sa destinée fut d'être : " Au service de l'humanité.
Bibliographie disponible au C.D.H.A.
- DOURY Paul, Henri Foley. Apôtre du Sahara et de la médecine, Hélette (64600), Ed. Curutchet, 1998.
- FERY Raymond, L'œuvre médicale française en Algérie, Nice, Ed. J. Gandini, 1994.
- INSTITUT PASTEUR D'ALGERIE, Notice sur l'Institut Pasteur d'Algérie. Recherches scientifiques. Enseignements et missions. Applications pratiques. Tome 1, Alger, Ed. J. Carbonnel et la Typo-Lytho, 1934.
- INSTITUT PASTEUR D'ALGERIE, Notice sur l'Institut Pasteur d'Algérie. Recherches scientifiques. Enseignements et missions. Applications pratiques. Tome 2, Alger, Ed. J. Carbonnel et la Typo--Lytho, 1949.
- SERGENT Edmond, Les travaux scientifiques de l'Institut Pasteur d'Algérie de 1900 à 1962, Paris, P.U.F, 1964.
Pour les personnes intéressées par les Archives de l'Institut Pasteur d'Afrique du nord

D'abord une adresse : Institut Pasteur. Service des Archives. 28, rue du Dr Roux. 75728 Paris cedex 15. Tel : 01.45.68.81.12. Ensuite une communication d'une Responsable du Service des Archives : Mme Demellier. " Les archives de la direction des Instituts Pasteur d'Afrique du nord sont restées sur place. Un double des rapports annuels et probablement de la correspondance de chacun de ces instituts doit se trouver dans le fonds du directeur de l'Institut Pasteur (Paris), Jacques Tréfouël, directeur de 1940 à 1965, en cours de classement. Ces Instituts Pasteur n'ont pas à ma connaissance de service d'archives historiques. Les papiers conservés n'ont probablement pas fait l'objet de classement. Il est impossible de dire si ces documents ont subi des destructions. Pour ce qui est des archives des chercheurs pastoriens d'Afrique du Nord, pouvant contenir des informations sur le fonctionnement de ces instituts, il existe deux fonds très importants : ?celui de Charles Nicolle, 1866-1936, (Institut Pasteur de Tunis), déposé à l'Institut Pasteur, Paris, à la Bibliothèque municipale de Rouen et aux Archives départementales de la Seine-Maritime, Rouen
-celui de Henry Foley, 1871-1956, (Institut Pasteur d'Algérie) déposé au Musée du Val de grâce, Paris.
Le Service des Archives de l'Institut Pasteur a un site web. On peut y trouver la liste des fonds d'archives consultables, des index généraux (matières, auteurs), un certain nombre de biographies. Vous pourrez le consulter à l'adresse suivante : http://www.pasteur.fr/infosci/archives/.