Quand le conflit s'est-il terminé ?
C'est là l'objet d'une polémique entre diverses associations. La FNACA (Fédération Nationale des Anciens Combattants d'Algérie) considère que la guerre d'Algérie a pris fin le 19 mars 1962, avec l'annonce du cessez-le-feu entre l'Armée française et l'ALN (Armée de Libération Nationale), bras armé du FLN. Soutenue par le parti communiste, la FNACA a fait apposer un certain nombre de plaques commémoratives en ce sens. Des rues du 19 mars sont apparues en diverses communes. Chaque fois, la date du 19 mars 1962 est suivie de la mention : fin de la guerre d'Algérie. Si l'on comprend bien les arrière-pensées du parti communiste, il est plus étonnant que des municipalités, de tendances parfois très opposées, lui emboîtent le pas.
Le 19 mars 1962, n'a pas vu la fin des combats en Algérie, puisque notre Armée a continué d'intervenir tant contre l'OAS (Organisation Armée secrète) que (rarement il est vrai) contre le FLN. Entre le 19 mars et la proclamation de l'indépendance de l'Algérie le 3 juillet, les victimes militaires et civiles ont continué de s'accumuler. Les séquelles du conflit, notamment le massacre des harkis, ont largement débordé au-delà du mois de juillet. Certaines associations d'anciens combattants et de Français d'Algérie se sont donc opposées à la commémoration officielle du 19 mars. La date du 5 décembre fut proposée par le gouvernement français mais sans pouvoir réaliser l'unanimité sur ce point. La date du 19 mars est actuellement facteur de division, la date du 5 décembre n'est pas porteuse d'unité et de rassemblement. C'est un effet de ce que certains appellent la « guerre des mémoires ».
Pour les Pieds-noirs et les Harkis, la date du 19 mars 1962, loin de coïncider avec le retour de la paix, fut au contraire le début du pire. Non seulement parce qu'ils durent quitter leur terre natale, mais aussi parce que des enlèvements et des massacres se produisirent qui firent des milliers de victimes. Selon des recherches effectuées dans les archives du Ministère des Affaires Etrangères, 3 856 personnes, dans leur immense majorité des Européens, furent enlevées par le FLN (et des groupes incontrôlés). 90 % d'entre elles le furent entre le 19 mars et novembre 1962. Plus de 2 000 d'entre elles sont toujours portées disparues et considérées comme décédées. Les personnes retrouvées ou libérées ont souvent subi des sévices très graves (1)
Ces enlèvements suivis de massacres, constituent une des plus terribles série d'exactions liées à la guerre d'Algérie.
Il est beaucoup plus difficile de chiffrer le nombre de harkis massacrés par le FLN. Si les massacres de Saint-Denis-du-Sig (20 mars) et de Boualam (24 avril) sont relativement bien répertoriés, ils n'ont fait qu'annoncer des tueries plus vastes, qui eurent lieu après la proclamation de l'indépendance, notamment mais non exclusivement, à l'automne.
Les chiffres oscillent entre les 10 000 tués, annoncés au conditionnel par Jean Lacouture dans le Monde du 13 novembre 1962, et, les 150 000 revendiqués par certaines associations. D'après des estimations, toujours contestées, faites par des historiens comme Xavier Yacono, Charles-Robert Ageron, Maurice Faivre ou Guy Pervillé, il pourrait ressortir que le chiffre le plus vraisemblable puisse se situer aux environs de 60 000. Mais ce type d'évaluation ne sera jamais accepté sans réserve.
Le gouvernement français de l'époque a fort mal accueilli les « rapatriés » (terme contesté par les intéressés) car il n'avait pas prévu leur départ massif (2). Ce même gouvernement a tenté de freiner le départ vers la France des Harkis menacés. Selon le général Faivre quelque 90000 personnes Harkis et familles furent accueillies en métropole entre 1962 et 1965 . Ceci représente qu'une faible proportion des gens concernés
Notes :
(1) Voir Le Monde 22/9/62 et Paris Jour 21/9/62, ainsi que J. Monneret. La Phase Finale.op.cit p. 306 et seq.
(2) Peyrefitte. op.cit. p. 191 et seq.
(3) Maurice Faivre " Les combattants musulmans de la guerre d'Algérie" cit - Les archives inédites de la politique algérienne op.cit.
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