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Pendant sept jours Bab-el-Oued
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En effet le 24 commença le « ramassage », après perquisitions préalables, de tous les hommes et leur transfert dans, ce que l'on appela par un euphémisme plein de saveur, des centres de triage. Les gardes mobiles s'occupèrent tout particulièrement des hauts de Bab-el-Oued. Ils pénétrèrent dans les groupes d'habitations « Taine » et les immeubles de l'ARMAF comme en pays conquis. Ils éventrèrent les matelas, brisèrent comme à plaisir les postes de radio et de télévision. Ils défoncèrent les armoires et après les avoir vidées de leur contenu, déchirèrent le linge, le lacérèrent. Ils déversèrent sur les provisions de réserve, que chaque Algérois avait d'ailleurs constituées pour deux mois, eau de javel, poudres de savon, les rendant ainsi inutilisables. Mais pourquoi ces robes de mariée lacérées, pourquoi ces jouets piétinés, pourquoi ces glaces, ces lustres brisés, ces livres déchirés ? Ils cherchaient des armes : ils ne trouvaient que des bibelots.
Tout le temps que dura le bouclage, il fut interdit non seulement de sortir, mais même d'ouvrir les fenêtres, de se tenir sur les balcons. Cette interdiction était levée entre 6 heures et 8 heures pour les femmes seulement afin qu'elles puissent s'approvisionner. Rares furent celles qui profitèrent de cette autorisation. Des réserves avaient été constituées et l'on vivait sur ses réserves. De toutes manières le ravitaillement à l'intérieur de Bab-el-Oued était assuré par la Croix-Rouge, seul organisme à pouvoir franchir les barrages.
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va être isolé, coupé du reste du monde.
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Car pendant sept jours Bab-el-Oued va être isolé, coupé du reste du monde.
Dans la nuit du 23, alors que les ambulances sillonnaient les rues en vain, car Bab-el-Oued refusait de livrer ses blessés qui furent soignés chez eux, bien souvent avec des moyens de fortune, commencèrent ce qu'il est convenu d'appeler les perquisitions qui furent en fait une véritable mise à sac. Les forces de l'ordre allaient faire payer cher, en effet leurs émotions toutes neuves.
L'Avenue de la Bouzaréa, une fois encore, fut la plus durement touchée. Tous ses magasins furent pillés. Les gendarmes mobiles, à défaut d'armes, de munitions ou de « tueurs » s'emparèrent de tout ce qu'ils purent rencontrer, dévalisant en particulier le « Monoprix », brisant les devantures de toutes les Boutiques, bouleversant, saccageant, piétinant, écrasant tout, emportant pêle-mêle des chaussures chez Pons, des vêtements masculins ou féminins chez Hadrien, Jules, Roselyn. Les coiffeurs, oui même les coiffeurs ne furent pas épargnés. Symboles et gardiens de l'ordre ces ombres qui dans la nuit, sous la pluie fine s'agitent inutilement, bourrant leurs poches de treillis, d'eau de Cologne, de parfums, shampoings et autres, ou images d'un autre temps ? De toutes manières cet affligeant spectacle ne devait être qu'une préfiguration de la conduite de ces mêmes gardes mobiles lors des visites domiciliaires qui allaient suivre. Ce qu'ils firent dans l'ombre comme des malfaiteurs de bas étage, ils osèrent le répéter le lendemain et les jours suivants en pleine lumière.
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