Tandis que les commandos O.A.S.,  avec leur « matériel » quittent le quartier dans des ambulances, des véhicules  de pompiers ou bien encore des voitures de dépannage de l'E.G.A., les blindés  continuent de marquer de leur empreinte les façades des immeubles, et la  population, seule désormais, résiste encore. Les chars lourds progressent rue  Borélie-La Sapie près du cinéma « Majestic » et rue Eugène-Robes, à l'endroit  même où s'est produit le premier incident de la journée. Les gendarmes mobiles  prennent à leur tour position sur les terrasses et ouvrent le feu sur les  maisons voisines. Des éléments de la Coloniale sont également en place sous les  arcades de l'Avenue de la Marne,  mais eux ne tirent pas. Des autos mitrailleuses et des half-tracks tiennent  l'angle Guillemin-Avenue de la   Marne, occupent le square et prennent en enfilade les deux  grandes artères qui mènent aux Trois-Horloges.
            La nuit commence à tomber. La  résistance faiblit. Les rues sont totalement désertes. Sur quelques terrasses  isolées des francs-tireurs continuent de tirailler vainement.
            Bab-el-Oued, quartier de la  couleur, de la lumière, de la joie de vivre, des rires et des chants, est  plongé dans une obscurité totale. Les fils électriques pendent lamentablement,  le téléphone est pratiquement coupé dans tout le secteur. Dans les rues où les  poubelles n'ont pas été vidées depuis plusieurs jours, les ordures jonchent le  sol à côté de voitures dont les vitres et les pare-brise ne sont plus qu'à  l'état de souvenir, dont les carrosseries portent les marques de l'intensité de  la fusillade. A l'angle de l'Avenue des Consulats et de la rue du Dauphiné, en  face de l'Hôpital Maillot la carcasse calcinée d'une automitrailleuse de la  gendarmerie mobile, touchée par un obus de bazooka et qui a flambé, alors  qu'elle se dirigeait vers la   Place du Tertre. Une pluie fine commence à tomber sur Alger.
            A 20 h. 30, O.A.S. s'est encore  fait entendre sur le canal son de la télévision. Pour la première fois depuis  l'existence de Radio Algérie la   Voix de la   France c'est une femme qui parle : « 
Il faut détruire par  tous les moyens à votre disposition les engins blindés, résister, résister  encore, jusqu'au bout, juqu'à la fin ». Mais tout est bien fini. Bab-el-Oued  est entièrement bouclé, des blindés en place à chaque carrefour, chaque îlot  ceinturé de barbelés.
          Durant toute la nuit, alors que  les T.6 poursuivent leur ronde inlassable et obsédante, on entendra des  fusillades isolées, certaines encore très violentes. Mais chacun maintenant  doit penser à cacher ses armes et attendre. | 
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