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Le blocus de Bab-el-Oued
"Blocus de Bab-el-Oued","No man's land" établi devant Bab el Oued, telles sont les formules employées par les envoyés spéciaux des différentes agences pour présenter la situation.
- Ce quartier populeux autour du dispositif qui cerne un vaste " no man's land " établi à 12 h 45 sur ordre de la préfecture de police. Automitrailleuses, chars lourds, mitrailleuses braquées dans l'enfilade des grandes artères. L'un de ces chars s'appelle, ironie, « Algérie »... Depuis cette heure. il est interdit de faire entrer le ravitaillement que, par camions et voitures, les Algérois apportaient aux assiégés.
Une véritable chaîne de solidarité
La « zone interdite » commence désormais avenue du 8 novembre de et à l'entrée de la place Jean Mermoz des barrages de gendarmes bloquent automobilistes et piétons n'autorisant que le passage des sels habitants du quartier. Devant ces barrages s'embouteillent camions et voitures qui. Pleins jusqu'aux toits de victuailles apportaient du ravitaillement.
Depuis ce matin une véritable de solidarité chaîne de solidarité s'était développée dans Alger pour venir au secours de Bab-el-Oued. Esquissée vers 9 ou 10 heures l'opération "vivres" avait pris des proportions spectaculaires en fin de matinée .dans toutes les rues du centre camions voitures recueillaient les victuailles. Des caisses de conserves, des cartons de pâtes, des casiers de bouteilles d'eau minérales, des paniers de pains sortaient des immeubles et s'engouffraient dans les véhicules.
Sur la route de Bab-el-Oued. Les larges boulevards du front de mer. L’avenue du 8 novembre, la place Jean Mermoz, l'avenue de la Marne enfin la où commence le quartier interdit les voitures filaient en klaxonnant pour aboutir aux barbelés aux chars et aux soldats, postés square Guillemin. Là des bras se tendaient pour saisir les vivres par-dessus les chevaux de Frise.
Refoulés depuis cette heure, automobilistes et piétons s'arrêtent â une cinquantaine de mètres de là pour examiner la situation et « tourner » le dispositif. Des portes d'immeubles s'ouvrent avenue du 8 novembre des Jeunes gens et des Jeunes filles, les bras chargés de caisses disparaissent dans les couloirs. Derrière, d'autres personnes attrapent les vivres, et discrètement traversent la place Jean Mermoz, à cent mètres, place du Gouvernement, on fait la chaîne pour transvaser le contenu des camions dans des véhicules â croix rouge ou de pompiers, qui vont tenter de franchir les barrages.
Sur les trottoirs des conserves, des pains, des bouteilles s'amoncellent. Les voitures y déversent leurs stocks puis repartent « les tas montent sans arrêt» entourés par des Jeunes gens qui ne savent plus qu'en faire Les piétons sont aussi impitoyablement refoulés, même s'ils ont les mains vides : cartes de presse, carte de correspondant... "Périmé". Répète inlassablement et sur un ton monotone, un gendarme.
Cependant, un car rouge des pompiers, bourré de vivres parvient â franchir le barrage, après que son conducteur eut parlementé avec les gendarmes. Le véhicule passe les barbelés, sous les applaudissements de la foule.
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