Les chars écrasent sans ménagement les véhicules
 
BAB EL OUED
Déchiré par 24h d'un combat fratricide Bab el Oued s'est éveillé samedi matin encerclé par un imposant dispositif


A l'intérieur du secteur isolé du reste de la ville, les
rues sont vides de passants, les portes et les fenêtres des Immeubles sont fermées, les trottoirs sont occupés par de nombreuses patrouilles de militaires et au carrefour des artères des camions bâchés forment des chicanes. Des automitrailleuses et des half-track de la gendarmerie sont postés à des points névralgiques où la veille la fusillade a fait rage.
La pluie et le brouillard tombent sans arrêt obligeant les membres du service d'ordre à s'abriter sous les porches d'immeubles et dans leurs véhicules sur la Rampe Vallée qui. de la caserne Pèllissier longe le quartier de Bab-el-Oued. Les camions militaires et les blindés se succèdent Toutes les voies d'accès du secteur bouclé sont fermées par des rouleaux de fil de fer barbelé derrière lesquels des soldats montent une garde vigilante.

 
 

Muet à tout appel


Le calme Insolite qui règne dans le périmètre interdit aux civils, interrompu de temps a autre par le hurlement de sirènes d'ambulances qui ont été autorisées à pénétrer. On apprenait peu à près que les sauveteurs avalent évacué 2 femmes
seulement. Bab-el-Oued refusait de donner les hommes blessés qui devaient être conduits sur l'hôpital militaire Maillot. Toutefois la bataille continue dans plusieurs secteurs en dépit de l'appel lancés vers minuit sur les ondes de « France V » par la préfecture de police : " Habitants de Bab-el-Oued, les événements de cette journée vous prouvent que les forces l'ordre iront sans restriction ni réserve Jusqu'au bout de leur devoir ressaisissez-vous, rendez les armes es et cessez le combat ". Bab-el-Oued. à cet appel a répondu en s'enferment dans son isolement. On apprend samedi après-midi, les habitantes du boulevard de Champagne, de la place Dutertre, de la rue Pierre-Leroux ont offert aux soldats du contingent des casse-croûtes et du vin, la nuit dernière c'est rue Michelet, où les habitants fêteront les paras qui patrouillaient.
Que les pharmaciens et les médecins se sont rendus dans les maisons pour soigner les blessés. Partout dans le quartier les gens s’organisaient, Ils travaillent en commun pour se procurer des soins. Ils déménagent leur appartement, rassemblent tout dans
les pièces qui ne donnent pas sur la rue. Les autorités gaullistes annoncent la prise du matériel pour la fabrication de fausses plaques d'immatriculation de véhicules, du matériel pour la fabrication de fausses pièces d'identités, un poste émetteur-récepteur. Dans un autre immeuble on aussi découvert un important stock d'armes et de munitions.



Un chirurgien va chercher du sang


A 16h quelques rafales d'armes automatiques crépitent du côte du groupe Taine ainsi que sur le haut du boulevard de Champagne, mais les tirs sont sporadiques et peu suivis. La riposte est donnée par les forces de l'ordre qui tirent à leur tour au
canon de 37 mm sur les terrasses d'immeubles. Dans le ciel gris et nuageux, des hélicoptères tournent en rond et de temps à autre une patrouille d'avions "T6" passe en rase-mottes. Toute la population de Bab-el-Oued est terrée, un homme cependant se présente au barrage du Bd Guillemin . C’est le chirurgien de la clinique Durando. Sur sa demande il se rend à l'hôpital de Mustapha pour y prendre 6 litres de sang et 12 litres de plasma. La nuit tombe sur la ville, les lampadaire s'allument dans les
quartiers sauf dans celui de Bab-el-Oued où les fils électriques ont été en partie sectionnés par la fusillade. Toutefois les perquisitions se poursuivent...

 

Stupeur et désespoir

Véritable citadelle, assiégé de toutes parts, Bab-el-Oued semble, sous le ciel humide de ce dimanche, enveloppé de stupeur et de désespoir. On ne se bat plus dans ce vaste quartier populeux et la population anxieuse se cache derrière les volets et les persiennes mi-clos des fenêtres. Après avoir résonné du bruit déchirant des
fusillades, l'écho répète maintenant le hurlement des sirènes d'ambulances ou de voitures de pompiers qui sillonnent lentement les rues encombrées de détritus. Des voitures avec haut-parleur diffusent à Intervalles réguliers le même message : " Le couvre-feu est toujours maintenu"."La distribution de vivres'organise". " Il est interdit de circuler ". Malgré cet ordre les mères de famille cherchent du ravitaillement pour leurs enfants, du lait surtout, mais a la laiterie Fénech. Les vaches n'ont plus rien à manger et les pharmacies sont fermées : le lait manque...
On cherche également, du pain partout, là aussi le manque de farine n'a pas permis aux boulangers de faire leur fournée quotidienne. Quelques maigres légumes ont cependant été distribués aux familles.
Le problème du ravitaillement est devenu un des soucis
majeurs de la population de Bab-el-Oued.

     
   
Livraison de pain pour une petite partie des
100000 habitants emprisonnés dans Bab-el-Oued
     
 

Premier bilan


Malgré les tirs, cependant moins nourris que la veille, des ambulances de l'hôpital Mustapha ayant à leur bord des Internes circulent dans les rues encombrées. Ils distribuent dans certains centres sanitaires du sang et du plasma ainsi que des
paquets de pansements. A 9 h. cette opération est suspendue et une voiture munie de haut-parleur fait savoir à la population que les blesses peuvent être évacués à tout moment sur les hôpitaux désignés, c'est-à-dire les femmes et les enfants à . Mustapha et les hommes sur l'hôpital Maillot.
Peu à peu la fouille des Immeubles commence : des militaires escortés de blindés encerclent un pâté de maisons tandis que les C.R.S. effectuent la perquisition des appartements sont systématiquement visités étage par étage. L’Identité des locataires
est contrôlée et les hommes sont conduits au P.C. pour de plus amples vérifications. En début d'après-midi, trois hommes en tenue militaire sont arrêtés dans un immeuble par les forces de l'ordre. On Ignore encore pour l'instant l'Identité de ces personnes Enfin, un premier bilan des fouilles exécutées jusqu'à 13 h., révélait l'arrestation de 141 personnes qui ont été dirigées sur un centre de tri. En outre, avaient été saisis 96 pistolets, fusils de chasse et carabines, 10 rockets avec système de mise à feu. 2 mitraillettes. 12 grenades offensives et Incendiaires. 20 kilos de plastic. 25 détonateurs, du cordon Bickford. des caisses de munitions Devant la boulangerie Sénabré un gardien de la paix et un gendarme qui habitent le groupe Taine attendent en vain du pain. Depuis le matin les deux fonctionnaires courent dans tous les secteurs se procurer du ravitaillement leurs couffins sont vides Dans la cour d'un immeuble des jeunes jouent su ballon tandis qu'une ménagère étend sa lessive.
Une femme passe avec une bouteille de lait. Elle est aussitôt interrogée par les mères de familles des Immeubles voisins. Deux hommes transportant également une corbeille de pain. Escortés par un officier se dirigent vers l'hôpital Maillot. « C'est pour les
blessés
" murmure un passant anonyme à une patrouille. Un hélicoptère tourne dans le ciel nuageux, laissant échapper de ses flancs des paquets de tracts .Puis c'est une patrouille de "T6"qui survole Bab-el-Oued à basse altitude. Du côté des Trois Horloges seuls les militaires circulent sur les trottoirs. Toutefois un gros chien loup déambule dans la rue. Sur son poil noir on lit en lettres blanches « Je suis Français ». Des militaires réparent les roues des jeeps » en maudissant les clous qui
sournoisement se piquent dans les pneus, partout sur les terrasses se dressent les silhouettes de soldats en armes et à la jumelle un officier observe ses hommes. La route de Bab-el-Oued, passe par les quartiers musulmans, pour arriver dans ce périmètre interdit, nous nommes passés par les cités du Climat de France et Chevallier, après avoir franchi un barrage de militaires au "Triolet", nous arrivons boulevard de Champagne, Le garage Denis dépassé, on aperçoit les premiers immeubles du
quartier. Leur façade porte les traces du combat : à la hauteur des terrasses. Les murs sont troués, des morceaux de béton jonchent le sol. Des fils électriques pendent, sectionnés de leur supports, tout autour de la place Dutertre où a été installé un PC volant des camions militaires et des auto automitrailleuses station sur les trottoirs. Des soldats rassemblés par groupes discutent. Un chien errant cherche dans les poubelles débordantes une quelconque nourriture. Dans la rue Camille-Douis des
hommes habitant le quartier parlent entre eux, le ton est grave et la conversation peu animée. Partout ce sont des rouleaux de fil de fer barbelé qui ont été déployés et la chaussée a été recouverte de gravier pour cacher les immenses taches d'huile de
vidange qui avaient été répandues sur la chaussée pour retarder les mouvements des blindés.
Les rafles continuent dirigés par les Barbouzes dirigés par Lucien Bitterlin, une barbouze gaulliste, Peu après cette opération , une colonne d'hommes, civils de tous les âges allant de 18 ans à 70 ans. Les rues sont désertes, les ordres sont
respectés et pas un "civil" ne circule, la couvre feu est appliqué avec rigueur. Il est bientôt 12h.30 et tout monde s'apprête à déjeuner.

 
         
   


Opération sanitaire



L'après-midi, une opération humanitaire a été montée par le professeur Bourgeon et les médecins de l'hôpital de Mustapha Cette opération avait pour but de donner aux vieillards el aux blessés des soins.

Parallèlement une vaste une campagne de collecte de vivres était entreprise dans toute la ville.
Après avoir entreposé le ravitaillement dans différents centres comme la Maison des étudiants, des convois ont été dirigés sur Bab-el-Oued .

Mais il semble que l'interdiction d'entrée dans ce quartier a été également appliquée aux convoyeurs de vivres.

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Hôpital Mustapha