Drame du 5 juillet 1962 à Oran d’après les archives militaires
Marie - France Stirbois
Lettre du Père Charles de Foucauld à René Bazin
Brèves Mort de Gaston Defferre & 19 mars en Ardéche
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Bulletin
A.M.E.F N° 25
 
 
 

LE DRAME DU 5 JUILLET 1962 A ORAN d’après les archives militaires (1)


ORIGINE ASAF (Association pour le Soutien à l’Armée Française)

La journée dramatique du 5 juillet 1962 a fait l’objet de témoignages contradictoires, dont celui du général Katz dans « L’honneur d’un général », au sujet duquel s’est engagée une polémique entre deux chercheurs : M. Alain-Gérard Slama et Charles-Robert Ageron (2).
Une recherche dans les archives militaires soumises à dérogation permet de lever les contradictions des témoins et d’indiquer un ordre de grandeur plausible quant au nombre de victimes.

1- La version officielle.

Le journal des Marches et Opérations (JMO) de l’Etat-major du corps d’armée d’Oran mentionne le 1er juillet que le corps d’armée prend la dénomination de 24ème CA, et que le secteur autonome devient Groupement Autonome d’Oran (GAOR). Mais il n’indique aucun événement du 2 au 6 juillet inclus. Quant à la synthèse mensuelle des activités du CA, elle ne concerne que la lutte contre l’OAS et indique « RAS » pour les 4 et 5 juillet.
Le dossier du SHAT consacré aux « événements d’Oran » corrobore en gros la version Katz-Ageron. Il contient :
Le message « Pétunia » adressé par le GAOR le 5 à 14 heures, qui indique :
- à 11 heures, des manifestations de musulmans place Foch.
- à 11 heures 45, des coups de feu boulevard Joffre, et des bagarres opposants l’ALN aux ATO (3).
- à 13 heures, des exécutions sommaires place de la Liberté.
- à 13 heures 30, un contact entre le commandant du groupement et le FLN.
- à 14 heures, la mise en place de 6 escadrons de gendarmerie mobile entre les quartiers européens et la Ville Nouvelle.
Le message adressé le 5 à 21 heures 45 par le commandant provisoire du 24ème CA et du GAOR :
- 1) Incidents graves de 11heures 45 à 13 heures. Calme revenu à 16 heures. Origine : tirs sur scouts musulmans. Excitation de la foule musulmane.
- 2) Arrestation de centaines d’Européens libérés dès 16 heures 30.
- 3) Interventions immédiates des troupes ont évité morts et pillages. Plusieurs milliers de civils dans les cantonnements (militaires).
- 4) Couvre-feu établi. Musulmans consignés par ALN.
Le rapport du général Katz, daté du 12 juillet, sous le timbre du Cabinet, c'est-à-dire rédigé par le général. En voici le résumé :
Il rappelle d’abord qu’une liaison étroite avec le FLN avait été établie par le commandant de gendarmerie Humbert, dès l’arrivée du capitaine Bakhti (Nemiche Djillali) à Oran, lui demandant que les manifestations ne débordent pas. Le 28 juin, à la suite d’une réunion de réconciliation organisée place Foch, entre les deux communautés, des voitures bondées et des groupes de musulmans avaient parcouru la ville européenne. Les manifestations avaient repris le 4 au soir.
Le 5 juillet au matin, des cortèges se dirigeaient vers la place Foch en passant par la partie ouest de la ville européenne. Faute de téléphone (central détruit par l’OAS), le secteur n’en était pas prévenu. Place de la Bastille, des coups de pistolet étaient tirés par des Européens sur un groupe hissant un drapeau et, place Karguentah, des coups de feu sur des scouts musulmans étaient signalés par trois témoins. Il s’ensuivait une panique générale de la foule musulmane, non contenue par les ATO. Ces derniers, mal recrutés, avaient été formés en 3 jours.
Des enlèvements, et une fusillade qui fit 20 morts, eurent lieu de 12 heures à 12 heures 40. Immédiatement le 8ème RIMA, les 2ème et 4ème Zouaves et le 5ème RI intervinrent pour protéger les Européens. A 13 heures, le général survola la ville en hélicoptère. La ville était déserte. Il donna l’ordre de sortie aux EGM, et se préoccupa de faire libérer les Européens enlevés. La plupart furent libérés. Reste cependant plus d’une centaine de disparus (le commandant Aron en a vu 150), qui ont été embarqués clandestinement. Les personnes réfugiées de Mers el-Kébir sont rentrées chez elles.
Ces incidents sont dus aux tirs des Européens sur les manifestants et les ATO, à l’absence de téléphone, au mauvais rendement des ATO, et aux membres du FLN, peu nombreux, qui ont été incapables d’encadrer et de contrôler la foule. La population musulmane qui a eu 1500 morts depuis le cessez-le-feu, était animée d’un désir de vengeance.
Le préfet algérien a donné son accord pour que la police soit assurée par les gendarmes mobiles en ville européenne. Il lui a été demandé de désarmer les civils et de former les ATO. La peur s’estompe et la confiance revient. (sic)

2 – Le journal manuscrit

Le journal des marches et opérations (JMO) est un document rédigé et dactylographié en fin de mois par toutes les unités. Il est destiné aux autorités et au Service Historique des Armées. Or le JMO du secteur-groupement d’Oran pour les mois de juin et juillet, ne figure pas aux archives du SHAT. Il existe cependant un JMO manuscrit sur lequel les officiers de permanence au PC du secteur ont reporté (minute par minute) tous les événements et les ordres donnés (4). Ce document est donc plus véridique que le JMO rédigé après coup, dans lequel l’autorité a la possibilité de corriger tout ce qui pourrait porter tort à son unité.
Ce JMO manuscrit indique le 1er juillet à 10 heures 30 : « drapeaux français déchirés et brûlés au monument aux morts », et le 3 juillet à 8 heures 20 : « Monument aux morts partiellement détruit au plastic (contenu dans gerbe déposée par 2 jeunes Européens). A 17 heures des musulmans hissent des drapeaux FLN sur le Monument ».
Le 5 juillet, la permanence est assurée par le commandant Gaillard, assisté du sous-lieutenant Angladette et le chef Le Guiban. Voici leurs annotations les plus importantes :
- 11 h 50, manifestation boulevard de Sébastopol.
- 11 h 55, 12 Européens blessés se trouvent au commissariat central.
- 12 h 00, bagarres entre ATO et ALN boulevard Joffre.
- 12 h 15, message aux sous-secteurs :
Primo. Rappelle consigne rigoureuse des troupes.
Secundo. Troupes restent consignées. S’il est attenté à la vie des
Européens, dans ce cas prendre contact avec le secteur avant d’agir.
- 12 h 40, 2 Européens lynchés boulevard Foch.
- 13 h 10, une centaine d’Européens emmenés en Ville Nouvelle. 1 tué.
- 13 h 30, 5ème RI. Origine des incidents : tir d’Européens sur musulmans plaçant un
drapeau FLN rue d’Alsace-Lorraine.
- 14 h 20, ordre du GMO (gendarmerie mobile d’Oran). Aux ordres du commandant Jusseau, PC au square Garbay. Mettre en place pour 15 heures 2EGM blindés (Escadrons de Gendarmerie Mobile) square Gabay, 1 EGM au Palais de Justice, 1 place Karguentah, 1 au cercle militaire, 1 à la poste centrale, 1 place Sébastopol. Mission principale : protection des Européens en toutes circonstances.
- 15 h 30, ordre donné aux blindés EGM de rentrer aux casernements (5).
- de 12 h à 21 h, le JMO note 55 incidents : des blessés, des enlèvements, des tirs, des évacuations de population.
- 19 h 50, GAOR. Intervenir auprès des autorités ALN pour laisser rentrer chez eux Européens bloqués boulevard Joffre et service social.
- 21 h 05, le Préfet demande 2 places sur bateau quittant Mers el-Kébir le 6 juillet (sic).
S’agissant des coups de feu, ils sont signalés :
- à 11 h 50 : place Sébastopol.
- à 13 h 20 : près du tribunal de commerce et du central téléphonique.
- à 13 h 30 : par des Européens, rue d’Alsace-Lorraine.
- à 14 h 20 : boulevard Sébastopol et à Ras el Ain.
- à 14 h 40 : près de la gare.
- à 15 h 00 : place Karguentah, à Saint Michel, à l’hôpital et place Roux.
- à 15 h 20 : au douar Olivier.
- à 17 h 15 : au nord-est de la gare. De nouveaux meurtres et enlèvements sont signalés à 17 h 54, 18 h 30, 19 h, 20 h et 20 h 40. Il ne semble donc pas que le calme soit revenu, ni à 13 heures ni à 16 heures.
En marge du journal figurent les commentaires d’une autorité (non identifiée) :
- à 16 h 40 : « Pourquoi n’est-il pas intervenu ? » en face de EGM 8/3 : « Européens
arrêtés et passés à tabac »
- à 17 h 10 : « explications ? » en face de : »prisonniers Européens dont 2 femmes
conduits à sûreté nationale et Chateauneuf »
- à 17 h 54 : « Ont-ils été voir ? » (il s’agit de corps d’Européens signalés place des
Victoires par le 4ème Zouave).
De nouveaux incidents sont signalés les jours suivants :
- le 6 juillet, le JMO manuscrit note de nouveaux enlèvements. A la morgue se trouvent 20 corps d’Européens et de 2 musulmans. A 21 h, le 67ème RI rend compte que 20 Européens ont été lapidés au Petit Lac par la population le 5 juillet.
- le 7 juillet, à 20 h 15, l’EGM 9/6 bis indique que des cadavres ont été jetés dans le Petit Lac.
- le 8 juillet, le 2/22ème RIMa et le 67ème RI signalent respectivement 28 et 20 Européens disparus.
- le 12 juillet, un bulletin du 2ème Bureau du 24ème CA rend compte de l’enfouissement de cadavres par bulldozer au bord du Petit Lac. Des photos prises d’hélicoptères (jointes aux archives) confirment qu’une fosse a été fraîchement comblée.
Certains renseignements signalés sont démentis peu après. Ainsi, le 7 juillet à 9 h 45, 27 pendus sont signalés dans un garage de police, avenue Albert 1er. Cette information est corrigée à 14 h 15 : renseignement faux. De même, aucun compte rendu ne fait état de 80 corps de musulmans à la morgue.

3 – Les journaux de marche des régiments

Les JMO des régiments ne signalent pas de tirs d’origine européenne, mais confirment que, malgré l’ordre de consigne des troupes, des unités sont intervenues dès 12 h. Le 4ème Zouaves observe le début des manifestations à 8 heures place Foch. « Une rafale de Pm est tirée par un musulman en robe verte, venant du boulevard Joffre, à 11 h 45…Tirs contre l’Opéra à 12 h 50 et 14 h. Les éléments de l’Opéra répondent par le feu…Un EGM arrive au cercle militaire à 15 h 30. »
Le 8ème RIMa fait intervenir plusieurs compagnies de 13 h 15 à 18 h. « Dès 13 h 15 un élément de la 3ème compagnie intervient pour dégager des Européens. Il est pris à partie par des tireurs musulmans…Des grenades offensives sont lancées contre les militaires français, ce qui entraîne une riposte et l’arrivée de renforts des autres compagnies. »
Le 5ème RI, le 67ème RI, le 45ème GAAL et le 2ème Zouaves sont également intervenus. Le 30ème BCP signale les manifestations du 5 juillet. Le bataillon est en état d’alerte mais n’intervient pas. Or la lettre de félicitation du colonel Nicolas, commandant le sous-secteur Est, indique que la 4ème compagnie (devenue 430ème UFL), aux ordres du lieutenant Kheliff, est intervenue dans le quartier Sanchidrian. Même constatation, l’intervention du lieutenant Doly-Linaudière (6) du 43ème RI n’est pas signalée par le JMO du régiment.
On peut ainsi affirmer que certains régiments sont intervenus par le feu, spontanément et sans ordre. Seuls les EGM ont reçu l’ordre d’intervenir, mais à 14 h 20 seulement. Ce n’est qu’à 15 h 30 qu’un EGM arrive au Cercle Militaire, selon le JMO du 4ème Zouaves. On notera que les EGM ne sont pas disposés entre les quartiers européens et musulmans, comme en rendait compte le message Pétunia, mais qu’ils sont installés dans un périmètre très restreint du centre ville.
Le lecteur attentif ne peut manquer de noter de notables contradictions entre la version officielle et celle des personnels de permanence ou des unités sur le terrain.

4 – Bilan des victimes

Un rapport de l’EM d’Oran signale (le 6 à 20 h 30) 21 morts européens et 2 musulmans à la morgue. Sur le registre du cimetière d’Oran figurent 25 morts non identifiés, qui pourraient être ceux de l’hôpital.
On sait que 500 dossiers de disparus sont établis à partir du 6 juillet par le docteur Alcquié, ancien adjoint au maire. Le Consul J. Erly recueille 400 plaintes pour 150 disparus.
Un TO du 7 juillet à 11 h de l’Etat-major d’Oran (7) indique 125 Européens disparus depuis le 5 juillet. Un TO du 14 juillet de l’EM d’Alger (8) porte ce nombre à 218 disparus. Ce chiffre paraît un minimum plausible, si l’on compare le nombre des disparus des mois de juin (471), de juillet (961) et d’août (407) pour l’ensemble de l’Algérie (9).
Il faut rappeler que le nombre des Européens disparus en Algérie s’élève à 875 de novembre 1954 au 19 mars 1962 + 3018 du 19 mars au 31 décembre 1962 + 382 en 1963 = 4275 (10). Un bulletin de renseignement du 25 août du Groupement C du 24ème CA rend compte : « Pas de vivants parmi les enlevés du 5 et 6 juillet (10).
Parmi les disparus signalés après le 19 mars 1962, 1282 ont été retrouvés. Le total des Européens disparus en Algérie s’élèverait ainsi à 4275 – 1282 = 2993 (11).

(1) Selon la loi du 3 janvier 1979, les archives mettant en cause la sécurité et la vie des personnes, la défense nationale ou la sûreté de l’Etat ne sont ouverts que 60 ans après les évènements, soit en 2022 pour la guerre d’Algérie. Toutefois le Ministre de la défense accorde des dérogations aux chercheurs qui sont jugés compétents et sérieux.
(2) Revue l’Histoire d’octobre, décembre 1994 et février 1995 (n° 181, 183 et 185).
(3) ATO : Auxiliaires Temporaires Occasionnels, musulmans récemment recrutés par la police.
(4) 1H 4734/2*
(5) Ce dernier ordre semble ne concerner que les blindés, les gendarmes mobiles, restés aux carrefours, ont signalé des incidents jusqu’à 19 h 35.
(6) Témoignage dans L’imposture algérienne. Ed .Philipacchi, 1992, p.245.
(7) 1H 3206/3*.
(8) IR 274*
(9) 1H 1791/3
(10) Secrétaire d’Etat aux Affaires algériennes, 8 mai et 5 novembre 1963, 24 novembre 1964.
(11) Il s’agit là d’ordres de grandeur, qui peuvent être contestés.



MARIE-FRANCE STIRBOIS


Marie-France Stirbois est décédée le 17 avril. Elle fut une figure emblématique de la droite nationale, combattant depuis plus de trente ans pour une certaine idée de la France.
Je l’ai connue dans les années 80, j’ai apprécié son charisme, sa pugnacité, sa fidélité en amitié.
Je garderai d’elle son sourire, sa gentillesse.
Mes pensées vont aussi vers Jean-Claude son compagnon. Qu’il sache que l’équipe d’AMEF INFO partage sa peine.
RS


PARCE QUE NOUS L’AIMIONS


C’était dans les années soixanthuitardes. Avec Marie-France Charles – elle ne deviendra Stirbois que plus tard – et une poignée de résistants, nous essayions de poursuivre nos études à Nanterre malgré les gauchistes qui nous poursuivaient. C’était le temps des amis de Mao, d’Ho Chi Minh, de Castro, de la gauche prolétarienne et des affidés de Cohn-Bendit.
Nous sommes passés plusieurs fois à deux doigts du lynchage. Mais nous n’avons jamais reculé. Parce que nous étions courageux ? Pas spécialement. Mais parce que Marie-France était là, qui nous regardait de ses yeux bleus, qui n’avait peur de rien, et qu’il n’aurait pas été question de la décevoir. Un soir, avec sa vieille VW hors d’âge, nous étions allés coller des affiches tous les deux en pleine nuit, dans la cité U de la fac. Une vingtaine de gauchistes haineux nous sont tombés dessus. Elle conduisait. Sans hésiter, elle fonça sur la horde qui n’eut que le temps de s’écarter.
- Et s’ils ne s’étaient pas écartés ? lui avais-je demandé alors que nous roulions vers Paris le cœur battant.
- Eh bien, ils ne se seraient pas écartés. Et ils auraient eu tort, m’avait-elle répondu en souriant de ce sourire qui n’appartenait qu’à elle.
Nous n’aimons pas cette méchante camarde qui est venue nous arracher Marie-France. Parce que nous avions encore besoin d’elle. Parce que nous l’aimions. Parce que nous avons ressenti un grand vide en apprenant qu’elle était partie. Et que nous savons que ce grand vide ne sera jamais comblé. Par personne.
Marie-France Stirbois était de ces personnes rares que l’on s’honore d’avoir connues et dont on s’honore d’avoir été l’ami. Il y avait jadis, dans le Reader’s Digest, une chronique qui s’appelait « La personne la plus extraordinaire que j’ai rencontrée. » Marie-France aurait eu sa place dans cette chronique. Parce que sa vie aura toujours été en parfaite conformité avec sa pensée.
C’est avec tristesse – et peut-être même de la rabia – que je vois aujourd’hui certains histrions, qui gâchèrent les dernières années de sa vie (et d’autres qui, par lâcheté, ne surent pas la défendre) venir verser des larmes de crocodile. Si leurs mauvaises manières lui firent du chagrin, beaucoup de chagrin, jamais ils ne purent entamer ses convictions ni ce formidable amour de la France qu’elle avait chevillé au cœur et à l’âme.
La dernière fois que je la vis un peu longuement et dans un entourage qui n’était composé que d’amis, ce fut chez Robert Saucourt qui habite la rue Charles-De-Gaulle d’un (par ailleurs) charmant village provençal C’est cette image là, apaisée, confiante, heureuse que je veux garder de mon amie. Loin des figures de carême, des faux-culs et des chevaliers à la triste figure. Marie-France est partie dans la lumière. Pour nous préparer le terrain. Elle était l’honneur de tout ce que nous aimons et de ce pour quoi nous nous battons. Et je sais qu’au royaume du grand Consolateur son âme fébrile peut prendre enfin un peu de repos.

Alain SANDERS


 

Lettre (prophétique) du Père Charles de Foucauld à René BAZIN
de l’Académie française (le 29 juillet 1916)

Ma pensée est que si, petit à petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial du nord de l’Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement nationaliste analogue à celui de la Turquie. Une élite intellectuelle se formera dans les grandes villes, instruite à la française, sans avoir l’esprit ni le cœur français, élite qui aura perdu toute foi islamique, mais qui en gardera l’étiquette pour pouvoir par elle influencer les masses. D’autre part, la masse des nomades et des campagnards restera ignorante, éloignée de nous, fermement mahométane, portée à la haine et au mépris des Français par sa religion, par ses marabouts, par les contacts qu’elle a avec les Français (représentants de l’autorité, colons, commerçants), contacts qui trop souvent ne sont pas propres à nous faire aimer d’elle. Le sentiment national ou barbaresque s’exaltera dans l’élite instruite. Quand elle trouvera l’occasion, par exemple lors de difficultés avec la France au-dedans ou au dehors, elle se servira de l’Islam comme d’un levier pour soulever la masse ignorante, et cherchera à créer un empira africain musulman indépendant.
L’empire Nord-ouest Africain de la France, Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique occidentale française etc., a 30 millions d’habitants. Il en aura grâce à la paix, le double dans cinquante ans. Il sera alors en plein progrès matériel, riche, sillonné de chemins de fer, peuplé d’habitants rompus au maniement de nos armes, dont l’élite aura reçu l’instruction dans nos écoles. Si nous n’avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu’ils deviennent Français est qu’ils deviennent chrétiens.
Il ne s’agit pas de les convertir en un jour ni par la force mais tendrement, discrètement, par persuasion, bon exemple, bonne éducation, instruction, grâce à une prise de contact étroite et affectueuse, œuvre surtout de laïcs français qui peuvent être bien plus nombreux que les prêtres et prendre un contact plus intime.
Des musulmans peuvent-ils être vraiment français ? Exceptionnellement, oui. D’une manière générale, non. Plusieurs dogmes fondamentaux musulmans s’y opposent. Avec certains, il y avait des accommodements. Avec l’un, celui du medhi, il n’y en a pas. Tout musulman (je ne parle pas des libres-penseurs qui ont perdu la foi) croit qu’à l’approche du jugement dernier le mehdi surviendra, déclarera la guerre sainte, et établira l’Islam par toute la terre, après avoir exterminé ou subjugué tous les non musulmans. Dans cette foi, le musulman regarde l’Islam comme sa vraie patrie et les peuples non musulmans comme destinés à être tôt ou tard subjugués par lui, musulman ou ses descendants. S’il est soumis à une nation non musulmane, c’est une épreuve passagère. Sa foi l’assure qu’il en sortira et triomphera à son tour de ceux auxquels il est maintenant assujetti. La sagesse l’engage à subir avec calme son épreuve. "L’oiseau pris au piège qui se débat perd ses plumes et se casse les ailes. S’il se tient tranquille, il se trouve intact le jour de sa libération", disent-ils. Ils peuvent préférer telle nation à une autre, aimer mieux être soumis aux Français qu’aux Allemands, parce qu’ils savent les premiers plus doux. Ils peuvent être attachés à tel ou tel Français, comme on est attaché à un ami étranger. Ils peuvent se battre avec un grand courage pour la France, par sentiment d’honneur, caractère guerrier, esprit de corps, fidélité à la parole, comme les militaires de fortune des XVIème et XVIIème siècles mais, d’une façon générale, sauf exception, tant qu’ils seront musulmans, ils ne seront pas Français. Ils attendront plus ou moins patiemment le jour du medhi, en lequel ils soumettront la France.
De là vient que les Algériens musulmans sont si peu empressés à demander la nationalité française. Comment demander à faire partie d’un peuple étranger qu’on sait devoir être infailliblement vaincu et subjugué par le peuple auquel on appartient soi-même ? Ce changement de nationalité implique une sorte d’apostasie, un renoncement à la foi du medhi.

 

BREVES

- Marseille vient de rendre un hommage appuyé à Gaston Deferre à l’occasion de la date anniversaire de sa mort.
Nous, les Pieds Noirs, nous nous souviendrons surtout de cet homme qui voulait nous rejeter à la mer. Alors nous ne pleurerons pas sur son souvenir.

- Savez vous que lors des élections françaises (en France donc) de nombreux électeurs vont aux urnes en Algérie, ce sont « des Français de l’étranger ». Ils votent car ils ont la nationalité française, une carte d’identité française, et s’ils vivent en Algérie c’est qu’ils sont Algériens et qu’ils ont sûrement une carte d’identité algérienne. Mais voila la grande et généreuse nation française les considère comme ses enfants alors de là-bas ils peuvent intervenir dans nos affaires. Peut-être pour préparer la conquête d’un pays qu’ils haïssent mais qui les nourrit !

- Suite aux différents courriers reçus, Madame le Maire de Saint-Paul-le-Jeune en Ardèche a décidé de donner le nom de Place des Anciens Combattants d’AFN à la voie initialement prévue pour être dite du « 19 mars 1962 ». Exemple à suivre si d’autres villes décident de prendre fait et cause pour la FNACA.




 
Association pour la mémoire de l'Empire français (AMEF) L'association a pour objet de maintenir le souvenir de l'épopée et de l'oeuvre française outre-mer. Elle défend également la mémoire de tous ceux qui ont fait tant de sacrifices pour le rayonnement de la France à travers le monde.