QUESTIONS A SERGE JOURDES DE L’A.C.U.F.


Un universitaire a consacré récemment un ouvrage au SAC (Service d’Action Civique).
Il s’agit de : « L’histoire du SAC, la part d’ombre du gaullisme » de François Audigier (stock 2003).
L’auteur insiste sur le fait que le SAC était une organisation conservatrice de choc. Il révèle que des militants « Algérie Française » et anciens de l’OAS l’ont rejoint après 1968. Il cite parmi les cas concernés, celui de Serge Jourdes, ami de l’AMEF, responsable de la remarquable revue « Rizières et Djebels », ancien cadre du combat pour l’Algérie Française (Barricades et OAS).
Nous avons décidé de l’interroger sur cet épisode de son combat politique.

AMEF : Serge Jourdes, comment un ancien de l’Algérie Française comme vous a-t-il pu décider de rejoindre le SAC ?

S. Jourdes : Début 1977, je suis directeur régional d’une société « Rhonalcop » dont le PDG est Jacques Torre. Il me demande d’aller négocier deux charges foncières auprès de la « Sempel » à Orléans dont le directeur est monsieur de Lanurien, frère du colonel de Lanurien ancien gouverneur militaire de la région d’Orléans.

     

Monsieur de Lanurien connaît mon passé et me suggère de m’arrêter au retour à Conflans sur Loing, petite bourgade où vit le général Massu, qui serait heureux de me revoir (il fut le parrain de ma compagnie opérationnelle en Algérie, et a témoigné en ma faveur au procès des Barricades).
Il me reçoit et me déclare : « mon cher camarade, il faut sauver la république, Giscard est un « c.. », s’il se représente il nous amènera la gauche au pouvoir. Vous connaissez Saint-Marc, Gardes, vous avez des relations à Lyon, voyez les associations d’action civique. De Gaulle est mort, l’Algérie c’est fini, il faut réveiller les nationaux, malheur à la France si la gauche prenait le pouvoir. »
A Lyon, dans le cadre de mes nouvelles relations avec les associations d’action civique, on m’invite à aller assister à une manifestation à Grenoble. On me présente un certain Henri Mazoué, nous sympathisons, il me dit être « Algérie Française » et que son président Pierre Debizet ne porte plus qu’une cravate noire depuis l’indépendance ; et que lui-même militant au sein d’une association d’action civique. Pour ma part j’ignore encore la signification des initiales SAC.
En fin d’après midi, il me raccompagne à Lyon et me confirme que son association est le SAC. Refus de ma part d’avoir le moindre contact avec ce service créé par de Gaulle et qui a été contre nous.
Le nom du colonel Gardes est lâché, il serait en relation étroite avec Pierre Debizet.
Je décide de vérifier cette affirmation qui me parait surprenante, voire impossible.

AMEF : Etait-ce exact ?

S.J. : Le lendemain, je téléphone à Jean Gardes, qui me demande de monter à Paris.
Je m’entretiens également avec le commandant de Saint-Marc à Lyon ; il me déclare à son tour : « il faut noyauter le SAC, connaître son importance plus de 7 ans après la mort de De Gaulle, évaluer la possibilité de récupérer des éléments valables, anciens paras, éventuellement d’anciens OAS ».
Je décide de monter à Paris, le colonel Gardes me dit que nous sommes invités à dîner chez Pierre Debizet.
Rendez-vous pris au cercle militaire où je retrouve Jean Gardes en compagnie du colonel Buchoud que je ne connais pas. Présentation, le colonel Buchoud me demande de rester aux ordres de Gardes qui, me dit-il, a la plus grande confiance à votre égard.
Après le dîner chez Debizet, le colonel Gardes me raccompagne à mon hôtel et me répète : « il faut que vous acceptiez cette mission ».

AMEF : comment s’est déroulée votre première réunion avec le SAC ?

S.J. : Pierre Debizet et Henri Mazoué réunissent les adhérents du Rhône, une centaine de personnes, après le discours de Debizet, près de la moitié partira, ceux qui restent sont jeunes, moyenne d’age 25 ans.
Visite au préfet de police, au directeur des RG. Pour faire du service d’ordre, un peu de renseignement, action civique : zéro.
Je dis à Gardes que tout cela ne vaut rien, je demande à Saint-Marc de dire à nos amis que j’étais en mission. C’est ce qu’il fera lors d’une réception chez lui à Lyon. J’informe Debizet de mon départ ; il me demandera de ne pas démissionner et de rester près de lui à Paris.

AMEF : Mais n’avez-vous pas été choqué par rapport à l’engagement du SAC contre l’OAS en 1962 ?

S.J. : Lors de l’assemblée générale du SAC en 1977. Pierre Debizet m’a demandé de venir à Paris. Il m’a présenté à Jacques Foccard à qui j’ai posé la question suivante : « Monsieur Debizet m’a affirmé pour me convaincre de rejoindre le SAC que celui-ci n’aurait jamais eu aucune action contre l’OAS, qu’en est-il ? ».
Affirmation de Foccard, qui me donne sa parole et ajoute que le combat contre l’OAS avait été organisé par messieurs Tricot et Lemarchand conformément aux ordres de De Gaulle.
Propos recueillis par la rédaction d’AMEF Info.

Notes
Jean-Claude PEREZ, rencontré le 18 décembre 2003, m’a assuré de sa sympathie pour Serge Jourdes, confirmant la relation faite par celui-ci au cours de l’entretien ci-dessus rapporté. R.Saucourt.