INDOCHINE MAI 1954 – MAI 2004 : IL Y A 50 ANS, DIEN BIEN PHU
   
 


 
MAI 1954 – MAI 2004 : IL Y A 50 ANS, DIEN BIEN PHU

Le camp retranché de Dien Bien Phu avait été installé pour s’opposer à la menace vietnamienne au Nord Laos. Giap, en effet, projetait d’envahir le Laos (déjà partiellement occupé par ses troupes début 1953) et de foncer sur Luang_Prabang. Il fallait l’en empêcher.
En novembre 1953, le général Navarre décide de s’installer à Dien Bien Phu, considéré comme la « porte du Laos » et déjà occupé par un régiment vietnamien. Le 20 novembre, les six bataillons paras de l’opération « Castor » (menée par le général Gilles) sautent sur Dien Bien Phu. Ils en prennent immédiatement le contrôle.
André Teulières, auteur de La guerre du Viêt-Nam 1945-1975 (Lavauzelle) écrit :

« Dans l’esprit du commandement français, il s’agissait d’établir une base d’ampleur limitée destinée à faire face à des unités d’infanterie elles-mêmes limitées ; des études d’état-major avaient en effet conclu que les ressources de la région ne pourraient permettre de faire vivre plus de deux divisions et de vingt mille coolies. Si, par extraordinaire, des éléments d’artillerie faisaient leur apparition du coté vietnamien, l’artillerie française devait être en mesure de les réduire rapidement au silence. »

Souffrance et héroïsme

Compte tenu de ces données, la garnison fut fixée à 10 800 hommes. Parmi lesquels, très bientôt plus de 60 % de Vietnamiens et de paysans Thaï venus à Dien Bien Phu pour se battre contre les communistes. Il importe de le rappeler sans cesse. De la souffrance et de l’héroïsme de ces soldats Français, Indochinois, Nord-africains, Sénégalais, les médias aux ordres ne vous diront jamais rien. Comme ils taisent la présence à Dien Bien Phu, jusqu’à la fin de la bataille, de jeunes femmes Indochinoises – « le repos du guerrier », diront les imbéciles- qui soignèrent les blessés avec un dévouement admirable. Capturées par les rouges, elles furent toutes assassinées. Pas une d’entre elles n’acceptera de renier le drapeau français.
On sait que les communistes avaient choisi de « de mettre le paquet » sur Dien Bien Phu et d’y remporter une victoire psychologiquement spectaculaire. Vers la fin du mois de janvier 1954 Dien Bien Phu est encerclé par 4 divisions d’infanterie – les 316, 308, 304 et 312 -, la division lourde 351, 80 000 coolies, taillables et corvéables à merci.
Début février, les travaux de siège sont commencés. A partir de la base de Tuan-Giao, qui servit de pivot aux mouvements gigantesques de l’effort de guerre vietnamien, les coolies assurèrent un débit de 50 tonnes de ravitaillement autour d’une garnison qui dépendait, elle, entièrement du bon – ou du moins bon – fonctionnement d’un pont aérien de plus en plus difficile.
Prêts à l’assaut, les communistes – qui voulaient arriver à la conférence de Genève avec le maximum d’atouts – passèrent à l’attaque le 13 mars 1954.
Deux positions françaises avancées vont tomber en quelques heures. Elles avaient été préalablement matraquées par des feux d’artillerie dont personne n’avait soupçonné la puissance : 24 pièces de 105, 15 pièces de 75, 20 mortiers de 120, 36 canons de DCA de 37, 30 mitrailleuses de DCA de 12,7…
Deux bataillons de paras furent envoyés au massacre : ils ne purent reprendre ces deux positions avancées où les Viets étaient désormais solidement ancrés. La défense se concentra, dès lors, dans la position centrale du camp retranché. Mais, à partir du 28 mars, l’utilisation du terrain d’atterrissage étant devenue plus qu’aléatoire, les défenseurs de Dien Bien Phu furent, il faut le dire, abandonnés à leur triste sort.


Le lâchage américain

Pierre Rocalle, auteur d’une somme historique intitulée : Pourquoi Dien Bien Phu ? (Flammarion, 1968), écrit :
« La conduite de la bataille terrestre et aérienne qui se déroula du 13 mars 1954 au 8 mai 1954 relève seulement de la tactique. Dans le camp français, c’est l’addition des fautes locales et l’absence d’une intervention de l’aviation de combat américaine qui déterminèrent la chute de Dien Bien Phu, tandis que dans l’autre camp c’est l’acceptation de grands sacrifices et l’assistance accrue de la Chine qui apportèrent le succès. »

 









 

L’absence d’une intervention de l’aviation de combat américaine..En mars 1954, le général Ely s’était rendu en mission aux Etats-Unis. Il avait pu convaincre le général Eisenhower de la nécessité de sauver Dien Bien Phu. Le président américain avait alors chargé l’amiral Redford d’étudier tous moyens appropriés.
L’amiral Redford proposa de lancer l’opération « Vautour ». Elle consistait à utiliser 60 bombardiers B29 avec une escorte de 150 chasseurs de la VIIe flotte pour effectuer un raid en force contre les forces vietnamiennes qui assiégeaient le camp. Une telle opération bénéficiait de l’appui du secrétaire d’Etat Américain aux affaires étrangères, John Foster Dulles,

un anticommuniste conséquent.
Le congrès américain, de son côté, fit part de son souci de ne point apparaître – aux yeux de qui ? de l’ennemi communiste ? – comme le soutien du colonialisme français.
Le 5 avril 1954, le président du Conseil français, Joseph Laniel, convoqua officiellement l’ambassadeur des Etats-Unis en France pour lui demander que soit déclanchée l’opération « Vautour ».
L’ambassadeur américain, Douglas Dillon, transmit à son gouvernement. Des considérations de politique intérieure (et, sans doute, de fortes pressions anglaises) firent que l’opération « Vautour » ne fut jamais déclenchée.
Le 23 avril, Bidault entra en contact avec Foster Dulles pour lui répéter que, faute d’une intervention des B29 américains, Dien Bien Phu était perdu.
« Autant que je vous le dise, répondit Dulles, nos bombardiers n’interviendront pas. »
Plus tard, Bidault prétendit que Dulles lui avait proposé « deux bombes atomiques ».

Des conséquences incalculables

Le retentissement de la chute du camp retranché, le 7 mai, fut immense. André Teulières note cependant :
« Sur le plan général, les conséquences de la chute de Dien Bien Phu psychologiques et politiques furent assurément considérables ; sur le plan militaire, elles le furent moins malgré les apparences ; certes le corps expéditionnaire avait perdu une forte proportion des solides unités de choc qui constituaient son fer de lance (paras et Légion), mais cela représentait seulement 5 % ou 6 % de ses effectifs globaux, ce qui ne le mettait donc pas hors de combat, loin de là. Enfin, sur le plan stratégique indochinois, Dien Bien Phu avait rempli son rôle en empêchant l’invasion du Nord Laos et en détournant le Vietminh de l’attaque du delta tonkinois pendant la saison sèche 1953-1954. C’était bien le seul résultat positif de la bataille, mais qui avait été payé bien cher ! »
Les accords de Genève furent conclus dans la nuit du 20 au 21 juillet 1954. Les mauvais coups se font souvent la nuit ! Le parlement les approuva le 22 juillet par 569 voix contre 9. Le 21 juillet, au lendemain des accords, Eisenhower déclara :
« Tout renouvellement d’agression communiste serait considéré par nous comme une affaire gravement préoccupante. »
Force et faiblesse des mots…
L’Indochine, après ces accords de « paix », entrait dans une nouvelle guerre. La valeur de deux promotions entières de Saint-Cyr, cent mille soldats dont un cinquième de métropolitains, avaient donné leur vie, pour l’Honneur. A Dien Bien Phu, le 7 mai 1954, on avait sacrifié une certaine idée de la France. On ne l’a pas encore retrouvée.
Alain Sanders.

Association pour la mémoire de l'Empire français (AMEF) L'association a pour objet de maintenir le souvenir de l'épopée et de l'oeuvre française outre-mer. Elle défend également la mémoire de tous ceux qui ont fait tant de sacrifices pour le rayonnement de la France à travers le monde.