Le
Général WEYGAND à ALGER
Entretien avec Georges HIRTZ . A propos
du livre de Georges HIRTZ
« WEYGAND Années 1940 / 1965 ».
256 pages, prix : 22 € + frais de port : 4€ Commande
à adresser chez l'auteur Georges HIRTZ
Al Koudia - Hauts de Malouesse -
13080 LUYNES
Tel. 04 42 24 11 94
Une remarquable édition dont il a l’art et le talent,
comme toutes celles qu’il a publiées, et qu’on
a plaisir à regarder, à tenir en mains et à
lire. En page de couverture, une très sympathique photo,
prise au Palais d’Hiver à Alger, du Général
Weygand, dont la sérénité s’impose
au lecteur tout au long de ce récit.
Un ouvrage à avoir dans sa bibliothèque.
Il s’est prêté avec amitié à
quelques unes de nos questions.
Georges Hirtz, pourquoi ce livre ?
C’est un projet que j’avais depuis longtemps. C’est
un devoir de mémoire, mais surtout de vérité
et d’équité à l’égard
de ce chef prestigieux qui a préparé la revanche
dès la signature de l’armistice le 16 juin 1940.
Trompant l’occupant, il a permis à l’ Armée
d’Afrique de reprendre le combat dans les semaines qui suivirent
le débarquement allié du 8 novembre 1942, jusqu’à
la victoire finale, à laquelle elle aura pris une part
brillante.
Vous avez connu et approché intimement le général
Weygand. Pouvez-vous nous en rappeler les circonstances?
En septembre 1939, Administrateur à Aflou, j’ai été
rappelé sous les drapeaux et affecté à la
Compagnie Saharienne du Touat. Démobilisé en juillet
40, après la défaite, j’ai rejoint Aflou.
Je n’y suis resté que quelques jours car début
août un télégramme du Gouverneur Général
me renvoyait à Kenadsa, aux Houillères du Sud oranais,
qui était pratiquement le seul gisement charbonnier important
de l’Afrique du nord.
J’avais pour mission de créer les conditions de vie
acceptables pour les quelques 8.000 mineurs de toutes origines
que cette exploitation intensive réclamait. Il fallait
tout imaginer : le recrutement, les logements, l’hébergement,
le ravitaillement, le réseau sanitaire, les distractions…..et
tout cela seul, sans le moindre collaborateur, avec comme unique
moyen de locomotion, un cheval et un tilbury.
Une pancarte affichée au pied du mât, où flottaient
nos trois couleurs, proclamait :
« Objectif : 1.000 tonnes par jour. »
Pour en assurer l’acheminement il a fallu aussi améliorer
le réseau ferré Transsaharien existant, le fameux
« Mer-Niger »
Le 6 septembre 1940, le Général Weygand est nommé
Délégué Général du Gouvernement
en Afrique et Commandant en Chef des Forces Armées.
Son proconsulat n’avait d’autre but que de préserver
à tout prix l’intégrité de la communauté
franco-africaine et éviter que l’Allemagne ne porte
la guerre sur ces territoires. Cette position personnelle était
conforme à son premier message adressé fin juin
1940 aux débris de l’armée française:
« Le premier devoir d’une armée battue est
de préparer la revanche, de préparer l’encadrement
et l’armement des futures unités de combat et, plus
encore, d’entretenir la flamme de la revanche qu’il
ne faut à aucun prix laisser s’éteindre…..
»
Le 6 janvier 1941, effectuant une inspection détaillée
et minutieuse à Kenadsa, il souligne l’importance
vitale de notre exploitation, étant donné la rareté
des carburants et le blocus que nous imposent les forces britanniques.
Au cours de son allocution, il nous exprime sa satisfaction et
ajoute:…
« L’armistice n’est qu’une pause temporaire
obligée. Le devoir est clair, c’est dans
l’effort et dans l’union que nous pourrons préparer
des jours meilleurs et nouveaux »
En aparté, il me dit:
« Les Allemands finiront bien par s’essouffler.
L’essentiel est de tenir jusqu’à que les Etats
Unis entrent dans le conflit, et ils y entreront »
Ce fut ma première rencontre avec le Général
Weygand.
Cinq mois plus tard, il se verra confier, en plus de sa charge,
celle de Gouverneur Général de l’Algérie
et va m’appeler pour devenir le chef de son cabinet civil,
honneur que j’acceptais avec joie. Malheureusement cette
collaboration cessera le 17 novembre 1941, lorsque le gouvernement
ment de Vichy cède à la pression allemande qui réclame
le retour de Weygand et son écart définitif des
territoires africains.
Après le débarquement anglo-américain en
Afrique du Nord du 8 novembre 1942 il est arrêté
par la gestapo et envoyé en captivité en Allemagne.
Cette déportation durera 30 mois, jusqu’à
la victoire des alliés le 8 mai 1945. Dès son retour
en métropole, De Gaulle va le jeter en prison sous l’inculpation
d’atteinte à la sûreté intérieure
et extérieure de l’Etat et le fera déférer
devant la Haute Cour de Justice. Celle-ci le mettra en liberté
provisoire le 6 mai 1946 et prononcera un non-lieu définitif
le 8 mai 1948, soit 2 années de perdues pour cet homme
alors âgé de 81 ans !
Entre temps nous avions renoué des relations très
étroites qui se poursuivirent jusqu’à sa mort
le 28 janvier 1965, il avait 98 ans.
Pour quelles raisons De Gaulle lui vouait une telle haine ?
Souvenez-vous que De Gaulle a poursuivi beaucoup de personnalités,
et en toutes circonstances. Le Maréchal Pétain,
bien sûr, et beaucoup d’autres responsables gouvernementaux,
sous l’accusation de collaboration, souvent infondée.
La libération a été une période révolutionnaire.
Et plus récemment avec la guerre d’Algérie,
ce fut le cas de plusieurs généraux (dont Challe,
Zeller, Salan, Jouhaud), d’officiers et défenseurs
de l’Algérie Française, et n’oublions
pas ceux qu’il fit fusiller. La Haute Cour de Justice ou
le Haut Tribunal Militaire étaient chez cet homme rancunier
une véritable obsession.
Concernant Weygand, il l’a poursuivi de sa haine même
après sa mort, en lui refusant l’hommage solennel
d’une messe et les honneurs militaires aux Invalides, attendus
par une énorme majorité du peuple qui, faute de
mieux, les lui rendit à Saint-Philippe-du-Roule, au cours
d’une cérémonie particulièrement émouvante.
Il n’a jamais manqué de sanctionner tous ceux qui
pouvaient lui faire de l’ombre : Giraud, De Lattre, Juin
et tant d’autres !
De Gaulle, qui se prétendait profondément chrétien,
ne pardonna pas. Il ne peut pas supporter de Weygand ses actes,
sa loyauté, ses succès, l’importance de sa
part dans la revanche, dans l’effacement de la défaite,
en un mot sa réussite.
Mais on n’efface pas l’œuvre de Weygand, sa contribution
au redressement du pays et à la reprise victorieuse du
combat qui furent ses uniques motivations.
Dans son dernier livre, « En lisant les mémoires
de guerre du Général De Gaulle », il démonte
toutes les machinations, dénonce les erreurs et rétablit
les vérités car, et il l’a écrit, «
il y a une grande différence entre écrire des histoires
et écrire pour l’Histoire ». Ce livre est une
réponse post mortem à toutes les avanies dont il
a été injustement l’objet. Et on peut affirmer
que mort, Weygand est encore plus gênant que De Gaulle,
car la réalité des faits finit toujours par s’imposer.
Pour conclure, je rappellerai cette citation du Général
Weygand, tirée du livre cité ci-dessus, répondant
à la confusion volontaire et calculée de De Gaulle
entre armistice et capitulation :
« ...responsable de l’honneur de l’armée,
convaincu que l’armistice était la solution à
rechercher, j’ai refusé de capituler. J’ai
pris mes responsabilités, tout prêt à en supporter
les conséquences. J’aurais compris que l’on
me dise : « vous ne voulez pas capituler, continuez à
vous battre »; que l’on me destitue, ou qu’on
me traduise devant un Conseil de Guerre pour refus d’obéissance
Je n’ai pas revendiqué pour le soldat que je suis,
le droit d’imposer ma volonté au gouvernement de
la République. J’ai usé du droit que l’on
ne peut refuser à tout homme, et encore moins à
un chef, d’agir selon ce que lui commandaient sa conscience
et son sentiment de l’honneur.
Si j’avais tort, si le gouvernement était fermement
convaincu que le salut du pays dépendait de la solution
qu’il préconisait, il avait le devoir de l’imposer…
J’ai déjà dit ce que je pense du procédé
qui consiste à prêter à autrui des mobiles
aussi bas, aussi lâches que possible. Je regrette d’avoir
à y revenir… je suis obligé également
de déclarer qu’en créant l’équivoque
entre capitulation et armistice, on a donné naissance -
et on perpétue– à une erreur historique contre
laquelle je m’élève avec autant de conviction
que d’énergie... ». |